Lion enragé que l'on enferme dans une cage juste pour éviter les débordements, tu tournes en rond dans le bureau, impatient. Elle t'a dit que Fallen était libérée, et pourtant, elle n'est pas ici, pas encore du moins. Sa secrétaire, une autre encore, t'a laissé entrer là lorsque tu étais arrivé fulminant, prétendant qu'au moindre mot de Fallen elle appellerait la sécurité.
Elle ignorait clairement qui tu étais.
Pourtant, tu te doutais qu'elle avait gardé un oeil sur toi - ou du moins elle restait attentive à tes mouvements.
Comme si Fallen aurait fait l'imprudence de garder des choses d'importance dans le Ministère. Parmi tous les lieux prétendument sécurisés, celui-ci se prouvait l'être le moins de tous.
The Crow pourrait rentrer et sortir d'ici que personne ne l'arrêterait. Ça te désolait.
Enfin, la porte s'ouvre. Tu t'immobilises, attend, et ce n'est que lorsqu'elle se retourne que tu t'avances vivement, l'enfermes dans tes bras.

Bien sûr que je suis là.

Ta colère se met en veille, comme si l'arrivée de ta soeur l'avait transposée au second plan - que sa colère que tu ressens avait plus d'importance que la tienne.
Comme si tu savais que sa tempête allait alimenter la tienne et que l'orage éclaterait dans vos cieux communs.

Raconte moi tout. Je n'entends que des ragots et des rumeurs sans fond ni sens depuis tout à l'heure.

Tu t'écartes, lui laissant l'espace dont elle avait sûrement besoin - un sourire sur tes lèvres lorsque tu essaies de décrisper les traits de ton visage.

Tu as beaucoup trop de secrétaires, je n'ai absolument pas retenu lesquelles j'ai pu offenser.

Fallen est une tempête incroyable, dévorante, brûlante d'une colère qui ne connait pas de résolution. Tu pourrais la comparer à un oiseau tonnerre, tant elle dévore l'atmosphère, l'emplit d'ozone et d'électricité. Elle est aussi belle que Morrigan elle-même - et jamais encore tu n'avais réalisé à quel point elle pouvait paraître guerrière.
Mais est-ce que ça t'étonnait vraiment Asclepios ? Absolument pas.
Au contraire, ça t'emplissait d'une fierté insaisissable.
Mais ses propos, ça, tu ne t'y attends pas. Les injures pourtant si innocentes, et si pleines de venin entre ses lèvres ne font que te rappeler que cette femme a été élevée en puissante, et que personne n'allait l'empêcher de l'être.
Alors tu te tais et tu l'écoutes. N'est-ce pas le mieux à faire parfois ?
Tu t'installes sur l'agréable voltaire sans la contredire un seul instant.

Les descriptions s'entrecroisent avec ce que tu as pu entendre. Triant les informations au fur et à mesure, tu prends vite conscience qu'il y a bien trop de zones d'ombre, d'évènements incompatibles les uns avec les autres.

Tes descriptions sont suffisamment vives pour que j'en entrevois le principal, ma chère soeur.

Légère taquinerie, pourtant sincère - elle n'avait pas enrobé de détails inutiles ce qui s'était passé. Tes yeux détaillent sa silhouette, s'attardent sur les poches de ses vêtements.

Le gallion ?

Il y avait eu une accusation de ce genre, de la part de cette journaliste si magnifiquement décrite par Fallen, et qui avait semblait avoir été éliminée. Si elle possédait effectivement ce gallion, il pourrait peut-être y avoir un moyen de remonter à son origine, avec quelques sorts bien placés.
Même si tu te doutais que si cela n'avait pas été une ruse, le gallion n'était probablement plus en sa possession.
Son expression glaciale te ramène un peu plus dans l'instant présent, alors que tu fronces les sourcils, esquisses un geste pour montrer la taille de la demoiselle, qui ne t'arrivait pas très haut.

