Concentré.
Il fallait l'être, pour survivre une journée à la Harpie Dorée; sur les avantages d'un tel travail, comme le plaisir de travailler avec des thé d'exception et de pouvoir en parler, à l'occasion. La clientèle d'un salon de thé est un tout petit peu plus agréable, mais...
Le désavantage, c'est bel et bien ça. La clientèle.
Chaque client qui pousse la porte est une nouvelle fois où il serre la mâchoire, agacé.
Eamon a sous-estimé à quel point c'est un travail sociale. Il prend sur lui, prend une grande inspiration et laisse un sourire commercial, vide et amer étendre ses lèvres alors que ces plébéiens prennent leur temps, hésitent devant le menu.
Alors il reste concentré sur le thé. Sur ses objectifs.
Ce n'est que le temps de trouver une potion, celle qui fera trembler la Très Extraordinaire Société des potionnistes...

Il s'approche d'un nouveau client, inspirant, accumulant la force de retenir son venin le temps d'une brève conversation.
Puis il lui hurle dessus.
Plait-il ?
Ses yeux noirs se posent finalement sur lui, trahissant son irritation. Ses pupilles détaille l'individu, son attitude... Il plisse légèrement les yeux, arrivant finalement à la table. Ce type le connaissait de nom ? Lui, qui semblait se préoccuper autant de son apparence que de son volume sonore ? Cet accord de couleurs était un attentat à sa rétine.

Vieux frère ?
Oh.
Cela lui revient, tel un rêve fiévreux : un camarade de Poudlard, insistant et chaotique, à la mauvaise habitude d'envahir de sa simple présence son espace vital et personnel. Davy ? Oh, peu importe.
Il n'a vraiment pas envie de le voir.
Mais il a aussi vraiment besoin de ne pas se faire virer.

Alors, après un instant à l'avoir dévisagé, il force un sourire, faible mais présent.

- Navré, monsieur, mais nous ne nous connaissons regrettablement pas.

Pas d'hésitation, pas de gêne, avec un peu de confiance, peut-être que ce visage du passé y croira tout seul.

- Vous avez choisi ?

Qu'est-ce qu'il détestait prononcer ces mots...

 
Courte ?
Il retient un soupir bruyant.
Oui, cela lui revient... Un homme plein de contradictions. Qu'il n'a pas vu depuis des années. Une courte période de temps, en effet.

Eamon finit par souffler du nez à la prochaine remarque. Sa patience va être mise à rude épreuve, aujourd'hui... Comment cela, meilleure mine ? Sa mine est parfaite. Et personne, encore moins lui en particulier, n'avait de commentaire à faire dessus.

Et ce regard insistant... Le serveur lève légèrement la tête en soutenant son regard. Rester digne. Rester... Professionnel.

- Vous êtes bel et bien quelqu'un qui a l'air d'avoir besoin d'aide...

Eamon fronce légèrement les sourcils, pris de court.
Un clin d’œil ?
Qu'essayait-il donc de faire ?!

Il visualisait le genre de parfum qu'il donnerait bien, à bon thé. De la belladone, pour donner à ses yeux une vraie bonne raison de le fixer aussi intensément. À la ciguë, pour effacer ce sourire. Quant au clin d'oeil, il se demande s'il ne préférerait pas s'en occuper à mains nues.
Ces maudits yeux qui le scrutaient encore maintenant, le provoquant une nouvelle fois...

Fort bien.
Eamon s'avance d'un pas, plissant légèrement les yeux, le dévisageant sans aucune gêne. Avant de claquer sa langue, l'air insatisfait.

- J'ai beau essayé...

Il secoue doucement la tête.

- Votre visage est d'une banalité, il ne me rappelle rien.

Sourire commercial, avant de tourner les talons et aller préparer du thé. Quel genre de thé, pour un individu aussi impertinent ?
Le pire.
Mais Eamon est sérieux lorsqu'on parle thé. Il aurait demandé ses préférences, s'il n'était un interlocuteur qu'il aurait désiré éviter. L'improvisation est donc de mise : un thé vert à l'abricot, relevé avec de la cardamome devrait faire l'affaire.
L'envie d'y coller un somnifère, à défaut d'un poison, le prend.
Le temps que le thé infuse, il profite de son abri, derrière le comptoir, dos tourné à Aurel.
Mais deux minutes, ça passe vite, et il arrive, à pas lent, à sa table avec le thé. Il pose la tasse et sa sous tasse sur la table sans la faire tinter, avant de le servir.

