bloqué par le temps et les actes, comme un enfant puni d’avoir respirer un peu trop fort dans ce monde de silence. il semble détendu, à l’aise dans son habitat pourtant alexander a la rage.

ses mots sous scellés les lèvres tendues dans un sourire crispé, il attend, impatient, que ne crèvent les heures pour enfin regagner sa liberté. angoissé par le tic tac de l’horloge qui se moque de lui voler sa liberté, doucement lui vient un sentiment qui ne l’avait, jusque-là, jamais offensé.


alors il se questionne. et s’il ne s’était jamais perdu à suivre sa folie, si jamais il n’avait dépassé la limite qu’il s’était lui-même imposée, si ses vices ne restaient que des secrets. aurait-il été heureux ? inerte dans la foule, pantin de société. si la peur avait pu le gouverner comme elle a dissipée tous les autres… s’il s’en était tenu à torturer croyance. si la limite n’avait pas été si longtemps effleurée.

quand la porte s’ouvre ses yeux se lèvent pour décrire la silhouette qui vient trancher ses pensées. il inspire, constate, réagit : c’était bel et bien du regret. quand ariana se dévoile telle une punition ; quand son sourire d’homme fier s’estompe pour laisser voir sa peine.

il est déçu. de lui.
deçu de la décevoir, elle.

« ma future femme. »

lui rappeler son statut pour qu’elle ne le fuit pas. regrette-t-elle ? serait-elle capable de briser ce paradis inespéré pour le laisser chuter à sa triste réalité ? était-elle capable de supporter qu’une fois, alexander se soit autorisé à caresser l’interdit ?

« je ne recommencerai jamais. »

ou bien il s’en cacherait, mieux. oui, il sera pudique de ses méfaits, si elle lui pardonne celui-ci alors pour la suite il se promet d’être cachotier.

« c’était un écart, le premier, le seul. il faut bien toucher le feu pour se brûler, tu le sais, n’est ce pas ? j’ai les mains en sang. je ne m'approcherai plus du feu. aide moi s’il te plait à panser mes blessures, ariana. »

qu’elle puisse l’aider à se pardonner
à croire qu’il puisse changer

quand un alexander glisse de ses lèvres rouges il déglutit, coupable, il entend la dureté de sa prononciation, pourtant se sent apaisé parce qu’elle l’a soupiré. sa voix avait était ferme oui mais tout était dans ce qu’elle ne put maîtriser ; cet air qui s’échappe en se mêlant aux syllabes de son prénom. alors ses épaules s’affaissent un peu, au fur et à mesure qu’il justifie sa bêtise sans la nommer, quand elle quémande alors, sous entendu dans un ordre, la nature de ses bavures.

et il en sourit. parce qu’il ne craint plus qu’elle ne disparaisse. elle était ici à présent, et elle avait demandé la vérité sur un plateau doré. comment pourrait-il se sentir coupable d’obéir ?

elle s’approche et il inspire, pose ses deux mains à plats contre la table.

« pendant le festival, tu as dû en entendre parler. un dragon a étendu son ombre sur la foule. il y avait ceux qui criaient, ceux qui courraient. et il y avait moi. il se peut que j’ai lancé un amplificatum sur la bête… ce qui fut d’ailleurs instantanément réparé par je ne sais qui. mais le sort m’a vite puni tu sais, j’ai été mis à terre par une vague brûlante.. »

alors qu’il voudrait se vanter de son sort sur un monstre aussi énorme, il se rétracte, mordant sa lèvre inférieure avant de soupirer, le regard vaguant à observer l’environnement qui le confine.

« j’ai pris un bon avocat, et j’ai mon médecin pour témoigner en ma faveur… ce n’était qu’un écart, comme je te dis. ça ne se reproduira jamais. j’ai toujours été bon ariana, j’ai toujours étouffé ce mal qui me ronge, j’ai étudié chaque limite de la justice pour ne jamais l'enfreindre. mais personne n’est parfait. »

alors à nouveau son regard trouve le sien, avec autant d’aplomb, si ce n’est plus.

« tu as promis que tu m’éduquerais. tu as dit que j’étais brillant. c’est la dernière fois, je l’ai su dès que mes poumons se sont époumonés à lancer ce sort, je l’ai su avant même que tu n’arrives pour me tuer avec ton regard. c’était la dernière fois. »

un soupçon de rire étouffé, car le doute soudain s'immisce à nouveau dans ses pensées les plus intimes — et il s’en voudrait de l’avouer mais dieu qu’il a peur que tout s’arrête.

