T'étais assit sur ce banc depuis bien trop longtemps à observer le ciel dégagé. Tu sais pas pourquoi tu fais ça, tu sais pas pourquoi tu joues à ce jeu. Si en fait, tu sais, on t'y force, quand tu rumines les journées et que tes ondes plus que lourdes tombent sur les épaules de tes collègues, que ton regard morbide se pose sur tes amis, on te force. On te dit de sortir, de manger, on te traîne dans des lieux improbables et surtout on télécharge plein d'applications sur pineapple. T'es tellement épuisé que tu luttes pas, pour tout dire tu t'en rends parfois même pas compte. Alors voilà pourquoi t'es sur ce banc, parce qu'une certaine application arrêtait pas de sonner, sûrement mise là par Silas ou tu ne sais qui d'autre, mais ces notifications tu peux pas t'empêcher de les regarder. Puis c'est devenu une espèce d'habitude, tu vois ses messages tu y réponds, discussion simple, calme, comme le ciel d’aujourd’hui. Dégagé.

Tu laisses l'air entrer dans tes poumons et tu -enfin- te mets en route. Tu n'attends rien pour être franc, c'est plus pour faire taire tes proches et ces notifications -est-ce bien la vérité croyance?-
Silhouettes autour de toi qui parfois te percutent, il y a beaucoup de monde. Tu tiens en horreur le monde la foule gluante qui s'accroche à tes bras , la foule fumante d'horreur qui te prend la gorge. Ton visage se crispe à nouveau de cette lassitude acide. Sourcils froncés tu hâtes le pas tu ne veux pas te perdre dans ce nuage de bruit hors de portée.

Alors tu ouvres avec empressement la porte et la ferme derrière toi. Tu fais sonner une mélodie qui annonce ton arrivée qui attire l'attention d'une serveuse et d'un signe de la tête tu fais comprendre que tu es attendu

Tu sors ton appareil et observe vos derniers échanges. Il est déjà là. Au fond à droite. Tu lèves lentement les yeux pour voir qu'en effet, à une table de ce petit café se tient un jeune homme. Il est de dos tu ne vois que ses cheveux brun bien coiffé et sa droiture.

Le temps d'un moment tu te dis que faire demi-tour est bien plus raisonnable. Pendant un temps tu te demandes si tu as vraiment du temps à perdre dans tout ça. Immobile, on te dévisage. On te dévisage pour tes plaies, on te dévisage pour ta chevelure mais on te dévisage aussi parce que bon sang avance reste pas au milieu de la salle.

Tu n'as rien à perdre alors pourquoi pas.

Tu t'avances, tire la chaise puis enfin tu lèves les yeux vers l'homme et là, dans cette position d'entre-deux , entre l'assit et le debout tu ne peux pas t'empêcher de porter ta main à ta bouche pour retenir un rire aux éclats.

Cet homme. Oui, homme, parce qu'avant il n'était que garçon. Il n'était que colère, colère qui t'attrape par la gorge et pose ses lèvres contre les siennes, il n'était que jalousie qui te mord la lèvre à sang et toi tu avais suivi ce torrent de frustration. Et maintenant il se tient devant toi.

« … Earl. »

Tu fini par poser ton cul sur la chaise, toujours ta main écrasée sur ta bouche, il te faut quelque seconde pour te reprendre, c'est nerveux.
C'est une explosion de souvenirs tordus en tout sens qui viennent s'incruster dans ton esprit et ton corps se met à trembler, incontrôlable, les rires ou la peur ou la colère ou la rancœur ou la joie.

« C'est réellement toi au bout des messages ou bien as-tu assassiné mon rancard pour prendre sa place ? »

voix bien plus faible qu'à l'époque, corps bien plus brisé que lors de ta jeunesse mais il ya cette force. Cette force brute, cette froideur étrange qui émane de toi. Ce goût de déjà vu.  

Il ne te repousse pas, celui qui tenait la lame contre ta gorge, il ne te lances pas dans les flammes, son regard qui se pose sur toi est doux. Il est doux et tu n'es pas habitué à cela, tu ne t'attendais pas à ce genre de réaction, tu avais aiguisé tes crocs pour lui arracher un grognement de douleur s'il venait à vouloir te trancher à nouveau. Mais c'était doux.

Alors immédiatement la honte monta. Elle te prit les tripes et en fit un nœud, elle te donne un violent de coup sur la nuque. Tu étais ange, tu étais muse tu étais reflet d'ivoire mais maintenant tu es écorché. Maintenant la violence de tes actes signe ta peau avec fierté. Et ça te fait baisser les yeux alors que ta mâchoire se crispe. Tu veux fuir tu ne veux pas qu'il observe le résultat de tes échecs. Lui qui épousait les courbes d'un être fait d'amour et d'attirance il se retrouve face à un croquis gâché à l'encre rouge.

