La pleine lune.
C'était un soir particulier pour les gens comme eux. Un peu plus ce soir étant donné qu'ils ne la passeraient pas chez eux. Leur forêt menacée par ces maudits chasseurs, ils ont préféré s'en aller ailleurs et sur les conseils d'Asterion ils avaient finis ici, là où personne ne les rechercherait. Tout ira bien, avait-il assuré après l'avoir proposé. Il se souvient avoir serré la main de sa chère Rana après ça. Randall quant à lui avait accepté rapidement, ravit de voir son fils aussi concerné par le bien des siens.

Au crépuscule la meute s'était alors regroupée à l'orée des bois avant d'aller s'y perdre aux premiers éclats de lune. Et puis finalement après quelques heures la délivrance enfin. La torture des corps qui se brisent, déchirent les vêtements pour laisser entendre les premiers grognements. Les poils qui s'allongent, la silhouette qui se transforme, grandit, grandit, grandit ! Pour faire apparaître à travers la nuit des dizaines de yeux jaunes et des crocs avides de chair.

Alors les bêtes hurlent à la lune leur liberté retrouvée avant de s'élancer à travers les arbres. Vous entendez ? Vous les sentez ? Ces h u m a i n s trop malchanceux. Ceux qui vont finir dévorés sous peu. Asterion à l'instar de sa famille se retrouve attiré, et s'il sait qu'il ne dévorera personne cette nuit grâce à la potion tue-loup, il tentera de les protéger, de s'interposer. En attendant il court à travers les fourrées sans quitter sa sœur d'une semelle et il hurle, il hurle encore encore encore ! Bien vite rejoint par l'entièreté de la meute.

Puis soudain ce hurlement qui s'arrête brusquement, entraîne avec lui le silence de tous les autres tandis qu'Asterion s'arrête, surprit. Laisse sa sœur filer sans avoir le temps de lui grogner de s'arrêter, il va pour se remettre en route quand une flèche lui passe sous le museau pour aller se planter dans le flanc de l'un des siens qui vient tout juste de le dépasser.

Des chasseurs.
Putain !

Rapidement il tourne la tête dans la direction d'où viennent les flèches, par chance en esquive une qui lui frôle l'oreille avant qu'il ne se mette à gronder bruyamment, menaçant, avant de foncer tout droit en les ignorants finalement. Il doit retrouver Rana. Tandis qu'il aboie pour appeler ses congénères, il se prend finalement la patte dans un piège. Les piques qui s'enfoncent dans sa chair sauvagement le clouent sur place dans un hurlement de douleur infernal alors qu'il s'écroule en glissant dans la boue. Il se relève pourtant rapidement pour reprendre sa course, et si le lien du piège à sa cheville l'empêche d'avancer il tire, tire, tire de toutes ses forces pour tenter de le briser et filer.

Il doit retrouver Rana.
Putain il faut qu'il la retrouve.

Il tire, il tire si fort Asterion. Hurle sous sa chair qui se déchire à cause du piège mais lutte toujours de toutes ses forces parce qu'il ne veut pas mourir ici. Il est hors de question que qui que ce soit de sa meute meurt ici ce soir. Alors, à force de tirer il sent que la chaine encrée dans le sol bouge un peu. Il y est presque. Encore encore encore ! S'arrête brusquement lorsqu'il entend le hurlement d'agonie de sa belle-mère plus loin. C'est votre père qui l'aura eu, parvenant à l'immobiliser avant de lui transpercer le crâne d'une flèche empoisonnée.

Alors Asterion hurle encore, de rage redouble d'effort alors que la chaîne se fait de plus en plus souple. Il ne sent plus sa patte, seulement la douleur atroce d'un membre qu'on déchire mais il s'en fiche. Il doit se libérer, il doit trouver Rana qu'il entend plus loin se battre contre votre parents tout en pleurant sa mère décédée. Il sent la panique le gagner à mesure que le temps passe, avant de s'arrêter une nouvelle fois lorsqu'il vous entend approcher. Vous, les frères Priest. Atlas et Hyperion. Trop prit dans l'action il n'avait prêté attention à vos odeurs mais à présent que vous êtes proches il peut vous flairer, vous entendre. Il n'y a pas de doutes possibles. Bande d'enfoirés.

Brusquement il tire dans votre direction, ne hurle plus de douleur mais grogne bien de rage tandis qu'il vous montre ses crocs et cherche à briser cette maudite chaîne pour vous dévorer. Voit que Hyperion tu n'as pas l'air serein -c'est parce que tu as compris pas vrai ? T'as compris que c'était lui ce loup, comprit que maintenant ce n'est plus qu'une question de temps avant que tu ne crèves sous ses dents. Il te hait, si tu savais comme il te hait à cet instant Hyperion. Alors sans cesser de grogner il continue de se montrer féroce bien que vous ne lui prêtez pas grande attention. Grogne plus fort quand Atlas tu ordonnes de le tuer. Sale merde !

