histoire

14 février 1998.
Naissance d’Himeka. Scènes de liesses dans toute la famille, l’héritière était attendue par celle-ci presque comme le messie. La princesse vient à peine de naître qu’un lourd fardeau repose sur ses épaules : concrétiser les ambitions de ses géniteurs.

1998 à 2005.
L’enfant s’éveille, mais ses parents n’ont pas de temps à perdre. La princesse doit vite comprendre que son seul amour sera sa patrie et rien d’autre. Le reste est à jeter, ignorer, mépriser. Mais la petite est curieuse, elle cherche à comprendre avant d’agir.

Les réponses sont toujours les mêmes alors très vite elle se lasse. Elle comprend aussi que plus elle obéit, moins elle remet en question et plus ses géniteurs la félicitent. La petite ne veut pas les décevoir ; il y a déjà en elle un grand sens des responsabilités et une loyauté grandissante envers sa famille.

Ses sœurs jumelles naissent en 2002. Le petit dernier, le benjamin, en 2004.

2005 à 2016.
Sa scolarité débute à Mahoutokoro. Himeka n’est pas une bonne élève, elle est excellente. Le fruit d’une éducation qui a débuté bien avant ses 7 ans. Studieuse, consciencieuse, rendre ses parents fiers d’elle la motive. Elle jongle néanmoins entre l’indifférence de son père et l’insatisfaction de sa mère. L’excellence ne suffit pas, il faut viser la perfection pour mériter l’attention du chef de famille ainsi que l’affection de son épouse.

Elle n’a pas le temps pour les autres, elle est tout le temps à l’écart, seule. Elle ne doit pas se mélanger aux autres, encore moins aux étrangers. Ce sont les ennemis, ils tenteront de lui faire du mal, de lui voler la place qui lui est promise. Elle ignore, méprise, haït ; il n’y a qu’ainsi qu’elle obtient ce qu’elle désire par-dessus tout : de l’attention.

Mais un événement chamboule tout. Lorsque des camarades nippons la prennent en grippe. Un harcèlement qui débutera par des remarques sur la réputation houleuse de son père au ministère ainsi que les rumeurs qui circulent sur les correspondances assassines qu’il entretiendrait avec la directrice de l’école. L’homme est scandalisé à l’idée que des hybrides aient accès à l’école. Comme si le fait d’accepter les morveux des autres nations ne suffisait pas.

Mauvaise pioche cependant, la princesse a bien grandi depuis… et elle sait se défendre. En un contre un, elle ne craint personne. Mais les lâches attaquent toujours en groupe et elle devient leur cible privilégiée. Himeka ne comprend pas. Pourquoi ses compatriotes lui veulent du mal alors qu’ils sont censés être ses amis ? Pourquoi est-elle détestée auprès d’eux alors qu’elle ne fait que dire la vérité ?

Une vérité qui n’a jamais été la sienne, mais qu’elle a tenté d’assimiler par tous les moyens. Elle ne comprend pas pourquoi on se ligue contre elle et pourquoi ceux qui sont censés la soutenir gardent le silence. Elle prend peur, se lève la boule au ventre, redoutant chaque jour, qu’est-ce qui cloche chez elle ? Elle fait peut-être fausse route depuis le début ? C’est impensable, cela voudrait dire que ses parents aussi font fausse route.

L’ennemi qui était censé lui faire du mal décide au contraire de prendre sa défense, confrontant ceux qui la persécutent. La princesse n’en revient pas, croit nager en plein délire. Soutenue par une étrangère ? Elle préfère fuir que de confronter ce qui la bouleverse.

Jusqu’à ce qu’elle ne soit plus ciblée par les brimades et les oppressions du groupe ; ce fut au tour de celle qui l’avait aidée. Mais cette fois elle ne reste pas spectatrice. Elle ne participe pas non plus aux vexations. Elle donne la leçon à ceux qui se croient tout permis. Elle a conscience de désobéir à ses parents et trahir l’un de leurs enseignements… mais elle se dit qu’elle ne pourra plus jamais se regarder dans la glace si elle ne rend pas la pareille à celle qui lui a tendu la main sans rien demander en retour.

