Olenka est à deux doigts, vraiment à deux doigts de pleurer de fatigue.
Ou d'envoyer le bureau devant elle voler. Au choix.
Finalement elle n'opte pour aucune des options, les réalisant trop... Extrêmes. En plus elle risquerait de tâcher le col de sa chemise fraîchement repassée.
Avec ses larmes ou celles de l'employé qui se serait reçu la-dite table.

Je suis vraiment navré Madame, ce n'est pas une situation que je suis habilité à traiter Laissez moi aller chercher la responsable, elle saura vous aider, je suis vraiment et terriblement confus.

À peine sa petite tirade de bureaucrate terminée, que le gamin d'une vingtaine d'années, pas plus, s'enfuit les jambes à son cou pour se réfugier dans les profondeurs de l'étage.
Olenka soupire et s'assied à demi sur le bureau.
Tout ce qu'elle voulait, c'était un renouvellement de ses documents. Ils n'étaient plus à jour et... Elle n'ignorait pas que cela pouvait poser problème si elle se faisait contrôler. Et vu les exigences des goblins à Gringott, ça pouvait arriver à tout moment.
Mais ce à quoi elle ne s'attendait pas, c'est que le petit rat de bibliothèque soit incapable de remplir une aussi simple requête. Ce n'était pas sorcier pourtant ! Il suffisait de remplir un papier là, un autre par-ci, vérifier sa baguette, confirmer son identité... Tout du moins c'est ce dont elle se souvenait de la dernière fois où elle avait dû faire cela.
À quoi il servait le moineau s'il retournait dans le nid de maman à la moindre contrariété ?

Trop compliqué d'être dans la légalité.

Qu'elle marmonna sous le nez, se passant une main sur les cheveux pour s'assurer que sa tresse ne s'était pas défaite.

Est-ce une blague ?
Olenka relève la tête, rencontre le regard émeraude qui semble bien plus à sa place ici - encadré de bureaux, de jeunes incompétents, et de tension politique.
Quel endroit meilleur pour une femme comme Fallen ?
Elle se souvenait parfaitement de leur rencontre entre le jour et la nuit sur un pont de la Tamise. Elle aurait presque cru rêver, si elle faisait des rêves. Mais directrice...
Eh bien, cela expliquait au moins une partie du fardeau sur ses épaules.
Elle ne relève même pas s'être fait entendre, et se redresse, fusille le... Stagiaire du regard, et suit la directrice dans la salle désignée.
La pièce est un peu plus agréable que le reste mais Olenka ne se détend pas. Malgré la bien agréable rencontre, la demoiselle face à elle n'est pas une simple joggeuse matinale - elle est une professionnelle en tête d'un département du ministère de la magie britannique.
De quoi se faire détester donc.

Quels privilèges me vois-je alloués pour être reçue par la directrice même ? Je pensais que la paperasse de base pouvait être remplie par n'importe lequel assistant.

Bien évidemment sauf s'il y a un problème. Que les tensions aient augmenté. Qu'une nécessité d'adopter une nouvelle nationalité commence à flotter dans l'air.
Olenka détestait la politique, les jeux de pouvoir, les amusements des puissants. Elle n'aimait pas l'idée d'être un pion dans un jeu de stratégie sordide. Elle préférait faire partie des pièces défectueuses pour pouvoir errer en dehors du plateau - et l'observer de loin.
Peut-être pour souffler de meilleurs déplacements aux joueurs.
Peut-être pour leur mettre feu.

Elle ne s'assied pas. Olenka ne s'asseoit jamais quand on le lui demande.
Têtue.
Elle croise les bras sur le torse, soupire. Elle attend des explications.
Celles qui lui sont données sont... Insatisfaisantes. Les gobelins n'étaient vraiment pas foutus de faire leur travail correctement ? Elle, elle faisait au mieux pour travailler avec eux. La réciprocité les tuerait ?
Vraiment les Êtres Magiques, tous les mêmes. Jamais bienveillants face aux sorciers. Pourtant ils faisaient tant d'efforts pour eux!

Pourquoi mon contrat ne suffit-il pas ?

Olenka finit par s'asseoir, essayant de croiser ses jambes. Le bureau trop proche du fauteuil l'en empêche, et elle recule son assise pour ne pas se cogner le genou.
La question de la directrice la désarçonne. C'était pas la première fois qu'elle allait se faire interroger, surtout en tant que ressortissante étrangère, mais jamais la personne qui allait faire l'interrogatoire ne souriait autant.
Elle se penche en avant, croise ses mains sur son genoux.

Ce n'est pas le protocole habituel, si ?

Sur le terrain de Fallen, elle a l'impression que la femme a repris son plein pouvoir.
Et qu'elle se régale de sa propre puissance.

