Ce que les gens peuvent être bruyants lorsque l'on leur en laisse l'opportunité - ce qu'ils peuvent te déranger par le fracas incessant de leurs paroles.
C'est donc avec un sourire ennuyé que tu suis ce jeune dévergondé qui te traîne jusqu'à ton bureau, comme si tu étais sien à emporter.
Derrière vous, la porte se verrouille à double tour, que vous ne soyez pas interrompus. Lorsqu'il s'assied sur ton bureau, tu défais ta cravate, t'apprête à la glisser entre ses lèvres - car après tout sa venue ici ne pouvait être qu'incitation sensuelle à des méfaits auxquels tu étais prêt à céder - mais voilà que dans l'avalanche de prose philosophique il attire ton attention et ton geste se suspend, la cravate entre tes poings fermés, retombant contre ton bassin.

Je connais la fable, oui. J'en trouve la leçon bien moralisatrice et regrettable.

Un sourire en coin, alors que tu appuies un coude sur son genou remonté, penché sur lui.

Vous avez bien raison, mais il est si dur d'occire dans la nature d'un humain performant son orgueil démesuré par la réussite. Il faudrait davantage laisser croire au lièvre qu'il n'est pas assez, le pousser à se dépasser jusqu'à épuisement mais...

Ta tête se baisse avec un sourire doucement mutin aux lèvres.

Mais ce n'est guère déontologique d'user ainsi les autres en quête de leur performance. La morale ne permet pas de pareils actes.

Clin d'oeil alors que tu te râcles légèrement la gorge, penches la tête de côté.

Oh, je le devine dans votre regard - vous cherchez aujourd'hui à entendre la névrose et non la lire. Je comprends votre choix de proie - je me choisirai aussi pour pareils désirs brûlants.

Un éclat de rire, la tête qui se penche sur le côté, et tu observes les mots s'écouler de ses lèvres d'un flot impossible à arrêter, un flot riche et dense comme du miel, qui recouvre ses mains d'une pellicule dorée aussi chatoyante que le soleil en été.

J'en serais à croire que vous souhaitez me disséquer encore de mon vivant - pendant les trois secondes de chaque présent que vous pourrez obtenir de moi.

Tu secoues la tête, amusé.
Cet homme là, est comme une brise printanière. On ne sait jamais ce qu'il peut apporter, du chaud ou du froid, du sec ou de l'humide. Il transporte graines et pollen, comme gel et glace. Dangereux mais doux, méfiant et impitoyable, il est une épée de l'aube des saisons, dont on se méfie de la violence mais dont on craint tout autant la grâce.
Alors lorsqu'il chute, tu le rattrapes tel un oisillon tombé de son nid, tes mains autour de sa taille, ses pieds ne touchant pas le sol.

Oh, ce n'est pas mon cas, ô Juliette passionnée et effrénée. Je suis des hommes simples qui ne cherchent pas à entendre des mensonges ou des semi-vérités. Seule l'honnêteté trouve en moi le plaisir.

Mais voilà que sa main saisit tes cheveux, les tire en arrière, et tu gémis lorsque ses dents viennent marquer ta chair, tu gémis lorsque le sang éclate sous la peau et la laisse marquée.
Ses paroles, elles, te font frissonner étrangement.

Ne l'approchez pas si vous tenez à votre langue.

Rire rauque alors que tu le fais asseoir sur le bureau, debout entre ses jambes.

C'est votre prénom qui hérisse tant votre hubris, dites moi ?

Tu secoues la tête face à ce spectacle, face à cette tirade d'un papillon de nuit qui sait qu'il ne tardera pas à périr dans la lumière des aurores.

Vivez donc bruyamment, chantez plus fort que tous, que votre éclat s'éteigne dans un feu d'artifices inoubliable.

Un arresto momentum discret, non énoncé, pour éviter le fracas d'un encrier sur le sol, tu laisses tes mains glisser sur ses courbes délicates, sur sa carrure tendre, gourmand mais surtout curieux, de ses réactions, de ses dires, de ses mouvements si particulièrement saisissants.
Il était la lumière qui illuminait la scène - inoubliable.

Faut-il encore avoir des attentes - avec vous, c'est une impossible mission, croyez moi.

Ses remarques te font esquisser un sourire - aurait-il vu au-delà de ce que les autres apercevaient ? Pourtant tu ne lui a pas entrouvert la vérité, tu n'as été rien de plus que toi même, dans toute ta sincérité.
Peut-être était-ce cela qui t'avait vendu.

Ne le faites pas, cela n'en vaut pas la chandelle.

S'éprendre de toi semblait venir à un prix trop conséquent - il n'était guère utile de s'enfoncer dans le mirage que tu représentais.
Surtout lorsqu'il n'y avait pas d'espoir de réciproque.

Mon nom n'est pas grand, mais si tu souhaites qu'on laisse tomber l'étiquette, ainsi soit-il.

L'observer est une danse avec le feu, et tu ris à ton tour, particulièrement flatté et perdu dans ses mots, dans ses demandes, dans ses actes murmurés au silence d'une promesse.

Que désires-tu alors, mes lèvres ou leur absence ? Je peux t'offrir les deux.

Et ton bassin se heurte au sien alors que tu le saisis par la nuque, attirant ses lèvres aux tiennes, mais sans l'embrasser, non, seulement effleurer de ton souffle sa peau, d'un baiser aussi fantôme que tes vérités.