La raison à la dérive, Sambre avait baissé les armes.
Comme il s’en voulait, presque honteux d’avoir perdu le combat contre sa raison. Pourtant sa poitrine se gonfle de satisfaction et de plaisir lorsqu’il cède à l’appel d’une unique sirène, celle qui le serrait entre ses bras avec force dès que leurs lèvres se sont scellées.
L’étreinte brûlante le fait soupirer, ses yeux se sont fermés pour se laisser envahir par les sensations qui lui font l’effet délicieuse d’une drogue particulièrement douce dans ses veines.
La seconde est déjà bien largement dépassée quand Asclepios murmure et le fait chavirer. Sambre ne lui en veut pas, se faisant violence pour se rappeler, le souffle court, que tout cela n'était qu'un rêve éphémère qu’il avait provoqué.

- Ne dis pas…

Sa voix s’échoue une nouvelle fois sur les lèvres d’Asclepios alors qu’il se sent frémir quand ce dernier s’aventure au-delà de la barrière de tissu imposée par ses vêtements. Celles de Sambre, au contraire, tentent de se raccrocher à la réalité en serrant les poings contre le torse contre lequel il s’est abandonné. Dans un gémissement qu’il aurait aimé discret, partagé entre la frustration et l’urgence de la situation. L’empoisonneur relâche cette bouche trop enivrante pour tenter de remettre un peu de distance entre eux, détournant le visage vers la table basse, en feu.

- Stop… Le test est… terminé, je crois. L’antidote... Sur la table…

feat Asclepios A. Cavendish uwu

Chaque baiser, chaque caresse sont des marques incandescentes sur la peau qui n’a de cesse de frissonner violemment. Comme des marques au fer rouge qui brûlent, traversent la chaire, pénètrent l’âme. La chute est vertigineuse. Mortelle.
Un rire nerveux passe les lèvres de Sambre.

- C’est vrai que nous sommes rarement tendres.

Ce n’est pas un reproche. Aussitôt dit, aussitôt regretté, de peur que cela soit mal interprété.
Quand Sambre se noie à nouveau dans les yeux d’Asclepios, il a l’impression que son combat est perdu d’avance. Et si l’athlète résistait de toute évidence très peu au philtre d’amour, Sambre de son côté, résistait très mal à l’illusion parfaite de se sentir aimé par lui.

C’était un facteur qu’ils n’avaient pas pris en compte, ni l’un, ni l’autre : Asclepios entre deux eaux, conscient de ce qu’il ne ressentait pas, désireux de le ressentir pourtant maintenant qu’il y goûtait. Ses demandes se font suppliques aux oreilles de son empoisonneur. Qui n’a jamais rien su lui refuser. Encore moins quand lui-même savait le bonheur que c’était d’aimer.

- C’est de la folie Asclepios.

Plus que de la folie, c’était sacrificiel.
C’était une torture partagée qui ne laissera aucun esprit indemne. Ils avaient joué, et ils sembleraient qu’ils aient également perdu. La gorge de Sambre se noue. Les mots le font trembler, comme toujours, faisant se fissurer son cœur sous le poids de la vérité, alors qu’il passe ses doigts dans les cheveux d’Asclepios.

- Qu’est ce qui se passera ensuite… ?

Ce n’était pas vraiment une question qui leur était destinée. Sa voix tremble et son corps brûle. Alors qu’il souffle comme un aveu.

- Tu sais que je ne peux pas te dire non.

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Sambre avait parié que la question viendrait, sur la tendresse, la douceur, après tout, il avait regretté sa remarque dès qu’elle avait passé ses lèvres qu’il mordille nerveusement sur le moment. Pourtant sa réponse ne tarde pas.

- Non. Ce n’est pas du regret Asclepios.

