Univers merveilleux capable de lier l’extraordinaire au plus banal. Voilà pourquoi mes pas foulent, oh bien trop souvent, les rues pavées faites par les mains robustes des moldus. Et c’est joli, l’ardeur du corps prêt à se tuer pour façonner. Nous avons un peu oublié ce qu’un peu d’huile de coude sait offrir quand nous brandissons, fiers, nos baguettes de bois.

Confortable et séduisante dans une robe de soie bleu nuit au voile d’or étoilé, j’apprécie venir aux soirées particulières de ces non-magiques qui se pensent si précieux d’être communs, mais dont il faut le reconnaître, savent s’armer des meilleurs divertissements. Par ici pas de bougies dansantes au-dessus de nos têtes, que des luminaires façonné dans du métal précieux afin de refléter l’éclat étincelant des lumières. Il y a des âmes pour servir sur des plateaux en argent, de la chaleur humaine à perte de vue pour se sentir vivant…

Oui, les moldus ont bien la chance d’avoir encore pour eux, le goût de la vie.

Chapeau de sorcière vissé sur la tête on prendrait presque ma tenue pour un déguisement si je ne sublimais pas autant l’absurde concept de sorcière… Je vois les coups d'œil intrigués, les rires badins. Ceux qui se moquent ne peuvent le nier : j’attire les regards et c’est bien ce qui les rend fous.

En discussion avec un homme anodin j’oserai presque lui dire comme le peu d’intérêt qu’il me porte fait écho avec le sommeil qui me prend, mais il semble si heureux de s’étaler sur ses fonctions en bureautique que je m’étonne à l’écouter se satisfaire de missions frivoles… alors je sais, pertinemment, que ce n’est pas ce cœur là qui saura prendre le mien. Heureusement l’on me vole l’affreuse tâche de couper court à toute discussion ; par une bousculade au timing parfait.

Et voilà que celui qui me sauve finalement se trouve être un homme, peut-être plus bête que celui qui me tient à cet instant ? Surprise de l’entendre prononcer ce mot que je ne connais que trop bien en bien des langues, j’en reste bouche bée une seconde, avant qu’il ne rompt le silence. Mes yeux cherchent alors les dégâts de son acte sur ma robe, mais rien ne se distingue. La tâche semble s’être abattue sur le sol pour épargner nos tenues. Un rire rassuré et je m’excuse auprès du moldu qui m'ennuie.

« Oh je suis désolée de devoir vous quitter ainsi aussi vite mais voyez vous cet homme qui m’a simplement bousculé me suscite cent fois plus d’intérêt que les cinq dernières minutes que nous avons passées ensemble ! »

Et c’est par l’audace que l’on fait taire ceux qui pensait en avoir plus que de raison. Une main sur l’épaule de mon nouvel ami et je l’invite à s’éloigner du benêt sans voix qui ce soir se trouvera bien déçu de s’être fait taire par une femme.

« Vous aviez sur votre visage l’aplomb et la bêtise ! Comment faîtes vous pour ne pas guider vos pas ? Ce doit être vos lunettes. » Sans jamais me défaire de cet air heureux, satisfait, je laisse l’humour être la note qui dominera le rythme de notre conversation soudaine. « Dîtes moi ce que vous avez vu pour en être aussi maladroit ? Voilà ce qui me suffira pour vous pardonner. » Mes mains alors saisissent deux coupes de vin rouge pour nous accompagner. « Santé ? »

Honnête est-il, cet homme sans peur. Alors il est un vagabond, du genre à se précipiter pour saluer ses fidèles ? Les être sociaux sont fascinants. Il n’y a que pour un amour perdu que je marche sans faire attention au monde qui me sublime. Sourire étendu et nos verres trinquent, j’accompagne sa gorgée par la mienne.

Danse le vin contre la paroie transparente, dont je me garde de commenter la qualité — ceux de ma cave ferait honte au vigneron qui nous sustente ce soir.

Puis d’une main gracile je m’embête à effleurer le tissu de mon beau chapeau, le plaisir visible extasiant mon visage il était presque rare, d’entendre quiconque s’oser à complimenter mes goûts, dans cet univers de moldus si banal. Mais voilà que je n’ai jamais eu tort de croire qu’il y en aurait forcément un d’intéressant, ce soir !

