19h30.
C’était noté et Sambre n’avait pas pris la peine de répondre. Son premier message était limpide, il était disponible, et Marian savait que leur rendez-vous était acté depuis qu’il avait précédemment accepté sans en connaître l’heure. On aurait pu lui dire 00:02 qu’il serait quand même venu, sinon à quoi bon être insomniaque.
Outre le fait qu’il dormait peu, la relation entretenue avec Marian était devenue importante pour lui avec le temps.
Après avoir longtemps échangé sur le magicnet, le plus jeune des Lawrence avait annoncé qu’il quittait le domaine familial pour s'installer à Londres. Marian était déjà sur place, comme un point de chute, un point de repère pour le jeune homme qui entrait dans le monde en s’extirpant du cocon familial avec envie et appréhension.
Est-ce qu’ils étaient amis ? Oui, Sambre le qualifiait en tant que tel. Ils passaient toujours de bons moments ensemble. L’un parlait peu quand l’autre parlait pour deux, voire trois des fois. Ils aimaient l’art, et parfois ne rien faire pendant des heures. C’était simple et léger. C’était aussi apaisant et dieu sait comme Sambre avait besoin d’être apaisé.

19h30.
Ça lui laissait du temps. Du temps pour finir son travail, déjà. Il avait une potion à terminer, des ingrédients à ranger et un parchemin à finir de rédiger. Les travaux de recherche du jour avaient été particulièrement productifs et la salle de préparation du premier étage était un vrai champ de bataille.
Ensuite, il passerait chez lui pour se changer et récupérer un fond de whisky Pur Feu qu’ils n’avaient pas fini la dernière fois. Peut-être quelques bièraubeurres pour continuer la soirée. Le message de Marian était intriguant, mais à chaque coup de mou, à chaque petite baisse de moral, il y avait son lot de boissons pour la faire glisser.
Son message était intriguant parce que jusqu’à présent, les deux jeunes gens ne parlaient pas de leurs passages à vide. Du moins pas directement. L’un et l’autre s’était déjà appelé en pleine déprime ou pendant une mauvaise passe pour se changer les idées mais sans l’avoir vraiment évoqué. Ils ne posaient pas de questions, ils ne cherchaient pas plus loin. D’ailleurs l’un comme l’autre avait sûrement dû afficher un sourire jovial pour oublier les mauvaises choses qu’ils n’avaient pas voulu affronter seul. Mais sans jamais évoquer le sujet qui fâche, le but était juste de passer un bon moment pour oublier.
Ça avait l’air différent aujourd’hui.

19h30.
Sambre se tenait devant la porte de Marian, changé et tenant contre lui un sac en toile qui tintait joliment à la suite de chacun de ses mouvements, trahissant sûrement son contenu. Finalement, il y avait bien 6 bièraubeurres supplémentaires avec le whisky Pur Feu. Et comme Sambre avait toujours été du genre gourmand, il avait cru bon d’apporter de quoi soulager l’âme et l’estomac : fondants du Chaudron, dragées surprises et patacitrouilles. Une mauvaise nouvelle avait aussi besoin de remontants solides, et puis il avait déjà faim depuis plusieurs heures.
Le sac s’agite sous le nez de Marian, au bout du bras d’un Sambre qui sourit largement.

- A l’heure ! Pour une fois… Et j’ai ramené des trucs.

Le blond profite de l’espace disponible entre Marian et l’encadrement de la porte pour se faufiler à l’intérieur et chercher du regard une surface disponible afin d’y déposer ses offrandes.
Il sort une par une les bouteilles en les disposant les une à côté des autres, bien alignées, comme les fioles de la boutique, puis vient le tour des friandises qu’il s’acharne beaucoup moins à ranger cette fois-ci.
Fier de son apéritif-goûter improvisé, il se tourne enfin pour jauger Marian du regard avec une moue interrogative.

- Quoi ? Tu m’as dit que tu avais besoin de compagnie alors j’ai ramené des copines. J’ai trouvé que c’était de circonstance. Tu sors des verres ?