« Surprenant en effet.. »

Tu ne parviens même plus à tenir son regard.
Tu réalises ta faiblesse.
A t'entourer de monstres tu peux te fondre dans cette masse d'horreurs.
Alors que là tu te tiens devant une lumière faible, qui crépite mais qui ne brûle pas.

« Non ça ira, ne te donne pas cette peine pour moi. »

Sourire qui s'efface, sourire qui n'est là que pour la forme, sourire qui est pour les beaux et les bons et tu te l'accapares honteusement.
Earl. Tu te souviens de ses lèvres, du goût de son sang, de sa colère, de la sensation froide du mur contre lequel il t'acculait, de la rage qui déchirait ses cordes vocales. Alors pourquoi est-il assit là, calme, de cette voix que tu n'avais jamais entendu, qui se calque parfaitement sur la tienne.

« Cela fait … longtemps. »

Un écart dans le vêtement, une ouverture entre la peau et le tissu et tes doigts viennent se glisser contre l'intérieur de son poignet dévoilant ce chiffre que vous partagez. Tu t'y égares un long moment, le fixant avec une crainte particulière. C'est vrai. Lui aussi faisait parti des ravagés.

« Est-ce étrange que je trouve chez toi cette marque réconfortante ? Comme un rappel à la vie. Toi aussi tu y étais. » je n'étais pas seul. Mais ça tu ne le dis pas.

Oui, le temps affecte les âmes de manière bien étrange parfois. Il te laisse avec douceur te plonger dans tes souvenirs en accompagnant ta chute et ensuite il vient chasser ta gêne nocive par une bien plus candide alors qu'il expose la peau brûlante de son cou. Tu restes un instant figé, tu ne te souviens pas parfaitement de toutes les crevasses de ton enfance et ce passage là en particulier, la honte s'est permit d'effacer. Mais bien sûr son travail est bâclé ; tout te revient d'un coup.

« Tu– » Un nouveau rire s'envole de ta gorge. « Des enfants oui. J'ai honte, vraiment.  »

Tu viens pincer les arrêtes de ton nez dans un soupire en refaisant le portrait de cette jeune âme qui utilisait ton corps pour venir clamer un amour impossible. Au final tu n'as pas bien changé. Tu chasses toujours l'impossible, le malsain, le violent.

« Tu m'avais volé un baiser ceci dit, je me devais de répliquer. Ah ! On va finir par me prendre pour un vampire. J'ai déjà une tare sur le dos, ce serait bête de les accumuler. »

Tu te mords la lèvre dans un sourire innocent. Pourquoi ici et pourquoi lui, pourquoi de toutes les tombes qui t'entourent c'est celle de Earl qui s'est ouverte.

« Maintenant que j'y pense tu es le seul qui m'ait embrassé.  »

Parce que sinon c'est toi qui essayait de dérober les lèvres de tes bourreaux et tu finissais bien souvent le nez en sang. Quoi que ça n'y a pas échappé, ta gorge était rouge et la pulpe de ta bouche suivait le pas. Il faut toujours que tes amours se finissent ainsi. Ça marque l'esprit au fer rouge et ainsi tu n'oublies pas.

Tu laisses tes doigts épouser ton verre et en observe le liquide. Tu es épuisé Croyance, c'est maintenant que tu le remarques. Sortir est un bien fou pour ton moral, parler à cette ombre te fait du bien.

Tes iris se posent lentement sur Earl. Une question brûle le fond de ta gorge mais tu ne t'autorises pas à la poser. Est-il toujours avec Silas ? Dans ses bras, loin de l'école et du froid ? Sûrement pas car sinon il n'aurait pas fini sa soirée ici, pensant que Croyance allait être un élégant sorcier. Alors tu te demandes, comment les cœurs se sont brisés.

Gâté. Tu arques un sourcil alors qu'un léger sourire prend naissance sur les coins de ta bouche. C'est agréable, d'échanger ainsi avec Earl. Pour être franc, tu t'attendais à ce qu'il change complètement d'objectif et se contente de simple retrouvailles neutres et tendus mais non. Il laisse sa voix faire chavirer une partie de ton âme que tu avais complètement enterré et laissé pour mort.

