Tes pieds heurtent le sol avec le manque d'aisance de ceux qui sont mieux dans les airs, à trôner haut parmi les étoiles et les nuages, à rêvasser et à tomber, conscient d'être capable de se rattraper.
Cette fois-ci, tu avais trop rêvassé. Peut-être était-ce la faute à la sous-estimation - les bras de l'autre attrapeuse semblaient faits pour une batte et non pour le fragile vif d'or. Mais c'est entre ses doigts qu'il avait trouvé refuge, et non entre les tiens.
Quel début de saison particulièrement pathétique. Fallen t'en rabâcherait les oreilles pendant des mois.
Tu t'en voulais un peu, mais c'était de bon jeu. Là où y avait gagnant, il y avait perdant. C'était la façon d'exister des choses - toujours en équilibre.
Tes pas te mènent vers une de tes coéquipière, et tu viens poser doucement ta main sur son épaule.
Elle te semblait si frêle parfois - tu avais presque peur pour elle, aussi haut dans le ciel.

Tu as si bien joué, Valentyne !

Le respect sonne dans ta voix. Tu ne t'y attendais clairement pas - pas avec sa délicatesse, sa douceur, et son visage d'ange.

Tu es dans l'air comme dans l'eau, c'est vraiment incroyable.

Large sourire, tu penches doucement la tête, préoccupé.

Ça va ? Tu te sens comment ? L'altitude ça te fait rien, j'espère ?

Les vestiaires se sont peu à peu vidés alors que tu t'étais déjà changé - tes cheveux encore mouillés retombant sur ton front. Tu n'avais pas pris la peine de les sécher alors que tu aurais pu, non.
La voix de ta coéquipière semble agacée et tu te retiens d'insister - après tout, elle venait d'accuser un échec elle aussi. Ce n'était pas aisé pour toi, qui n'avait rien à prouver, alors pour elle, ce devait être une défaite des plus cuisantes.

Tu sais, Valentyne, ce n'est pas si grave que ça. On aura d'autres victoire, ne t'en fais pas !

Tu lui offres un sourire ensoleillé, et ta main se glisse en avant pour enlever une poussière de son épaule.
Ou peut-être qu'il n'y avait rien. Elle ne pourrait pas le savoir.

Mais sérieusement, ça va ? Tu peux m'en parler, vraiment.

Tu penches la tête une nouvelle fois, l'observant.
Tant de colère à une apparente bienveillance, comment pourraient-ils s'intégrer aisément si la moindre chose les déstabilisait ? Asclepios jouait un jeu dans lequel il adorait se perdre, un fou sur un plateau couvert de cartes, à devoir deviner se qui se cachait derrière - sans se méfier des conséquences.
Car après tout, les effets de ses jeux, étaient pour lui, ou pour les autres ?

Ton dos vient heurter le métal, tes sourcils relevés en surprise, alors que son souffle effleure ton visage.
Qu'elle était petite et faible, Valentyne. Un vrai poisson hors de l'eau. Dans son regard tu voyais bien le torrent de ses émois, si impossible à contrôler. Brûlait-elle d'un feu plus vivant car elle était née dans l'eau ?

Valentyne-

Mais c'est que sa voix n'a rien de faible - et elle t'interrompt, ses doigts sur ta mâchoire, alors que tu laisses tes mains encadrer ses épaules.
Sans pour autant la toucher, non. Si d'autres regardaient, qu'ils voient que tu n'avais pas posé un seul doigt sur elle.

Je m'inquiète ! Regarde toi, ne vois-tu pas pourquoi j'ai des raisons d'être inquiet ? Tu es si... Si instable.

Ta tête se secoue presque avec déception, alors que tes traits se font presque glaciaux.
Après tout, contre les torrents, rien ne résistait - autant se laisser aller avec le flux.

Je ne veux rien de plus que m'assurer que tu ailles bien. Je suis ton coéquipier depuis des semaines, et tu ne l'as toujours pas compris ? Es-tu dépourvue d'émois humains à ce point là ?

Tes yeux se plantent dans les siens avec malice quelques instants - avant de se baisser, faussement navrés.

