aimez-vous les oiseaux ?
si oui comment ? un peu, beaucoup, passionnément
si ce n’est à la folie tout comme lui - c’est ce qu’il voudrait demander, au monde entier si possible mais tu ne l’imagines pas : sans-gêne aborder n’importe qui dans la rue - on le toiserait aussitôt ! l’admirerait comme on fait les déments c’est-à-dire de travers et jamais bien longtemps ;
quand même Bellamy s’interroge, dès maintenant
de quelle manière tu vas t’y prendre, toi ?
avec tes yeux - qu’il te sait bleus - sur les écrans tes images en cristaux liquides elles sont rediffusées mais en direct, factices encore seulement il leur suppose des couleurs presqu’identiques aux tiennes, les véritables de chair et d’os.

ce n’est pas la première fois que Bellamy t’observe
à la façon des fans qui ne ratent pas une seule interview - aujourd’hui de nouveau, toi sous le feu des projecteurs et personne ne te pose cette question qui le brûle, toujours - Asclepios,
aimez-vous les oiseaux ?
toujours les journalistes l’oublient alors
il te la posera lui-même.

pour ça qu’il se tient là, debout sur l’asphalte, téléphone à la main tandis que quelque part, les entrevues s’achèvent. ils sont nombreux dans la rue et lui se fond dedans la masse car février vient d’arriver : deux semaines à présent te séparent des envols - dessus le grand stade, tu sais, celui de Killarney où tu joueras les comètes - et forcément la foule vous réclame des auspices, à toi et tes coéquipiers,
vous sentez-vous confiants ?
triomphants très en avance -
le vif d’or, vous l’attraperez vous pensez ?
et la victoire : elle sera pour vous - pas vrai ?
voilà les dilemmes qui travaillent le public,
qui tourmentent tous les voyeurs agglutinés au pied du bâtiment, derrière les murs de ce dernier qu’on filme les émissions sportives mais elles sont terminées désormais, et vous allez en sortir
toi et tes coéquipiers -
toi surtout.
les autres, il ignore s’ils ont les yeux bleus
ou verts ou terre de sienne - il ignore jusqu’à leurs noms - au fond s’en moque. il sait juste tes prunelles teintées de ciel, aussi les histoires qu’on raconte ; les rumeurs de ton sang - il sait que tu t’appelles Asclepios, Cavendish et encore, ton patronyme serait différent qu’il te guetterait pareillement : il sait que tu ne déments pas lorsque les chroniqueurs te sous-entendent,
aimez-vous les oiseaux ?
Bellamy t’a détaillé lorsque tu passais à la télévision :
tu ne leur as pas dit non ;

et enfin
enfin c’est l’heure - devant l’immeuble soudain les badauds se pressent, bousculent dans l’espoir d’approcher les Météorites - lui ne s’avance pas. depuis le trottoir d’en face, Bellamy se montre patient malgré qu’il ait du mal - il attend,
il attend de voir la poignée de véhicules noirs se ranger non loin de vous - non loin de toi - il attend qu’on vous ouvre la portière, à chacun d’entre vous
il attend que ce soit ton tour, à toi,
d’avoir le luxe qu’on t’offre un chauffeur et c'est à toi : bel et bien toi qui t’installes à l’arrière d’une des voitures -
il cesse d’attendre,

