Les rues sont tranquilles en cette douce soirée. Le velours de ta robe caresse ta peau alors que tu avances, aussi paisible que toujours.
Le menton redressé mais les cheveux dissimulant tes traits.
Derrière toi, tes sacs flottent paisiblement, te suivant dans tes frasques vestimentaires. Quelques tenues additionnelles qui viendraient parfaire ta garde-robe de leurs couleurs douces et printanières.
Rien de mieux que des achats pour célébrer cette nouvelle saison qui s'annonçait délicieuse.
Mais c'est alors que tu tournes dans une allée principale, que tes yeux croisent un regard passant - un regard renvoyé par un visage difforme.
Un frisson parcourt ton échine - avant que son odeur ne t'embaume.
Elle rugit, la louve jusque là silencieuse, elle rugit et s'ébroue de mécontentement.
Tes yeux ne luisent peut-être pas, mais ce pourrait être tout comme.
Un regard dans la rue où tu entres pour t'assurer ne pas avoir été aperçue - et c'est sur ton talon que tu pivotes, le poursuit, le hèles.
Ta main attrape le tissus de son haut avant même qu'il ne réagisse, le poussant hors de vue dans un couloir étroit donnant sur des résidences.
Brute. Sauvage. Inflexible.

Je n'ai aucune envie de savoir qui vous êtes, mais je sais aussi bien que vous ce que vous êtes.

La menace gronde, la louve gronde. Elle est là, prête à bondir à sa gorge, alors que tes yeux se rapprochent des siens. Tu ne lui laisses pas de doute sur ta capacité à l'étriper - tu peux le faire là, comme ça, sans hésiter.

Cela dit, la réciproque a tout intérêt de rester entre nous, on s'entend ?

Il est de ceux-là, donc.
Guère d'inquiétude pour ton identité - s'il se considère maudit, il ne condamnera pas une âme aussi en peine que la sienne.
La louve rechigne à s'apaiser, malgré tes caresses de son pelage hérissé. Elle n'aimait pas s'éveiller pour te voir courber l'échine - ne comprenait pas l'instinct humain de mentir et dissimuler.
Mais toi, tu étais humaine.
Civilisée, pour reprendre les mots de ton vis-à-vis.
Ta main ne le relâche pas, mais ton corps se blottit au sien - qu'on vous prenne pour des amants si des regards opportuns venaient à se perdre dans vos ombres entremêlées.

Ne me suis-je pas exprimée clairement ?

Ton rire carillonne entre les parois étroites du corridor.

Je veux que mon identité demeure... Un secret.

Tu aimais ton aptitude à si drastiquement changer de comportement - de personnalité. N'était-ce donc pas merveilleux de voir les autres perdus dans tes élans aussi fugaces que faux ?
Ton doigt sillonne la cicatrice ornant son visage.

Cela vaudrait mieux pour vous que cela reste ainsi.

Sa proximité est un jeu qu'il ne sait pas encore qu'il va perdre. Face à toi, face à elle, il ne tient aucune chance.

Je pourrais arracher votre langue de mes dents et en faire un repose-verre si vous êtes si insatiablement curieux.

Ta proposition ne souffre d'aucune hésitation, d'aucun éclat dans ton regard qui pourrait montrer que tu n'en serais pas capable - parce que tu le serais absolument, prête à agir dans l'instant, impulsive dans ta démesure.
Alors tes mains se glissent sous les pans de sa veste comme pour l'enlacer, jusqu'à ce que ta baguette se pointe au creux de son dos.

Soyez gentil, il serait dommage d'abîmer davantage votre beau faciès, trésor.

Et le bout de ta langue vient passer sur sa lèvre avant que tu n'éclates d'un nouveau rire tonitruant, qui résonne dans l'espace clos dans lequel tu l'as entraîné.
Il ne réalisait vraiment pas dans quoi il était tombé.

Est-ce vraiment tant demander que de jurer silence sur votre vie ?

Il n'en faut pas davantage pour t'amuser, et il ne te faut qu'une seconde pour qu'un Expelliarmus informulé arrache sa baguette au chien importun qui semble ne pas comprendre l'importance de ta requête - pourtant si gentiment formulée.

Un expert dans la repousse devrait s'en garder à son domaine, très cher.

Rire mauvais qui s'arrache de ta gorge alors que tu remarques son frisson et te colles un peu plus à lui - parfait, s'il était dégoûté, ça ne ferait que te faciliter la tâche.

Il est certain que mon secret vaut plus que vous, oui, à n'en pas douter ~

Note harmonieuse dans la voix alors que ta main libre coule vers sa ceinture, accroche le bord du tissus des doigts.

