18h00.
Chaque année, même rengaine. Marian n’a jamais trop aimé le Wizgala, et cette année ne fait pas exception. Il est un peu dur, parce qu’il y a une partie du Wizgala qu’il apprécie sincèrement : les costumes. En tout cas la conception du sien – et donc l’avant gala. Mais pour le reste, il y a trop de monde dans un même endroit, et tous les invités lui rappellent à quel point il est différent d’eux.
Né dans une famille de la classe moyenne, Moldue de surcroit, son premier Wizgala l’a déstabilisé, et lui a rappelé une fois de plus l’écart qui le sépare de ces autres, avec une amertume accrue. Evidemment l’écart financier, mais aussi culturel. Les autres diraient « de sang ». Il vit dans ce monde depuis qu’il a onze ans, il en assimilé la culture. Mais son « sang » détermine toujours sa valeur à leur yeux. Il ne peut pas être fréquentable car il est né là où il est né.
Il déteste cette manie, le regard de tous ces « invités prestigieux », qui décident de sa valeur à la simple entente de son nom. Marian E. Storm. Né Moldu, invité car illustrateur à la Gazette- même pas photographe ou journaliste ! – et handicapé de surcroît. Non vraiment, le Wizgala n’est pas son évènement favori.
18h02.
Beau n’est pas là et son téléphone sonne. Tiens, c’est lui. Il dit qu’il arrive à 19h40 directement devant, qu’il les y rejoindra. An est déjà là, il lui fait passer le message en soupirant.
Le thème de cette année lui a posé quelques difficultés, mais il a finalement choisi Edward aux mains d’argent. Le fait qu’il ne parle presque pas a joué c’est vrai, mais Marian aimait bien le défi que représentait ses fameuses mains.
Au final, il a ressorti un de ses cours de deuxième année de DEMA dont il n’avait jamais vraiment eu l’usage avant sur les effets de matières. Il a commencé par confectionner une paire de gants, et puis y a ajouté les fameux ciseaux, avec des lames en bois. Il aurait bien pris du plastique et reproduit le modèle original du film mais ses cours ne portaient pas sur la modification des matières plastiques, et il n’avait pas le temps d’effectuer ses recherches. Les lames enduites d’une potion spécifique, il a dû les laisser sécher trois jours entiers, les nettoyer et réitérer le processus deux fois. Heureusement qu’il a eu le thème assez tôt ! Les gants sont légers et confortables. Il a utilisé un sortilège pour alléger leur poids, et les lames ne sont pas coupantes. La seule liberté qu’il a prise concerne la position des lames ; il les a conçues rétractables d’une simple pression du pouce contre l’index. Il reste illustrateur, et ne pas pouvoir prendre quoi que ce soit en main serait un handicap trop important – il a déjà le sien à porter, pas la peine de s’en infliger volontairement un de plus. Une chemise blanche, des bretelles et un pantalon noir complètent sa tenue. Il utilise une potion pour teindre ses cheveux et passe sur son visage une couche de poudre blanche avant d’enfiler ses gants.
Il assiste un peu Anastase et ils sont finalement prêts à 19h30, prennent la route de l’Alexandra Palace en transplanant directement. Beau les rejoint pile à l’heure qu’il annonçait ; il tire sa baguette pour inscrire ses mots sur une dalle devant eux. Il n’aime pas ce lieu pour ça aussi : impossible de trouver un support pratique, et aucune poche pour en ranger un. Il a des toiles dans son sac, mais il les laissera au vestiaire avec ses pinceaux, ses encres et ses crayons.
Salut. J’espère que tout a été comme tu voulais ; préviens plus tôt la prochaine fois s’il te plait
Réponse brève de sa part ; ils n’ont pas vraiment le temps de discuter. La foule arrive déjà, les invités véritables comme les badauds. Un vigile vient les voir, ils montrent leur carte de presse. Il se met un peu en retrait, prend un des tabourets disposés dans le coin du photocall ; il sera plus à l’aise pour dessiner. Il enlève finalement ses gants, sa tâche est suffisamment difficile avec. Impossible bien sûr de faire des illustrations convaincantes en apercevant seulement tous ceux qui se pressent là ; influenceurs, célébrités en tout genre, personnalités importantes du Ministère et grandes familles de Sang-Purs qui passent. Croit reconnaître Blanche- non Marion, pas très loin de Celine Greengrass. Espère que ça n’est pas Marion. Il n’a pas le temps de demander – et n’a pas le droit de toute façon. Voit aussi Envy, la salue brièvement. Bering l’accompagne ; peut-être ira-t-il leur parler plus tard, s’il a le temps et le courage.
Quelques visages connus encore ; il remercie silencieusement ceux qui restent plus longtemps. Il a le temps de faire un vrai croquis et pas simplement un croquis-souvenir qu’il devra ressortir et retravailler plus tard. Les toiles vierges se remplissent de ces derniers et il sait qu’il aura une montagne de travail les jours suivants– chaque année il publie dans le journal une ou deux planches qui rassemblent les plus beaux costumes (selon des critères assez opaques et fluctuants) du gala aux alentours du 5 novembre.
Finalement les arrivées tarissent ; les photographes commencent à ranger leur matériel et il étire son dos endolori. Il remballe ses toiles et ses outils dans le grand sac blanc qu’il a apporté, attend qu’Anastase ait fini de remballer et tous les trois se dirigent vers le vigile, montrent leurs tickets où figure la petite inscription « presse ». Celui-ci disparait dans le fameux nuage doré et ils entrent. Son sac en toile sur l’épaule, il se fait remarquer par l’une des personnes en charge du vestiaire, qui l’apostrophe. Evidemment incapable de répondre, An lui sauve la mise, explique la situation à sa place et finalement – avec un regard suspect qu’il remarque, elle le laisse poser tout son encombrant matériel au fond de la petite pièce occupée par tous les manteaux et affaires personnelles des invités. Par sécurité, pose un rapide sortilège d’alarme ; il ne sonnera vraisemblablement pas mais au cas où… Il ne peut pas perdre ses croquis.
Une fois plus leste, le voilà de retour avec An et Beau dans la foule bruyante.