Assis à la table de la cuisine, tu fixes ton reflet dans ton café. Tu es rentré hier de Poudlard pour fêter tes premières vacances de Noël sans ton frère. Cela faisait deux mois qu'on t'apportait tous les jours soutien et condoléances : un supplice que tu ne lui pardonneras jamais. Devoir faire semblant de démontrer de la tristesse pour un monstre n'a rien de spécialement stimulant. Alors quand tu te resserres des céréales et que tes parents se préparent pour le travail, tu leurs souris d'un air sage et usé. Steven Priest passe derrière toi pour te caresser le haut du crâne et tu restes immobile, un peu crispé par cet élan d'affection inhabituel.

— « Tu gardes la maison. Fais tes devoirs pour la rentrée, on se retrouve ce soir. »

Tu hoches la tête pour acquiescer, et quand la main de ton père se pose sur ton épaule, tu restes immobile, le regard vissé sur le mouvement irrégulier des corn flakes qui se noient dans ton lait.

— « Et ne t'occupe pas de ça. Entendu ? »

Tu ne réponds pas.
Tu n'as pas besoin. Tu tournes le lentement la tête pour observer tes parents transplaner sur le pas de la porte. Le silence retombe et tu te lèves pour débarrasser. Tu commences le rituel du matin : la douche, la lecture, le ménage de ta chambre, les étirements, les études, les poussières encore. Tu te laves les mains (encore) et toujours dans le silence assourdissant de la maison Priest, ta curiosité malsaine se retrouve constamment attirée par cette porte blindée : celle qui mène à la cave.

Il est toujours vivant, tu le sais, tu le sens.
Mais à quel prix ?
Il n'est plus qu'un chien enragé qu'on garde en captivité - le tuer serait faire preuve d'une pitié dont tu n'es pas sur quel puisse la mériter.

Tu sais où sont rangées les clés, alors tu ouvres le troisième tiroir de la cuisine, et enlèves le cadenas. La porte ne s'ouvre toujours pas, sans doute protégée par des maléfices. Mais tu es majeur Atlas, alors l'usage de la magie ne t'est pas interdit. Tu les fais sauter facilement et pénètres dans les profondeurs. Tu descends sans chaussures et la paume de tes pieds se heurtent au béton des marches. Une fois en bas, tu éclaires avec ta baguette et cherche où est disposée la cage. L'ont-ils changé depuis la dernière fois ? Les chiens de votre chenil aboient en te voyant (ils n'ont pas des très bons souvenirs de toi) et tu comprends rapidement que Jane et Steven Priest ont écouté tes recommandations. Tu accélères le pas pour rejoindre le dernier enclos, tout au fond.

Sur une surface d'un mètre cinquante sur un mètre cinquante est recroquevillé le corps d'Hyperion, attaché au niveau des pieds et du cou par une chaine ensorcelée qui prend sa source dans le mur derrière lui.

— « Hey. »

Inspire, expires. Tu l'aveugles avec ta baguette.
L'arroses d'un jet d'eau glacé provenant de celle-ci.

— « Réveille-toi. »

Sa seule réaction t'exaspère. Le monstre n'a pas l'air si troublé que ça de te voir. Il questionne, sourit, et te salue. Tu plisses légèrement les yeux pour distinguer son corps dans l'obscurité. Tu ne trembles pas à sa vue et et diriges le faisceau lumineux de ta baguette pour dessiner les contours de sa silhouette. Les chiens continuent d'aboyer et tu siffles mauvais entre tes lèvres.
Il OSE ! Il ose t'appeler grand frère et un rictus morbide déchire ton visage. Tu le toises avec dégout.

— « Ne m'appelle pas ainsi. Nous ne sommes plus des frères toi et moi. »

Tu te sens puissant Atlas, puissant d'être de l'autre côté de la cage. Privé de sa baguette et de la trace (Jane et Steven s'en étaient assuré) ; il a autant de pouvoir qu'un vulgaire animal - c'est à dire si peu ! Tu t'amuses à l'asperger d'eau, encore, dans l'espoir de le voir greloter de froid. Tu ne saurais expliquer tes gestes et ton attitude Atlas, tu ressens juste le besoin viscéral de le faire souffrir pour t'avoir abandonné.