L’affaire ne s’ébruite pas et Himeka s’en sort avec une punition minime. Elle se lie d’amitié avec sa « bienfaitrice » et commence petit à petit à remettre en question la vision archaïque de ses géniteurs.

2016 à 2028.

Himeka travaille avec son père au ministère de la magie japonais. L’homme souhaite être élu ministre de la magie et son discours plaît. L’homme sait séduire son audience sans pour autant édulcorer son propos. Il fait appel à la colère et la peur de ses partisans. Ses arguments ne sont pas dénués de sens… mais ils sont extrêmes, comme ses idées, comme lui.

La jeune adulte en revanche est beaucoup plus maligne que les simplets que son géniteur rallie à sa cause. Silencieuse et obéissante, car terrifiée à l’idée de se rebeller contre lui, elle s’enhardit à mesure que le temps passe. Elle veut voir le monde de ses propres yeux plutôt que par le prisme haineux de ses géniteurs.

Alors en secret, elle postule pour assister un ambassadeur. L’idée que la propre fille d’un homme aussi extrémiste que son père décide de s’affranchir de ses inepties plait beaucoup à certains… mais ils craignent les représailles. Pas tous, heureusement.

Himeka dupe son père en lui vantant les mérites d’un autre département, prétextant qu’elle veut se forger d’elle-même et ne pas dépendre de lui avant de reprendre le flambeau. L’homme, dans sa vanité extrême n’y voit que du feu et la jeune femme réussit son coup.

Les prochaines années sont rythmées par les missions qu’elle enchaine auprès de plusieurs ambassadeurs. Beaucoup sont charmés par son professionnalisme et sa naïveté amuse plus qu’elle n’exaspère. Elle fait une rencontre décisive auprès de l’ambassadeur japonais en Angleterre qui attend de trouver le parfait successeur avant de prendre sa retraite.

2028 à 2032.
Himeka devient l’assistante personnelle de l’ambassadeur nippon en Angleterre. Elle apprend beaucoup de lui, de sa vision du monde et se sent plus proche de lui que de son propre père. Il est sévère avec elle, presque intransigeant ; mais il n’a pas d’autres choix. Il veut qu’elle lui succède.

Sa prise de poste officielle se fait en 2029 et elle déménage donc en Angleterre pour assumer son rôle et son nouveau travail. L’adaptation est délicate et la jeune femme a souvent le mal du pays. Elle ne parle plus avec ses parents et n’a de nouvelles d’eux que par le biais de sa fratrie.

En ce qui concerne sa réputation et bien… disons que le peuple sorcier conservateur trouve en elle une femme tout à fait séduisante au même titre que ses idées.

Pour le reste on repassera.

Résumé plus court :

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TW : harcèlement, dépression, suicide.

Tu franchis le seuil de ton appartement, main dans la main avec ton frère. Le cœur tambourinant contre ta poitrine, c’est presque si tu sens l’adrénaline pulser dans tes veines. Aucune émotion pourtant ne s’affiche sur ton visage, carminé par le sang qui coule de tout son long, terminant sa course sur ta chemise.

Tu ne dis rien, Ryoma non plus. Mais tu le sens trembler comme une feuille. Le contraste entre vous est saisissant : toi le calme olympien, lui, apeuré, sanglotant ; tu te dis qu’en restant impassible il finira bien par se calmer.

Foutue pour foutue, tu retires ta chemise pour essuyer ton visage ; ce n’est qu’un morceau de tissu après tout. Lui pendant ce temps, s’installe sur le canapé face à la télé. Tu le quittes quelques secondes pour aller chercher une trousse de secours dans ta salle de bain.

Tu reviens puis tu ordonnes :

─ Fais-moi voir.
─ Himeka… ton prénom, la seule chose que tu es en mesure d’entendre tandis que le reste se perd dans ses murmures et ses pleurs. Toi ça t’agace et tu commences à le montrer.
─ Arrête de pleurer. Ne pleure pas à cause de lui, il ne le mérite pas.