- S'il vous plait...

Pitié, qu'il le laisse partir...
Qu'un autre client le sollicite, vite !

 

Bras agrippé, Eamon plante ses yeux dans les siens immédiatement. De quel droit ? S'il pouvait gronder, toute la salle l'entendrait. L'air emplit ses poumons, chassant toute ardeur passagère, sans qu'il ne cligne des yeux, sans qu'il ne les détourne des siens.
Oh, il l'a déjà vu. Il l'a même déjà trop vu.
Quelle audace. Elle frôle l'insolence et la stupidité en même temps. Autrefois déjà, cela l'avait marqué. Comme cet air sérieux, là tout de suite.

Ses traits se détendent imperceptiblement lorsque le sujet passe aux potions. Un bon souvenir... Partagé avec cet individu. Une fois son attitude de chat sauvage prêt à lui lacérer la figure derrière lui, Eamon le lâche du regard, le posant sur cette main qui le retient. Tactile, en plus d'insistant ?
Puis c'est sa main qui se pose dessus, avec une attention toute particulière, comme s'il était fragile. Elle l'attrape en douceur, la retire et la libère. Est-ce qu'il faisait encore ce genre de potion, avec ces mains ?
Eh. Un élan de curiosité.

Un soupir, puis, las, il l'observe à nouveau.
Où puisait-il cette énergie, passer du sérieux à la candeur ? Qu'est-ce qui le poussait à croire qu'ils étaient copain comme cochon ?
Épuisant.
Intriguant.

- Oh !

Il ne feint même plus la surprise. Pourquoi fatiguer ses muscles, quand il n'essaie pas tant que cela de convaincre son interlocuteur.

- Oui ! Cela me revient ! Davy...

Davies ? Peu importe.

- Comment oublier quelqu'un avec un charme aussi particulier... Et pourtant !

Maintenant qu'il y réfléchit, il avait le mérite de l'avoir distrait. Ce petit méfait avait fait parlé de lui, et, de loin, il suivait l'affaire du couple formé malgré eux.
D'ailleurs, lui aussi allait un peu le faire tourner en bourrique.

- J'espère que vous avez depuis cessé d'utiliser des potions pour obtenir de l'attention... Ce n'est pas bon de forcer ainsi des relations, Davy. 

 
Pas la peine de hurler, vraiment. Légère grimace, à peine dissimulée. Les gens bruyants sont vraiment les pires...
Davies. Aurel Davies. Il n'avait pas entendu ce nom depuis Poudlard. Pas de succès pour lui, ni d'exploit qui aurait pu atterrir au creux de son oreille...

Un nouveau clin d'oeil.
Vraiment ?
Eamon le dévisage, arquant un sourcil de peu. À ce rythme là, cela devait être un spasme.
Eamon prend une grande inspiration, et lève les yeux de son interlocuteur. Les seuls clients présents profitaient de leur temps, bien installés, et disposaient encore de thé. Ils entraient en heure creuse...
Il s'éloigne, alors qu'Aurel parle encore pour aller prendre une nouvelle tasse au comptoir, et vient s'installer à la table de son ancien camarade, si on peut l'appeler ainsi...
Il se sert du thé sans demander; il est ici chez lui. Aurel a payé pour ? Encore mieux.

- D'autres... méthodes ?

Précautionneux.
C'était comme aller volontairement dans un piège : soit il lui parlerait de manière de séduire et serait dégoûté, soit il s'agit de potions et il aurait toute son attention.

Aurel se penche, dans la confidence.
Eamon le fixe, trempant ses lèves dans le thé. Il est méfiant. Derrière ces airs ahuris, il avait l'impression d'être trop observé que pour être libre de révéler ce qu'il voulait en toute confiance. Un faible sourire étend ses lèvres alors qu'il dépose la tasse, et remplit celle d'Aurel de thé.

- "aussi" ? Qu'est-ce que tu sous-entends, Davies ? Tu continues de jouer avec des potions et les sentiments des gens ?

Plus de vous. Il pose la théière, avant de se pencher à son tour, posant ses coudes sur la table.

- Qu'est-ce qui peut bien te faire penser que je n'ai pas appris du passé, moi aussi ?

Qu'un renvoi aurait suffi à ne plus traffiquer de potions.
A son tour il le fixe avec cette intensité. Hors de question qu'il soit le seul à être ainsi exposé...

Il est doué.
Pas besoin d'en parler au passé.