Tu arrêtes et constates d'une voix dénuée d'humanité - c'est le comble car tu es pourtant le plus humain de vous deux.

— « C'est bientôt la pleine lune. »

Il résiste, se cache, tente de se protéger de ses mains. Il y a quelque chose qui te perturbe Atlas, c'est son répondant et son arrogance qui suinte encore de tout ses pores. Les animaux ne répondent pas, les animaux obéissent à leurs maitres et subissent les châtiments de l'éducation. Quelque chose en lui ressemble encore au fantôme de ton frère et c'est ce qui te fait le hair plus fort. Il n'est qu'un démon ayant volé son apparence ! Il n'est que la résultante de ton erreur et se croit tout permis en te la renvoyant au visage.

— « Tais-toi ! Rien de tout ça ne serait arrivé si tu n'avais pas été aussi... stupide. »

Tu craches, courroucé.

— « Imprudent ! »

Mais tu cesses pour l'heure les jets d'eau glacés. Qu'est-ce que tu me veux ? couine t-il en faisant grincer les chaines. Il ne te fait pas peur, il ne pourra pas te faire de mal. Tu continues de le fixer de tes petits yeux malveillants, te payant même le luxe de coller ton visage à la grille.

— « Jane et Steven ont abandonné l'idée de faire quelque chose de toi. Ils veulent te laisser moisir ici jusqu'à ce qu'ils en aient oublié ton existence. Je trouve ça injuste. Tu ne mérites pas ça. »

Tu t'assois en tailleur devant la cage, envoies un maléfice sur le cane corso qui aboie encore pour l'assommer. Tu fais craquer les articulations de ta nuque.

— « J'avais dans l'idée quelque chose de plus... créatif. »

Le Code, le Code. Encore et toujours le Code ! Tu serres les poings sur tes cuisses, le défies du regard de continuer à tout ramener à ce propos. Déjà la dernière fois, il n'avait que ce mot là à la bouche. Il ne comprend pas que tu ne veux pas, la Mort est une libération qu'on mérite et le monstre qui a volé l'apparence de ton frère se doit de payer pour avoir volé sa vie. S'il doit périr, ça sera de votre main et pas de la sienne.
S'il doit disparaître, tu veux être sur d'être incapable de le pleurer.
Mais as-tu déjà pleuré quelqu'un Atlas ? Tu cherches encore à t'en souvenir.

— « La ferme sale clebs. »

Tu lèves ta baguette sans bouger, le menaces avec celle-ci. Tu le nargues de ta toute puissance, l'agitant dans le vide pour tester ses réactions. Ton poignet tremble, car tu te contiens pour ne pas lui jeter un sort cuisant.

— « Je n'aime pas comment tu te tiens. Assis. »

Il hausse la voix et tu sursautes, choqué, outré et la colère monte. Tu ne vas pas retenir tes élans vengeurs encore longtemps Atlas. Tu lances un expulso informulé pour l'envoyer se heurter contre le mur de pierre au fond de la cage.
Les dents serrés, ton visage s'enlaidit d'une rage féroce et cruelle. Tu ouvres la petite porte de la prison pour pénétrer à l'intérieur avec lui. Impossible pour lui de s'enfuir à cause des chaines. Tu profites du fait qu'il soit un peu sonné pour lui attraper le poignet et le plaques contre le sol humide, le maintenant immobile par une clé de bras dans le dos.

— « Putain, ça sent la pisse ici. Tu schlingues. »

Si le gentil Atlas est toujours poli, ton langage devient plus familier quand tu montres ton vrai visage.

— « Toi, va te faire foutre. »

Tu appuies plus fort, lui écrases le visage dans ce qu'il ressemble à une flaque, mélange d'eau et d'urine.