Désignant les bouteilles en laissant à Marian le soin de choisir son remède, il avise un fauteuil libre pour s’y installer comme un prince, enfin, pour s’y lancer avec enthousiasme pour être totalement exact.
Il hésite un petit moment, observe Marian quelques instants en se mordant l’intérieur de la joue mais à quoi bon tourner autour du pot. En apparence, il avait l’air d’aller mieux que ce que Sambre aurait pu imaginer bien qu’il n’avait pas trop su à quoi s’attendre en réalité, alors qu’il faisait son stock de provisions en dévalisant ses propres placards.
Est-ce que Marian avait l’air moins “Marian” que d’habitude ? Un peu tendu peut-être ? Triste ? C’était possible. Qu’est ce qui avait entraîné ce message plus… ouvert que d’habitude ?
Pas une perte d’inspiration sur une de ses illustrations en tout cas. Ça, ils arrivaient à en parler.

- Alors ? Je te manquais ? Il se passe quelque chose ?

Il se ravise finalement en lançant avec moins de sérieux.

- Enfin on peut boire avant ! … Et ne rien dire du tout.

De toute façon, Sambre savait très bien que le choix du mode d’expression, comme celui de la boisson ce soir, revenait à Marian. Alors il attend, sagement. Calme, pour une fois.

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Quand Marian lui fit une remarque sur son sens de la démesure et sur sa vision d’une petite soirée entre amis, Sambre haussa simplement les épaules en souriant, agitant la main dans le vide l’air de dire sans un mot et sans se départir de son sourire “oh tu sais, c’est trois fois rien”. Après tout, il était comme ça. Pas seulement avec Marian, avec qui il avait envie de passer une bonne soirée et cela comprenait donc aussi boissons et nourriture, mais aussi dans sa vie de tous les jours. Par exemple, ses fêtes d’anniversaires avaient toujours été exubérantes et grandioses et ses relations amoureuses avaient toujours été mouvementées que ce soit en bien ou en mal. C’était une part de lui dont il avait bien du mal à se défaire, même dans les gestes les plus quotidiens.

Malgré ce trait de caractère qu’on pourrait qualifier d’intense, Sambre était, à quelques rares occasions, capable d’une grande patience et d’un calme à toute épreuve. Les domaines étaient relativement limités et comprenaient surtout deux choses : son travail et ses amitiés. Le reste, quand ça arrivait, n’était qu’anecdotique.
Alors il attend, étonnamment sage comme une image et bien installé, et ça valait le détour à contempler, c’était si rare. Ses yeux, dont il n’avait pas retiré l’élégante couleur violine qu’il arborait depuis le début de la journée,  scrute les gestes de Marian et il sourit en le voyant enfin décapsuler une bouteille.
Il jette un coup d'œil à la table basse où apparaissent les mots de Marian. Il lisait vite, habitué maintenant, à échanger de la sorte avec son ami. Ça ne lui avait jamais posé problème. En fait, il ne s’était même jamais posé de questions là-dessus. Il avait appris, avec Marian, à fonctionner de la sorte et estimait que si c’était son besoin alors il n’y avait pas à s’interroger plus que ça.
Un jour peut-être, il lui demandera pourquoi.

D’un geste de la tête, Sambre fait signe à Marian qu’il était heureux de le voir aussi. Toujours, mais il ne voulait pas l’interrompre en si bon chemin. Son excuse était bien tentée mais… Pas suffisamment élaborée. Adorable cela dit.

La suite ne se fait pas attendre. Sambre se redresse, pour ne pas en louper une miette, tendant une main vers une bouteille sans regarder son propre geste. Il fixe les mots de Marian, lui jetant régulièrement des coups d'œil attentifs en portant le goulot à ses lèvres tout aussi régulièrement.
Il est vrai qu’en étant concentré sur l’écrit, on pouvait potentiellement louper des mimiques, des expressions qui passeraient sur le visage du sorcier. C’était surtout embêtant pour un ami qui essayait de savoir comment l’autre allait vraiment.

D’ailleurs, Marian ne s’étendait déjà plus sur le sujet, ramenant l’attention sur Sambre qui en temps normal adorait être le centre de l’attention mais non. Pas aujourd’hui, pas cette fois. ils auront tout le temps du monde, plus tard.