Pourquoi tu traites en ennemi ceux qui te tendent la main ?

Elle avait montré à quel point elle avait besoin d'être aidée, Valentyne.
À quel point elle avait besoin d'être soignée.

Ta joue brûle sous le coup, ton visage tourné de profil alors qu'elle brandit sa baguette. Menaçante. Incontrôlable.
Violente, comme l'océan qui s'abat sans attendre que la plage se vide. Impitoyable comme les profondeurs dans lesquelles on perd le sens du haut et du bas.
Glaciale, comme les eaux d'où elle vient. Était-elle née de chair humaine seulement ? Ou était-ce parmi les nageoires qu'elle avait vu le jour ?
Elle te menace, et pourtant, lentement tes yeux retrouvent les siens.
Toi, ose, Valentyne, ose commettre l'irréparable.
Ta bouche s'ouvre.
Mais la baguette vole. Le bois retombe à terre, plus loin, bruyamment.
Lancelot intervient, et tu aurais presque souhaité qu'il attende un peu. Juste un peu. Mais lorsqu'il exige des explications, tu te tais.
Il fallait parfois reculer pour faire de meilleurs progrès. Alors tu écoutes Valentyne et le flot de ses mots, tes yeux s'écarquillant chaque seconde un peu plus. Tes doigts se posent sur ta joue, sûrement rouge, alors que tu contemples Lancelot, cherchant à savoir si tu pouvais parler.
Et lorsque tu sens que l'accord t'es donné, c'est vers Valentyne que tu te tournes.

Je n'ai fait que m'inquiéter pour toi car tu es une nouvelle joueuse et que j'ai été assistant entraîneur. Tu as faux sur toute la ligne je...

Tes lèvres sont mordues alors que tu te tournes vers Lancelot, les yeux aux regrets apparents.

Je suis désolé, penser que ma préoccupation du bien être de l'équipe pouvait être interprétée ainsi... Est-ce que toi aussi tu me vois comme ça, Lancelot ? Jugeant sur... Sur l'hybridité ?

Tu secoues la tête, tes bras ramenés contre toi en une gestuelle défensive - une gestuelle blessée.

En Amérique s'inquiéter pour les autres est naturel, comment ça peut être aussi... Mal interprété ici. Je ne voulais qu'aider.

Et au fond, ce n'est que la vérité.
Il n'y avait pas besoin d'être hybride pour être inhumain - cela dit, c'est vrai que c'était souvent lié.
Il n'y avait rien de faux dans ce que tu avais énoncé. Il n'y avait jamais rien de faux dans tes propos.
Là où tu passais pour la victime, Valentyne était hystérique.
Le jugement revenait à Lancelot au final - qui croire entre celui qui n'a jamais rien fait de mal, et celle qui a été attrapée la baguette pointée sur un désarmé ?
Quel manipulateur que tu es, Asclepios, à toujours jouer des apparences.

Tes sourcils se froncent légèrement, alors que tu esquives les tapes derrière la tête. Tu n'avais pas attrapé le vif, certes. Sous-entendait-il vouloir te virer de l'équipe ?

C'est justement parce que j'ai pas géré que je m'inquiète pour les autres - je comprendrais qu'on m'en veuille mais... De là à me menacer ? Lancelot j'ai pas été décisif dans ce match.

Ta tête se secoue dans l'incompréhension.
Un autre pas en arrière alors que tu le contemples. Alors que tu l'écoutes, de plus en plus surpris.
Quand tu t'étais inscrit dans l'équipe, tu avais des doutes sur le capitaine. Mais leurs résultats, les entrainements que tu avais pu observer, étaient prometteurs.
Il s'avérait qu'un seul sang-pur suffisait pour tout gangréner.

Hé !

Lorsqu'il empoigne Valentyne, tu te glisses devant elle, attrapant Lancelot par le poignet.

C'est dur de perdre un match, mais ça n'excuse pas d'être un bourrin. Lâche la.

Tes traits sont durs lorsque tu le dévisages. Il n'a pas à s'en prendre à quiconque - et s'il ne baisse pas d'un ton, il n'y aura pas que Valentyne à tirer la baguette de sa poche.