Les dix ans de mariage de Beau et Prudence Cavendish. Tu te demandes, Baron, ce que tu peux bien faire là et pourquoi Beau avait décidé de te torturer en t'infligeant ce spectacle. Ta présence entre les murs Cavendish ne t'apporte qu'un inconfort viscéral qui te rend incapable de jouer le personnage théâtral et fougueux habituel. Même vingt-trois ans après, tu crois déceler des regards soupçonneux de la part de membres de la famille. Des murmures te parviennent tel que Baron Stuart... et Mais si voyons ! Le mari d'Anne-Lise... ou encore Il ose se présenter ici... quelle honte...

Mais la honte n'est pas une couleur que tu portes avec aisance. Tu remets en place ton noeud papillon et le desserres un peu au passage. Tu cherches avec une avidité presque déplacée la source de tous les maux que Beau t'a confié. Qui est celle belle femme fascinante qu'il ne saurait quitter ? Qui est cette prédatrice qui le marque à même la peau dès qu'il a le dos tourné ?

Elle n'est pas là.
Tu l'as à peine aperçu !
Et rapidement, c'est Beau qui s'éclipse à son tour. Tu retournes alors aux balivernes que tu balances avec habilité et charisme. Tu choisis bien ton public, parce que les nobles sorciers qui t'écoutent te mangent littéralement dans la main. Tu prends de la place, cherches à provoquer scandale et à voler l'attention. C'est comme ça, c'est toi Baron.

(...)

Tu entends des cris derrière toi. Le rouquin revient dans la pièce de cérémonie, suivi de sa godiche aux cheveux noirs. Les mêmes qu'Anne-Lise, les mêmes que tous dans cette foutu famille. Il n'y a que lui qui sort du lot, que lui qui rayonne. Et dans sa rébellion, il est magnifique ! Tu écarquilles les yeux et ourles un sourire cruel. Elle a fauté, c'est ça ? Elle a fauté et il scande ne plus l'aimer !

Le voilà reparti et Prudence Cavendish est abandonné au centre de la scène, désabusée et fanée. Tu lèves ta coupe de champagne et t'exclames.

— « Et un très joyeux anniversaire de mariage aux tourtereaux ! »

Ah, tu te délectes de leurs regards incisifs et de leurs lèvres pincées. Tu traverses ensuite la salle à la recherche de Beau. Tu arpentes les couloirs, guidé par l'intuition et les restes de son parfum.

Dans une pièce ouverte au hasard, tu tombes sur lui. Tu te glisses dans son dos et plaques tes mains sur ses épaules pour les détendre.

— « Tu as pris la bonne décision, Beau. »

Tu te fais vipère ou commère, qu'importe, le résultat est le même !

— « Cette sale garce n'a eu que ce qu'elle méritait. »

Tu déposes un baiser chaste sur sa tempe.

— « Te sens-tu soulagé ? »

Parce que toi, tu l'es. Incroyablement satisfait.

Mephisto ; qui donc ose encore t'appeler par ce vieux prénom ? La stupéfaction se lit sur ton visage. Tu trembles et même tes os vibrent. Tes fondations risquent de s'effondrer encore. Tu veux qu'il le répète. Mephisto ; tu n'as pas le temps de te saisir de ses épaules que ses lèvres acculent les tiennes, ses doigts emprisonnent le tissu de ta chemise pour en faire sa marionnette. La cambrure de tes reins épouse le bord du bureau contre lequel il te pousse. Tu réponds à son baiser avec hargne, passion et un délicieux cocktail de haine. Parce que l'amour n'est jamais une partie saine.

— « Beau. »

Tu papillonnes de tes longs cils. Une main gourmande et aventureuse se plaque entre ses cuisses. Avec ton genou, tu les forces à s'écarter. Ton souffle chaud s'échoue sur sa peau déjà moite. L'oeil est avide mais le sourire, lui, est lubrique.

— « Je ne savais pas que tu le pouvais. »

((enrager))
se déchainer, brûler, avoir la force de vivre.

— « Si tu savais comme j'ai rêvé de te voir comme ça. »

Parce que tu te réjouis des coeurs qui saignent et des âmes en peine. Il est peut-être un poète, mais toi tu es un esthète. La beauté se lit dans la rage et la souffrance. Il est parfait, parfait !

— « J'ai attendu que tu me regardes toute la soirée. »

Tout le monde le faisait, sauf lui.
Ça t'enrage aussi.
Et en ça, tu es sûrement beau. Lui il l'est... démesurément...

— « Beau... »

Tu cueilles ses lèvres de nouveau et plaques tes mains sur son torse. L'invites à reculer jusqu'au mur le plus proche pour le dévorer.