traverse la route le pas léger pour s’inviter sans hésiter - sur la banquette du taxi, Bellamy se laisse tomber comme un mauvais prince, impudique mais joli. il aura au moins la politesse de refermer après lui avant de lancer au conducteur, c’est bon on peut y aller ! souriant l'air éthéré.
« qu’est-ce que- »
au creux de l'habitacle vous êtes trois - et le type au volant, on l'emploie pour te conduire toi, rien que toi - ça n'empêche pas Bellamy de se redresser pour tenter de le mirer, à l'angle du rétroviseur. bah démarrez - non ?
volte-face du chauffeur de taxi, qui te lance une œillade avant de foudroyer Bellamy d'un œil à la fois effaré à la fois furieux, « mais-
pour qui vous vous prenez ?? descendez !
vous voyez bien qu’il y a quelqu’un ! »
contre le cuir des assises, Bellamy s'affale et fixe le pilote une seconde, la mine vaguement défaite. ah… s'éclaire tout à coup, comme des petits éclats de soleil dans ses prunelles, à même ses joues - s'emmêlent à sa voix - puéril son rire s'éparpille.
ça fait rien - je le connais !
il tourne alors la tête vers toi - parmi ton bleu,
le sien se plonge - on se connait.
moi je te connais, déjà un peu - beaucoup, passionnément - qui sait - en tout cas suffisamment pour l'affirmer sans ciller - et peut-être qu'il te semblera dérangé au point que tu le chasseras d'ici mais dis-lui, Asclepios, tu aimes les oiseaux - pas vrai ?
« Monsieur Cavendish- faut-il que j'appelle la sécurité ? » soufflé fébrile par le chauffeur,
Asclepios, ne l'écoute pas - c'est moi qui pose les questions - la sienne soulignée d'une risette insouciante, tu aimes les oiseaux, avoue !
tu peux me l'admettre, à moi.

dehors, à défaut des corps, tous les yeux l’avaient suivi dans le petit huis-clos qu’était l’intérieur du véhicule - lui lançaient des regards médusés, rendus ronds par la sidération de l’avoir vu te rejoindre comme s’y prendraient les bons amis ou bien les maladies - au travers des carreaux légèrement obscurcis, on toisait Bellamy à la façon d’un parasite voire une tumeur inquiétante.
s’écoule un temps, subreptice en suspens durant lequel il ne dévisageait que toi, rien que toi, très assuré à la fois d’être accueilli à bras ouvert, à la fois d’être bientôt recraché d’ici-bas comme n’importe quelle mauvaise greffe ;
et puis tu l’as couvert d’un sourire,
de ces risettes où l’on soupçonne l’ivoire poli des canines - en somme, un début d’éclaircie - l’illumine et quand bien même les marées humaines rongeaient le métal de la voiture
toi tu dis, soyez tranquille, laissez-le donc ;
laissez Bellamy rester bien à l’abri car à l'air libre
on risquerait de mal pleuvoir sur lui.

je le savais - de son point de vue dérangé vos tournures avaient du sens - je le savais parce que je te les ai remarqué comme il faut, tes yeux bleus :
deux beaux ciels et sous eux il ne pouvait que faire bon !
alors comme un jour de grand soleil, Bellamy s’y prélasse
tout abandonné contre le dossier des banquettes tandis qu’on s’éclipsait loin des curieux - au creux de l’habitacle en mouvement désormais, l’on était presque seuls au monde - silence.
au fond, tu avais déjà répondu à sa question.
ainsi l’on pouvait se pencher sur les tiennes - ses iris relevés vers toi ils rayonnent illico, de nouveau - du coup t’as pas eu peur ? j’espère pas - je savais pas comment faire autrement, pour te parler - je voulais trop te parler. et vous entendre enfin résonner là tout de suite l’aggrave pire qu’extatique, vos voix ricochant pour de vrai de part en part il pouvait se les sentir sous la peau, sous ses os - font palpiter son cœur d’oiseau -
moi c’est Bellamy.
j’ai pas menti tu sais, quand j’ai dit que je te connaissais - je pense pas mentir quand je dis ça - toutes les interviews que t’as pu faire je les ai vues et, je sais pas,
je vois juste, je crois...
ses confidences effilées elles se changent en souffles amusés, se dispersent une seconde avant qu’il ne reprenne - tu plaisantes pas ? pour les félicitations - tu vas vraiment me dire bravo ? à même le repose-tête les rumeurs de la sienne s'alanguissent lorsqu'une fraction d'instant, il semble se languir des éloges annoncées  - entretemps se feint d'un sourire, son énième, terrible candide - c'est ce que t'attendais ? qu'on t'aborde comme ça.
comme moi.
et si oui c'est le signe qu'il ne se trompait pas.