- Je suis d'accord.

Son regard pesait, mais pour rien au monde il n'allait lui accorder le sien là dessus, feignant un intérêt pour sa tasse et le liquide à l'intérieur, les reflets à sa surface... Il pouvait y voir -plutôt deviner- l'expression l'expression d'Aurel.

- Plus facile à dire qu'à faire.

La seule porte qui s'est ouverte à son talent a dû mettre la clé dessous. Depuis, l'envie brûlante de se remettre aux potions le consumait. Un maigre salaire de serveur limitait ses ambitions.
Il était temps de relancer le business.

Grande inspiration, pendant qu'Eamon se réinstalle au fond du siège, s'ancrant solidement au creux de celui ci.
Ses yeux sombres se posent finalement sur son ancien camarade, plus sévère.

- Est-ce que c'est ce que tu es en train de faire en ce moment même ? Fouiller dans mes histoires ?

Il se tait, serrant ses lèvres comme pour les sceller, le temps de jauger Aurel du regard. Qu'est-ce que cela voulait dire, de toute façon, un métier qui consiste à fouiller les histoires des gens ? Détective ? Ce serait embêtant...
Surtout avec sa tenue.
Mais il ne lui donnait pas l'impression d'être suffisamment sérieux pour intégrer les forces de l'ordre... Freelance ?Presse ?

- N'as-tu donc pas peur de fouiller dans les affaires des mauvaises personnes ? Tu vas finir par t'attirer des ennuis.

Pas forcément de sa part... Mais ce n'est pas une possibilité à ignorer.
Son regard sévère se relâche, et il profite à nouveau de quelques gorgées de thé.

- Serveur dans un salon de thé est la seule chose que je puisse me permettre, de toute façon. Je n'aurais que des histoires de serveur à raconter...

C'est faux.
L'histoire de son renvoi était, en lui même, un récit intéressant. Les galères aussi. Le début d'un arc narrative qui ne ferait qu'aller de plus en plus profond.

Sa curiosité personnelle l'inquiète.
Ca se revend, les informations. Il n'allait pas croire qu'il en a fait un métier sans rémunération.
En plus il est conscient que ses méthodes allaient lui attirer des ennuis !

- Surprenant...

Mais pour rien au monde il n'a l'air inquiet. Cela l'amuse, même. Le jour où il se fera démonter pour avoir été indiscret et impertinent, il rigolera moins.
Espérons que ce ne soit pas avec lui.

Ah, les potins. Il en entendant, mais rien qui ne le fasse vibrer plus que cela. Les problèmes de couples des ménagères, les projets de vacances, les derniers ragots de gens qu'il ne connaît pas.

- On en a une nous même, après tout.

Eamon n'est pas le serveur à nouer des liens avec les clients, bien qu'il apprécie être au courant de ce genre de choses, au fond.

- Mais tu t'en sortirais bien mieux que moi, ici; je n'ai pas ton talent pour m'imposer dans la vie des autres.

Fouineur sans vergogne.
À remuer le coutant dans la plaie, à insister sur les potions.

Oh, Aurel, tu n'as pas idée à quel point Eamon est consumé par ses passions ! Ses yeux brillent derrière les ballons à bouillir et autres chaudrons, à l'idée de créer une solution tout aussi puissante qu'un sort.
Il ne fait qu'y penser, y travaille lorsqu'il rentre chez lui. Depuis son entrée à Poudlard, il n'y a jamais eu que cela. Son esprit ne fait que chercher comment surpasser ce qui a déjà été fait, et comment découvrir de nouvelles potions qui feraient frémir les grands de l'Académie.
Peut-être même des choses à interdire.
Eamon a du mal à le retenir en lui, ce feu qui le consume encore à ce sujet. Il l'ébranle, fait vaciller cette allure solide qu'il a prit l'habitude de s'infliger, lui donne un air... Vivant.

- Hm... Un peu, j'imagine. C'est plus facile d'entretenir ses passions à Poudlard qu'en dehors. C'est un investissement, de temps, et d'argent.

Le fourbe. Il le provoque ouvertement. Sa main se referme sur l'accoudoir, forçant un léger sourire pour garder un air sous contrôle, attirer l'attention ailleurs, penchant légèrement la tête.

- Pourquoi ? Tu as besoin de quelque chose ?

Bien sûr qu'il s'est amélioré.
Pas forcément dans les domaines qu'on attendait de lui, mais bien ceux qui l'avaient toujours appelé.