« Silas et moi ? Allons. J'ai sûrement dû dire ça pour t'énerver. »

Tu portes à tes lèvres la boisson et en boit une gorgée, les yeux mis clos. Tu te souviens si peu de Silas, des brides étranges comme si tu essayais de te souvenir d'un rêve. Tu vois son visage incliné vers toi alors qu'il caresse tes cheveux, tu l'entends fredonner un air qui rassure ton cœur meurtris.

«  Et je ne plaisante pas non. »

Tes doigts prennent en grippe les pans d'une serviette posée là que tu t'amuses à torturer, la tournant encore et encore entre ton pouce et ton indexe.

« Qui plus est, tu es aussi mon premier rendez-vous. Je pense bien avoir oublié la sensation du soleil depuis de longues années. »

Après avoir prononcé ces mots tu lèves ton regard vers lui. On t'a souvent regardé de travers quand tu parlais de ta vie sentimentale alors tu as arrêté de l'évoquer. Tu as arrêté de dire que tu n'as jamais eu de relation avec qui que ce soit, que tu n'as jamais été en couple que tu es tellement effrayé et blessé par le monde que tu ne parviens pas à défaire les chaînes autour de ton cou. Que tu te détestes tellement que tu ne peux même pas envisager qu'une personne parvienne à avoir de la tendresse pour toi. Tu es tellement instable aussi.

Instable. Tu l'étais même avant tout ça. Quand tu as fondu en larmes devant lui et qu'il t'a prit dans ses bras. C'est comme un coup de couteau planté dans le ventre tant l'embarras t'envahis. T'étais vraiment déchiré en deux à cette époque, tu savais plus où donner de la tête tu voulais tellement être -parfait- être -bon- tu voulais tellement mériter ta place que tu étouffais tout le reste. Et maintenant le résultat fait bien de la peine, un jeune adulte au visage écorché incapable de savoir si ce qu'il ressent est réel ou pas assit en face d'un souvenir qui lui donne des vertiges.

«  Vierge et pourtant j'ai arraché un gémissement au grand Earl Grace. Quelle fierté. »

Tu passes ton doigt sur ta canine alors que tu ouvres légèrement la bouche lui rappelant ce moment fatidique et ne peux t'empêcher de rire quelque peu.

Un instant tu te souviens de son visage, crispé par la colère et quelque chose de dévorant, un instant tu te souviens vaguement de son visage bouffé par la fatigue de ce traumatisme que vous partagez, un instant tu te souviens ses phalanges écorchés, ses lèvres blessés et sa mâchoire serré.
Qui es-tu maintenant, albatros sans malchance qui devant toi t'offres cette chaleur réconfortante. Il a tant changé, et toi alors. Pourquoi tu refais les mêmes conneries, en boucle. Pourquoi tu ne peux pas être comme lui, le virtuose, l'enfant roi, pourquoi tu ne peux pas t'abandonner à la douceur de sa voix et à son regard qui ne cherches pas derrière les brisures.

« Eh bien voyez-vous ça, serais-je une de tes faiblesses Earl ? »

Sourire qui montre les canines qui t'ont fait rosir, sourire qui se veut moqueur. Puis le mot est posé, rendez-vous. C'est vrai ça, c'était prévu sans grandes réflexions et voilà que tu joues le jeu. Impensable, toi qui donne si peu de ta personne.

Mais c'est différent, c'est Earl. Tu lui dois ça. Tu lui donnes alors toute tes dernières forces, tu espères que ça sera assez pour ne pas le faire partir. Lui qui a dansé avec les plus belles créatures, lui qui connaît le goût des soupirs et des draps tirés.

« Je n'oserai jamais. »

As-tu, cependant, osé à l'époque l'insulter sur ce détail ? Tu aurais pu, dans cet élan de rage lui hurler une idiotie du genre. Et pourtant, tu as vu des mages bien plus grands que lui mais Earl lui t'as toujours intimité alors que les colosses tu ne fais que contourner leur grandeur, invisible à leurs yeux, ombre fébrile fuyant les rayons du soleil.

« En tout cas tu es – » Croyance te voilà jouer le jeu un peu trop. Tu sais très bien les dangers de la chose. « charmant, aujourd'hui. »

Gorgée de ta boisson comme pour faire passer la chose, pour cacher la maladresse de ta voix qui n'est pas habitué à ces choses là.

Tu t'es presque étouffé sur ta gorgée alors qu'il prononce cette dernière phrase. Beau, tu ne te vois pas comme beau. Brisé détruit ravagé par ta propre rancœur , oui, mais beau non. Alors tes yeux dépareillés de par le sang se posent sur ton souvenir à toi, le laissant noyer le poisson, le laissant cacher les rougeurs de ses joues.