dessous les louanges, comme si celles-ci n’étaient non pas des termes articulés mais des morceaux d’astre du jour, les joues de Bellamy semblaient scintiller roses - toujours lorsqu’on le flatte, plutôt que s’effacer timide il s’enflamme très visible -
et quand tu lui révèles que toi tu n’aurais jamais osé
c’est plus fort que lui : déluré il s’esclaffe.
pourquoi pas ? des lueurs indociles dedans ses yeux, quasi-feux-follets - si son regard demeure clair et lumineux c’est parce qu’il ne comprenait pas pour de vrai - risquer la collision contre un corps étranger, pourquoi pas ? qu’ils soient célèbres ou non, tu sais, au fond les gens qu’on croise c’est rare qu’ils soient vraiment dangereux - j’ai vu un reportage à la télé, et puis ça me parait logique - je crois que c’est comme, un proche qui tue un proche dans 90% des cas
et les 10% restants, là c’est un inconnu qui s’en prend à un autre inconnu !
c’est fou nan ? t’es pas d’accord ?
souvent les mains qu’on aime qui nous abîment in fine, ces doigts auxquels on entremêlait les siens qui se referment sur une lame - si ce n’est un bout de bois pour nous lancer des mauvais sorts - tandis qu’aux creux de ses paumes à lui il n’y avait que le vide, pour l’instant ; parfois quelques mèches de cheveux blonds car il avait la sale manie de se les triturer tout en parlant.
enfin quoi qu’il en soit, moi je trouve ça fou,
cette idée qu’on craint moins les tragédies en compagnie d’un anonyme qu’avec un membre de sa famille,
et rassurant, aussi.

tu vois, Bellamy n’est pas si courageux que ça - se fie aux chiffres tout simplement, court à sa perte sans réfléchir.

il ne s'inquiète même pas de tes mesures de précaution - ta baguette manipulée dans un angle du champ de vision il l'avait discernée vaguement, s'en est amnésié de son plein gré - après tout tu l'observes et cela suffit systématique à capturer son attention en entier. on grillerait la priorité, roulerait sur les piétons qu'il ne s'en rendrait pas du tout compte.

et tu mentionnes les volatiles,
fait papillonner ses cils deux trois secondes - ah,
tu l'aides à se souvenir qu'il n'en possédait pas qu'une seule, de question ! sa suivante posée cent fois par tout autant de chroniqueurs mais devant les caméras, ça ne comptait pas - personne ne parle à cœur ouvert tant qu'on vous filme - alors, maintenant qu'on avait prononcé coupé ! pourquoi t’es ici ?
en Angleterre, je veux dire. demandé gentiment comme le font les enfants, mal assis qui répètent pourquoi ci pourquoi ça - tu as traversé un océan - pour la beauté du sport et c’est tout ? il suppose, puisque c'est ce que tu leur racontes, aux journalistes - tu leur assures, juste pour jouer au quidditch avec l’accent british que t’es ici… la présomption ridicule de son point de vue et il ne s'en cache pas, se marre sincèrement et sans moquerie et puis redevient sage.
à voix plus basse et plus sérieuse qu'il te présume,
moi j'y crois pas -
je crois pas que t’aies choisi de venir ici rien que pour ça. c'est qu'il y a trop de signes, trop de synchronicité pour t'inventer des coups de chance - il a cessé de te dévisager, te scrute à la dérobée désormais - dis-moi pourquoi.