Une petite brune, cheveux aux épaules, des yeux verts un peu...

Un rire communicatif, un peu plus apaisé désormais qu'elle a laissé la tempête s'étioler, et tu penches la tête en l'observant.

Jamais rien pour nuire à ta réputation, tu le sais bien.

Un soupir, tu te passes les doigts dans les cheveux.

Il se dit que à l'image de ta chère mère, tu es de mèche avec The Crow que tu aurais dissimulé au nez et à la barbe de tout le monde... Et que le Ministère était parfaitement au courant et a fait éliminer la journaliste fâcheuse pour sa réputation.

Tes yeux se lèvent au ciel. Ce n'étaient que des paroles que tu avais entendues en passant par les quartiers sorciers en chemin pour ici. Ils n'étaient qu'un ramassis de conneries - malheureusement servies à un public trop crédule.

Oh, c'est donc cela son nom... Je ne l'avais pas retenu.

Tes lèvres s'étirent d'un sourire - il va falloir que tu la retrouves cette demoiselle. Elliott Smith-Day.
Tu ranges l'information dans un coin de ton esprit, là où les choses intéressantes se reposaient. Ton regard, lui, se reconcentre sur Fallen. Léger coup de baguette pour nettoyer ce pied qu'elle vient d'extirper de sa petite prison ridicule, un autre pour le rafraîchir, et tu viens t'en saisir pour en masser la pulpe. Comme tu l'avais dit à sa non-secrétaire, user de tes mains te permettait de t'ancrer dans la réalité. Surtout lorsqu'elle t'annonce la mauvaise nouvelle.

Dis-moi que tu as un amant qui peut te mettre enceinte pour éviter ça.

Elle n'a pas besoin de te dire que ce n'est pas le cas - tu le sais, tout simplement.
Le Ministère était malheureusement un peu trop fouineur à ton goût.

Tu sais pourquoi ils n'optent pas pour une méthode moins violente ?

Tu ne lui promet pas de te faire discret - tu sais aussi bien qu'elle qu'il n'y a aucune raison pour que tu fasses des vagues. Ses intérêts étaient les tiens et réciproquement.
Garder profil bas allait de soi.

Tu secoues la tête, soupires légèrement. Ta main se tend, vient quérir son second pied, lui offre le même traitement.

Je te promets que j’ai été prudent. Je n’ai fait que jouer le rôle du frère préoccupé, après tout, c’était vrai.

Une oeillade pensive sur elle, tu hausses les épaules. Les évènements ne venaient qu’à peine d’arriver, l’inventivité des gens aurait encore largement le temps de se développer. Il suffisait d’attendre un peu. Les rumeurs s’alimenteraient d’elles-mêmes.
Un rire t’échappe lorsqu’elle te menace, et tu penches doucement la tête de côté. Elle serait belle, enceinte. Heureuse, peut-être. Plus qu’elle ne l’était en ce moment.

C’est à se demander ce que tu m’aurais fait, tiens.

Mais c’est vrai que la grossesse se devait d’être voulue, non d’être un outil pour éviter les problèmes.
Tu hoches pourtant la tête à ses paroles l’observant attentivement.

Aucune absence dernièrement ? Pas de choses inexpliquées, ni même de troublants ressentis ?

Bien que tu en doutais, ils voudraient probablement juste scanner son esprit pour essayer de trouver l’instant où le gallion lui a été glissé - mais le reste était un problème qu’ils obtiendraient dans le procédé.

C’est logique, à dire vrai… Pourquoi n’es-tu pas occlumens, ma soeur, ça nous aurait facilité la vie.

Main qui vient passer sur ton visage, tu expires lentement, fermes les yeux.

Qu’est-ce que l’on va devoir faire ? Peut-être devrais-je prendre les décisions pendant un certain temps pour essayer de mettre le plus d’informations à l’abri ?

