Tu as l'impression de n'avoir que seize ans de nouveau, de découvrir l'odeur du soir, la fraîcheur de la nuit tombante, les frictions de ses doigts contre les tiens, irrégulièrement. T'aurais presque envie de le prendre par la main, l'attirer contre toi peut-être - rire aux éclats, gêné, avant de le relâcher.
Ouais, tu as vraiment l'impression d'avoir seize ans Earl.
Dans le couloir de son immeuble, lorsque la lumière peine à s'allumer, tu réalises que la tension est là. Qu'elle parcourt ton corps, vive, intense. Son souffle est un phare vers lequel tu t'avances bêtement - sans même le réaliser jusqu'à ce que tes doigts effleurent sa manche.
Lorsque la lumière le fait clignoter, tu espères que ses sens ne sont pas aptes à réaliser où ton regard était posé pendant ces quelques secondes.
Tu l'avais déjà embrassé une fois, pourtant, non ?
L'appartement n'est pas aussi ordonné que le tien - il est bien plus personnel, cependant. Tes doigts caressent quelques livres lorsque tu avances - obsessivement lisant les titres qui passent devant tes yeux.

Arrête, c'est rien. Tu as bon goût de ce que je lis.

Un sourire alors que tu viens le poursuivre, lentement profitant des lieux, sans réaliser que tu te tiens juste derrière lui jusqu'au moment où sa voix te fait presque sursauter.

Mhm, je veux bien un café.

Tu aimerais bien fumer aussi - mais dans cet endroit à l'odeur de bois et de papier, tu n'as pas envie de gâcher l'atmosphère olfactive.
Tu t'adosses à un placard en le regardant, un sourire léger glissé sur tes lèvres.

J'aime bien cet endroit. Il est très... Il t'es similaire.

Tu te passes une main dans la nuque avant de réaliser que tu n'as pas ôté ta veste - venant doucement t'en défaire, l'abandonnant à l'endroit qui semble le plus propice à la recueillir.

Tu ris, Earl, à cette réponse à laquelle tu aurais dû t'attendre. Ta tête se secoue, semant tes mèches noires sur ton front, avant de récupérer la tasse d'entre ses doigts.
Elle est brûlante et tu es étonné quelques instants qu'il ai pu la tenir sans peine. Puis tu te rappelles.
Doucement tu viens humer l'odeur amère et terreuse de la boisson. C'était du bon café qu'il t'avait fait - savoureux. Tu y distingues des notes supplémentaires, d'ailleurs. De la cannelle, peut-être ?
Tu prends une gorgée en grimaçant sous la chaleur.

Merci.

Le liquide réchauffe tes entrailles en descendant. Tes épaules se détendent presque instantanément et tu t'étires un peu - t'appuyant contre un meuble juste à côté de Croyance.
La vue de sa fenêtre est particulièrement paisible.

Mhm?

Il te faut un instant pour revenir au monde des vivants et réaliser sa question. Tes joues s'empourprent légèrement et tu ignores si c'est parce que tu n'as pas été attentif ou parce que tu as peur d'avance de ce qu'il pourrait te demander.

Tu sais, tu n'as pas à te restreindre ou quoi. Tu peux juste demander, je ne suis pas du genre à t'en vouloir pour une question Croyance.

La question te surprend. Te déroute.
L'attention qu'il te porte est elle aussi une bien étrange. Tu ne te sens pas forcément à l'aise quelques instants, comme si...
Tu ne sais pas. Tu ne parviens pas à identifier le ressenti.
Tes doigts dessinent les tours de la tasse qui réchauffe tes mains.

Je pense que ça dépend de tout le monde.

Réponse générique pour lui faire comprendre que tu comptes bien répondre - mais que tu as besoin de construire la réponse avant de la donner.
Tes lèvres se plongent dans le café pour une ou deux gorgées avant de reprendre.

Mais pour moi...