ça ne lui avait pas même effleuré l’esprit tu sais,
le fait d’être un désagrément - d’incarner l’imprévu dont on se serait volontiers passé - aussi le fait d’être indiscret lorsqu’il t’a quémandé les secrets ;
ce n’était pas tellement qu’il se fichait de toutes ces règles de bienséances - celles apprises à l’enfance qui condamnent la bouche pleine, les coudes sur la table, la parole coupée nette et l’oubli des s’il-vous-plaît - non,
on n’avait pas mal élevé Bellamy, loin de là.
seulement tu l’as pensé, et tes songes sont très justes : d’où l’importance des apparences et la sienne, au fond, elle compte à peine d’après lui - si Bellamy parait se moquer de son impact c’est parce qu’il se ressent trop peu. il suffit de le voir. regarde comme il est maigre - sinon malingre - de ses poignets la moindre main d’adulte ferait facile deux fois le tour, et son teint, blafard au possible, dessous certaines lumières il semble presque translucide ;
un très joli fantôme, ça ne s’inquiète jamais de froisser les atmosphères.

heureusement tu ne lui reproches rien - il y aurait eu quelques rancunes dans tes répliques qu’il ne les aurait pas reconnues - et pire encore tu l’encourages,
soudain ton rire qui résonne c’est comme lui dire ne change pas ! reste indolent ! dérange-moi davantage puisque dès maintenant tu te livres, à lui et ses yeux se sont hissés jusqu’aux tiens de nouveau, grands ouverts. pour ta sœur ? que tu as fait le voyage - il ignore si c’est l’écho qu’il attendait, si sous l’aveu son vœux se cache ou bien la désillusion - c’est pour elle, que t’es là… un temps lui se tait sans s’arrêter de te fixer, comme si le silence pouvait répondre mieux que toi - ensuite se redresse, droit légèrement - on parle d’elle en ce moment, à la télé, dans les journaux - ils ont dit que c’était une menteuse et qu’elle avait aidé le Corbeau à se faire passer pour mort et puis finalement non. enfin, tu dois être au courant. toi tu la connais -
tu penses que c’est une menteuse ?
ou qu’elle a rien fait pour de vrai.
c’est pour elle que tu es ici-présent, et peut-être qu’elle a servi les oiseaux - quoi qu’il en soit, est-ce que tu les aimes ? ça te dérangerait qu’elle ait aidé le Corbeau pour de bon ? ou tu t’en fous… la réflexion scindée d’une risette tout à coup - imagine qu’elle y a vraiment participé, aux magouilles du ministère - est-ce que tu serais fier d’elle ?

instantanément tu démens, contrecarre l'en-théorie comme si l'on t'avait dit droit dans l'âme des idées folles furieuses - comme si Bellamy t'avait dit là tout de suite, le ciel est rouge et peut-être que la pluie goûte le sang ! à la façon des enfants qu'on ne floue pas si facilement tu rétorques, l'hypocrisie en famille : jamais,
jamais de la vie. ça l'a fait sourire immense. même par omission ? la question prononcée sa mine très innocente - sans aucune provocation - il te demande parce que, mentir par omission c’est pas vraiment mentir, je trouve. sois sans crainte - il n'est pas impudique au point d'insister plus que ça, sent bien malgré sa frivolité terrible qu'on touchait à quelque chose de précieux chez toi - te voit qui triture le pendentif à ta gorge, une fraction de seconde ses éclats mordorés trop visibles manquent de lui transpercer les yeux alors
il les a fait cligner, comme pour les rendre un peu plus dociles, un peu moins perçants afin qu'ils ne t'enveniment pas.

silence de son côté.

à l'arrière de la voiture qui progressait toujours vers l'on-ne-sait-où il a conscience d'en avoir cristallisé les airs - lorsque lui les respire ils lui semblaient alourdis, et lorsqu'en eux tu ricanes ta voix résonne différente, sa légèreté comme altérée - quelques secondes dans l'habitacle le temps parait virer gris ;
pour ça qu'il patiente,
que Bellamy te dévisage sans saisir tout à fait pourquoi tu feins l'impassible - au fond tu viens d'avouer qu'en cas de crime parfait, tu serais fier, oui - pourquoi s'en cacher aussitôt ? à contrario, dès lors où tu lui renvoies le dilemme, il n'a pas la moindre honte à s'éclairer illico - acquiesce carrément d'un hochement de la tête, son rictus assorti - oui ! beaucoup -
si quelqu'un qu'il connaissait s'avérait être un complice, tu n'imagines pas les frissons d'euphorie qui le traverseraient, l'ampleur des vanités qui lui gonfleraient le cœur - son bonheur effroyable - j’en aurais encore plus si c’était moi,
la personne impliquée.
confié à toi sans détourner le regard,
comme on déclare aimer les fleurs.

