Elle avait pourtant été, depuis toujours, ce reflet d’une jeune fille parfaite. Celle qui s’amusait à tous calculer dans les moindres détails, à comprendre les différents enjeux avant de tenter quoique ce soit. Les erreurs étaient alors tant inhabituelles que le monde clamerait haut et fort qu’elles ne pouvaient tout simplement pas exister.  

Alors pourquoi donc les erreurs semblaient-elle se répéter ? Qu’en cette nuit de pleine lune, unique semaine où Su-Yun n’avait pas pris sa dose de potion tue-loup afin de pouvoir enregistrer ses réactions canines, fougueuses et dévorantes, ses préparations avaient-elles volés en éclat ? Pourtant précautionneuse et attentionnée. Un lieu secret et éloigné, une vieille bâtisse de pierre qui devait être abandonnée depuis des décennies. Tous semblaient avoir été parfaitement organisés, que cela soit de la fermeture magique pour l’empêcher de s’enfuir sous forme canine, jusqu’à l’état des lieux durant plusieurs jours -si ce n’était plusieurs semaines.

Que malgré tout ce temps, Su-Yun n’avait toujours pas assimiler les oublies fréquents et l’attention perturbée à l’approche de la pleine lune. Là était finalement la raison de ce qui pourrait s’apparenter à des précipitations : car en temps normal, cela ne lui ressemblait vraiment pas.

Et pourtant les faits étaient là, encrés dans son inconscience ;
une nuit de pénombre,
la lune pleine et éclatante,
une porte qui avait fini par céder sous la force d’un loup affamé.
Dorénavant libre, naviguant entre les arbres géants.

L’espoir alors, qu’aucun dégât ne serait à déplorer une fois les étoiles dissimulées. Pourtant la bête n’était pas de cet avis. Imposante et carnassière. Il ne lui avait suffit que d’une odeur, arôme frais et battante. Dénué d’intelligence première, simplement guidée par ses instincts de chasseur. Le bruit c’était alors rajouté à l’odeur pour finalement laisser place à une vision nette et précise de sa proie.

Les babines retroussées et les crocs apparents. Grognement sourd et une quantité de bave qui différencie étonnement la bête de l’être humain, bien que le second ne soit que douce chimère lorsque le monstre s’éveil. Plus qu’affamée ; destructrice. Galope alors de toutes ses forces, ne fait qu’un avec la flore qui dans d’autre circonstance aurait facilité une dissimulation.

Alors s’en suit une course poursuite, bien vive qu’est sa proie. Non pas amusante, car le seul désir de la bête est de planter ses crocs afin de dévorer l’être qui ne fait que fuir encore et encore. Parfois pourtant, l’espoir. L’impatience ? Lorsqu’elle arrive à y planter ses griffes, s’imaginant alors bloquer son jouet afin de lui planter ses canines dans la gorge. Mais encore et encore, arrive à s’enfuir. A se faufiler au travers d’un instinct sauvage.

L’énervement face à l’échec, n’a ici pas sa place dans l’esprit d’un animal assoiffé de carnage. Dénué de logique aussi, tandis que sa proie semble finalement accepter son destin. Hurle des mots incompris pour faire face au monstre. A lui dont il ne restait pourtant que quelques instants, pour lui qui avait tenu bon jusqu’ici.

Car la bête n’a ni connaissance de la retenue que des regrets du lendemain, lorsque dans quelques minutes les premiers rayons du soleil éclipseront la nuit. Cette lumière qui ne parviendra pas à traverser la forêt à la vue de son abondante épaisseur.

Alors dans sa course, l’animal bondit. Gueule grande ouverte que la bave disparaît dans son envole tandis que les griffes en avant, n'ont comme unique but de plaquer au sol sa proie qui semblait avoir opté pour une certaine docilité afin de la déchiqueter.