Aurel joue avec ses nerfs. Il ne lui disait rien, et lui non plus. Sa patience était testée, et la suite ne s'augurait pas pour le mieux.
Eamon expire sèchement, avant de pousser sa thé de côté, se pencher vers lui, croisant les bras sur la table. Il plante son regard dur dans ses yeux, abandonnant sa désinvolture, embrassant sa sévérité naturelle.
Fini de tourner autour du pot.
Aurel ne posera pas plus de deux fois les mêmes questions.

- Tu es incroyable, Aurel...

Cette familiarité lui couperait presque la bouche en prononçant son prénom.

- Je me suis amélioré. Si tu as besoin de quelque chose, crache le morceau. Ne me parle même pas de déceptions.

Aurel Davies.
Il ne se souvenait que trop bien de lui et de son attitude absurde, de son talent pour l'ennuyer, de ses intrusions dans sa vie privée sans aucune gêne...
Et il n'avait encore rien fait pour l'éloigner pour de bon.
Idiot ou inconscient, Eamon ne savait pas encore quoi penser.
Était-il seulement au courant pour les remèdes miracles ?
Une grande inspiration.
Eamon se détend légèrement, mais ne le quitte pas des yeux.

- Dis moi clairement ce que tu es venu chercher ici. Si tu as une question précise, n'aie pas peur de la poser. Mais ne me fais pas perde mon temps.

Et par pitié, ne deviens pas un client régulier. Ses nerfs ne tiendront pas.

- J'accepterai sûrement d'y répondre si tu pars immédiatement après...

Des promesses qui ne seront peut-être pas tenues.

Il esquive, encore. De quoi a t il besoin, nul ne le sait.
La colère monte.
Eamon ne croyait aucun mot qu'il prononçait. Ni pour le thé, ni pour le plaisir qu'il aurait pu ressentir en l'apercevant. Pourquoi se donner la peine d'inventer ce genre d'histoire quand il pourrait aller droit au but...

Et il soulève un point important : il ne veut pas l'aider.
Pourquoi est-ce qu'il l'aiderait ? Qu'y a-t'il pour lui là dedans ? Lui avait-il donné la mauvaise impression d'être une âme charitable ? Et Aurel creuse : Eamon ne compte pas communiquer avec lui, ni par télépathie, ni avec ces maudits pineapples. Surtout pas avec lui.

Aurel Davies lui vole son temps, sa patience, et maintenant un rire.
Un rire jaune, qui lui échappe alors qu'il se dit que ce serait l'occasion rêvée de lui proposer d'y goûter lui même.
Après cet écart, il secoue légèrement la tête, baissant les yeux sur ses mains, les joignant. Passant son pouce sur ses bagues, incapable de ranger ce sourire étirant ses lèvres.

- Ah oui ?

Pour lui, Eamon créerait de nouvelles potions. La moins dangereuse qui lui vienne en tête le rendrait confus pour une semaine entière, complètement désorienté, à se perdre et s'éloigner des rues connues, incapable d'aligner deux mots qui font du sens ensemble, coincé dans une fantaisie, une vraie. De quoi lui faire passer l'envie de lui raconter des âneries et à déformer le réel.
Ses dernières potions, ils les avaient réalisé pour le petit magasin de remèdes. Des commandes spéciales, pour aider des gens dans un besoin très spécifique d'être libéré d'un poids. Il ne pouvait en aucun cas les lui montrer...

- Tu sais quoi... Tu m'inspires.

Jusqu'ici, Aurel lui inspire beaucoup d'émotions, violentes pour la plupart. Mais aujourd'hui, là, tout de suite, il s'agit presque d'une muse.
Ce qui est loin d'un compliment, quand il s'agit d'Eamon Ainsley.
Il laisse une pause s'installer, profitant qu'ils soient tout les deux penchés l'un vers l'autre pour le détailler de plus près, sourire aux lèvres, dont il laissait transparaître à peine son caractère narquois.

- Ton intérêt pour mon travail me touche, Davies. 

N'importe qui sain d'esprit devrait porter un intérêt particulier sur son travail.

- Mais donne moi une seule bonne raison de te montrer mes dernières créations. Tu me dis avoir besoin d'aide, je vois mal comment elles pourraient particulièrement t'apporter une solution...

Faux pas de la part d'Aurel.
Un moment d'égarement, que ses yeux ne laisse pas échapper. Il ne l'a pas vu venir. Lui non plus, pour être honnête. Ce n'est qu'un bête clignement d'yeux mais cela lui suffit à attiser sa curiosité.
Il y a donc moyen d'inverser la tendance...