et silence de son côté - encore,
tandis qu'on s'immobilisait au feu Bellamy contemple à travers la vitre pour la première fois depuis les démarrages - admire les boulevards où ça grouillait de partout, des allures de môme pensif face à la fourmilière.
finalement il reprend, qu’elle se fasse prendre ou non - si ta sœur a menti et qu’elle a participé pour de vrai aux manigances d'il y a deux ans,

moi, je pense que tu peux être fier d’elle.

une œillade, rien qu’une œillade en biais lorsqu’il t’entend le mettre en garde - c’est dangereux ? que je te le dise, à toi… soufflé tout bas, les dernières syllabes égrainées en murmures tant il était peu convaincu - et comme aux âges tendres encore aveugles qui ne discernent pas le mal Bellamy regarde ailleurs, ses prunelles inclinées survolant ses propres mains tandis qu’elles tiraient scrupuleuses sur les coutures de son blouson - … il me semblait pas. un léger haussement d’épaules en guise de point final.
son sourire demeure intact.
s’aggrave attendri quand tu t’affirmes fier de ta sœur malgré qu’elle soit innocente parce qu’au creux de sa tête, il lui plait de te fabuler mille fois plus satisfait si elle avait été coupable - avant de s’éparpiller en petits éclats de rire, présupposé criminel, il y a deux ans ? non !
non - moi il y a deux ans j’étais encore à l’école.
tu l’imagines ? assassin dès l’adolescence - c’est trop tôt, trop jeune, trop triste - et quant à l’heure actuelle, il ne te répond pas puisque ta question, tu l’avais posée à l’imparfait.

au présent que tu lui demandes alors, pourquoi ici, pourquoi maintenant - là qu’il revient d’admirer, nonchalant dans un tout premier temps - de plus en plus chastement à mesure qu’on s’observe, je t’ai dit - j’ai vu toutes tes interviews. jusqu’à ce que sa risette se redessine vertueuse au possible,
et depuis je crois que je sais-
je sais ce que tu es venu chercher ici - je vais te le dire, ouvertement - parce qu’ouvertement ici et maintenant ce n’est pas dangereux du tout, je le sais ! ainsi sous le plexus de Bellamy palpitent comme un million de palombes ou bien comme un milliard de papillons, dont aucun ne s’effraie qu’on leur tranche leurs ailes infimes - tellement confiant qu’il s’appuie du plat de la paume pour s’élever, mieux te faire face - tournées vers toi quasi-pour de bon, ses côtes sont à portée de tout ;
extatique, il t’avoue,
tu cherches une famille, pas vrai ?
tu me l’as dit - tu es venu ici pour ta sœur mais pas seulement - tu te cherches une famille qui t’aime et qui t’accueille, à bras ouverts toujours-
et moi aussi tu sais ! moi aussi -
c’est pour ça que je suis venu, ici à Londres -
et je l’ai trouvée ça y est - et puis je t’ai vu à la télé qui répondais aux questions des journalistes et j’ai su, tout de suite ! qu’on se ressemblait sur ce point toi et moi -
tu veux qu’on t’aime, et qu’on t’accueille, et qu’on soit fier de toi peu importe ce que t’as dans ton sang ; sauf que ce genre de chose ça se confie pas aux chroniqueurs devant les caméras !
ses dix doigts éployés sur le cuir des assises ils se crispent, créent des plis dessous eux lorsque ses airs ravis s’empirent, rayonnent plus forts au moment de clamer - mais moi j’ai compris - tu vois ? j’ai tout compris et tu vois, je peux t’aider à trouver ce que tu cherches ;

ce en quoi Bellamy croit.