Crève.

Crève putain.

CREVE !

Avant que son père ne le dépasse pour se jeter sur Hyperion sauvagement. Tandis qu'il le plaque au sol, Asterion s'arrête, abasourdi un instant par la situation. Il voit Hyperion terrifié dans la boue, son père au-dessus, Atlas horrifié. Il la voit cette flèche qui vole si vite et il se sent partir une brève seconde. Le coeur qui loupe un battement, la rage qui se réveille ensuite, fulgurante alors que la flèche part se planter dans un arbre. Il n'a pas le temps d'être soulagé alors il reprend son œuvre et tire toujours plus fort pendant que Hyperion hurle à l'agonie. Ça lui glace le sang et il ne peut s'empêcher de regarder l'œuvre de son père juste après qu'il se soit écarté. Il voit le sang partout, Hyperion presque mort le flanc en miettes sur le sol. C'est horrible.

C'est jouissif.

Et tandis que son père fonce sur Atlas, le piège à sa cheville cède enfin alors il court Asterion. Il laisse son père gérer cet enfoiré pour partir dans la direction opposée en courant aussi vite qu'il le peut pour tenter de retrouver Rana. Chaque pas est une torture mais il tient bon et court. Court court court encore sans s'arrêter.

Finit par la trouver face à tes parents avec trois autres loups alors il grogne, lui fait comprendre de le suivre afin de retourner auprès de leur père qui combat seul de l'autre côté.

Il les entend, Atlas qui hurle, Hyperion qui souffre. Rana qui grogne et Edwin qui s'écroule après une flèche bien placée. Ed' qui lui grogne dans un dernier souffle de se barrer avec sa sœur, les deux autres qui réagissent et encouragent. Après son père ils étaient les plus vieux de la meute, les plus expérimentés aussi.

Mais il ne peut pas faire ça, pas vrai ?
Les laisser là combattre ces chasseurs pendant que lui se terre au chaud avec sa sœur en attendant leur retour.

PUTAIN ASTERION DEGAGE !

Il sursaute, relève la tête pour poser un regard ahurit sur Morgan aux prises avec le père. Rana qui le rejoint rapidement, parce qu'elle a comprit, parce qu'elle écoute toujours Rana malgré sa bravoure. Elle sait qu'elle ne pourra rien faire ce soir, qu'ils la préfèrent en sécurité vu son manque d'expérience flagrant.

Il ne veut pas mais il le faut, pas vrai ?
Fuir.

(comme un lâche)

Rana le bouscule en passant près de lui pour lui faire retrouver ses esprits et alors qu'elle court pour s'échapper il la suit, Asterion. La rattrape facilement quand, au bout de quelques dizaines de mètres à peine il entend les hurlements de ses camarades tombant au combat. Les parents étaient habilement parvenus, malgré une lutte féroce, à les mener droit dans un piège qui leur aura été fatal. Avec Rana ils hurlent en retour, courent, courent, courent toujours à travers les arbres, par-dessus les racines et contre le vent. Ils courent aussi vite qu'ils le peuvent, repassent sans y prêter attention près d'Atlas, Hyperion et leur père assommé.

Ils ne peuvent pas le sauver.
Il faut courir.

Courir courir courir.
(jusqu'à en crever
malgré les blessures qui déchirent)

Le piège qui se referme sur Rana lui arrache un hurlement de douleur alors que lui s'arrête pour la rejoindre. Il est mortifié, terrifié et en panique quand elle lui fait comprendre elle aussi qu'il doit dégager.

Jamais. JAMAIS RANA !

Il grogne, tente de défaire le piège comme lui l'avait fait plutôt en tirant sur la chaîne avec sa gueule mais rien ne bouge. Alors il essaie encore encore encore encore. Il aurait tenté jusqu'au bout de la nuit si seulement il n'avait pas entendu des pas se diriger vers eux. Une flèche qu'il esquive de justesse alors qu'il se retourne vers l'ennemi (lequel ?) en grognant.

Il n'y a personne.
Personne de visible du moins.

Et il panique toujours, gronde plus fort encore avant que la flèche ne se plante cette fois dans l'une des pattes de Rana. Il faut fuir qu'elle dit alors qu'elle s'écroule sur le sol. T'as promis.

Tu te souviens ?
Non.

Bien sûr que tu te souviens.
Dégage Asterion, qu'ils te choppent pas toi aussi !

DEGAGE !

Putain.
PUTAIN.

C'est parce qu'elle lui assure qu'ils se reverront qu'il la laisse après une dernière caresse du bout du museau sur son épaule. C'est parce qu'il est lâche qu'il y croit.

Qu'il court, court, court.
Hurle et pleure.
Qu'il fuit.