Il t'a prit la main et t'a fait sombrer dans une époque oublié. Une époque où vous abordiez des couleurs différentes, ou tout était – presque – plus simple. Cette innocence qui ne vous sied plus. Toi le chasseur nocturne et lui le maître des couteaux refoulé.

«  Hm mhh »

Sourcil qui s'arque alors que ton sourire timide reprend un peu de place.
Puis enfin tu attrapes cette carte. Cela fait bien longtemps que tu n'as pas mangé ailleurs que dans ton salon.

« Non je suis retourné en France. Pour être franc je regrette un peu d'être revenu ici. J'aurai aimé voyager. »

Menteur. Tu n'avais pas la volonté nécessaire de faire quoi que ce soit d'autre que ton destin prédéfini. Cette position te convient parfaitement. Un travail qui te noie, un travail qui t'empêche de faire autre chose. Un travail qui retient tes sanglots.

« Et toi ? Tiens c'est vrai ça je ne t'ai même pas demandé ce que tu es devenu. »

Tu te replaces correctement sur ta chaise, ayant fait ton choix, effleurant sous la table la cheville d'Earl sans même t'en rendre compte, sans même savoir le symbole derrière ce genre d'échange, tu ne peux même pas en être gêné.

Pourquoi avoir quitté la france ? Pourquoi être parti de ton cimetière ? Tu restes un long moment silencieux perdu dans une observation éteinte du rien. Que répondre à cette question. C'est si facile de dire que tu voulais simplement te trouver une excuse pour ne pas déposer des fleurs sur la tombe de ta mère. Que tu ne voulais pas avoir à croiser ton père -brisé- et très sûrement en larmes devant un souvenir marqué au fer rouge sur sa peau.

« Je n'avais plus aucunes raisons de rester là-bas. »

Tu avais toutes les raisons du monde Croyance. Mais encore une fois, pourquoi choisir les solutions qui te font du bien ?

Parce que le bien n'apportes que déception. On attend tellement de choses , du bien, qu'il fini toujours par ouvrir le ventre de ses enfants.

Ton menton, légèrement se redresse vers ton souvenir et tu ne peux t'empêcher de te mordre la lèvre pour retenir un rire.

« … Toi, enseignant ? » main qui se pose doucement sur tes lèvres pour cacher ta surprise et ta légère moquerie « Tu devais terrifier tes élèves. »

Terrifier les élèves. Tu penses à Isaac et sa voix qui faisait frémir de peur tes comparses -pas toi , ceci dit, toi tu l'écoutais avec calme, tu n'as jamais eu peur du feu, tu n'as jamais crains les brûlures- tu n'as aussi jamais attisé sa colère.
Non ça tu le réalises adulte. Tu lui fais rouler des yeux et soupirer. Aveugle qui observe ton âme avec un peu trop de précision.

« Oui je suis médicomage maintenant. »

Tu marques un silence et détourne le regard. Earl , il sait.

«  Surprenant, n'est-ce pas. »

Il sait que tu mets les mêmes vêtements que l'infirmier. Il sait que tu portes son rôle un peu trop au sérieux. Il sait que tu ne sais faire que ça ; suivre ses pas.

Tu ne peux t'empêcher de remarquer les rougeurs de ses joues. Tu ne peux t'empêcher de trouver ça charmant. Tu es tellement habitué à ces visages froids qui te mentent, qui utilisent ta malédiction alors le voir ici en face de toi à frémir à un contact physique que tu imagines innocent, ça réchauffe ton cœur.
Earl il te fait te sentir ne serait-ce qu'un instant important. Ou tout du moins humain.

« Je l'ignore. »

Tu arques un sourcil en esquissant un sourire fragile. Tu ne réponds pas à la question parce que t'ignores la réponse. Tu sais pas pourquoi t'es revenu ici sur les terres qui te font qu'embourber tes ailes. Habitude de souffrir, lassitude de fuir, sûrement.

Puis te plonge dans ses souvenirs et tu l'imagines devant une classe au regard mauvais, tu l'imagines devoir épuiser ton énergie pour des âmes si jeunes et déjà bien trop corrompues. Il est bien plus courageux que toi, Earl. Ça te donne presque la nausée envers ta propre personne.

« Ce n'est pas surprenant, tu es brillant. » Gorgée d'eau pour couper la gêne, gorgée d'eau pour cacher ton sourire.

