Ce soir c'est le réveillon. Et t'es pas d'humeur à le fêter Ezra, c'est à contre-coeur que tu cuisines pour tout le monde. Irritable à souhait, tu fais bonne figure malgré les contrariétés. Déjà, Hermès donne l'impression de ne pas être totalement rétabli, Noah est beaucoup trop rétabli, Elijah est d'un calme rare et effrayant et Cillian ne répond à aucun de tes sms alors que tu l'avais invité pour le repas. Si tu t'attendais à les ravoir tous les trois réunis dans la même pièce avant 2032, tu n'aurais cependant pas cru qu'ils ne soient pas déjà entretués depuis hier.

Debout devant le plan de travail, tu coupes des légumes en suivant assidûment une recette sur ton ordinateur portable, posé ouvert sur le bar. Tu fronces les sourcils, surveillant de temps en temps ton téléphone. T'es tellement en stress que tu en viens à frissonner au moindre bruit, fixant la porte d'entrée comme si quelqu'un allait la fracasser pour rentrer et vous abattre un à un. L'agression d'Hermès t'a rendu encore plus paranoïaque.

L'esprit vif et perturbé, tu vas pour te tromper de bouteille quand tu ouvres le frigo. Au lieu du vin blanc acheté spécialement pour la dinde, c'est la bouteille vide remplie de sang que tu saisis. Tu te retiens avant de la renverser dans la cocotte.

— « Merde de merde. »

Soupires d'exaspération, alors qu'un peu s'en est échappé.

— « Bon. Désolé mais la dinde aura ptet' un arrière goût. J'arrive pas à me concentrer sur cette recette à la con. »

Tu ranges le sang, t'empresses de récupérer le vin blanc pour arroser la viande. Coup d'oeil à Hermès.

— « Non, toi, tu mets pas la table. Ta main doit se reposer. T'es suspendu de toute aide. Par contre Noah. »

Tu le siffles avant qu'il ne se carapate.

— « Toi tu peux filer un coup de main par contre. »

Le terme était peut-être mal choisi. Un regard désolé vers Hermès, un peu mal à l'aise.

— « Hm, désolé. »

Alors que le four est mis en route pour faire rôtir le plat, tu te diriges vers le canapé pour voir ce à quoi Elijah semble occupé.
Tu te penches au-dessus de lui pour regarder derrière son épaule.

— « Alors ? Toujours pas de bagarre en vue ? Tu fais quoi ? »

Tu ne sais pas si tu as hâte que vous parliez tous de ce que Noah a prévu. Plus tu y penses et plus tu as l'impression que c'est une mauvaise idée.
Pourtant ce n'est pas tant la faim qui te donne mal au ventre, mais la soif meurtrière de vengeance.

Ils sont tous sages ce soir, c'est effrayant. Alors que tu t'attendais à devoir faire la police, à devoir tempérer les caractères explosifs des uns et des autres - tout le monde demeure pacifique. Tu abandonnes cette putain de dinde dans le four et enlèves tes maniques pour les poser sur le bar. Coup d'oeil toujours vers Hermès (tu le surveilles) pour t'assurer qu'il va bien. C'est que ta façon de le materner en est presque vexante pour lui. Tu te doutes bien que ça l'énerve, mais c'est plus fort que toi. Tu as failli le perdre (lui) et tu ne sais pas pourquoi mais ça t'inquiète davantage quand ça le concerne (lui).

— « Non, pas d'assiette. Elle me répond pas. C'est bizarre, d'habitude elle répond toujours. »

Tu commences un peu à psychoter. Manquerait plus qu'il lui soit arrivé quelque chose à elle aussi. Tu chasses cette idée de ta tête, préférant te rassurer avec une explication rationnelle. Elle a peut-être cassé son pineapple et décide de passer Noël avec vos parents (tes parents adoptifs).

Face aux grognements des deux derrière. Tu te diriges vers le canapé, te penches par dessus l'épaule d'Elijah pour zieuter son téléphone. Il te demande ton avis pour une annonce de maison (et encore une fois tu es surpris). Elle est belle, spacieuse, bien située et avec beaucoup de cachets.

— « Franchement, pour l'emplacement le prix est idéal. Tu auras surement des travaux à faire. T'as les moyens du coup, même sans l'argent de Papa ? »

Il fait slider les photos et tu adores. Il t'invite à t'assoir, remets une de tes mèches et tu remarques que Noah va pour s'occuper de la dinde.

— « Attend, on va bientôt passer à table. »

Tu souris, fier, quand il t'annonce avoir postulé pour un nouveau travail. C'est bien, c'est parfait. Elijah est enfin sur le droit chemin et va se ranger parmi les honnêtes gens. Tu lèves le pouce pour le féliciter et perds ton sourire quand Noah décide de casser l'ambiance.
Tu restes un peu en retrait, les mains derrière le dos.

— « Asseyons-nous pour en discuter. »

Tu es mal à l'aise. C'est plus fort que toi. Si l'envie de te venger est toujours présente, tu restes bloqué par la perspective de finir en prison.
Ce sont toujours ceux qui ont le moins à se reprocher qui se font choper en premier. C'est comme ça mais la vie est injuste - et avec Atlas dans la boucle elle devient carrément maudite.