Si la bête en vol ne peut que souhaiter égorger sa proie dans son action, elle est bien éloignée de l’être Humain lorsqu’elle est détournée de son objectif. Un choque sur son flan, pour lequel elle n’a même pas conscience. Bien que la douleur subsiste, que ses muscles trésailles face au poing qui s’y est présenté : seule son envie de dévorer sa proie prime. Elle n’a pas non plus conscience du semblant de réussite, d’avoir une fois encore réussi à blesser l’être qui lui fait face d’une façon bien arrogante. L’odeur du sang pourtant, persiste encore et encore. Enrage plus encore l’animal qui est en elle.

Et si le loup retombe toujours sur ses pattes, prêt à bondir de nouveau. Il grogne, montre les dents. Semble hésitant pour la première fois depuis que la chasse est ouverte. D’une observation parfaite malgré l’obscurité de la forêt, ses iris semblent jouer d’un éclat inconnu. Mais la bête n’est pourtant pas très patiente, elle n’est pas non plus très clairvoyante. N’a pas notion du temps et des heures qui passent, car la fatigue lui est subjective.

Presque sans intelligence, ne réagit pourtant pas à son arrogance, que la bête une fois encore fonce vers sa position. Et si l’humain semble, malgré ses blessures, assez agile pour esquiver une fois encore les crocs de l’animal, la chance n’était pas éternelle. Du moins, en tant normal. Car finalement au sol, la tête du monstre est maintenue malgré la force et le désir meurtri qui guide ses actes.

Indéniablement que l’humain n’avait pas comme vocation de mourir ce soir, ni de survivre dans le but de rejoindre une nouvelle famille. Car ni ses crocs, ni sa bave n’avaient réussi à s’entremêler à sa chair et à ses blessures brulantes. Peut-être n’aurait-il fallu que quelques secondes supplémentaires pour faire disparaître l’effronté qui avait fait courir la bête pendant si longtemps, un misérable temps.

Mais le soleil n’attend pas.

Alors de cette masse imposante enrobée de sa fourrure noire, peu à peu disparaît pour laisser place à une jeune femme dénudée.

Les grognements s’estompent alors, semblable à des marmonnements d’inconfort bien plus humain.

Un mal de crâne carabiné, que Su-Yun reprend peu à peu ses esprits. Ne prend pas immédiatement conscience de son état et des événements. Une vision floue qui semble revenir, le regard élevé que la scientifique fait face à l’incompréhension.

Comme une bulle de silence automatique formé dans le questionnement, pourquoi donc des arbres semblaient-il l’entourer ? Le plafond de la vieille bâtisse se serait-il effondré durant la nuit, sous la pression d’une bête cherchant à dévorer ?

Tâtonne alors son propre corps à la recherche d’une quelconque blessure, tandis que son regard glisse peu à peu sur l’homme à ses côtés.

Effrayée, qu’elle comprend aussitôt. Sursaut d’une paupière, lorsqu’elle vient réaliser ses malheurs.

Si sa victime semble toujours respirer, bien qu’avec difficulté, de nombreuses plaies béantes ne font aucun doute quant à sa position.

Et une femme pourtant froide et détachée, que ses mains viennent se poser sur les différentes blessures à la recherche d’éventuel trace de morsure.

« Vous êtes encore là ? »

D’un murmure, presque essoufflée. Su-Yun ne semblait pourtant pas faire preuve d’une quelconque inquiétude.

Hésitante.

Frigorifiée.

Sans doute que dans son inconscience, Su-Yun aurait été préférable à une absence de réponse. Un silence comme unique retour, une respiration qui finit par être tu. Si durant plusieurs semaines, elle avait fait attention de contrôler les alentours pour être certaine qu’aucun accident de ce jour ne puisse la surprendre au réveil ; elle savait que la présence de cet homme n’était pas ordinaire – sans doute ignorée. Alors les preuves pouvaient être facilement dissimulables, l’ignorance de ses actions avaient déjà été parfaites quelques mois auparavant. Un de plus ou un de moins, qu’est-ce que cela pouvait changer à sa douce existence ? Si ce n’était un cobaye supplémentaire dans ses recherches, un cadavre qui avait subit d’innombrables blessures de sa bête : un moyen comme un autre de pouvoir étudier l’état des plaies que provoquait des attaques de loup-garou.