Tu te mords les lèvres. Cela faisait longtemps que tu n'avais pas désiré quelqu'un. Eu envie de quelqu'un.
Enfin. C'est un mensonge. Tes joues rougissent légèrement alors que tu étouffes tes pensées. Il faut répondre simplement - pas le démontrer.

J'ai chaud, souvent. Une chaleur agréable, qui s'étend au creux de mon ventre, de mon torse. Comme si je plongeais dans un bain.

Le café aussi te donnait cette chaleur - intérieure, tendre, progressive.

Puis ça me démange. Le bout des doigts, par exemple. J'ai envie de toucher, de sentir l'autre. D'en être proche. J'ai toujours été très... Sensible aux contacts, donc il est naturel pour moi de les désirer dans ce contexte.

Tu hésites légèrement. Avait-il besoin aussi de savoir les réactions physiques, ou...?
Dans le doute tu les tait, noyant tes rougeurs dans le café avant de le regarder. Un mot se glisse dans ton esprit alors que tu te demandes si c'est pour ça qu'il demande. S'il ignore ces choses là car il ne les ressent pas.

Tu es assexuel ?

Tu te mords pensivement les lèvres, Earl. Tu es seulement entrain de réaliser à quel point tu t'es mis dans une situation délicate. Une situation que pourtant, tu n'aurais pas voulu éviter.
Déposant ta tasse sur la surface la plus proche, tu viens doucement t'approcher de Croyance - t'accroupir devant lui.

Tu sais, l'intimité n'a parfois rien à voir avec le désir. Il n'y a parfois pas besoin de contact pour avoir envie de quelqu'un. Mais...

Il y avait eu toutes ces années à aller dans ce club, dans ce lieu de débauche, où tu avais découvert à quel point tu aimais faire des autres les cordes d'un instrument bien aiguisé. À quel point tu aimais découvrir la symphonie de chacun et la jouer sur leurs chairs avec la douceur des virtuoses.
Alors tes doigts viennent doucement voler une paume à Croyance, caressant le creux de son poignet avec légèreté.

Si tu n'as jamais connu la douceur, je peux comprendre que tu sois perdu.

Tes yeux attentifs restent ancrés dans les siens alors que tu te baisses pour déposer un baiser sur sa peau. Sur la marque que vous partagez.

Tu as le droit de ne pas vouloir la connaître, aussi. De dire non.

Un autre léger baiser, un peu plus haut.

Je ne sais pas de quoi sera fait demain, mais ce soir, Croyance, je suis à ton écoute.

Es-tu une mauvaise personne, Earl ? Tu ne saurais dire. Autrefois tu n'aurais eu aucun doute à l'affirmer pourtant.
Aujourd'hui, tu ne sais plus. Peut-être que tu n'as plus envie d'être contre le monde. Peut-être que tu as envie d'être libre de ce genre de poids.
Le poids des regards et des opinions.
Croyance t'interrompt - dans tes actions comme tes réflexions. Sa main sur ton menton est douce - tremble-t-elle un peu ou est-ce une illusion ?
Ta tête s'incline légèrement d'incompréhension, avant que les réponses ne viennent d'elles-mêmes au creux de ses lèvres.
Tu ne l'aurais pas pensé aussi entrepreneur - mais ça n'a pas l'air de te gêner. Tu lui rends le baiser avec douceur, ta paume venant se blottir au creux de son cou, tes doigts accrochant sa nuque pour l'empêcher de s'écarter.
Son soupir te fait sourire - tu en profites pour approfondir le baiser, pour goûter sa langue de la tienne.
La dernière fois votre étreinte était faite de violence - cette fois-ci elle n'était que douceur. Ses lèvres ont le goût du café, mais c'est la seule amertume que tu ressens, Earl.
En te reculant, tes dents viennent à peine tirer sur sa lèvre inférieure d'un rappel taquin.

Que dois-je en conclure, Croyance ?