ses mots clairs et ronds, scintillants de sincérité, sont tout comme ceux d’un enfant, tu songes - dits comme ça ressemblent à la lune et tu lui dis sois discret ! ne te montre pas entièrement ni même en croissant, pas à n’importe qui
sinon tu risques d’attirer les mauvais œils, un flot de maux à la façon des marrées hautes - mais,
je sais, je- n’ai pas peur de toi, moi !
tes regards qu’ils soient des cieux ou l’océan, même pas peur - et tu le fixes, et lui se fige, dessous eux lorsqu’éthéré tu l’effleures, tes doigts sur sa joue comme un toucher de nuage ou bien d’écume - je sais-
mais encore tu lui demandes,
toujours tu insistes - redis tu sais ?
Bellamy - tu sais ? l’air de le trouver trop candide pour savoir vrai de vrai - et là, ce n’est plus toi.

face à lui désormais le temps de quelques battements de cils, tes portraits paraissent soudain faits de sables très fins, mouvants qui engloutissent tous les traits familiers - du moins presque tous -
livide immobile, Bellamy reste hébété
une seconde - à la suivante secoue la tête, le geste typique de ceux qui s’éveillent, sinon refusent de quitter les rêves - non-
ça se voit dans tes yeux que non !
ça se voyait d’après lui, dedans tes iris, que tu ne viens pas pour déclencher la guerre - tu peux te le façonner comme tu veux, autant que tu veux ton visage ça ne change rien ! ni son avis ni tes images - à tous les âges, tes œillades sont identiques - il le sait il le sait !
d’après toi fait erreur - …
il se tait.

ça l’a soufflé. ta réplique c’était une rafale, une vague fulgurante - tu l’as soufflée et Bellamy sur le coup s’est éloigné prestement, cesse de pencher de ton côté pour te revoir d'un peu plus loin.
il a beau t'admirer léger contrarié
tu lui persistes tel qu'il te croit.
pour ça qu’il rétorque vivement quand tu lui sous-entends des fantasmes, qu’il s’enflamme aussitôt, c’est pas des illusions ! sifflé sans ciller, la respiration froissée des oiseaux désenchantés.
il peine à comprendre pourquoi tu le piques, pourquoi tu questionnes, ses évidences chéries - pour qu’il te les confirme ? pour qu’il se les déchire ?
si tu aimes les oiseaux
pourquoi les remettre en cause ?
les oiseaux sont suffisants, sans conteste !
et toi tu penses pas ?
si c’est pas ça que tu penses - pourquoi tu les condamnes pas quand on te demande ton avis à la télé, comme tout le monde ?
si tu les détestais, tu les aurais traité de rapaces,
et si c’est pas ça que tu cherches-
une famille, pleine de volatiles dont on se moque de la couleur des plumes - de la couleur du sang - forcément que c’est une famille comme celle-ci que tu cherches ! il l'a vu sur les écrans, à chaque fois que tu y passais
alors il sait,
et la mine hallucinée Bellamy t’accuses franc, son teint aussi blafard que celui des mômes lorsqu’ils frôlent la fonte en larmes si ce n’est les caprices furieux,
tu mens - si c’est pas ça que tu cherches tu serais pas venu jusqu’ici, presqu’en même temps que Lui - tes envols jusqu’à l’Angleterre, ils étaient quasi-synchrones avec ceux du Corbeau, il le sait,
pourquoi tu mens ??