- Tu sais bien que je viendrais toujours. Et tu sais aussi que j’aime parler de moi mais… Marian…

Il se renfonce dans son siège avec une moue contrariée, empathique, sincère, pour son ami. C’était vraiment nul de lui avoir fait ça.

- C’est des cons ! … Accio patacitrouille.

Sa bouteille était déjà à moitié vide, il fallait qu’il ralentisse. Alors il était temps de commencer à grignoter, mais pourquoi se lever quand on pouvait simplement agiter sa baguette, délicatement sortie du revers de sa veste.
Elle retrouve sa place dès que la patacitrouille prend place dans la main de Sambre.

- Évidemment que tu l’as réussi ! T’es doué et eux ce sont des cons. Ils ne savent pas ce qu’ils ratent.

Il pointe le goulot de sa bouteille vers Marian, en fronçant un peu les sourcils, comme s’il réfléchissait à une solution, comme s’il pouvait changer le contenu de cette lettre et la décision de l’entreprise. Mais évidemment, il n’en avait pas le pouvoir.
Il pourrait réécrire autant de lettres qu’il voulait, ça n’avancerait personne.

- T’es bien mieux sans eux… Attends. Je sais, j’ai entendu, pour la Gazette. Mais franchement, s’ils ont ce genre de jugements, crois-moi, l’ambiance de travail aurait été bien pourrie… Tu devrais manger quelque chose.

De nouveau, Sambre s’est interrompu, mais il désigne le tas de friandise tout en osant demander après avoir entamé la friandise.

- Tu voulais vraiment travailler là-bas ? Ou… C’est surtout pour… quitter ton job actuel… ?

Il sourit, du coin des lèvres.

- Et ne t'inquiètes pas pour ma journée, elle était mieux que la tienne. Pas de raison qu’on s’attarde dessus.

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Quand Marian évoque le fait de ne pas forcément souhaiter se faire des amis au travail, plus jeune des Lawrence se sent obligé de se poser la question à son tour. Avait-il, lui, des amis au travail ?
Dans le monde de la peinture, sans aucun doute. Les artistes étaient réputés pour être accueillant, quoi que certains faisaient faux bond à cette réputation en étant de vrais chiens, mais ça c’était typique de l’humanité en général, qu'elle soit magique ou non, qu’on travaille ou qu’on ait un hobby quelconque. D’une manière générale, l’entraide semblait présente entre artistes.
Et dans le monde des potions, et bien il ne s’était jamais interrogé. Peut-être parce que le métier demandait trop de rigueur, trop de concentration pour échanger avec les autres ? Pourtant les recherches étaient partagées et les découvertes fêtées. Mais c’était bien différent de la réussite dans l’art.
Alors oui, de temps à autre ils allaient boire un verre après le travail mais personne ne creusait jamais plus loin, et Sambre s’était même dit qu’il trouvait ça confortable. C’est ce qui lui permettait, finalement, de ne pas être tout le temps lui : intense. Et d’être calme et appliqué, parce que personne ne venait gratter toute cette couche.

En allant encore plus loin, il avait l’exemple de ses frères, aux postes sérieux, qui n’avaient pas l’air d’avoir d’amis. Ils n’étaient plus assez proches pour que Sambre puisse vraiment le vérifier ses pensées, mais il avait surtout l’impression de les voir avec des collègues qui n’allaient pas au-delà d’une relation de travail.
Est-ce que c’était triste ? Pas vraiment… Est-ce que c’était normal ? Aucune idée. Un bon nombre de gens fonctionnaient comme ça, de toute façon, il en était persuadé. Lui aussi avait pris le pli, le nez dans ses potions.
Maintenant, est-ce que Marian était du genre à s’épanouir dans un monde sans lien spécial ? Peut-être qu’il méritait d’être bien, maintenant.