Sous ses doigts, Sambre frissonne, comme d’habitude. Rien ne change. Ses reins se cambrent, son souffle se réchauffe, ses yeux se ferment brièvement pour n’avoir qu’à ressentir les mains de son amant contre sa peau qui s’échauffe. Il aimerait pouvoir s’arrêter de penser aux conséquences pour se laisser bercer.

- Ce n’est pas réel.

Cette phrase qu'il répète sans cesse dans sa tête depuis plusieurs minutes maintenant passe la barrière de ses lèvres sans qu’il ne s’en rende compte. Son esprit est grisé par le corps contre lui. Ses mains glissent de son torse pour venir enlacer son cou lentement afin de maintenir cette proximité qui le rend fou.

Sa fermeté lui fait échapper un soupir bien plus alanguit.
En guise de réponse, car il se refuse à la formuler de vive voix pour l’instant, ses lèvres viennent se perdre contre la gorge d’Asclepios en quelques baisers éparses et tendres. Occuper sa bouche ainsi lui évite alors de risquer un aveu qui le détruirait ensuite.

- A quel point tu pourrais m’aimer, Ascle. A quel point tu pourrais…

Il corrige, entre chaque mot, un baiser. Il doit corriger ce voile de mensonges sur leur vérité. Mais c’est plus pour lui que pour son amant qu’il le fait, alors que ses doigts se perdent dans ses cheveux et que ses lèvres viennent chercher les siennes tendrement avant de souffler contre celles-ci, la douleur dans la voix, et le cœur battant à tout rompre.

- J’en meurs d’envie Asclepios. Pas parce que je regrette ce que tu ne peux pas m’apporter.

Encore un baiser, fugace, alors qu’une de ses mains coule le long du torse de l’athlète pour en savourer les reliefs à travers le tissu du vêtement. Cette fois, son regard violine analyse un peu plus ses réactions quand il le touche.

- Je meurs d’envie de tout te donner, et de te permettre de ressentir tout ce que tu voudras ressentir, si c’est ce que tu désires.

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Cessant ses gestes un instant, alors qu’Asclepios vient se blottir dans son cou, Sambre ferme brièvement les yeux pour simplement le serrer dans ses bras. Une étreinte presque innocente comme pour le rassurer, ou pour se convaincre que tout allait bien se passer.
A nouveau, ses doigts glissent lentement dans ses cheveux, profitant de sa proximité pour inspirer profondément l’odeur de sa peau et le parfum qui s’échappe de sa chevelure et de ses vêtements. Et il laisse doucement son cerveau s’embrumer à nouveau.

- C'est juste que...

Sa voix n'est qu'un souffle.

- J’ai peur qu’une fois que tu y auras goûter, tout le reste te semble fade et sans saveur à côté.

Ses doigts se serrent machinalement sur le tissu qu’il agrippe avec force comme pour se raccrocher une dernière fois à la réalité.

- J’ai peur que tu me laisses, quand tu auras compris certaines choses.  

Il l’a senti reculer alors Sambre a de nouveau ouvert les yeux et le spectacle des joues ruisselantes de larmes le cloue sur place. Sa gorge se noue, et il baisse les yeux sur le bout des doigts d’Asclepios qui tente en vain de faire disparaître les traces de sa douleur sur son col et le tissu qui recouvre son épaule.

- J'aimerais que tu puisses me promettre que ça ne changera rien, que cette parenthèse ne te fera pas fuir, alors j’arrêterai de rester stupidement sur mes positions, quand j’ai juste envie de céder.

Cette fois, c’est à lui de resserrer son étreinte pour empêcher Asclepios de reculer davantage.

- De tout te céder.

Alors qu’il savait pertinemment qu’il ne pouvait rien promettre.

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Le baiser avait aspiré ses dernières résistances et détruit les derniers remparts de sa raison qui avaient tenté tant bien que mal de tenir bon.
Le baiser avait été rendu un millier de fois, jusqu’à plus soif, et jusqu’à en perdre le souffle mais sans jamais se lasser.
Les caresses avaient effacé les sillons laissés par les larmes et le désir avait repris ses droits sur la peur et l’hésitation.