Tu ne comprends pas Himeka. Tu ne te doutes de rien à ce moment-là. Étrangement, malgré tes mots impitoyables, il reprend son souffle et s’apaise. À croire que la placidité de ta voix a un effet relaxant. Mais non, rien de tout cela. C’est ton autorité naturelle que ton petit frère respecte plus que n’importe quelle autre ; même celle de votre père.

Au sein de votre famille circule cette vérité silencieuse et implicite ; toi Himeka, tu es plus terrifiante que ton père ne le sera jamais.

─ J’ai vraiment cru que tu allais le… le tuer ? Tu mentirais si tu disais que ça ne t’avait pas traversé l’esprit un instant, même une seconde. Tu t’assois à côté de lui dans un long soupir de frustration. Tu le sais. Tout le monde le sait.
─ Si Hikari et Akane n’avaient pas étés là… je ne sais pas. Je préfère ne pas y penser.

Tu n’aimes pas penser, Himeka. Toi tu agis. Car à chaque fois que tu réfléchis trop, tu hésites, tu te morfonds… puis tu prends peur. Et tu sais très bien ce qu’il y a au bout de ce chemin. Sans les hurlements des jumelles t’implorant d’arrêter, tu aurais été jusqu’au bout.

Tu n’as pas de pitié pour l’ennemi. Sur le champ de bataille, il faut être sans merci. Tes ancêtres l’ont étés, tes parents l’ont étés. Toi aussi. C’est ainsi qu’on t’a élevé. Tu ne peux pas considérer ton père autrement que comme ton antagoniste s’il ne peut pas être un allié.

S’il n’est pas dans ton camp, il est dans l’autre. La nuance n’existe pas chez toi. Dans ton esprit peut-être… pas dans ton cœur. Et puis soudain, un moment de lucidité, tu tournes la tête vers ton frère et tu t’interroges. Tandis qu’un voile carmin se pose sur ton œil droit et que tu ne voies plus que du gauche, tu questionnes enfin :

─ Pourquoi, Ryoma ? Le calme plat de ta voix qui s’oppose aux traits de ton facies qui se durcissent et se crispent. Pourquoi père était autant en colère contre toi ? Pourquoi il te frappait comme ça ?

Les châtiments corporels de Saburo Senjōgahara étaient sévères, mais proportionnels à la faute. L’amplitude de cette violence est inexplicable. Tu te demandes ce qu’il a bien pu faire, car à peine tu l’évoques qu’il se recroqueville et s’enfonce dans le coin de son assise.

─ Je peux te le dire ? La méfiance est compréhensible… peu importe à quel point ta fratrie t’aime, elle n’oublie pas ce que tu as enduré et ce que tu endures encore pour eux, pour les protéger. Toujours elle s’inquiète de te voir atteindre ta limite, ne sachant pas que c’est déjà fait depuis longtemps. Stoïque, tu réponds d’un mouvement de tête.

Alors il débute son récit.
Tes épaules se relaxent. Ton œil immaculé l’observe, le lorgne.
Il te raconte tout et tu souffres dans un silence de marbre.

Tout a commencé sur son lieu de travail où Ryoma a rencontré une fille. Une native coréenne qui venait tout juste d’arriver. Travaillant dans le même service que lui, dans le même bureau, il ne se voyait pas l’ignorer. Ton frère aime aller vers les autres, il est souriant malgré son silence. Mais à contrario de toi et au grand regret de votre père, c’est un soldat, pas un général. Il obéit aux ordres en silence et n’a aucune ambition.

Tout se passait bien dans son service jusqu’à une réorganisation des effectifs et l’arrivée d’un groupe en particulier, complice de leur supérieur hiérarchique. Bien plus que ton frère et sa collègue avec qui il s’était lié d’amitié… peut-être même plus. Il a d’abord remarqué un changement dans son comportement. Minime certes, mais il ne comprenait pas pourquoi elle bousculait ses habitudes, pourquoi elle s’absentait parfois pendant plusieurs jours d’affilés, pourquoi elle était devenue si distante, si indifférente.