sur les écrans tu n’étais pas comme ça
pas comme sous ses yeux cyans - sur les écrans lorsqu’il faut jurer la vérité toujours tu promets des risettes à tes lèvres, au coin d’elles de la malice qui semble dire je ne mens pas sans tout vous dévoiler - tandis que là, tout de suite
quand tu demandes pourquoi faire l’hypocrisie ?
à Bellamy tu n’offres aucun sourire, rien que ton regard et dedans, pas un éclat complice - alors sur les écrans, ce n’était pas toi finalement ?
et lui te sonde sa mine très livide,
comme délavée de toute extasie
parce que tu dis - n’importe quoi-
sur la famille ce que tu lui racontes ce ne sont que des mensonges, les sornettes qu'on entend partout dans les médias tu lui répètes - et ses doigts se tordent à s’agriffer aux assises parce que lui te le redit - ce que tu dis vraiment c’est n’importe quoi !

tu te trompes - et lui pareil ? à la télévision il croyait t’avoir cerné - désormais tu démens ? illogiquement ça le blesse, fort comme si t’avoir mal vu revenait à t’avoir heurté de travers, la collision mauvaise au point que les os tremblent et que le cœur tressaille - il en grimace - c’est ce que tu penses ?
que des gens qui t’ouvrent grand les bras c’est trop beau pour être vrai - que c’est mal forcément, que ces gens-là ils sont fous que c’est pas de l’amour, que c’est vouer un culte, ce qu’on fait - c’est ça que tu penses ? ça que tu penses des oiseaux
mais c’est n’importe quoi !

et ces oiseaux dont tu parles sûrement que tu les imagines en cage, quand bien même tu lui avoues trouver qu’ils chantent juste - que tu es d’accord avec eux - toi tu les considères dangereux et les nuisibles, Bellamy sait ce qu’on en fait
et dans ce cas je veux descendre- sifflé la voix qui vacille, sous ses côtes des volatiles enfiévrés - s’affolent tout comme au fond des mines, avant les catastrophes - et encore il s’écarte, se cogne le squelette contre la portière derrière lui je veux descendre maintenant-
dis-lui de s’arrêter je veux descendre !
il n'est pas dans une secte tu vois
il peut s'envoler quand il veut et il veut sur-le-champ.

tu mens
ça ne va pas
ça n’ira plus jamais maintenant qu’il t’a montré subreptice un peu de tes portraits, rêvés par lui-même, tordus d’après toi - ça ne t’ira plus jamais parce que tu viens de lui admette que ça ne te ressemblait pas, qu’il t’a mal esquissé
des croquis d’acolytes désormais contrefaits, factices, et si tu n’es pas un semblable alors tu peux être tout l’inverse, un adverse peut-être, peut-être aimes-tu les corbeaux mais à condition qu’ils soient derrière les barreaux
et ça l’inquiète,
tellement qu’il répète je veux descendre j’ai dit- tandis que tu t’empares de ses doigts tout fébriles, tandis que tu lui redis deux fois doucement, ça ira ;
tu mens-
ça ne va pas
les airs soucieux alors qu’on n’est pas fiévreux, alors qu’on n’a pas chopé la mort, en contrebas de Bellamy tu le regardes comme un atteint des maladies, ces incompréhensibles qui font frôler la folie avant d’achever pour de bon.

pourtant tu vois, tes mains il te les agrippe non pas comme un souffrant mais comme un enfant qu’on n’écoute pas vraiment, qu’on accuserait à tord de caprices si ce n’est de crimes jamais commis. on- n’a rien fait de mal, là-bas entre oiseaux, ce n’est pas faire le mal, on m’a pas menacé - pourquoi on ferait ça ? c’est pas ça qu’on fait là-bas, c’est pas rejoindre des rangs - c’est pas une armée, c’est- c’est surtout pas une secte - tu te trompes, sur ce que c’est, et lui pensait que tu savais, là-bas c'est ma place- de là-bas qu'il a cru te voir, t'y voir tout à fait toi - encore il tente de s'en convaincre - c'est ma place mais pas seulement, c'est ma place et tu me mens parce que moi je vois bien, c'est la tienne aussi ! forcément car tu cherches une famille ; c'est toi qui fais erreur sur laquelle il te faut.