— « Allez, aboie. Aboie ! »

Il se débat comme un forcené, hurle et ça excite les chiens qui se remettent à aboyer. Tu serres les dents, y mets un peu plus de force pour le maintenir plaqué contre le sol de la cage. Tu n'es pas très bon (voir pas du tout) en combat rapproché mais ce genre de prise ne nécessite aucune technique : le corps est verrouillé et c'est toi qui en devient la clé. Il t'insulte et tu soupires, le visage toujours inexpressif. Tu ne témoignes d'aucune compassion, si ce n'est celle de prendre en pitié tes pauvres oreilles, agressée par le bruit chaotique qui résonne dans les sous-sol.

Tu remontes son bras dans son dos pour lui arracher un cri de douleur, t'assois sur ses jambes pour qu'il arrête de les agiter. Nerveux par la situation, tu laisses échapper un rire glaçant et névrosé.

— « Oh la la. Arrête de jouer les victimes, c'est agaçant. On dirait que je te torture. »

On dirait.
Que je te torture.

Tu bats des cils, et dans un élan de pitié tu décales sa tête hors de la flaque pour qu'il puisse s'appuyer sur une surface moins sale.

— « Voilà. Content ? Ce n'est pas ma faute si t'es dégueulasse. C'est pas parce que t'es devenu un chien que tu dois être plus sale qu'eux. Regarde ta nouvelle famille. »

Tu attrapes ses cheveux, tires sur sa tête pour la soulever et l'orientes afin qu'il puisse observer les cane corso noirs qui s'agitent dans leurs enclos. Tu te penches à son oreille pour murmurer, alors que tu compresses un peu plus son bras au niveau de son omoplate, lui tordant les doigts un à un.

— « Parce que Jane et Steven m'ont confié ta rééducation. Et tu as été méchant, alors tu es justement puni. C'est pour que tu apprennes Hyperion, ce n'est pas pour te brimer... alors arrête d'en rajouter. »

Il hurle, se débat, convulse sous la douleur. Il réagit à tes sévices et t'en as besoin Atlas, t'en as besoin pour t'y raccrocher ! Quand il crie il est encore humain, quand il pleure il est encore humain - c'est quand il menace de te tuer que la conscience de l'Homme s'évapore pour laisser place à celle de la Bête. Celle que tu comptes éradiquer. Tu as un espoir pour Hyperion, bête et illusoire : peut-être existe t-il un moyen de purifier l'animal pour en extraire les restes de ton frère. Il est encore là, sous la couche de chair et sous l'impulsion de sa voix. Il est encore là...

— « Tu l'es. Pour l'instant... »

Il tente de se redresser et tu appuies sur le bras pour l'en empêcher, souffles un peu à bout de forces pour le maintenir allongé sur le sol. Il veut mourir mais il sera bien obligé de rester tranquille s'il ne veut pas se faire saigner.

— « Toi LA FERME PUTAIN ! »

Accio un couteau de cuisine déposé par terre non loin des enclos en arrivant, subtilisé tout à l'heure sur le plan de travail quand tu nettoyais après ton petit déjeuner. Tu n'avais pas prévu à un seul moment que cet échange serait pacifique.
Ça ressasse dans ta tête, en boucle, comme une image mentale parasite. L'envie froide de lui faire du mal et le besoin soulagent de le faire supplier.
Quand il supplie il est encore humain.

Tu glisses l'arme blanche au niveau de son cou, et la plaques contre sa peau sans appuyer et sans trancher. Tu tiens toujours ses cheveux et lui soulèves la tête. Tu peux voir ses yeux fous dans le reflet de la lame.

— « J'aimerai bien voir ça petit frère. »

Tes doigts agrippent nerveusement le manche mais tu souffles, intériorises tes pulsions pour murmurer.

— « You can't do shit.* »
(*Tu ne peux rien faire.)

Sans prévenir, tu libères le poignet que tu tenais prisonnier, et le forces à s'appuyer contre le béton. Tu plantes le couteau dans sa main, et dans un gloussement cruel tu t'assois sur son dos tout en maintenant le manche dans tes doigts.

— « Tu peux chasser ces pensées Hyperion. Ce n'est pas moi que tu détestes, c'est ce que tu es devenu. »

Susurre d'une voix amusée.