Chatouillé par les rayons du soleil qui filtrent à travers la fenêtre, Sambre plisse le nez et se laisse tirer du sommeil en geignant, s’étirant lentement dans le lit défait d’Asclepios, tardant à ouvrir les yeux pour ne pas quitter trop rapidement sa torpeur.
Finalement, il consent à entrouvrir les paupières pour fixer le plafond.

Les souvenirs de la veille l'assaillent si vite qu’il aurait presque l’impression de sentir la pièce tourner tout autour de lui, à l’image d’une redescente vertigineuse après une dose de sa meilleure drogue.
A cette pensée, il se redresse sur les coudes pour couler un regard sur Asclepios. Chaque mouvement qu’il fait rappelle leur nuit à son bon souvenir mais il s’assoie malgré tout sur le lit, contemplant l’athlète qu’il a rarement le plaisir de pouvoir contempler dans son sommeil, souvent réveillé le premier.

Refusant de se poser immédiatement une multitude de questions, il se glisse hors de lit sans un bruit et vole à Asclepios quelques vêtements propres comme il en a l’habitude. Les siens sont de toute façon probablement encore dans le salon.

Et toujours silencieux, Sambre rejoint ce dernier pour récupérer la fiole d’antidote qui trône toujours sur la table basse, inutilisée.
Par réflexe, il la secoue, en observe la couleur avant de remonter jusqu’à la chambre, et glisser à nouveau dans le lit.

- Ascle…

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A genoux dans les draps froissés, Sambre sent son coeur se serrer en posant les yeux sur les sillons humides, illuminés par les faibles rayons du soleil qui filtrent à travers la fenêtre. Alors, avant qu’Asclepios ne retourne à la réalité, son amant désolé vient essuyer du bout des doigts ses joues mouillées d’amour et de douleur en retenant des mots inutiles et des larmes déplacées.

Le cœur au bord des lèvres, le jeune homme regarde la potion disparaître entre les lèvres de l’athlète qui l’a avalé sans résistance. Conscient de devoir la prendre. Toujours silencieux. Sans oser un regard.
Un antidote. L'appellation lui donnerait presque la nausée sur le moment.

Pour laisser Asclepios revenir doucement, Sambre garde sagement le silence, se rasseyant sur le matelas, jouant avec le drap qu’il a tiré à nouveau sur ses jambes. Patient, ses yeux vont et viennent régulièrement sur son amant pour surveiller la redescente.
Jusqu’à ce que sa voix lui parvienne enfin. Lui arrachant un léger sourire, bien que la surprise se lise aussi sur son visage.

- Peut-être que tu prends le problème à l’envers. C’est moi qui suis particulièrement brillant en matière de potions.

Son ton léger et tendre contraste avec les aiguilles qu’il a dans le cœur depuis qu’ils se sont endormis dans les bras l’un de l’autre, appréhendant le retour à la réalité plus que tout autre chose sans pouvoir se permettre de le laisser paraître.
Il n’oubliait pas les larmes.

- Bien ? Je crois que oui… même si le bilan est mitigé.

Ses doigts tentent une approche, vers la main d’Asclepios qu’il effleure délicatement, redessinant le relief de ses os, de ses veines, remontant délicatement sur son bras avant de suspendre son geste, de peur que la sensation de ce contact soit trop fade, et de ce fait, un peu trop brutale, un peu trop pressante.

- En un sens, je vais bien. D’un autre côté, je me sens coupable.

Tentant un sourire, il reprend.

- Et toi Ascle ? Comment tu te sens ?