Mais la question est ; que faudra-t-il pour vous faire taire ? Je suis d'humeur magnanime, je veux bien épargner votre vie.

Ta tête s'incline, au regard acéré sur ses traits. Tu n'aurais pas pu le laisser filer, Merlin seul sait s'il connaissait ou non ton identité, le risque ne méritait pas d'être pris. Dans la foule, tu ignorais ces odeurs de tes confrères que tu préférais garder éloignés, car il y avait peu de chances qu'ils reconnaissent en ta personne le reflet qu'ils voyaient chaque nuit - mais à ne croiser qu'un seul d'entre eux, c'était trop risquer.
Bien que la fatigue commençait à lentement te succomber de prétendre après toutes ces années - mais avant de faire effondrer toutes tes années d'efforts, tu te devais d'assurer ta place dans la hiérarchie.
Pour cela, malheureusement, tu devais sacrifier un peu plus que tu n'étais prête à abandonner.

Un sourcil relevé en contemplation à ses paroles assez singulières, hésitant légèrement à la démarche à suivre. Il y avait des hommes qui pouvaient être séduits, des hommes qui pouvaient être achetés et des hommes qui pouvaient être vendus. Mais les hommes qui n'avaient plus rien à perdre étaient les plus difficiles d'entre tous.

Je vais surtout vous donner un os pour que vous cessiez de geindre...

Ton regard se baisse vers cette ceinture que d'une main tu défais - contemplant la carte que tu as discrètement extrait d'une de ses poches en passant tes mains sur lui.
Et le voilà, là, son nom. Son identité. Et c'est avec un soupir troublé que tu recules, rangeant ta baguette à nouveau au creux de la manche de ta veste.

Croyance Halloway, mhm ?

Ta main se saisit de la sienne, dévoile son poignet, contemple ce chiffre que tu n'avais pas eu jusque là l'opportunité de voir de tes propres yeux.
On accusait rarement d'infidélité les victimes de ces soirées là qui ont débuté à Poudlard.

Vous êtes à ce point là fatigué de votre existence ? Les avez-vous laissé vous détruire à ce point là ?

Ta main lâche la sienne, avant que tu ne refasses sa ceinture, réajustes son col.

Pitié de ceux qui s'en sont pris à vous.

Il y a un instant de flottement.
Tu n'avais jamais été douée pour interagir avec les gens lorsque ton visage n'était pas dissimulé. Lorsque tes actions n'étaient pas mesurées par le prisme de ton identité. Lorsque l'on connaissait ton plus sombre, sans connaître l'autre côté. Difficile pour toi de réguler la louve qui n'a jamais vécu en société.
Brusque, violente et isolée.
Qui gronde dans tes entrailles avant de se recoucher.

Merci. Et je suis sincèrement désolée.

Tes mains repliées devant toi, tu inclines légèrement la tête - tu n'auras pas absolution pour tes crimes ce soir, mais les reconnaître était d'une grande importance, comme tu le savais si bien.

Je me suis emportée, je n'ai pas d'excuse. Je ne m'attends pas à ce que vous me pardonniez l'affront fait.

Un sourire, faible.
Non, sa réputation ne le précédait pas. Il avait juste eu cette malchance de tomber sur toi, qui avait suivi les évènements avec attention.
Tes lèvres s'entrouvrent légèrement pour le lui annoncer. Avant de réaliser. De froncer les sourcils, de rejouer les paroles dans ton esprit.

... Parasite ?

Ta voix n'est plus agressive, non. Elle est blessée.
Blessée car tu n'as jamais été rien de plus qu'une façade dissimulant une louve. Blessée car elle et toi êtes la même, nature brute, puissante, inarrêtable. Blessée, car tu ne comprends pas comment on ne peut pas aimer cette douceur qu'apporte la nuit, cette brûlure qu'apporte la libération du corps et de l'esprit.
Les autres ne vivaient qu'une seule vie et toi tu en menais deux, un équilibre parfait préservé entre elles.
Mais lui aussi.
Comment pouvait-il en parler ainsi ? Était-ce des propos qu'il ne faisait que répéter ?
Cela ne t'étonnerait guère. Les gens étaient si prompts à blesser.

Non, Croyance, son pelage est d'un roux éclatant,
Le roux qu'on brûlait dans les feux d'antan,
Le roux qui amène mauvais augure,
Et qui comme ses hurlements, perdure.

Tu as envie de rire, Moira. Tu as envie de rire et de pleurer à la fois.
Tu n'avais jamais vraiment réalisé à quel le mot liberté te blessait.

