Declan laisse un soupir de satisfaction s’échapper de ses lèvres, constatant bien qu’il n’a pas été suivit par les journalistes. La notoriété qu’il s’est acquise après la publication de son livre satisfait bien évidemment son égo – mais cela requiert une forme de discrétion et de ruse qui peut s’avérer fatigante par moment.

Ainsi, il s’avance avec plus d’assurance dans la boutique, zyeutant les étals des livres. Certains titres l’attirent, certaines couvertures lui inspirent de la curiosité, d’autres un profond dégoût. Cela lui arrive de temps en temps d’aller dans des librairies – pour dédicacer principalement – mais aussi pour faire quelques achats et agrandir sa bibliothèque personnelle.

Et puis, du coin du regard, il remarque qu’un individu est en train de lire avec grande attention « Le temps des corbeaux ». Tournant légèrement la tête en direction de cette personne, il camoufle sa surprise en reconnaissant Izar Black, un célèbre sang-pur. Eh bien, quelle bonne nouvelle. Si les idéaux de l’écrivain polémiste se propagent parmi les grandes familles sorcières, ça ne peut que l’aider.

Il s’approche donc de l’avocat du Magenmagot, prétendant chercher un ouvrage à acheter ou lire. Et puis, étant suffisamment près – tout en gardant une distance respectable – Declan l’interpelle d’un ton de voix doux et amical.

- Vous avez l’air très intrigué par ce livre. Vous plaît-il, monsieur Black ?

Le sang-pur fait une critique peu élogieuse de son livre, néanmoins, Declan maintient son sourire poli, hochant de la tête. Il ne faudrait pas fâcher un membre d’une famille aussi importante et prestigieuse que celle des Black, il plonge également son regard dans celui du lecteur, camouflant parfaitement ses émotions.

- Je ne vous connais pas personnellement, hélas. Dit-il en flattant l’égo de son interlocuteur.

A son grand regret, être proche d’un sang-pur, s’est assuré une bonne place au sein de la société sorcière. Bien sûr, il entretient une relation amicale avec les sœurs Lestrange, mais il lui en faut plus. Il doit restaurer l’honneur bafoué de sa famille et surtout, venger son ancien maître. Ainsi, il hausse un sourcil, reprenant la parole.

- Osé, vous dites ? Pouvez-vous m’éclairer à ce sujet, si cela vous sied, bien évidemment.

Declan laisse son regard parcourir les autres ouvrages présent, observant les couvertures et les noms des différents auteurs et autrices. Cela ne fait aucun doute que son livre vaux de l’or, il en est plutôt fier. Soufflez sur la braise pour qu’elle donne naissance à un feu magnifique, prêt à consumer tout ce qui est impur dans ce monde. A la dernière question d’Izar, l’écrivain polémiste sourit.

- Il me serait difficile de juger mon livre, n’est-ce pas ?

Un autre compliment qui arracherait – presque – un sourire sincère à l’écrivain, cela fait toujours plaisir de voir son égo être flatté de la sorte. Toutefois, Izar n’en démord pas. Il veut des réponses, Declan ne peut décemment pas refuser de satisfaire la curiosité d’un sang-pur venant d’une famille réputée dans toute l’Angleterre magique, n’est-ce pas ? Ce serait fort fâcheux et contraignant.

S’armant de son plus beau rictus, le polémiste regarde brièvement les clients examiner la couverture de son bouquin, lire le synopsis et finalement le prendre. Puis, retournant son attention sur le Black, Declan prend la parole avec un ton de voix amusé.

- Eh bien, je préfère préserver un peu de mystère, c’est également ce qui fait le charme de ce livre, non ?

Léger rire contenu alors qu’il tente de dévier la conversation – bien qu’il apprécie les éloges d’Izar.

- Mais, dites-moi, qu’aimez-vous lire comme ouvrages de manière générale ? Petite pause. Veuillez-me pardonnez, ma curiosité l’emporte.

Revêtir l’apparence d’un homme en somme toute sympathique, il est doué. Il n’a eu de cesse de mentir jusqu’à aujourd’hui pour obtenir ce qu’il désirait le plus, et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Les grands classiques ? Un homme de goût, sans aucun doute. Declan répond à son sourire, serrant un peu plus le pommeau en or de sa canne. Evidemment, Izar lui retourner la question, c’est un être curieux décidemment. Cela n’est pas pour le déplaire, tant qu’il ne pose pas des questions indiscrètes, or, pour l’instant, il reste tout à fait cordial et respectueux.

Ce qui l’a inspiré pour son bouquin ? Sa propre expérience, ce qui peut sembler évident et logique étant donné que c’est une autobiographie. Riant doucement, l’écrivain polémiste fait mine de réfléchir un instant avant de reprendre la parole.

- J’ai toujours aimé la lecture, voyez-vous. Lors de mon enfance, je passais une quantité d’heure à dévorer les ouvrages présents dans la bibliothèque du manoir familial, j’étais très curieux, comme vous.

Declan lui offre un nouveau rictus amical (hypocrite), reprenant ensuite son explication.

- Ma motivation principale était de pouvoir exprimer ce que je ressentais à cette époque, coucher sur le papier toutes mes pensées. Enfin, cela était pour le premier jet. Ensuite, j’ai réalisé que je pouvais faire une différence avec ce livre, mon livre. Légère pause alors qu’il contemple la couverture. Pour mes inspirations, je me suis tourné vers les grands penseurs et théoriciens de notre monde.