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A nouveau silencieux, Sambre mâchonne nerveusement sa langue malgré cette main qui s’est posée sur la sienne, malgré ces lèvres qui y déposent finalement un baiser. Et il hausse les épaules, particulièrement doué pour ce genre de non-réponse dont il abuse quand il craint de se lancer dans un débat qui ne mènera nulle part. Pour être honnête, jamais il n’avait imaginé qu’Asclepios puisse être résistant à la potion. Tout le long de sa préparation, il n’avait eu de cesse de se dire que l’idée était mauvaise.
Mais il était allé au bout, parce qu’il n'apprend rien sans avoir d’abord mordu la poussière.

- Je me sens coupable parce que je savais au fond, que ça ne fonctionnerait pas.

Ramenant ses jambes contre lui, il les entoure de ses bras pour observer Asclepios se mouvoir sous ses yeux, égal à lui-même, inchangé.
Il aurait fallu être bien idiot, pour croire que la potion aurait pu changer quelque chose à la réalité. Et venant d’un potionniste aussi chevronné que lui, la honte est immense. Mais la leçon est apprise. Du moins il semble.

- Ne t’inquiètes pas, je ne comptais pas te demander de recommencer.

Il ne voulait pas lui infliger ça non plus. Car il se souvenait toujours des larmes, bien sûr, mais préférait ne pas aborder le sujet.
Et lui-même n’y survivrait pas de toute façon.

- Et ne t'excuse pas s’il te plait. En termes de résistance, j’ai été aussi déplorable que toi. Et tu as toujours su me convaincre. Tu parles bien Asclepios.

Un sourire triste glisse sur ses lèvres, le temps de détourner le regard pour constater l’état de la chambre avec un profond sentiment de satisfaction malgré le souvenir douloureux qu’il en tire. Est-ce qu’il regrettait d’avoir goûté au paradis ne serait-ce qu’une nuit ?
Pas vraiment.
Il s’était brûlé les ailes mais peut-être qu’à présent, il apprendrait à marcher avant de vouloir voler.

- Tu préfères peut-être que je parte maintenant ? Je ne me vexerais pas tu sais. Tu m’avais prévenu.

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Aucun commentaire ne passe ses lèvres quand Asclepios parle d’espoir, Sambre préférant de très loin taire les siens, omettant de lui faire part de tout ce qu’il avait imaginé en préparant la potion, devant ses chaudrons en sachant que c’était une véritable hérésie de se laisser aller à de telles pensées lorsqu’on était un potionniste digne de ce nom.
Et après tout, ce n’était pas vraiment un mensonge, s’il ne lui révélait pas de vive voix qu’il y avait cru aussi bien trop souvent, et qu’il avait dû se rappeler à l’ordre mainte et mainte fois.
C’était simplement une information passée sous silence. Et puis à quoi bon la lui donner. Elle ne leur apporterait rien de plus.

- Je posais juste la question. Tu sais que je suis bien élevé.

Un sourire vague, une réponse presque machinale, puis la main sur ses genoux le sort de ses songes et malgré l’émotion qui l’a pris à la gorge, le jeune homme est capable d’afficher un large sourire sur ses lèvres, bien trop content qu’il ne le mette pas dehors en réalité.

- Est-ce que tu sais que je t’ai déjà piqué l’un des tien ?

Il désigne le sous-vêtement du menton, avec un petit rire qui se veut moqueur et l’attrapant du bout des doigts alors que sa main libre passe à nouveau dans ses cheveux blonds ébouriffés et indisciplinés.  
Et Sambre finit par souffler rapidement à la suite.

- Ce sera parfait. Comme p’tit déj’. Laisse moi juste prendre une douche et je te rejoins.

Dépliant les jambes, il les glisse rapidement hors du lit, se rapprochant habilement et stratégiquement d’Asclepios pour lui voler un baiser presque impérieux avant que ce dernier ne change d’avis.
Puis, après un sourire espiègle et ignorant les courbatures de son corps, Sambre est déjà debout, en route vers la salle de bain qu’il connaît par cœur et qu’il investit comme s’il avait été chez lui.
Particulièrement à l’aise dans sa fuite.

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