« Merci bien ! Je l’ai fait sur mesure. » Puis je le retire, l’admirant de mes yeux amoureux. Tous ces détails parsemés pour que mon sang jamais ne soit souillé, qu’on ne puisse en aucun cas me prendre pour le commun des mortels… Dieu que les jours ont passés, sans que je n’oublie comme je suis précieuse d’être sorcière. J’ose alors le déposer sur la tête de mon cavalier, troquant ma mine paisible pour celle prête à faire mille bêtises.

« Ça vous va plutôt bien. Voilà qui me rappelle l’école… Courage… Curiosité… Hm... C’est assez dur en fait. » Je n’aurai jamais fait un bon choixpeau. Je reprends sur la tête du garçon, ce qui m'est précieux, n’ignorant pas ses dires. « La discrétion est un art que beaucoup pensent maîtriser, mais qui s’avère infructueux face aux consciencieux. Un potin, vous disiez !  » Je m’abreuve à mon verre. « Vous étiez déjà pardonné, mais maintenant que vous l’avez proposé, je veux d’un potin. J’espère que vous saurez me captiver, je n’aimerai pas quitter votre compagnie aussi grossièrement que j’ai du le faire avec mon précédent partenaire. »

Les conversations sont badines mais ça sonne juste, accompagné par l’orchestre. les sujets alors sont tangibles, les tracas sont particuliers : sorcière, j’aurai mille raisons d’en rire, si je n’étais pas si concentrée sur mon interlocuteur. Les moldus deviennent d’agréables bruits de fond tandis que je n’écoute plus que cet inconnu dont l’humour parvient à faire palpiter mon cœur.

Il est sincère, il n’a pas peur. Il ne convoite rien de ce qu’il n’a pas, ne désir pas plus que ce qui semble lui appartenir. alors à mes yeux j’estime qu’il n’est rien, et aux siens je n’existe pas plus. voilà qui susciterait presque la rage ; moquée par une humiliation enfantine.

Mais il se corrige, le séduisant garçon. Ses yeux profonds surprennent, volent ma vexation. Il est doué pour son rôle, mais je ne parviens toujours pas à mettre un nom dessus. Qui est-il donc ?

« Vous attaquez autant que vous protégez… C’est particulier. »

Sourire à peine dissimulé, je me penche alors pour écouter le secret qu’il ose me partager. C’est assez curieux mais voilà que le propos devient profond, qu’il effleure à la fois ma curiosité et ma bonne humeur. Tout en écoutant ses aveux, je déguste le vin avec lui, tente d’y découvrir le goût des morts dans les notes sucrées des vignes cultivées… Si mon humour n’avouait pas de crime, peut-être oserais-je supposer à voix haute que nous devrions planter nous aussi, des raisins dans le jardin familial. Un simple rire aussi concis que maladroit me permet de passer à autre chose, je me redresse enfin.

« Je ne m’attendais pas à cette histoire. Qu’elle soit vraie ou fausse, il faut bien l’admettre : elle produit du bon vin ! »

Les yeux baissés, j’observe danser dans mon verre ce liquide qui est le maître mot de notre rencontre et de nos conversations, quand il espère alors toucher du bout des doigts l’espoir de se présenter… Et j’en serais ravie.

« Que vous en valiez la peine ou pas, l’avenir nous le dira. Mais quoi qu’il en soit : je ne l’oublierai pas. Alors, qui êtes vous ? » Je lâche ma coupe pour poser soudainement mes bras sur la table. « Mais je me permets, en première. Je ne demanderai pas si vous m’oublierez ; vous ne le pourriez pas. Wednesday Stuart. Votre cavalière pour la soirée. » C’est avec lui que la nuit m’emportera. Car ses histoires sont sans gènes et son attitude le confirme ; car il n’est personne et ne craint pas de le rester, alors c’est décidé, il sera quelqu’un pour moi. « N’y répondez pas maintenant mais songez-y. Croyez-vous au hasard ? »