Le jargon administratif semble couler des lèvres de Fallen avec un plaisir presque... Orgasmique. Aimait-elle tant être au contrôle ? Olenka l'observe quelques instants, s'attarde sur sa posture, sur ses traits détendus, cherche les failles, les éventuelles faiblesses. La femme devant elle a l'habitude d'être analysée - et elle laisse tout être vu pour que l'on ne trouve pas le peu qu'elle aimerait garder caché. Mais Olenka aime les défis.

C'est bien ce que je dis. Pour moi, le protocole habituel était celui qui ne s'appliquait qu'à ceux qui séjournent ici depuis moins de deux ans. Les circonstances ont changées, le protocole aussi.

Olenka soupire légèrement, se laisse enfoncer un peu plus dans le fauteuil. Elle défait un ou deux boutons du haut de son chemisier et remonte sa cheville sur son genoux - détendue.

Je vois. Je leur ferais savoir que si leur inutilité m'empêche une nouvelle fois de m'assurer un statut légal sur le territoire britannique, ils pourront chercher un autre vigile.

Un sourire. Elle n'était pas du genre à négocier avec les êtres magiques, mais les gobelins avaient l'intérêt d'avoir suscité son attention. Et puis, ils étaient faciles à travailler avec. Elle les ignorait, ils l'ignoraient. Ils la payaient, elle les protégeait. C'était un échange de bons procédés. Le but était pour tout le monde que les choses restent cordiales, n'est-ce pas ?

Puisque cela semble être une voie sans issue, j'accepte de répondre à vos questions afin de procéder aux vérifications.

Les mains venant à se poser sur les accoudoirs de son fauteuil, Olenka lance un regard franc à son interlocutrice, prête.

Pas de réponse. Olenka ne réagit pas à la flatterie. Pas à la première.
La deuxième commence à être redondante. Avaient-ils au ministère tant besoin d'éléments stables qu'ils en venaient à chercher des étrangers ? Olenka claque de la langue, mécontente.

Je ne cherche pas de nouveau travail, encore moins dans une cage.

Le sourire est compatissant. Elle sait ce que c'est. Être aux ordres. Avoir des missions. Des devoirs "citoyens". Elle connaît. Elle a fait. Elle a payé et détesté.
Elle en garde les cicatrices qu'elle a retenues par coeur.
Pourtant la femme en face d'elle a l'air si fière ! Si ravie des postes à pourvoir qu'elle pourrait lui proposer ! Comment pouvait-elle apprécier vivre dans ce caveau ? Dans la paperasse ? Sous la constante pression ? Cela, Olenka l'ignorait.
À moins qu'elle n'était bonne actrice, et ce y compris face à elle-même.

Je croyais que vous alliez me poser des questions.

Léger haussement d'épaules, elle se passe une main sur la nuque.

Et je ne compte pas quitter l'Angleterre de sitôt alors ça m'arrangerait beaucoup un permis de long séjour.

D'un geste tranquille, Olenka sort sa baguette de l'intérieur de sa veste et la pose sur le rebord de la table entre elles. D'un geste totalement détendu, elle ôte la couche supérieure, déboutonne les manches de sa chemise et les remonte. La veste est pliée sur ses genoux et elle récupère la baguette qu'elle glisse dans le fin harnais blanc qui passe sous sa poitrine, dissimulant l'arme sous son aisselle.

Pardonnez moi, mais j'ai plutôt chaud en intérieur.

La femme qu'Olenka a face à elle, est une femme au pouvoir. Ce n'est pas comme si son statut ne l'explicitait pas. Mais les rouages qui tournent sous sa chevelure noire semblent fraîchement huilés et acérés comme des lames.
Olenka a l'impression que si elle tombait dans le mécanisme, il ne resterait d'elle qu'une salade.
Précautionneusement, elle prend ses appuis - les paumes bien à plat sur les deux accoudoirs, la cheville sur le genou, le pied à plat au sol. Seuls les coins de ses yeux la vendent et elle le sait et n'y peux rien - elle a toujours su que sa faiblesse était dans son regard trop humain.

Oui et oui. Je compte d'ailleurs conserver ces deux informations... Intactes.

Aussi intactes que sa façade qu'elle réalise qu'elle a bien fait d'ériger lorsque les fins outils de l'horlogèrent décident de se planter dans sa chair. Un soupir, Olenka ferme les yeux histoire de mesurer les plaies, avant de se reprendre, paisiblement.

Scolarité complète à Koldovstoretz. J'ai achevé le parcours à Poudlard avec un DEMA. Mieux reconnu que nos diplômes locaux.

La première question est facile. La deuxième l'est déjà moins. Il lui faut une certaine appréhension pour y répondre sans véhémence. Il n'était pas facile d'avoir toujours trop à dire au sujet de certaines... Choses.