De nouveau, des mots se glissent entre les friandises. Sur des questions que le plus jeune des Lawrence ne s’était jamais posé. Il pince les lèvres, songeur. Et tout en lisant, il finit sa première bouteille de bièraubeurre, presque d’une traite.
Marian s’agite de nouveau, pour leur trouver de quoi se faire péter le ventre. Ils avaient de quoi tenir toute la nuit. Sambre lui adressa un sourire.

- Me remercie pas... Et arrête, tu te débrouilles très bien !

Comme hôte. Et dans la vie. La phrase de Sambre était générale mais évidemment, ce n’était pas forcément audible.

- Je t’avoue que je suis pas très calé en journaux. Mais peut-être que tu peux trouver un autre journal ? Ok ok … Ne me tapes pas sur les doigts mais je lis que la Gazette moi… Donc j’ai pas non plus beaucoup d’exemples à te donner.

Sa main s’approcha des snacks moldus, il semblait hésitant, n’étant pas le plus calé non plus en termes de nourriture moldue. Il avait toujours vécu parmi les sorciers et n’avait pas une expérience culinaire suffisante pour avoir des préférences.
C’était probablement Marian, et quelques connaissances nées moldues qui l'avaient initié à cette culture. Un peu à l’école, et un peu, aussi, dans sa nouvelle vie d’adulte. Ce n’était d’ailleurs pas déplaisant, surtout lorsqu’on découvrait, par exemple, les chips pour ne citer que ça.
Tout en faisant son choix, il reprend.

- Ou pourquoi pas monter ton propre journal ? Le magicnet fait pousser des influenceurs comme des champignons… alors pourquoi ça t’aiderait pas toi ? Bon pas en influenceur, pitié… Je peux pas les voir ceux-là, vraiment c’est quoi leur boulot vraiment ?

Il se met à rire. C’était un jugement peut-être un peu dur mais au fond, il se posait sincèrement la question.

- Mais ça a l’air d’être un sacré tremplin pour plein de monde.

Et ce n’était évidemment pas un sujet qu’il souhaitait aborder, même avec Marian, mais pour l’encourager, il souffla entre deux chips et la fin de sa patacitrouille.

- Et je sais pas moi… C’est peut-être moins… Comment tu as dit ça, déjà ? Partial ? Ouais, peut-être moins partial ? Enfin j’en sais rien. Je suppose que c’est aussi le principe du Ministère, de cacher des trucs… Ils ont un département des mystères, alors tu sais, ça ne doit pas être pour rien.

Haussant les épaules, et toujours avec le sourire léger et insouciant, on a bien l’impression qu’il ne prend pas tout ça au sérieux. Et se serait totalement à raison. Les affaires du Ministère, ce n’étaient pas les siennes et s’il pouvait ne pas en entendre parler, c’était tant mieux.

- Et pourquoi tu ne restes pas dans l’illustration ? Je veux dire, t’es doué. Tu préfères les potions finalement ?

Sambre le gratifie d’un regard fraternel.

- Et bois un coup hein ! Tu vas te dessécher à force de parler.

Taquin, il éclate de rire.

- Pardon, c’était nul, vraiment.

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Sambre l’avait écouté, pour le snack au fromage et il était plutôt d’accord avec Marian, c’était pas mal du tout. Un peu salé peut-être, et le jeune homme n’avait pas l’habitude d’en sentir autant dans sa nourriture. Les moldus avaient le don pour en ajouter beaucoup. Du moins dans les quelques petites choses qu’il avait eu l’occasion de goûter. Et c’était la même chose pour le sucre aussi, mais ça c’était moins un problème pour lui puisque les sorciers en étaient particulièrement friands eux aussi, aux vues de leurs variétés innombrables de friandises.
Pour le reste par contre, ils n’étaient plus trop d’accord. Enfin, c’était surtout parce que son ami avait osé lui dire qu’il n'avait pas les épaules. Moins d’épaules que ces idiots qui “vendaient des trucs” et “partageaient des messages” ? C’était une blague ? Non, ça ce n’était pas possible. Sambre avait d’ailleurs secoué la tête en guise d’agacement lorsque Marian avait décrit le travail des influenceurs. Vraiment il ne comprenait pas.
Il restait cependant d’accord sur le fait que se lancer pouvait faire peur, surtout lorsqu’il s’agissait d’une telle entreprise, qui plus est pour gagner sa vie et être libre. Lui-même n’avait pas réussi à le faire. Pas qu’il soit un exemple cela dit. Et il aurait eu un peu honte d’admettre devant Marian qu’il ne savait pas ce que c’était que ces émotions, cette inquiétude, lui qui vivait encore dans les filets de sa famille, et dans leur argent, leur cocon. Ce n’était peut être pas le mieux placé pour comprendre alors il ne se permit pas de réprimander Marian sur ses peurs on ne peut plus légitimes.