Mais ton frère est têtu et intrusif quand il le veut. Alors il l’a confronté et… elle lui a dévoilé toute la magnitude de ce qu’elle subissait au quotidien. Un harcèlement constant devant l’indifférence générale des autres collègues et un soutien inexistant de la hiérarchie. Par peur de se faire remarquer ? Peur de devenir une cible s’ils s’interposaient entre le groupe et elle ? Toujours est-il que personne ne fit rien alors que l’on resta sans nouvelles d’elle pendant des semaines.

Jusqu’à ce qu’une réunion en urgence se tienne un matin. Elle avait mis fin à ses jours et avait laissé une lettre derrière elle expliquant tout ce qu’elle avait subi. Mais personne ne donna suite. Ni les autorités ni la hiérarchie… et le groupe s’en sortit indemne faute de preuves concluantes. Ryoma ne pouvait laisser passer ça alors il s’est jeté sur eux dans un élan de rage avant d’être mis à pied pendant plusieurs semaines.

Puis il craque alors que tu restes sans voix, sans réponse devant cette révélation :

─ Pourquoi personne n’a rien fait alors qu’ils le savaient tous ? Pourquoi ils détournaient tous le regard ? Ils avaient peur que ça leur arrive aussi s’ils l’aidaient ? Pourquoi ?

Muette. Car toi aussi tu n’as jamais eu la réponse à ces questions lorsque tu as vécu la même chose. Tu ne comprenais pas pourquoi l’indifférence, pourquoi l’absence de soutien, pourquoi personne n’a été là pour toi.

─ Et ça s’est passé exactement comme on me l’a dit… demain je serai tout seul ! J’ai peur… Puis tu le vois soudainement se redresser, essuyer son visage et ses yeux rougis par les larmes alors qu’elles continuent de tomber sans s’arrêter, comme un torrent. Tu le vois froncer les sourcils et hausser le ton, criant : mais je ne regrette rien ! Je n’ai rien à regretter ! Parce qu’une chose est certaine ! Je n’ai rien fait de mal !

Tu l’entends hurler, la rage au ventre et au verbe alors que tombe une pluie de larmes, tu as l’impression d’être frappée par la foudre. Tu te souviens alors que tu n’as jamais évoqué ce que tu as subi, à personne, même ta propre famille. Les mots de ton frère résonnent en toi comme un écho qui te renvoie des années auparavant. Tu n’expliques pas d’où vient cette émotion que tu ressens, pas plus que tu ne peux la nommer.

Tu sais juste que tu es fière.
Fière de lui.

Tu te précipites sur lui pour le prendre dans tes bras. Ton visage reste ferme pourtant, tu ne pleures pas Himeka. Tes sourires sont figés, tes pleurs sont glacés. Tes sentiments sont enfouis si profondément qu’il a fallu ce séisme pour te faire craquer.

Ta voix tremble, mais tu promets, tu jures. Tes mots si sincères que tu doutes de l’avoir déjà été en comparaison de cet instant :

─ Ne t’en fais pas… je te protégerai, Ryoma. Même si je dois y laisser la vie, je vous protégerai tous.

Tu fais serment d’honorer cette promesse, oubliant la nouvelle que tu as reçu dans la soirée. Ta prise de poste imminente en Angleterre en tant qu’ambassadrice, ton déménagement qui va suivre. Tu ne peux plus reculer. Car il y a une autre promesse que tu dois honorer. Et celle-ci aussi est chère à ton cœur.

Tu ne crois pas aux dieux, mais si tu le pouvais, tu leur demanderais de veiller sur ta famille. Mais une fois encore, la responsabilité, le fardeau repose sur toi.

Tu sais très bien qu’on n’est jamais mieux servis que par soi-même.