Il y a toujours eu une parfaite distinction dans mon éducation entre les espèces humaines et non-humaines. S'il y a eu des... actes méprisables, ils ne sont pas de ma connaissance.

Le sourire est crispé. La dernière question est délicate, peut-être trop après une qui l'a légèrement bousculée.

Dans la mesure de la morale. Nous n'avons pas les mêmes principes, mais je me plie aux lois du pays qui m'est hospitalier dans la mesure du possible.

Olenka ne tuait pas ses plantes en pot à coup d'Impardonnables. Par contre, parfois, un ou deux sorts pas très agréables lui échappaient et elle savait très bien qu'ils étaient peu recommandés...

Olenka laisse un sourire s'épanouir sur son visage, venant se pencher légèrement en avant. La femme l'amuse, lui occupe l'esprit, et elle ne peut s'empêcher d'apprécier que ce soit elle qui pose ces questions qui fâchent.

Si vous ne me donnez aucune raison d'en créer...

Rire presque sincère, elle se renfonce dans le fauteuil, secoue la tête amusée. Elle note l'attention de la femme et expose ses paumes, les deux faces vers le haut.

Vous voulez lire les lignes ? Ma mère y voyait un grand avenir.

Moquerie évidente avant qu'elle ne roule les yeux et souffle, d'un faux mécontentement.

J'éviterais de vider une louve pleine de son sang sous la lune noire en place publique, c'est promis.

Cette croyance que les magies d'ailleurs étaient primitives l'avait toujours dérangée. N'était-elle pas aussi "civilisée" que la femme en face d'elle ? Ou peut-être était ce la notion de peur qui différait de l'Europe Occidentale à tout le reste du monde. Peut-être qu'ici, où la magie était plus contrôlée, renfermée et sophistiquée, ils avaient peur de laisser libre cours au ruisseau qu'était la quintessence. Ils se refusaient à boire dans le Styx, là où Olenka y avait été baignée depuis le plus jeune âge.
Sans cordes, sans ancres. Juste elle et les flots.

Je suis bien au courant des règles régissant le sol de Gringott. Les gobelins sont aussi au courant de mes capacités. Nous avons nos propres accords quant à ce qui est... Interdit, sur les lieux de la banque, ne craignez rien.

Les gobelins, eux, n'avaient pas peur de la magie. Leur seul intérêt était que les sous-sols soient imperméables à toutes violations. Disons que si quelque chose se passait mal, ils préféraient faire taire les choses plutôt que de laisser entendre qu'il pouvait y avoir des passerelles.
C'était arrangeant.

J'atteste sur ma baguette que je n'ai amené personne avec moi sur le territoire britannique.

Olenka s'étire, observe la femme. Non, elle n'avait ramené personne. Juste ses fantômes, peut-être ses démons. Mais de vivant, il n'y avait personne d'importance à amener.

Haussement de sourcils, Olenka contemple ses paumes avec amusement, trace les cicatrices qui les recouvrent, ses yeux se levant sur son interlocutrice avec une sorte de malice.

Vous trouvez ?

Elle laisse son rire se déployer, l'entretien semblant approcher sa fin soulageant ses épaules de la tension qui y régnait. Les muscles demeureront toujours noueux, mais au moins ne seront-ils pas en permanence bandés.

Je recommande le bicarbonate de sodium. Avec un peu d'eau froide.

Les échanges entre les écoles étaient rares, oui, mais à raison. Elle avait vu une enfant qui avait fait une partie de sa scolarité parmi les français et espagnols pompeux et hautains. Elle n'avait pas fait long feu parmi les russes. Rien que le souvenir de son apparence au bout de ces quelques mois avant que ses parents ne la retirent de l'école donnait la nausée à Olenka.
Une si petite fille couverte de tant de marques.
Elle se râcle la gorge pour se défaire de ses pensées, et tourne le regard vers la plume et son parchemin.

Je vous en prie. Ce n'est pas grand chose pour pouvoir demeurer ici, à Londres.

La réalisation que l'entretien est réellement fini la frappe et elle se redresse un peu, presque nerveusement. Sa veste tombe, le briquet roulant sous la table.

J'aimerais, oui.

Elle se baisse, ramasse le tissus, et contemple quelques instants de trop la cambrure des pieds face à elle avant de se redresser, oubliant le briquet.

J'aimerais ajouter que vous avez été bien plus rapide que votre prédécesseur qui m'avait enregistrée la dernière fois. Alors j'aimerais vous remercier par un café. Ou un thé, si vous préférez.

Un sourire, bienveillant et sincère glisse sur les lèvres d'Olenka. Elle avait rarement l'opportunité d'apprécier les anglais, alors elle comptait en tirer au moins une connaissance.