Un certain apaisement musculaire lorsque des mots cherchent à trouver leur place. Si Su-Yun pouvait donner l’impression d’être redevable à sa bonne étoile, il en était tout autre. La situation était finalement bien plus délicate qu’elle ne pouvait l’imaginer. Que l’homme soit en vie attestait son atteinte à cette horrible maladie, une personne dans ce nouveau pays qui était au courant de ses problèmes particuliers.

Alors, une fois encore, elle n’avait comme unique solution que de s’échapper.

La peur qu’un lien quelconque puisse être fait et que son état soit finalement divulgué à un grand nombre.

Un frisson parcourt l’entièreté de son échine, combinaison entre le froid d’un matin d’hiver tandis que la peau n’est pas couverte et la crainte d’un futur incertain.

De toute évidence, Su-Yun n’aimait pas ça.

« Effectivement. »

Qu’elle pose alors en écho à ses mots, afin de confirmer qu’il n’avait pas atteint un quelconque paradis et qu’il était toujours accroché à la vie. Sa voix n’était pas vraiment cordiale, mais la froideur semblait avoir disparu. Une neutralité certaine d’une personne qui ne semblait aucunement inquiet.

« Vous pensez que vous serez toujours là lorsque je reviendrais ? »

Du moins, si elle prenait la peine de revenir. Se couvrir semblait être le dernier de ses soucis, bien que Su-Yun n’avait pas vraiment l’habitude d’être en tenue d’Eve face à un homme qu’elle venait à peine de rencontrer. Si la nudité était subjective dans les bains des Jjimjilbang, sa situation était bien différente.

« On ne vous a pas loupée à ce que je vois. »

Que malgré elle, Su-Yun vient à s’éloigner du problème. S’enlève de cette situation comme si elle n’était qu’une simple passante.

Hésitante.

Elle s’abaisse un peu, observe les différentes blessures. En l’état actuel, il ne devait pas avoir très longtemps si aucun soin ne lui était prodigué. Tout comme elle n’ignorait pas que ses talents lui permettraient de le maintenir en vie, du moins, pour l’instant.

Soupir.

Elle qui semblait être en combat avec elle-même, une base d’acceptation fini par prendre forme lorsqu’une de ses mains vient appuyer avec force la blessure là plus béante tandis que sa seconde commence à tâter l’homme à la recherche de sa baguette. Le bout de bois finalement entre ses mains, elle n’est malheureusement pas capable de reconnaître son contenu avec exactitude. Pourtant, Su-Yun n’avait pas totalement l’impression de pressentir le refus.

« Son cœur ? »

Qu’elle vient prendre une meilleure position afin de mettre la majorité de son poids sur l’homme meurtri. Si Su-Yun n’avait pas vraiment d’autre solution, elle n’avait pas vraiment envie de risquer un retour de bâton pour autant, d’une baguette capricieuse quelconque. Quant à trouver des ingrédients pour le soigner, sans doute pouvait-elle y faire quelques choses car la forêt de Sherwood était connue pour ses ingrédients, même pour une étrangère comme elle. Malheureusement, s’éloigner trop longtemps sans l’avoir stabiliser pouvait s’avérer problématique.

Du moins, tant qu’elle n’avait pas vraiment décidé ce qu’elle ferait de lui.

Était-elle monstrueuse d’être ainsi hésitante face à l’état de l’homme qu’elle avait pourtant pourchassé au travers des bois, bordé sous le clair de lune ronde ? Elle qui avait fui, qui n’avait pas supporté et qui ne semblait qu’exister pour cacher sa condition aux yeux du monde. Parce qu’elle ne l’acceptait pas, parce qu’elle en était effrayée, simplement car son humanité avait disparu le jour ou son frère l’avait attaqué.

