Magnus Lestrange vient d'être élu ministre de la magie. Quel cauchemar ! Le même qu'en 2014, la boucle qui se répète. The Crow, maintenant ça... Il s'en passe des choses pendant ton absence. Exilé depuis deux ans, tu n'as pas été très malin Clovis de venir fourrer ton nez par ici. Tu comptes sur le hors saison pour ne pas te faire surprendre par des connaissances britanniques. Tu restes la plupart du temps enfermé dans ta chambre d'hotel - à contempler le plafond, à dévorer des bouquins interdits. Tu fuis les problèmes mais il te rattrape. Cette foutue chaine qui te nargue au bout du lit, souille les draps de sa magie.

Tu l'attrapes, ainsi que ta baguette et sors de la pièce pour rejoindre la forêt. Le soleil brille encore un peu mais le vent s'est levé. Tu pètes un cable Clovis, jettes le bijou dans la poussière et répètes inlassablement des sortilèges que tu as déjà essayé. C'est peine perdue (tu le sais) ; et pourtant c'est la rage qui t'anime. Ministre de la magie, The Crow, manipulation des médias et des idéaux. Ministre de la magie, lui ! Cinq ans de trouble à l'ordre public, ça ne lui a pas suffit ?!

La baguette tremble et le dos vouté, tu peines à trouver ton souffle.
Dans la pénombre provoquée par les arbres broussailleux, on t'interpelle. Tu tournes furtivement la tête, n'a pas le temps d'effacer cet air hagard et effaré qui blêmit tes traits habituellement rosés.
Tu mets quelques secondes à percuter, te redresses pour bien paraitre.

— « ... Black ? »

Tu fronces les sourcils, désorienté.

— « Regulus c'est ça ? Non. Pas lui, l'autre. Rigel. Haha, tu m'as surpris. »

Tu sais pas quoi répondre à sa question, alors tu gagnes du temps, toujours à bout de souffle.

— « Que... Qu'est-ce que tu fais ici ? C'est loin de chez toi. »

De ton petit paradis doré.

Sage. Tu restes incrédule un instant, fronces les sourcils puis détends tes épaules dans un soupire. Hoches la tête pour acquiescer. Très bien, Sage. Tu l'écoutes attentivement démonter tes futurs arguments. C'est pas grave tu voulais simplement gagner du temps. Tu te pinces discrètement la lèvre et te permets de reculer de quelques pas, toujours un peu sur la défensive. Tu ris nerveusement à sa remarque - sans pour autant répondre - décidément il a fallu qu'il soit en vacances à ce moment là. Tu le savais, tu n'aurais jamais du fouler un endroit aussi fréquenté.

— « Il est vrai. Oublie ma question, elle n'a pas d'importance de toute manière. »

Tu vas pour ramasser l'objet mais te figes soudainement. La cérémonie était belle... Tu sens une boule se former dans ta gorge. T'es parcouru de frissons de sueurs froides. Bordel, l'entendre te fait mal, même si tu t'en doutais. La voix un peu tremblante, tu demandes.

— « Elle a pleuré ? Ma mère. »

Tu n'en doutes pas vraiment pour tes soeurs.
Et tu sais que ton père et ton frère ne verseraient pas une seule larme pour une vermine pour toi - hormis peut-être devant les caméras, pour s'assurer la sympathie des électeurs. Non mais quel idiot tu fais !

— « Merci de ta discrétion. »

Tu te baisses finalement pour ramasser la chaine que tu fourres dans ta poche. En profites pour te justifier sur un ton plus léger.

— « On m'a vendu de la camelote, couronné à ça j'ai découvert un maléfice un peu pénible. Rien de grave mais je me suis laissé emporter. »

Tu lui fais complètement face.
Si tu ne lui donnes pas au moins une réponse à une de ses questions, tu prends le risque qu'il s'agace et trahisse son engagement.

— « C'est compliqué. »

Mais tu n'as rien trouvé de mieux pour le coup.

— « Une affaire de famille. »

Oui, elle a pleuré. Tu te demandes un instant s'il dit la vérité mais il y a quelque chose d'impénétrable dans son regard. Tu n'arrives pas à percevoir ce qu'il peut penser - malgré ton aptitude à être assez lucide (habituellement) sur les intentions des gens. Peut-etre pour ça qu'il ne t'a jamais marqué, ce Sage Black. Tu ne t'intéresses pas aux coquilles vides et l'obscurité qui voile ses yeux déjà noirs ne t'inspire rien.

Tu étires un sourire tout de même reconnaissant. Par contre ça ne te fait en rien plaisir, ça te bouffe de l'intérieur. C'est plus simple de continuer quand tu ne manques à personne. Rentrer maintenant serait plus qu'humiliant, alors il est essentiel que la mascarade continue et qu'il ne dise rien de ce qu'il a vu (et entendu).