Un sourire sur tes lèvres alors que tu t'es un peu hissé à sa hauteur - que tes yeux demeurent sur sa bouche, tes doigts venant caresser sa pommette, suivre l'anguleuse mâchoire, découvrir la douceur de ses cheveux. Ton coeur bat fort au creux de tes côtes, ton souffle quelque peu irrégulier prouvant fortement qu'il ne t'a guère laissé indifférent.
Mais il devait s'en douter. Tu ne l'avais pas caché.
Le goût du baiser te laisserait presque insatiable, Earl, et tu reviens effleurer ses lèvres des tiennes, d'un souffle à peine.

Que ressens-tu ?

Il est perdu.
Son visage dans ton cou, ses mains accrochées à toi, le goût de ses lèvres sur les tiennes. Tes mains viennent l'enlacer, alors que tu te redresses pour pouvoir t'asseoir sur le rebord à ses côtés.
Accroupi par terre en équilibre ce n'était pas le meilleur.
Pourtant tu gardes la proximité - tu le berces contre toi presque. Tes lèvres effleurent le haut de son oreille alors que tu fermes les yeux, la joue contre ses cheveux.
Il sent bon.

Tu n'as pas toujours besoin de mots.

Léger haussement des épaules. Tu n'en avais toi-même jamais eu l'utilité - ce n'est que récemment que tu avais appris à quoi ils servaient, où est-ce qu'ils menaient.
Ta main vient doucement se glisser au bas de son dos contre sa peau.

Ce n'est rien d'honteux ou humiliant d'être perdu, Croyance. Si tu as des craintes, que tu hésites, je peux juste rentrer chez moi. Je ne veux rien t'imposer.

Pourtant, l'idée de rentrer est loin de toi à ce moment là. Au contraire, tu as tout plein de raisons de rester ici, même si ce n'est que discuter. Croyance était d'une compagnie délicieuse, et ce qu'importe ce à quoi sa bouche était occupée.

Oh.
Tu te recules juste assez, à la distance que ses mains dans ton dos te permettent, pour le regarder. Tes yeux glissent sur ses lèvres, puis remontent sur sa cicatrice, et c'est ta main qui vient prendre le relai, suis le contour de sa bouche, les rebords de cette marque du bout des doigts, d'une douceur et affection évidente.

Croyance, il n'est pas question de ce que l'on a à offrir mais de ce que l'on veut.

Ta bouche vient doucement se poser contre la sienne, remonte le long de la marque jusqu'à sa pommette, avant de dévier, de venir bénir de baiser la peau abîmée dans son cou.
Abîmée et pourtant si douce.

Je veux rester. Mais est-ce que toi, toi tout seul, tu as envie de plus que juste quelques baisers ?

Expiration sensuelle contre sa clavicule, tu te recules Earl, conscient que tu n'es pas très loin de tes limites, qu'il ne manque pas grand chose pour que le désir te dévore. Mais tu veux l'entendre, tu veux être certain qu'il en a envie, lui aussi. Car tu ne veux pas qu'il prenne ce qu'on lui offre par dépit - tu ne veux pas qu'il regrette - tu ne veux pas qu'il cède à tes avances.
Et pourtant, tes mains glissent sous son haut, caressent son dos, doucement. Ta respiration n'a plus grand chose de régulier non plus - et tu devines que pour ton rythme cardiaque ça doit être similaire.
Tes lèvres reviennent doucement effleurer les siennes.

Demande moi ce dont tu as envie, Croyance...

Il t'attire, il s'approche, il valse, flamme vacillant contre le verre que tu crains qu'elle soit apte de briser. Pourtant, impossible à savoir - qui de vous deux brûle le plus fort ?

Alors ne t'arrête pas.