Haussant les épaules quand Marian souligna que c’était un problème d’avoir un ministère doté de tout un département mystérieux, il changea de position, plus confortablement installé après avoir posé sur la table sa bouteille vide, en prenant soin de ne pas gâcher l’espace d’expression de son ami.
Lui, il trouvait ça plutôt cool, un département des mystères, et franchement il ne voyait pas le problème. Mais étrangement, une petite voix dans sa tête lui fit garder le silence. Ce n’était pas vraiment le débat.

L’agacement fugace était redescendu, et avait été de courte durée de toute façon. La compréhension avait pris le dessus. Il sourit en lisant les remerciements. Vraiment, Marian le remerciait sans cesse pour rien.
Avec un sourire, il lance en hochant la tête.

- Tu vas me dire, entre amateurs de potions, tu prêches un convaincu. Cela dit, j’ai jamais eu à me poser la question… la peinture ou les potions. Je serai bien embêté si je devais choisir.

Et ça, c’était pour ne pas dire qu’il était prêt à peindre, même au profit d’idées qui n'étaient pas les siennes, juste pour ne pas se priver de sa passion ou de son rêve.
De toute façon, il avait beaucoup de mal à imaginer que sa peinture puisse être utilisée de la même manière que les illustrations de Marian, dans un journal. Son art n’était pas politique, il était passionné, juste ça.

- T’excuses pas pour ça ! C’est une vraie question ! Honnêtement j’sais pas ce que je ferai, si j’étais à ta place. Bon ça t’aide pas du coup mais …

Il s’interrompt de manière assez abrupte dans sa phrase. Parce que ce qu’il allait dire était loin d’être d’une grande aide, d’une part, d’autre part, il savait au fond de lui que le conseil était nul.
En réalité, il savait totalement ce qu’il répondrait à cette question sans avoir besoin d’y réfléchir plus d’une heure. Lui, il n’avait pas de convictions à défendre, seulement sa propre liberté apparente et illusoire. Sambre exprimait dans son art ses humeurs, ses émotions, ses sentiments et ses délires. Pas ses opinions.
L’art était un exutoire psychologique chez lui, presque une thérapie, et non un moyen d’exprimer des idées et des causes à défendre. Il lui paraissait inconcevable de l’utiliser comme tel et d’envisager d’abandonner son art.

- Je suppose qu’un vrai conseil serait de te dire de faire ce qui te met à l’aise et en confiance, mais c’est un peu pourri non ? Enfin c’est un conseil en carton je trouve ? Comme mon humour.

Sambre se met à rire de nouveau. C’est un rire clair, franc et chaud. Il a fait son choix, une nouvelle bouteille dans les mains alors qu’il dispose le sachet de snacks au fromage entre Marian et lui histoire qu’ils soient deux à en profiter.
Oui Sambre avait parfois l’attitude d’une “mama”, à surveiller que les oisillons mangent correctement.

- Est-ce que tu veux que j’en parle à l’atelier ? Je peux peut-être poser la question. En fait, ça m’ennuie de pas pouvoir t’aider.

Sans être pourvu d'un don de voyance, Sambre se doutait qu'il dirait non. Mais il fallait qu'il pose la question.

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- T’es trop bon public Marian. Mais soit, j’accepte d’être de l’excellent carton si ça te fait rire !

Malgré leurs éclats de rire et une ambiance qui semblait beaucoup moins mélancolique désormais, Sambre pinça les lèvres et laissa échapper un soupir.

