Les pas sont réguliers dans les couloirs entourant la salle de bal. Il est beau cet évènement, incroyablement beau. On pourrait se croire dans un autre monde, dans un autre temps, dans une autre époque, plus douce, plus clémente.
Tu te sentirais presque jeune homme à nouveau, Antoine, jeune et imprudent. Jeune et fou.
Maxine est partie chercher de quoi boire et voilà que tu erres dans ces couloirs, que tes pas s'égarent, et tes pensées remontent dans le temps.
Ou peut-être ce ne sont que des excuses que tu inventeras plus tard.
Tout pour justifier cet éclat de douleur au creux de tes entrailles, cet éclat de peine et de souffrance, cette surprise qui pourfend tes lippes d'un simple hoquet, de joie interdite, de brûlure glaciale.

Oph-

Tes pieds ont traversé l'espace avant même que tu n'aies eu le temps de réaliser la distance.
Ses cheveux roux valsent devant tes yeux comme autrefois.
Ses pas sont les mêmes.
La courbe de ses épaules, la douceur de ses gestes, le déhanché de son bassin.
C'est elle.
C'est elle, mais ce ne l'est pas.
Lorsque ta paume se referme sur son bras, celui-ci est plus ferme. Lorsque tu la tournes vers toi, aussi délicat que tu peux l'être en étant exigeant, le visage diffère.
Ses yeux ne changent pas.
Et l'éclair s'abat, de l'évidence, de la violence, de l'impensable et l'impardonnable.
Et tu comprends, tu réalises, tu te morfonds de ton idiotie absolue, Antoine, comment avais-tu pu penser autre chose, comment avais tu pu passer à côté d'un phare aussi brillant que son regard ?
Tu cherches à esquisser un pas en arrière, mais seul le vide est derrière toi, et tu tombes, t'assieds sur le sol, à ses pieds, à la regarder-
à le regarder.