Oui, c'est courant de préférer aller jusqu'au meurtre plutôt que de laisser sa nature être découverte par ceux-là même qui vous ont marqué.

Tu secoues la tête, Moira, te recules, essuies une larme qui a coulé contre ton gré - le masque retombant lentement, car c'est une défense, un bouclier meilleur que n'importe quel sort.

Ma condition est la seule chose qui me permet d'exister. Je ne serais rien sans elle - une moins que rien écervelée dans un coin des repas de famille.

L'épanchement est trop intime et tu te tais, redresses le menton, visse ton regard acéré au sien. C'était si désolant de voir à quel point le refus du loup l'avait ravagé - peut-être s'il l'avait aimé, il ne serait pas prêt à donner sa vie juste pour cesser d'exister.
Mais tu ne pouvais forcer ton opinion sur autrui - seulement espérer qu'ils apprennent de leurs douleurs et changent.
Tout le monde n'était pas bâti pour ça.

Mais pour vous je ne suis que ça, une écervelée richissime et obtuse d'esprit, n'est-ce pas ?

Rire, amer, douloureux, qui se ploie à la moquerie que ta propre voix a énoncé - comme un écho.

Soit, vivez donc à ne connaître que l'envie d'en finir - mais ne me parlez pas de liberté, car de nous deux, vous êtes le seul à la posséder.

Surprise aussi soudaine que poignante lorsqu'il crie, lorsqu'il te saisit, lorsque tu hoquètes, en le regardant s'évider.
Il est comme un sablier trop rempli, à ne jamais connaître l'écoulement soulageant du temps, figé dans l'instant par ses propres émotion étouffantes.
Ses éclats de colère, de douleur, semblent si habituels lorsque tu contemples ses traits déchirés. Ta main se lève, doucement vient bercer sa joue.

Halloway, j'échangerai volontiers si seulement je le pouvais.

Tes traits tirés en un masque de compassion, pourtant bien réel, tu laisses retomber ta paume qui s'accroche à son poignet - qui serre légèrement sa main comme pour essayer de le réconforter.
Tu étais sûrement la dernière de qui il souhaiterai du réconfort.

Vous êtes un homme fort et charismatique. Ne dites pas ne rien être - vous vivez, vous êtes toujours là. N'est-ce pas une preuve qu'elle ne vous a pas tout pris ?

Légère grimace qui orne tes traits alors que tu expires pensivement, tes gestes lents et mesurés, comme si tu craignais d'effarer l'animal sauvage qu'il était.

Votre passé est déjà gravé, mais votre avenir n'appartient qu'à vous... Embrassez l'essence qui vous a bâti, Halloway, c'est le seul conseil que je peux vous donner.

Un sourire malheureux remplace l'expression précédemment ancrée au creux de tes rides à peine marquées.

Rien de bon ne vient à haïr ce que nous sommes.

Tu l'attends. Qu'il finisse de parler, qu'il finisse de s'époumoner, qu'il déverse son venin et son amertume. Ta voix est calme lorsque tu t'exprimes de nouveau - ne faisant pas mine cette fois de t'approcher de lui, ayant bien compris qu'il ne le supporterait pas.

C'est bon ?

Une main passée dans ton épaisse chevelure, tu expires lourdement, penches la tête en l'observant.

Connaissez vous les faux semblants ? Le besoin impétueux de blesser, de détruire, avant qu'on ne soit victime de ce que les autres peuvent nous faire ?

Ta voix est lourde, pleine de reproches - pas envers lui, envers l'univers entier.

Savez vous ce que c'est de ne pouvoir jamais dire la vérité parce qu'on vous déchiquetterait ? De parer votre bienveillance de venin pour ne pas se faire exploiter ?

Peut-être était-ce de l'empathie qui te faisait ainsi monter dans les tons - ou peut-être étais-tu seulement fatiguée. Fatiguée de prétendre, fatiguée de jouer, fatiguée de tout.

La politique, on peut la quitter. Un visage, on peut le dissimuler. Mais le sang, M. Halloway, il ne ment jamais. Et le mien me relie à jamais à une famille qui si elle savait ce que je faisais dans leur ombre, me ferait rapidement disparaître.

Ton index vient finalement se planter contre son plexus solaire.

Alors oui, je vous ai menacé parce que je ne savais pas si je pouvais me risquer à l'honnêteté. Parce qu'il était plus important pour moi de m'assurer ma survie que la vôtre. Mais visiblement j'aurais dû continuer à me méfier de vous, vu comment vous crachez sur la bienveillance, sans comprendre que vous n'êtes pas le nombril de l'univers.