Alors Su-Yun était froide, peu confiante. L’esprit était pourtant bien plus clair qu’il n’y paraissait. Aucun flot de pensée qui aurait pu être en confrontation, seule une ligne droite qui se limitait à la frontière qu’elle accepterait de franchir ; une fois encore – il serait grave alors, qu’elle finisse par en prendre l’habitude.

« Ah. »

Qu’elle s’exprime faiblement, malgré elle. Existait-il dans ce monde des êtres dont leur seule intention était de mourir ? Le doute pouvait pourtant subsister entre lui et elle, deux idiots qui avaient eu le malheur de parcourir une forêt immense durant une nuit de pleine lune. Peut-être alors, qu’il n’était pas ici par hasard, par idiotie ou manque de réflexion.

Les dents qui viennent se refermer sur sa lèvre inférieure, qu’elle se mord tandis que la baguette sa main fait danser la baguette dans les airs.

« Vulnera Sanentur. »

Une intention qui n’était peut-être pas des plus nobles, mais la poudre de corail était connue pour faire tout son possible pour aider son maître. Alors elle savait qu’elle aurait été réceptif à ses mots. Su-Yun pourtant confiante, savait tout autant que cela ne suffirait pas. Que sa vie soit toujours sur une ligne dangereuse et que quand bien même, l’homme arrivait à passer les prochaines heures. Seule la prochaine pleine lune était capable de faire tomber la véritable sentence.

Car malgré les griffures abondantes et le sang présent, aucune marque de croc ne semblait être présent sur le corps de l’homme. Malheureusement, Su-Yun n’était pas capable de savoir si de sa salive avait réussi à se mélanger aux diverses plaies durant la chasse.

« Ça ne sera pas suffisant. »

Que d’une voix beaucoup trop calme, elle vient lui expliquer qu’il n’est toujours pas tiré d’affaire. Car s’il avait eu la « chance » de tomber sur Su-Yun, une sorcière ayant les capacités curatives plus élevées que la moyenne. Les blessures des loup-garou étaient connues pour ne jamais vraiment disparaître d’un corps blessé. Alors sa magie était limitée, légère mais avait été suffisante pour empêcher qu’il se vide de son sang.

« Gemino. »

Désagréable, que la froideur de l’hivers. Su-Yun qui vient se permettre de copier les vêtements de l’inconnu, malgré leur état catastrophique, afin de pouvoir se couvrir un minimum. Vient alors en profiter pour arracher quelques morceaux de tissus qui étaient déjà en bien mauvais état afin d’appliquer un garrot sur l’une de ses jambes.

« Vous n’avez rien d’autre sur vous ? Vulnera Sanentur. »

Qu’elle susurre une seconde fois avec une pointe d’espoir ; abandonne finalement la baguette qu’elle entoure sur le tissu appliqué sur la jambe. Quant à elle, reprend la pression principale sur la blessure qui semblait le plus l’inquiéter. S’élève un peu, pour lui faire face à face. Observe son visage et la réaction de ses pupilles.

« Si vous pensiez vraiment ce que vous m’avez dit. L’essentiel est que vous restez avec moi, éveillé, même si je m’éloigne un peu. »

Su-Yun ignorait à quel point ils s’étaient éloignés de sa position initiale, de son repérage lors de ces derniers mois. Elle avait le souvenir que cette forêt pouvait être une vraie mine d’or, en lien avec les druides si ces recherches avaient été bonnes. Peut-être pouvait-elle mettre la main sur du dictame ou toutes autres plantes vulnéraires.

« Vous êtes capable de faire ça ? »

Car de toute évidence, ils n’avaient pas vraiment d’autre solution. Le transplanage était impossible, plus encore parce qu’elle n’était jamais très à l’aise avec cette forme de magie, mais surtout parce que sa condition l’empêcherait d’être en vie à l’arriver – du moins, s’ils y arrivaient en un seul morceau. Et tout autant récente en ses lieux, Su-Yun ne pouvait appeler aucune aide.