Il avait vu le refus de Marian venir à mille kilomètres, lorsqu’il lui proposait de parler de lui sur son lieu de travail.
Malgré tout le jeune homme fut conforté dans l’idée que son ami ne lui mentait pas en avouant que parler de tout ça, et vider son sac, l’aidait à avancer dans sa tourmente. Il lui aurait été d’une certaine aide, au moins, et ce n’était pas rien.
Il ne l’aidait pas à choisir, non. Cela aurait été un comble venant d’une personne qui faisait tout pour ne jamais avoir à le faire. Mais un éclat de bonne humeur semblait être réellement revenu dans les yeux de Marian. Au moins un peu, et le plus jeune des Lawrence était rassuré de le voir sourire, et rire aussi sans avoir eu besoin de vider toutes leurs bouteilles.

Voyant bien qu’il n’est pas des plus à l’aise avec sa proposition, Sambre ajoute quand même du bout des lèvres comme pour ne pas le brusquer.

- Je savais que tu allais dire non mais, enfin… Qui ne tente rien n’a rien comme on dit ! Et tu sais très bien que je ne te dis pas ça ni par pitié, ni pour faire la charité. Je connais tes capacités. Tu le sais n’est-ce pas ?

Se redressant pour choisir la prochaine sucrerie qu’il engloutira, Sambre songe un instant à la question de Marian.
Jetant son dévolu sur une chocogrenouille qui a l’air de n’attendre que lui, tu souris en découvrant la carte. Il n’était pas prêt de finir sa collection, et ce malgré toutes celles qu’il avait avalé depuis qu’il était enfant. Il tend la carte à Marian.

- Oh tu sais, ça se passe bien. Tu la veux ? Je l’ai déjà en triple exemplaires.

Finalement, il s’accorde à répondre plus longuement sur sa situation. Sur le moment, il n’aurait pas su dire ce qui l’avait fait hésiter à étaler sa vie devant Marian. Sa réussite peut-être ? Ce n’était pas forcément le moment de la déballer comme ça.
Malgré tout, il savait que son ami serait heureux pour lui.

- Je pensais pas que ça serait aussi… Simple. Enfin ne te méprends pas, je suis bien conscient que j’ai eu la place grâce à ma famille… Mais on me fait confiance, on me confie des recherches, j’ai l’impression d’être chez moi, plus qu’au manoir familial.

Tiens, c’était allé plus loin que ce qu’il n’avait imaginé, ce moment confession.

- Enfin, tout ça pour dire que ça va quoi…

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Sambre ignorait si Marian avait raison concernant la simplicité et son acceptation mais il était heureux de voir qu’il n’avait pas l’intention de juger son parcours. Dans sa vie, il avait rencontré beaucoup de sorciers s’enorgueillir de leur statut social, et d’autres les mépriser pour cela. Jusqu’à présent, il n’aurait pas su dire où se situait son ami sur ce spectre. Il fut donc agréablement surpris d’entendre un discours encourageant et déculpabilisant.
Pas que le plus jeune des Lawrence culpabilise réellement des facilités qu’il avait dans la vie. Au contraire, il faisait peut-être un peu partie de ceux qui étaient capables de s’en vanter. Mais pas dans un domaine où il voulait être méritant, ni dans le cadre d’une discussion entre amis.

Cependant, quand Marian l’asticote un peu sur sa gêne passagère, il se redresse un peu vivement, à la fois piqué par la vérité et amusé que cela ait été remarqué. Il réplique bien vite, en pointant son doigt sur son ami.

- Dis donc, tu peux parler, toi et tes changements de sujets. Tu crois que je l’ai pas remarqué ?

Le rire le reprend. Parce qu’il se rendait bien compte qu’à des échelles différentes, ils avaient eu tout les deux besoin de s’ouvrir ce soir. Et ça avait fonctionné, pour eux deux.
Sambre hausse les épaules pour minimiser le résultat mais c’était vrai, ça lui avait fait du bien, quelques mots personnels glissés au détour d’une conversation qui n’avait pourtant pas été initiée dans ce but.