Il demande - et tu offres.
Sans hésiter.
Sans vaciller.
Tes lèvres viennent exiger les siennes alors que tu l'attires sur tes genoux sans même te poser de questions.
Il est plus grand que toi, mais ce n'est pas grave - tu es à bon niveau pour te noyer dans l'odeur de son cou, là où sa pomme d'Adam tremble et remonte, alors que tu la taquines, que tu la mordilles, que tu la marques. Et tes doigts viennent remonter jusqu'à ses omoplates, redescendre d'une griffure vive, mais légère pourtant, qui ne laissera pas de trace, elle, avant que tu ne passes tes paumes sur ses côtés, relevant le tissus, l'obligeant à lever les bras - enlever le vêtement.
Il tombe négligemment, alors que tu découvres l'étendue des cicatrices - que tu viens doucement le blottir un peu plus contre toi, venant doucement les embrasser, les soupoudrer de ton attention brûlante, de ton envie dévorante.
Les boutons de chair sur le passage subissent le même sort alors que tes mains viennent quérir son postérieur, attirant le bassin de Croyance contre le tien.
Impossible de dissimuler que tu n'es plus apte à retenir tes réactions physiques, Earl.

Tes souffles s'étouffent sous sa panique, sous ses mains qui te repoussent - et tu freines Earl, tes élans, tes pulsions, tes désirs.
Élancé et arrêté, tu peines à comprendre au départ ce qui va pas. Mais pourtant, tes mains attrapent les siennes. Pas ses poignets, non. Ses mains, vos doigts entremêlés à ton initiative.

Croyance, respire.

Ta voix est rauque, tes traits inquiets. Tu le berces contre toi sans t'imposer à lui, l'observant en douceur. Attentif.

Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as rien fait de mal. Doucement, respire, détends toi.

Tu lui souris, doucement, dénouant une de tes mains pour caresser sa joue, ramener ses cheveux un peu en arrière, descendre sur son épaule que tu serres légèrement.

Je ne le prends pas mal, tu vois ?

Doucement tu l'attires pour déposer un baiser au coin de ses lèvres - à défaut d'atteindre son front.
Peut-être que tu avais été trop entrepreneur. Avais-tu si vite oublié sa virginité ? Pourtant tu ne parvenais pas à te souvenir comment s'était passée la fois où tu avais perdu la tienne.
Avais-tu été aussi tremblant d'envie pour l'autre avant de paniquer ?
Peut-être était-ce différent aussi. L'âge jouait un grand rôle dans ce genre d'affres.
Peut-être aussi que Croyance avait ses raisons pour ne pas vouloir être précipité. Si on lui avait forcé la main par le passé...
Doucement tu étouffes tes pensées, te contentant de le bercer contre toi, tes doigts caresses apaisantes contre son épaule dénudée.

Il se morfond, il s'effondre, il se coule contre toi, navire à la coque percée qui ne réalise pas à quel point la terre est proche. Tu libères sa main pour mieux saisir son visage, tes traits inquiets affrontant les siens avec force.

Croyance, tu n'as pas à exiger de toi-même quelque chose à quoi tu n'es pas prêt.

La joue mordillée nerveusement, tu fronces les sourcils. À quel point la cruauté faite envers lui était-elle profonde pour l'avoir marqué ainsi ? Pour le pousser à se condamner lui-même quand la faute était à autrui ?
Pendant quelques instants tu ne sais comment agir. Comment le sauver de cette noyade qu'il est entrain de s'imposer.
Puis, tu décides de partager ton souffle avec lui, d'un baiser tendre, doux, apaisé.

Croyance, ce n'est pas grave. Tu n'as pas essayé de me tuer ou de me blesser.

Un rire un peu forcé se glisse de tes lèvres.

Cette fois-ci nous le voulions tous les deux ce baiser, et tu n'as pas à t'en vouloir de ne pas te sentir prêt au reste.

Tu secoues la tête, caressant sa joue avec douceur.

Tu peux prendre tout le temps du monde pour ça, tu sais ? C'est ton droit et personne n'a le droit de t'en empêcher.

L'inquiétude revient pointer son nez alors que tu plonges ton regard dans le sien.

À moins qu'on ne t'ai déjà forcé la main...?