« tu m’aimes, tu me l’as dit. tu me pardonnes, n’est ce pas ? tu m’acceptes. »

étrange est-elle, cette sensation pestiférée d’abandon. quand ses yeux ne font que scruter les mouvements d’ariana, quand ses mains pianotent sur la table dans l’attente timide qu’elles ne soient contenues dans les siennes, quand ses mots ne cherchent qu’à lui faire cracher ceux qu’il crève d’entendre.

il déglutit. l’épi comme pour trouver la faille qui lui servirait. mais elle persiste à s’indigner de ses actes, quand lui-même s’est déjà confondu en excuses : c’est à ne plus savoir quoi faire.

son amour disproportionné et malmené, il n'a jamais su le modeler selon les normes, et ses attentes qui en découlent ; il ignore aussi comment les rendre abordables, atteignables. alors l’aime-t-elle ? comme il en rêve ? comme il croit le mériter ? comme il croit que cela devrait être.

alors qu’il attend que ses lèvres ne murmurent qu’un soupçon d'amour, la voilà qui s’offusque pour sa robe. il souffle dans un semblant de rire, laissant un sourire figer son visage alors qu’il dévisage sa future femme.

ses mains doucement finissent par glisser sous la table, pour les joindre et les poser sur ses cuisses. de tendresse il pense comprendre qu’il n’y en aurait aucune par le contacte physique, de douceur qu’elle n’en dira pas tant que l’ordre ne sera pas revenu dans sa vie.

et s’il ne regrette pas d’épouser la femme qui le rend si vulnérable, il se sent pourtant le plus idiot des idiots d’avoir eu la moindre attente dans cette relation si particulière.

« peux tu ranger ton téléphone, quand nous parlons ? »

le ton est froid, le remords l’a quitté. il est comme un enfant vexé à qui l’on refuse un bonbon malgré ses aveux.

« je me suis excusé. j’ai expliqué ce que tu m’as demandé. j’ai pris un avocat.  je n’avais pas envie que tu rates ton rendez-vous pour ta robe. je n’avais pas envie de t’exaspérer. mais tu pourras te plaindre de ça quand je serai rentré à la maison ? »

il renifle, se refuse de la regarder plus longtemps. l’incompréhension le guette plus que la rancœur, et il ne semble pas comprendre cette palette d'émotions qui l’irrite si aisément.

« dis moi que tu m’aimes. que tu acceptes. »

que s’il sort d’ici c’est pour qu’elle le tolère plus qu’elle ne le supporte.

il inspire, ose à nouveau confronter son regard. cela faisait si longtemps qu’il ne s’était pas senti si inférieur, si désireux d’un peu de tendresse, si désespéré de se sentir encore parmi les vivants. il ignore comment faire. comment dire je t’aime, comme le recevoir.

« ce ne sont que des mots ariana. tu en es capable. »

finalement alexander frustré par la vie depuis tout petit ne se révélait être qu'un adulte perdu dans une enfance sans forme, qu'il fallait consoler comme un enfant.

c’est plutôt étrange, cette vulnérabilité qui le mutile en silence, quand ses yeux se confrontent au regard d’ariana. il y a dans cet amour timide les traumatismes d’un enfant effrayé, proie de l’abandon. il y a aussi l’espoir fragile pourtant naissant, d’une vie paisible où se sont dissous les cauchemars. il y a de la violence et du réconfort, de la peur et de l’envie. tant de contradictions mais son cœur bat pour elle, et tout son monde ne tourne plus qu’autour d’ariana. ses crimes il les avait adoucis pour qu’elle n’en souffre pas, ses lubies il les avait fait taire pour qu’elle ne s’en offusque pas, et maintenant ses bêtises qu’il ne pouvait contrôler tant il était épuisé de s’éteindre lui-même ; ses bêtises qui, malgré lui, arrachait à ariana des colères bien fondées. comment faire ?

un baiser de sa part ne suffirait pas. un je t’aime non plus. pourtant il se rassure, apprécie la cajolerie discrète dont elle était capable pour lui. quand elle s’installe sur lui alors il la serre contre lui, hume son odeur, se console de souffrances dont il n’ose parler. mais l’étreinte n’est pas douce — c’est la force d’un homme qui retient sa proie.

« c’est ton accent russe. des fois je ne comprends pas ce que tu dis. » mensonge à peine dissimulé, comme une blague perdue dans la tension de leur conversation. et soudainement il ne serre plus, relève son visage qu’il avait voulu enfouir dans sa poitrine pour regarder ses yeux noirs de colère. « il va falloir revoir mon éducation, ariana. mais la confiance doit régner, mieux que la peur. je ne recommencerai pas. » il repose sa tête contre la sienne, observe le paysage que la prison lui offrait, sa fiancée dans les bras. « veux-tu qu’on adopte un chien ? »

car il ne veut plus parler de ce qui le rend si honteux. il veut entendre autre chose, que l’affaire de son crime s’étouffe derrière leur bonheur à venir. un baiser sur sa tempe et il reprend ;

« tu as des photos de la robe de mariée que tu veux ? » dominé par la peur d’être un homme enchaîné dont les sentiments resteront à jamais incompris, pourtant, il ne pouvait pas faire taire l’impatience de son cœur à devenir un époux — de devenir, bientôt, comme le commun des mortels.