- Et je suis content que tu m’ai appelé pour me parler. Vraiment.

S'enfonçant dans le dossier du canapé, il regarde la carte qu’il a donné à Marian quelques instants auparavant.

- On n'avait jamais fait ça avant. Discuter comme ça. De nos problèmes. Enfin de nos vies quoi. C’est pas désagréable, on devrait peut-être le refaire à l’occasion.

Son sourire éclaire de nouveau son visage.

- Tu vois, par exemple, je savais même pas que tu collectionnais pas les cartes de Chocogrenouilles.

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- C’est promis.

Il préfère ne rien ajouter de plus.
Un sentiment de soulagement semblait envelopper Sambre tout d’un coup, comme un cocon protecteur et chaleureux. C’était donc ça la satisfaction de se libérer un peu, et de s’ouvrir à quelqu’un en qui on avait confiance ?
Il ne suffisait pas de se targuer d’avoir des amis pour se sentir entouré et en sécurité de toute évidence, et le jeune homme commençait à peine à l’intégrer apparemment.
Évidemment, Sambre se garde bien de partager cette réflexion avec Marian, là tout de suite. D’ailleurs, il s’empiffre de nouveau de patacitrouilles pour éviter de dire un mot de plus. Ils avaient fait tous les deux de gros progrès mais ils étaient aussi tous les deux trop bornés et trop prudents.

D’ailleurs, leur sentimentalisme glisse soudainement vers quelque chose de plus superficiel. Mais ce n’est pas grave. C’est un juste équilibre pour eux deux, entre le personnel qui pouvait amener à parler de souvenirs d’enfance, et la superficialité de découvrir des traits de caractères qu’ils ne connaissaient pas encore sans creuser trop profond. C’était simple, et satisfaisant.
Des questions innocentes qui ne réveillaient aucun traumatisme, c’était bien aussi.

- J’avoue que l’esthétique est cool. On les a souvent comparé aux anciennes générations avec mes frères. Il y a eu une sacrée évolution !

La légèreté de leur discussion tout d’un coup le fait sourire et lui rappelle aussi de bons souvenirs.

- J’ai commencé quand j’étais gosse en fait. Tu sais, c’était un peu machinal quand j’étais petit. Et puis je collectionnais des tas de trucs ! Des jolis cailloux, des petites amulettes magiques, ce genre de choses. Enfin, ça m’a passé avec le temps.

Son sourire amusé trahit un demi-mensonge car c’était sans compter ses innombrables fringues et surtout sa collection de bijoux qu’il pouvait changer presque chaque jour pendant un mois sans remettre une seule fois la même bague ou le même collier. Il ne ramassait plus les jolies pierres dans la nature et ses collections étaient plus adultes.

- Il y en a quoi… une trentaine ? Mais j’ai lâché le truc depuis la sortie de Poudlar. Et puis pour être honnête, ça faisait un moment que je n’avais pas racheté de chocogrenouilles… Je vais peut-être m’y remettre, c’est addictif ce truc.

Sur un ton enjoué et faussement moqueur, il souffle.

- Et toi, tu collectionnes les snacks moldus c’est ça ?

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Quand Marian lui avoue qu’il collectionnait également les cailloux enfant, Sambre a un sourire doux qui glisse alors sur son visage, s’autorisant à rêver une enfance où il n’aurait pas été seul dans leur grande maison familiale au départ de ses frères pour l’école de sorcellerie, et où il aurait pu jouer simplement avec d’autres enfants de son âge avant sa onzième année où il avait été sauvé par Poudlard.
L’image qu’il en a est particulièrement agréable, et il doit secouer la tête pour chasser ses pensées, reposant ses yeux sur la surface dégagée où Marian le prend en traître sur son amour pour les bijoux.

- Eh ! Je vois pas de quoi tu parles, il me semble pas en avoir tant que ça en plus !

Mais incapable de maintenir très longtemps cet odieux et ridicule mensonge, le jeune homme se met à rire en passant une main dans ses cheveux blonds, faisant, du même coup, cliqueter ses nombreux bracelets.