— « Ouaf. »

T'as failli craquer Atlas, t'as failli faire riper le couteau sous sa gorge pour la lui trancher d'un coup sec. Il sait quoi dire pour te toucher, et pourtant tu gardes un sang-froid incroyable. En le tuant, tu lui rendrais un service - et il ne retiendrait pas la leçon s'il n'étais plus. Tu refuses de le laisser partir maintenant, ou partir tout court. Tu veux qu'il reste, qu'il souffre, qu'il subisse l'attente interminable qui le sépare d'une mort libératrice. Tu veux qu'il hurle, putain ! Qu'il pleure autant voir plus que tu ne l'as pleuré, lui.

— « Le préféré est enfermé à la cave avec les chiens. »

T'es amer mais ta voix ne tremble pas une seule seconde. Tu plantes le couteau dans sa main désormais libre (de nouveau prisonnière du sol) et tu jubiles sous ses réactions. Tu tapes du pied nerveusement, tentes de le contenir alors qu'il s'agite.
T'es taré ! T'es un putain de taré !
Tu répètes, pour ne pas laisser entre de mauvaises pensées.

— « Le préféré... est enfermé à la cave. »

Tu répètes !

— « Le préféré... Ils ne viennent même pas te voir. Ils me laissent faire ! Moi ! MOI ! »

Tu extrais lentement la lame de sa chair, et sans prévenir (une seconde fois) c'est la deuxième main que tu viens transpercer.

— « Tu ne peux pas me tuer, et tu ne vas pas me tuer. »

Tu exaltes, secoues la tête et la balances vers l'arrière en riant. Tu tournes le couteau pour lui arracher des douleurs fantômes puis le jettes un peu plus loin dans la cave. Tu le récupéreras plus tard.
Tu l'observes un instant, un brin plus attentif alors que ses deux mains ensanglantées tremblent encore sous l'adrénaline. Tu as l'air presque déçu.

— « Me dis pas que ça t'a déjà calmé ? »

Tu lui assènes d'une petite tape humiliante à l'arrière du crâne.

— « Et t'as toujours pas aboyé. »

Ses suppliques sont comme une litanie à tes oreilles. Tu ne l'aurais pas soupçonné mais tu prends ton pied Atlas. La torture diffère de la chasse, longue attente de traque couronné d'un coup précis et mortel. Il n'y a aucun plaisir, hormis une satisfaction cruelle et jubilatoire de voir le corps sans vie s'écrouler. Avec Hyperion (du moins ce qu'il reste de lui) tu peux prendre ton temps, savourer chaque plaie ouverte, chaque brûlure, le sentir remuer sous tes brimades. Chaque action peut devenir un coup de grâce.

Il hurle et ton souffle s'accélère. Les larmes au coin des yeux c'est une jouissance immature qui te prend aux tripes. Tu confonds sacrifice et sacrilège, à remuer le couteau dans la plaie béante. Tu le sens trembler, s'étrangler de larmes et de souffrance et tu essaies de comprendre, Atlas, de ressentir avec lui.

Je vais te tuer.
— « Chuuuut. »

Tu caresses sa chevelure avec douceur pour le rassurer.

Je vais te tuer.
— « Tu serais incapable de faire ça. Tu sais que je ne veux pas te faire de mal. Tu m'y obliges. C'est ta faute. »

Tu descends un doigt le long de son dos pour dessiner sa colonne vertébrale.

Je vais te tuer.
— « Ce n'est pas très gentil. »

Il se soulève avec brutalité et tu glisses sur le côté, tombes lourdement sur le sol humide et sale. Tu restes prostré un instant avant de te redresser d'un air frénétique. Tu es furieux de sa rébellion, furieux d'être sali, furieux de son rire saccadé qui résonne à tes oreilles.

— « Petite merde tu te prends pour qui ?! »

Tu perds ton sang-froid, pour la première fois depuis que tu l'as retrouvé. Tu sors de la cage à quatre pattes et te redresses, écrases une de ses mains blessées avec ton pied. Tu lui feras cracher du sang par la bouche.

— « C'est moi qui vais te TUER ! Reste à ta place ! »

Tu refermes violemment la porte de l'enclos, cherches ta baguette à tâtons pour le verrouiller via un sortilège.