là. sa douceur, son amour ; là ils s’expriment pour lui, quand sa bêtise force l’humour, quand il laisse derrière lui le paysage en feu pour dénicher sur le visage de son aimée, une tendresse qui pourrait l’envelopper sans qu’il ne craigne les flammes. là. quand elle l’apprécie pour son vice, là il sait qu’il ne craint pas de la perdre.

alors il sait qu’il l’aime en retour. incapable de le dire pourtant il lui offre cette affection qui plait aux simplets, de par ses lèvres qui déposent quelques baisers sur sa machoire… mais un alexander sain n’est pas un homme tendre, alors après la douceur il cherche à la mordre, pourtant sans la pincer.

quand elle le questionne sur les chiens, il s’arrête, se surprend lui-même à sourire. lui a-t-on déjà demandé ce qu’il aimait ?

« haha, non, je n’aime pas les chiens. »

mais elle s’en doutait. face aux images, il imagine sa démarche, son charisme. sur l’écran défilent quelques corps drapés de blanc et rien de cela ne le rend moins impatient, si ce n’est l’idée de se savoir sien pour toujours. d’une voix calme, il commente ; « c’est nue que tu es la plus en valeur. » il sait qu’elle le croit. un énième baiser sur sa joue et il se corrige, plus galant. « je tombe déjà amoureux à chaque fois que tu me tiens tête. » sous entendu à chaque conversation partagée.

quand elle se redresse pour l’inquisitionner, il inspire profondément, prêt à retomber dans les remontrances de ses actes. mais elle s’inquiète de plus grave encore que d’un si bête écart. c’est sa propre existence qui est remise en doute ; et c’est à lui de lui dire qu’elle a toujours fait sens, avec ou sans lui.

leur paumes unies, il est coupé par sa deuxième question, mais ne manquera pas de répondre à toutes.

« je pensais que tu le choisirais pour moi ? je peux venir en blouse blanche ? »

il serre à son tour, pourtant sa force n’a rien de tendre.

« avec moi ariana tu seras la femme que tu désires. libre. puissante. active. »

il lâche sa main pour coiffer une mèche derrière son oreille, ses yeux ancrés dans les siens.

« tu ne te trahiras jamais. »

parce qu’il ne pourrait aimer une ariana différente de celle qu’il a rencontré il y a des années maintenant.

l'étreinte se calme, quand ariana subtilement, toujours, lui rappelait avec délicatesse que puissance ne rimait pas avec intensité.

sage et tendre, le décrit-elle. il aimerait sied ces termes, être élégant vêtu de tendresse, éclatant dans sa sagesse… mais il sait bien que ce qu'elle souligne n'est pour lui que faiblesse.

pour ses beaux yeux le loup qu'il est parvient à prendre des allures d'agneau, quand bien même les crocs le trahissent. cette douceur qu'il dépose comme un voile sur les désirs de son amour est aussi fragile que ses résolutions nouvelles.

être un homme bon, oui, mais pour combien de temps encore ?

quand il la regarde, obsédé par cette affection qu'il ne sait mesurer ni contrôler, il comprend. au dessus d'eux le ciel n'est pas bleu, et les nuages couvrent quelques latents orages…

et la voilà justement qui grattent les cumulonimbus, comme attirée par la pluie.

ses mains sur ses épaules il se sent prisonnier, dans cette cellule où il à quémander la visite de sa fiancée le voilà comme confronté à un autre type de juge.

c'est vrai qu'il avait toujours fui la chose.. fatigue, manque d'intérêt. mais elle n'ignore pas l'envie qui le dévore, peut être l'a-t-elle déjà surpris frustré de ne pouvoir laisser la volonté suivre le corps ?

il déglutit, mais l'atmosphère rend sa gorge inconfortable.

« je n'ai pas de convictions religieuses. » corrige-t-il en premier lieu. « ma fiancée, tu es diablement observatrice. je devrais m'inquiéter pour mes secrets… peut être les découvrir t'occuperais plus que des nuits mouvementées ? »

au fur et à mesure que ses mots essayent de séduire sa curiosité, ses mains, elles, viennent tenir ses hanches pour la retenir de sombrer dans la provocation.

« et je n'ai pas non plus besoin de dessin… alors ne cherche pas à m'exciter, j'aimerai passer pour un homme décent auprès de l'autorité qui me garde captif. » il inspire, sans que son regard ne se détache du sien. « pouvons nous en parler ce soir, plutôt ? quand je serai sorti d'ici. je t'expliquerai tout si tu es gentille avec moi. »

quand bien même il ignore si une nuit suffirait seulement à le guérir de cette peur, invasive, qui le détruit ; cette peur de la traiter comme il a toujours traité les corps.

sans considération, avec obsession, et suffisamment de violence pour briser les os qui l'empêchent de creuser pour cueillir sa faim.