- D’accord, d’accord ça compte, tu as gagné. J’ai peut-être encore quelques restes de collectionnite aiguë de l’enfance.
Et toi ? T'as abandonné les cailloux alors ! Les pauvres...

En voyant son ami engloutir la chocogrenouille, Sambre esquisse un petit sourire amusé. Marian avait raison. Le chocolat avait des vertues incroyables. Lorsque Sambre était tombé de son balais, agressé par un cognard, il avait passé toute sa convalescence à s'empiffrer des mêmes friandises qu’ils dévoraient aujourd’hui pour faire passer l'amère déception de ne jamais plus jouer au quidditch.
Il n’avait pas trop regretté par la suite : l’efficacité du chocolat ou une forte capacité à s’auto-convaincre que le quidditch c’était bien chez les autres, rien n’était vraiment prouvé.

- La bouffe c’est réconfortant de toute façon. Pourquoi tu crois que j’en ai ramené trois tonnes ce soir ? C’est tellement le refuge classique et délicieux quand t’as un coup de mou ou que ça ne va pas. Et quand ça va, t’es content de manger. Y a bien qu’en ça que je crois.

Un nouveau rire passe ses lèvres avant qu’il ne récupère dessus, du bout de la langue, les quelques miettes de friandises dissidentes.
Quand on le voyait, physiquement du moins, on avait du mal à l’imaginer s’empiffrer. D’ailleurs, il y avait bien des moments où, plongé dans sa folie créative ou dans son travail acharné, il oubliait de manger. Mais quand il y pensait, personne n’avait besoin de le supplier.

- Non, je mens… Je crois au pouvoir de la bouffe, à l’art, et à la science des potions. Et c’est tout.

Reportant son attention sur les snacks salés, il interroge Marian avec un sourire enfantin. Il semblerait que l’adulte en lui ait pris des vacances après leur discussion sérieuse.

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Un bref instant, quand Marian souligne le fait que leur remontant était magique, Sambre se demande ce que ça peut faire de vivre sans magie. Pour être honnête, il se posait rarement la question, surtout depuis sa majorité où sa baguette était devenu le prolongement de son bras, même pour les gestes les plus simples.
C’est vrai qu’ils n’avaient pas besoin de baguettes pour ce genre d’avantages. Sorcier ou moldu, tout le monde pouvait profiter des effets du chocolat, d’un bon repas ou d’une soirée entre amis. Mais Sambre ne se voyait pas une seule seconde se passer de magie.
Hormis pour peindre peut-être.

Il constate d’ailleurs que Marian se sert de sa baguette pour décoller le carton du paquet de snacks et ça le fait sourire. Il ne l’aurait sûrement pas fait à la main lui aussi. Et l’idée de son ami le fait rire. Il n’a pas été bercé par le conte d’Hansel et Gretel dans son enfance de jeune sorcier.

- Tout en nourriture ? Ou tout en snacks ? Parce que, te connaissant Marian, la tienne c’est uniquement de snacks au fromage qu’elle sera faite.

Sambre se moque, mais gentiment, loin de juger puisqu’il est probable qu’il apprécie l’idée également. Sauf que pour lui, ça serait sûrement du chocolat.

- Enfin cela-dit, l’idée que la bouffe reste à l’air libre comme ça, c’est plutôt assez écœurant en fait… Même si ta petite maisonnette est adorable je l’admets. Tu vois, je t’avais dit que ta baraque, ça serait celle en snacks.

Amusé par la réflexion de Marian, il hausse les épaules et s’exclame comme s’il venait d’avoir la révélation de l’année.

- T’as raison, tout se goupille et c’est pour ça que ma vie est absolument parfaite ! A quelques détails prêts…

Un nouveau rire secoue ses épaules, et le jeune homme enchaîne sur une autre bièraubeurre, changeant de position sur le canapé, plus affalé encore pour regarder le plafond un bref instant. Mais il revient bien vite poser les yeux là où Marian affichera sa réponse.

- Tu sais, j’ai cru que tu m’appelais pour un problème moins sérieux au début. Enfin moins adulte, du genre… Une peine de cœur ou quelque chose du genre.

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