— « A qui le dis-tu... et il semblerait que nos deux familles veuillent se lier dans leur complexité déjà existante. Mon frère et ta cousine. »

Léger sourire.
Qui disparait aussitôt lorsque Sage tend la main et propose d'examiner le bijou. Tu te crispes entièrement Clovis. Que risques-tu ? Il est impossible d'en conclure de sa nature rien qu'en l'observant. Tu n'es même pas certain qu'il puisse savoir qu'une telle magie noire puisse exister.

— « Non ! »

Sueur qui coule le long de ta tempe. Tu mets quelques secondes à reprendre le contrôle, alors que la chaine grésille dans ta poche, te prend la tête, te prend à la gorge. Tu recules.

— « Hm. Sage. Tu as l'air d'être un garçon intelligent. Brillant, et malin. Tu sais comment je sais ça ? Je l'étais déjà quand tu étais encore dans ton berceau. »

Tu plaque ta main pour dessiner les reliefs de l'horcruxe au travers du tissu de ton pantalon. Rassuré de la savoir encore là. Précieux.

— « Tu sais déjà que je ne te le donnerai pas. Restons-en là, s'il te plait. »

Il a l'air de capituler, d'accepter la défaite - c'est une semi victoire pour toi d'écarter sa curiosité malsaine de tes affaires. Tu es presque soulagé de voir son air résigné. Et tu fais trop confiance aux gens Clovis, aveuglé par ta bienveillance, bien que corrompue par tes intérêts personnels. Tu ne te méfies pas (jamais assez !) et te voilà plaqué contre le sol, éjecté vers l'arrière. Ta tête cogne et tu fermes les yeux une seconde pour reprendre conscience. Tires sur tes mains pour essayer de te libérer. Ce sale garnement !

Il te vole l'horcruxe avec une facilité déconcertante. A ce moment là, toute la sympathie que tu avais pu éprouver pour lui s'efface. Tu n'as qu'une idée en tête, lui reprendre et lui faire payer son geste. C'est que cet objet a déjà commencé à te changer, car avant tu aurais déjà pardonné, tu aurais ri de bon coeur de t'être fait avoir de la sorte.

— « Rend-le immédiatement ! Putain, Sage ! »

Tu te contorsionnes pour attraper ta baguette glissée dans la poche arrière de ton pantalon. Tes années d'entraînement auraient enfin porté leur fruit ? C'est un jeu d'enfant, entre deux adultes. Toujours au sol et la main libérée par un informulé tu le désarmes d'un expelliarmus plutôt énervé.
La rage dans ton regard alors que tu en profites pour te redresser et foncer vers lui.
Le fais basculer en arrière de tout ton poids sur lui, vous chutez au bord de l'eau, dans la boue. Tu chopes son poignet pour lui arracher la chaine des mains - ou du moins l'essayer. L'objet grésille encore (t'appelle), tu jurerais entendre la voix de père. Ça te rend fou Clovis et peut-être que tu lui tords les doigts sans réellement le vouloir.

— « Tu vas lâcher ça ... ! Ne m'oblige pas à te faire mal. »

Comme dans un geste désespéré tu plantes le bout de ta baguette au niveau de sa gorge, sans réellement appuyé.

— « Tu compliques tout. Arrête de bouger. »

Tu n'es plus toi même Clovis. Tu n'es plus toi même... Tu ne visualises que la courbe argentée et brillante qui luit entre ses doigts tordus. Tu serais prêt à tout pour la récupérer - pour la mettre en sécurité. C'est un fragment de ton Père qui vit prisonnier, qui te murmure à l'oreille pour continuer d'exister, et sans le savoir tu respires par son influence. Il a fallu des années pour qu'elle t'atteigne enfin, par le biais d'un souvenir.

Tu sens une vive douleur au niveau de ton ventre, puis une deuxième. Tu t'accroche à ta baguette quand tu te retrouves expulsé (à terre une nouvelle fois). Tu geins de douleur alors que ta main boueuse racle le sol pour te permettre de te redresser. Les doigts gluants et glissants sur le morceau de bois. Tu as l'air dépité Clovis, au bord d'un gouffre dans lequel il serait plus simple de tomber définitivement.

Comme un chien en manque, tu te pares d'agressivité et pointes ta baguette vers lui. Il n'est plus l'heure de demander gentiment, il est maintenant temps d'exiger.

— « Imper... »

Mais la fin du sort se bloque dans ta gorge. Tu n'y arrives pas (tu étais pourtant à ça !). Tes yeux glissent sur l'objet désormais à tes pieds. Tu baisses ta baguette et te penches lentement pour le ramasser. La voix de Sage à tes oreilles.
Magie noire et tu éclates de rire.

— « Tu t'en doutais depuis le début, c'est pour ça que tu l'as réclamé. »

Tu fourres l'horcruxe dans ta poche, il te brule la main.
Et contre toute attente, ce sont des larmes de désespoir qui roulent sur tes joues sales.

— « Tu ne comprends pas... Je pensais pouvoir... pouvoir le gérer ? Je pensais être assez fort ? Je suis faible. Trop faible ! Un bon à rien. »

Tu te diriges vers l'arbre le plus proche pour t'y adosser, lentement glisser contre celui-ci. Tes forces t'abandonnent.

— « Reste en dehors de mes affaires. »