Tu pouvais aisément lui ressembler après tout - quant à tes yeux et cheveux, les moldus connaissaient des solutions ingénieuses - à défaut d’être confortables.
Peut-être que de manière générale tu ne devrais pas lui en parler. Peut-être que ce souvenir attirerait les regards sur toi.
Tu l’ignores - mais toute cette situation te donne mal au crâne.

Pisse-chaude.
Cela t’amuse bien trop de te dire que le sortilège de prédiléction de ta soeur serait celui-ci. Finalement, peut-être que c’était un hasard bienveillant qui t’avait épargné de grandir à ses côtés. Elle aurait essayé tous ces sorts sur toi, à n’en pas douter.

... Tu n’as pas tort. Les gens adoreraient.

Tu imaginais déjà bien les titres des journaux : L’enfant Crow-Cavendish - futur dictateur ?
Ou peut-être encore : Fallen Cavendish, mère de corbeaux.
Tu grimaces à l’idée du contenu desdits articles. Surtout au vu de l’imagination de certains journalistes, qui n’hésiteraient pas à faire preuve d’inventivité pour inciter le public à la lecture de leurs dégoûtantes théories.
Tu expires quelque peu soulagé de savoir cependant qu’elle semblait toujours en pleine possession de ses moyens et qu’elle n’avait pas été manipulée.
Surtout lorsqu’elle accepte, en partie, ta proposition. Tu hoches la tête, expires, saisis sa main pour la porter à tes lèvres.

On fera ça comme ça, alors. De toute manière, tu sais bien que je préfère te savoir à la tête, pendant que j’oeuvre dans l’ombre.

Un soupir, alors qu’une pensée se dessine dans ton esprit, te mordillant l’intérieur de la joue pensivement.

On pourrait aussi s’entraîner. Tu pourrais au moins apprendre à dissimuler quelques éléments mais… Avec juste le sort, je ne serais aucunement aussi précis qu’un legilimens du Ministère.

Haussement des épaules avant que tu ne te laisses retomber en arrière, en écho à ta soeur, fermant les yeux. Peut-être que c’était mieux ainsi, que des choses pareilles se dévoilent à ce moment là. Ils auraient d’autres chats à fouetter que poursuivre du regard une de leur Directrice, un membre éminent et compétent de leur organisation autrement pourrie jusqu’à la moëlle. Alors certes, c’était un problème, mais il sortait peut-être au bon moment.
Enfin, tu l’espères. Tout serait décidé dans peu de temps.

Quand est-ce qu’aura lieu l’entretien ?

Le père des corbeaux.
Un sourire se glisse sur tes lèvres. Oui, cela t’allait sûrement. Après tout, c’était un nom comme un autre. Ce n’est pas parce que the Crow a choisi cet oiseau là, qu’il devait lui être exclusif. Après tout, les oiseaux d’augures étaient nombreux.

Je pense que c’est parce que j’y suis né.

Dans l’ombre de ton père, dans l’ombre de Blanche, dans l’ombre de Fallen. Aucun mal à ça. Tu étais bien à l’obscurité. En sécurité.
Et Fallen assène la vérité que toi, tu as toujours su.

J’ai l’impression que c’était le cas, tu sais. Elle était là pour moi si… Longtemps. Des années.

Trois années, trois longues années où elle était bien plus pour toi que ta propre mère.
C’était toujours difficile pour toi de ne pas porter son deuil. Blanche était… Excessive. Elle était allée trop loin. Mais elle t’avait quand même presque élevé.
Comme elle avait élevé Fallen.

Ils vont se régaler de voir que tu n’as rien à te reprocher à ce sujet là.

Tu hoches la tête, lui donnes ses chaussures qui trainent à tes pieds.

Voudrais-tu que je cuisine pour toi ? Je pourrais te faire ce que tu veux.

Un sourire prometteur - cela faisait longtemps que vous n’aviez pas fait une soirée à vous tout seuls.
Les circonstances n’étaient pas ravissantes, mais c’était mieux que rien.
Et puis, passer du temps ensemble n’était jamais regrettable.