Tu passes à côté d'Hermès, lui caresses l'épaule affectueusement. T'aimerais bien qu'il se détende un peu, parce que toi tu t'efforces d'être zen et poli. Malgré le fait que t'aies juste envie de tuer quelqu'un de tes propres mains. Tu tires une chaise et t'assois, incites les autres à faire de même.
Une fois qu'ils sont tous réunis, tu ne peux pas t'empêcher de déroger à la règle une énième fois : celle où tu n'exprimes jamais tes sentiments.

— « Je suis heureux de vous savoir là, sains et saufs. »

Mais l'ambiance redescend vite (encore une fois) par Hermès et ses réflexions désobligeantes. C'est le moment ou tu t'effaces, alors.

Bon bon bon. Les insultes fusent d'un bout à l'autre de la table. Le seul qui se tient réellement tranquille c'est Elijah. Tu hausses même un sourcil quand il prend la défense de Noah. Tu vas mentir à personne, hein, tu comprends pas grand chose de ce qu'il se passe. Des tensions qui t'avaient semblé apaisées repartent de plus belle et ceux que tu attendais le plus au tournant se sont calmés.
Cependant tu as un regard désapprobateur pour Hermès et Elijah quand les vannes partent un peu trop loin. Te forces à rigoler, malaisé, alors que tu trouves pas ça drôle.

— « Ew. »

Tu écoutes le plan de Noah, accoudé à la table, tristement ennuyé. Tu as abandonné l'idée de faire la police pour les contrôler - tant pis ils nettoieront s'il y a de la casse. Ton téléphone vibre et tu regardes l'écran, fronces les sourcils avant de lever la tête vers Noah en face de toi. C'est le moment où tu n'écoutes plus rien, où tes joues s'empourprent. Tu as un peu chaud, descends plusieurs verres d'eau entre les échanges tumultueux que tu entretiens avec Noah par conversation écrite superposée. Tu admires son éloquence, la façon qu'il arrive à gérer ses explications et la cruauté avec laquelle il te traite dans ses messages.

Tu essaies de te concentrer, noies ta gêne la voix tremblante.

— « C'est quoi notre garantie que les Priest viendront pas nous causer du tort si Atlas est transformé en loup-garou ? »

Il glisse son pied entre tes cuisses et tu le fusilles du regard, le souffle court. C'est qu'en plus de te faire tourner la tête il te la fait perdre. Tu glisses ton portable sous la table, envoies un dernier sms et te lèves brusquement de table, dans un grincement de chaise sur le parquet.

— « Je reviens. »

Tu fonces vers la cuisine, t'y caches un instant pour reprendre convenance. Le dos calé contre l'évier, tu restes dans les ombres, fuis la lumière (les bruits les regards les CRIS).
Tu passes ta tête par dessus le bar, constates qu'Hermès a perdu son calme et s'est jeté sur Noah pour l'agresser.

— « Mais. PUTAIN ! C'est pas vrai vous pouvez pas rester à table dix minutes sans vous battre ou vous insulter. Vous le faites exprès en fait ? Y'a volonté de nuire. »

Tu tires sur Hermès, tes mains sur ses épaules pour le forcer à lâcher prise. Immédiatement tu repenses aux sms de Noah, relâches donc la pression sur sa peau, gêné. Les insultes chienne et pute qui passent en boucle dans ta tête. Tu serres les poings, recules un instant pour observer la scène avec plus de retrait.

— « Vous me cassez les couilles. C'est Noël et on discute sérieusement. »

Tu pointes sa chaise à Hermès.

— « Je comprends que tu sois en colère Astie mais on est dans la merde là, alors... »

Sans le vouloir son ancien surnom qui repop entre tes lèvres.
Un regard vers Elijah, qu'il se fasse raisonnable jusqu'au bout et réussisse peut-être à les convaincre.

Tu essaies de faire en sorte que tout se passe bien et rien ne va, putain de merde. Cette tentative d'alliance temporaire serait-elle déjà un fiasco ? Tu recules quand Hermès s'écarte, fais lentement le tour de la table sous le regard dégouté d'un Noah révolté. Tu ne sais plus sur quel pied danser, ils sont tellement infects que tu ne veux plus prendre aucun parti. La manière dont Hermès te remballe suffit à t'achever. Tu fais claquer ta langue contre ton palais, irrité. La seule chose qui te retient de l'insulter est la culpabilité que tu portes sur tes épaules, vis à vis de son agression.
A croire que rien de tout ça ne serait arrivé si tu n'avais pas laissé Attila rentrer. Ou Noah, la première fois ?

Quand même, tu les trouves injustes, tous autant qu'ils sont. Ton coeur brule de se venger, de les envoyer chier et de déménager seul à l'autre bout du pays pour avoir la paix et les laisser se démerder avec le psychopathe à leurs trousses.

— « Génial, ça se retourne contre moi maintenant. »

Tu soupires et te rassois, fais clairement la gueule alors que tu déposes ta tête dans ta main, accoudé à la table. Tu joues avec ton couteau sur la nappe, fixant un point flou au loin sans réagir plus que ça.
Vu que tout le monde a l'air de s'en branler du plan, tu te permets quand même de relancer pour que le sujet se concentre enfin sur le thème de ce repas.

— « Et vous allez faire comment du coup, pour le coincer ? T'as un endroit pour faire ça, déjà ? »

De toute façon tu te doutes bien qu'au premier danger ils vont tout faire pour t'écarter.