Sa main rejoint la tienne et provoque une décharge électrique chez toi. Il a comprit, il sait pourquoi, il sait. L'animal ne peut s'empêcher de montrer les crocs mais toi tu ne sais pas où te mettre. Tu ne sais pas trouver de conclusion justifiée à tes sentiments. Pourquoi ça t'agace, pourquoi ça te rend nerveux, pourquoi t'as envie de te lever et partir soudainement.

Parce qu'on pose un doigt sur ta plaie béante qui refuse de cicatriser.
Que tu refuses de faire cicatriser.
Que t'ouvres à coups de couteau et de rancœurs.

Mais ton problème Croyance c'est que c'était pas un lien c'était une chaîne, autour de ton cou qui serre et serre jusqu'à ce que tu respires plus.

« Hm. » Il a raison Earl. Tu dois lâcher cette énorme flèche qui transperce ton corps. « Tu veux pas m'aider ? » Sourire qui dévoile tes crocs limés par les expériences, sourire qui veut attirer l'attention et distraire du reste. Distraire des yeux rouges.

C'est la main de la serveuse qui séparent les votre alors que les plats se posent devant vous. D'un bref mouvement de poignet tu frottes maladroitement tes yeux et reprend ton calme -du mieux que tu peux-

Tes yeux tombent sur le plat. Cela fait bien longtemps que tu n'as pas eu de repas complet, d'un repas digne de ce nom. Tu t'oublies Croyance. C'est plus facile, c'est toujours plus facile de s'oublier.

Puis ton regard se redresse sur un Earl aux joues bien rouges. Moment de silence alors que tu tournes sa question en tout sens, que t'essaies d'y voir une réponse. Pourquoi tu lui as demandé de l'aide. Tu sais même pas quoi faire pour te sortir de là.

Et tu sais pas non plus pourquoi ton cœur est en suspension.

« Bonne question » léger rire soufflé alors que ta fourchette se plante dans le premier aliment venu « Tu y arriverais .. ? »

Arriver à quoi. Même toi tu sais pas ce que cet échange signifie, t'as l'impression de voir tout les aspects de ces sous-entendus mais que toi même t'ignore l'origine du fil rouge.

(( à l'oublier, t'empêcher de d'auto détruire, te sortir de cette collision d'étoiles ))

Première bouchée, yeux mis clos, regard fuyant.
T'as peur de sa réponse, pourquoi t'as peur de sa réponse ça n'engage à rien ça ne veut absolument rien dire.

Alors pourquoi même ça t'as peur d'en souffrir.
T'as peur de la souffrance qu'une personne au cœur limpide pourrait t'infliger alors que cracher du sang par les coups d'un monstre les nuits de pleine lune ça te fait à peine frémir.

Quelque chose tourne pas rond, quelque chose s'enroule un peu plus autour de toi.

Ton cœur loupe une pulsation et tu restes comme bloqué dans une seconde. Une longue seconde, une seconde qui murmure dans ton oreille de bien belles paroles mais aussi des menaces aggravantes.

Tu veux de l'aide, t'as besoin d'aide t'as besoin d'oublier de te mettre enfin à détourner le regard de ce corps recouvert de plaies.
Mais , et si ?
Et si Earl comptait faire comme tout ceux qui ont prit ta main avant lui, voler tes lèvres, voler ton cœur et voler tout le reste.

Tu poses ta fourchette et plonge ton regard dans celui du brun.
Tu retournes dans ce couloir mal éclairé de Poudlard, tu retournes dans ses bras, tu retournes à cette même seconde où tu as fondu en larmes contre lui.

Cette même hésitation.

« J'ai peur de te faire souffrir. » moment de silence et tu ne peux t'empêcher de souffler un rire gêné, un rire plein d'émotion , un rire qui n'a pas sa place ici qui si le lieu était plus calme serait sûrement larmes « c'est si .. cliché, pas vrai. »

Lèvre mordu entre ces mots bafoués, doigts qui viennent s'égarer sur ta serviette -tu la torture- t'es si nerveux si perdu si

Effrayé

« J'ai envie, oui, de te laisser essayer. » ta voix s'éteint « j'ai si peur ? C'est normal ? D'avoir peur ? »

Nouveau rire si maladroit alors que ta main cache ta bouche, le regard fuyant (encore)

C'est normal d'avoir peur quand on s'approche à peut-être arrêter de saigner ? C'est devenu si normal, ça fait parti de toi. Ce serait comme arracher tout ce que tu as fait depuis maintenant. Tu t'es construit autour de cette douleur, t'as tout fait pour que ça soit passable, pour que tu puisses continuer de respirer.

Tu ferais quoi sans tout ça ?
(vivre)

Alors ouais, t'es mort de peur.