« Familiers, mais sans plus » ; si elle cherche à te mettre davantage en rogne, c’est chose faite. Tu croises les bras, une moue vexée qui s’affiche sur ton visage. Tu t’appuies contre le mur, lui laisses une dernière chance de s’en rappeler… mais non.
Qu’elle s’amuse à tes dépens ou qu’elle ait vraiment oublié ; dans les deux cas, tu n’es pas d’humeur. Curieusement, tu n’es pas surprise. Toi aussi parfois tu aimerais oublier ta scolarité à Mahoutokoro. Elle ne te rappelle que de mauvais souvenirs ; encore sous l’emprise de tes parents, endoctrinée de leurs idées néfastes et nauséabondes.
Dans tout ce marasme, il y avait Su-Yun. Une élève tout aussi brillante que toi. Non, plus. Qu’une étrangère soit meilleure que toi, à l’époque tu ne pouvais pas le supporter ; il en valait de même pour tes parents. Une sorte de rivalité est née entre elle et toi, malgré la différence d’âge, Su-Yun étant ta cadette.
Inutile de dire que tu ne ressentais que de la haine pour elle à cette époque ; l’humiliation de la voir meilleure que toi alors que selon toi elle n’avait rien à faire ici… c’était encore pire que tout. Mais parfois les gens changent, ils évoluent. Ce fut ton cas.
L’affaire de harcèlement que tu as subie ayant grandement contribué à changer ta vision du monde, en particulier la façon dont tu te vois, dont tu te compares aux autres. Tu as finalement reconnu sa juste valeur, t’excusant auprès d’elle pour toutes les fois où tu as pu médire, dans son incompréhension la plus totale. La coréenne n’avait déjà que faire des autres à cette époque, tu te doutes que ça n’a vraisemblablement pas changé.
Pourtant, vous partagez certaines idées et que tu le veuilles ou non, tu te sens liée à elle bien qu’elle puisse penser l’inverse. Malgré tout cela, tu es persuadé qu’elle sait très bien qui tu es… mais qu’elle a cruellement besoin que tu lui rafraichisses la mémoire.
Tout le monde a été témoin du jour où tu as explosé. Et ça avait d’ailleurs fait le tour de l’école. Une élève qui en agresse un autre n’est déjà pas banal… mais la magnitude de ton déferlement de coups a résonné dans la tête d’un bon nombre d’élèves ; de même que ton nom et celui de ton père, sur les lèvres pendant une longue période. Tu ressors grandie de cette expérience, mais aussi traumatisée.
Il t’a fallu des années pour t’en relever ; aujourd’hui encore tu n’oublies pas. Tu n’oublieras jamais. Su-Yun fait partie intégrante de cette période et c’est la raison pour laquelle tu ne l’as jamais oubliée. Le poing sur le bureau, tu te penches vers elle, menaçante.
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Tu me déçois. Parce que tu étais meilleure que moi à l’époque, tu penses que je ne vaux même pas la peine que tu te rappelles de moi ? Tu vas un peu vite en besogne, mais ça se saurait si la colère aide à avoir les idées claires.
Himeka. Himeka Senjōgahara. T’as besoin d’autre chose pour te souvenir de moi ? Je peux te cogner jusqu’à ce que tu t’en rappelles si ça peut t’aider.Pas sûre que ce soit la meilleure des choses à faire non plus, mais tu n’es plus à ça près.
Le ton est calme pourtant, posé, sans aucune variation dans la voix.
Tes colères à toi sont froides, glaciales, ça a toujours été comme ça.
Peut-être que te voir ainsi l’aidera à se remémorer.