- Cela me fait du mal à l'admettre, mais oui...

Ses yeux se plisse légèrement, alors qu'il vient reposer sa tête contre son poing.
Le mot clé est l'inspiration.
Visiblement, cela ne lui déplaisait pas. Sweet summer child...
Maintenant, il ne restait plus qu'à savoir par quel angle l'approcher. Ses compliments glisse sur lui alors qu'il cherche un moyen de le malmener un peu.

Son oublie s'estompe alors qu'Aurel dégage quelque chose d'autre. Soudain, Eamon a moins envie de lui en coller une. Cet air sérieux s'est accaparé toute son attention.
L'amour...
Son expression change aussi, ses traits se détendent.
Il cherche encore à le comprendre.
Eamon reste silencieux, et même s'il ouvre la bouche, rien n'en sort. Seul ses yeux brillent, trahissant sa silhouette immobile.

- C'est d'accord.

Son atout, son point faible : sa passion.
Loin de ses potions mortelles, mais à ses yeux, toujours un poison. Jouer avec les sentiments d'autrui pour la magie, pour la curiosité désolante de son ancien camarade. Pour avoir raviver sa flamme, il allait lui épargner les railleries sur l'incroyable fait qu'un aussi beau jeune homme au style aveuglant à en saigner des yeux ne s'y connaisse pas plus depuis.
Après tout, lui non plus, perdu dans ses rêves de grandeurs, ne connaissait que peu du sujet. Pourtant, en y songeant parfois, il a aimé. Brièvement.

- Je serais ravi de t'aider dans cette obsession.

Léger sourire.

- Toi et ton projet continuez de m’intriguer, même après tant d'années...

Il cherche encore. Maintenant qu'il a vu cet écart, Eamon cherche à lui faire perdre l'équilibre.
S'ils venaient à travailler ensemble, il aurait plus de temps pour y parvenir...

- Mais.. Pourquoi l'amour, en particulier ? Si ce n'est pas trop indiscret...

Ça l'est, et s'il pouvait lui arracher la réponse, il ne se gênerait pas.

Incompréhensible, certes. De là à faire briller ses yeux, pas du tout. C'est surcoté. Un passe temps, une distraction, un mirage.
La preuve : le filtre d'amour. Si c'était si fort, si pur, si vrai, pourquoi les sorciers peuvent le reproduire, ne serait-ce le temps de quelques jours ?

Eamon hausse les épaules à sa question stupide, regardant ailleurs alors que de vagues souvenirs tentaient de remonter.

- Non. C'est idiot.

Coup de foudre ? Connaît pas.
La seule romance qu'il ait jamais frôlé s'est approchée fourbement, et s'était immiscé dans son esprit sans qu'il ne s'en rende compte pour le saisir au dernier moment, ne lui laissant que peu de chances d'y survivre.

En coin, ses pupilles viennent croiser celle d'Aurel. Quelques secondes de silence, et il se tourne à nouveau vers lui, sirote son thé avant de lui adresser un léger sourire en coin.

- Pour la potion. C'est fascinant de se dire qu'avec un simple liquide, on peut faire croire à l'amour.

Fascinant de voir, qu'entre ses mains, une solution pouvait avoir tant de pouvoir. De vie et de mort. Sur les émotions, la perception du monde...

- Comme si on pouvait le fabriquer. Mais à quel point, du coup ?

Son regard se perd dans son thé, entre ses mains. Sa passion l'emporte, mais il reste calme. Seuls ses yeux le trahissent.

- Quel serait la limite du filtre, qu'est-ce qui les détermine, est-ce que l'intensité même du sentiment peut être pesé, déjà à la préparation des ingrédients ?

A quel point peut-être influencer une personne à ressentir des sentiments qui ne sont pas les siens ? Que l'amour, ou la haine aussi ?
Est-ce qu'Aurel pourrait la boire à son insu, et tomber dans son propre piège ? Oh, qu'est-ce qu'il aimerait cela... Le voir lui même succomber à son filtre et expérimenter directement cet amour qu'il cherche à comprendre.
Cela le fait sourire. Peut-être le seul sourire honnête de cet après midi.

- Et j'en passe ! C'est passionnant.

Il se tait, et boit.
Ses pensées ne s'arrêtent plus...

- Il aurait beau être artificiel... En est-il moins vrai ?