Et puis, voulant en savoir plus sur le représentant des Black en face de lui, il rajoute.

- N’avez-vous jamais songé à écrire, vous aussi ?

L’écriture n’est pas une option chez les Black, il sourit. Izar est donc de ces personnes préférant lire qu’écrire, cela reste noble. Il sait où est sa place et ce que l’on attend de lui, c’est tout à fait respectable et convenable pour un sang-pur. Declan hoche de la tête, l’air de dire qu’il comprend parfaitement et qu’il trouve cela admirable.

Puis, le sorcier lui pose des questions sur ses autres passions. Le polémiste sourit de plus bel, fier qu’un membre de la famille Black puisse s’intéresser à sa noble personne. Une autre anecdote qui ne manquerait pas de faire sourire Attila, pour sûr.

- J’aime assister à des pièces de théâtre, des représentations, des concerts, ce genre de choses. Oh et je me passionne pour la musique classique, bien entendu.

Etablissant un autre contact visuel avec Izar, l’écrivain semble toujours aussi aimable et poli. Garder contenance est une qualité qu’on lui a apprit dès l’enfance, grâce et prestance doivent être de mise dans la haute société londonienne.

- Et vous ? Quelles sont vos passions et vos hobbies ? Demande-t-il par politesse et par curiosité.

Izar confirme qu’il apprécie le théâtre et la musique classique, l’écrivain sourit. Hochant de la tête pour approuver les paroles de l’avocat du Magenmagot, il est agréablement surpris de passer une bonne conversation, sans trop d’hypocrisie. Il ne va pas cracher sur une potentielle amitié entre lui et un membre de la famille Black, ce serait idiot.

- Il est vrai que vous devez être occupé avec votre poste. Vous semblez vous dévoué corps et âme à votre métier, c’est admirable.

Declan est de ce genre aussi, à sacrifier des heures de sommeil parfois pour avancer les brouillons de ses projets littéraires. Un vrai bourreau du travail, c’est sa mission après tout. Alors, quand Izar lui pose l’inévitable question, le polémiste agrandit son sourire bienveillant.

- J’ai plusieurs brouillons de livres en cours, effectivement. Ils parleront de plusieurs sujets d’actualité, j’espère que vous les apprécierez ! Qu’il dit, pour l’intriguer un peu plus.

Parce que l’avocat semble avoir une curiosité qui le pousse à en savoir toujours plus et que ça l’amuse. D’habitude, la curiosité est un vilain défaut. Pourtant, là, Declan se sent flatté. L’égo est heureux, il est heureux. Il a bien hâte de faire publier les romans, d’augmenter sa côte de popularité parmi son lectorat.

Car il est loin d’avoir perdu.

Ou d’avoir dit son dernier mot.

Izar lui souhaite une bonne route sur le chemin du succès éditorial, il sourit. Rédiger un premier livre est une tâche aisée, le second est bien plus corsé, il ne faut surtout pas décevoir le lectorat. D’autant plus qu’il va aborder encore une fois des thématiques actuelles et brûlantes de controverses, au moins, le bouquin fera parler de lui.

Et il a suffisamment confiance en ses capacités d’écrivain.

De sa plume, il a su s’affranchir des chaînes que ses adversaires politiques lui avaient attribués. De sa plume, il a su réunir les fidèles de son monde idéal. De sa plume, il a su souffler sur les braises de la discorde.

Le Corbeau serait fier, pense-t-il.

- Vous êtes trop bon, mon cher. Qu’il dit, feignant d’être quelque peu gêné.

Pour la date de publication ? Eh bien, les brouillons sont en bonnes voies pour subir une relecture et des corrections. Ensuite, d’un commun accord avec les maisons d’éditions, ils trouveront un délai final pour la sortie qui va – bien évidemment – être très attendue.

- Je dirai d’ici le début de l’année prochaine, si je suis productif et efficace. Je brûle d’impatience d’entendre vos retours, sachez-le.

Politesse bien lissée, toujours dans le paraître et l’art de rester impassible, imperturbable. Declan maintient son sourire, celui qu’il affiche devant son lectorat, celui qu’il porte fièrement au quotidien pour duper le monde entier. L’écrivain rêve de gagner plus d’influence, plus d'apparitions médiatiques. L’écrivain rêve d’avoir la Grande-Bretagne dans la paume de sa main, de la purifier.

Alors, il doit avouer que la réplique du jeune membre des Black le surprend. Voudrait-il garder contact avec son humble et vertueuse personne ? En voilà une agréable surprise, pense-t-il. Bien que la famille d’Izar ne soit pas la plus réputée ou la plus appréciée, ils restent des sangs-purs et cela n’est pas négligeable.

L’esquisse d’un rictus qui agrandit ses lèvres, le polémiste sort d’une de ses poches une carte avec le numéro de son pineapple, qu’il tend ensuite à l’avocat.

- Voici mon numéro, je vous tiendrai volontiers au courant des avancées de ce second tome. Sachez que cela représente beaucoup pour moi, monsieur, je vous en remercie du fond de mon être.

Il lui offre une moue sympathique, avant de regarder l’heure, soupirant.

- Je vous prie de m’excuser, néanmoins, il se fait tard. Si vous le désirez, je vous inviterai avec plaisir à boire du thé ou à faire une promenade ensemble. Ce fut un plaisir de converser avec vous, monsieur.