Il est si fatigué.
C'est la première chose que tu te dis lorsqu'il passe la porte. Lorsqu'il s'avance vers toi, lorsque tu le prends dans tes bras, que tu embrasses son front chaleureusement.

Mon grand, je suis si heureux que tu sois venu.

Doucement tu l'attires dans la demeure, retire la veste de ses épaules, passe une main sur sa joue, préoccupé - mais tes traits suintent d'amour et de bonheur, car voilà que sous ce toit ta famille est au complet, et il manque si peu, vraiment si peu, pour tout perfectionner.
Pour tout officialiser.

Maxine prépare le repas, c'est elle qui porte la robe ce soir, je trouve tout de même ça lui va mieux à elle, même si le confort était bien agréable.

Un rire, doucement tu récupères la bouteille d'entre ses mains, le remerciant au passage, l'envoyant flotter alors que tu l'attires dans la bibliothèque à l'écart, trépignant d'une hâte palpable.

J'ai quelque chose pour toi, Croyance, et j'avoue être quelque peu nerveux à te l'offrir.

Tu ne peux pas ignorer son trouble, ta main venant effleurer sa joue une nouvelle fois.

Tu reconnaîtra vite que c'est moi qui ai cuisiné - elle réchauffe et met la table en nous attendant.

Il est si doux, si effaré, cet enfant que tu n'oses pas encore clamer tien, que tu veux pourtant serrer dans tes bras et protéger du monde entier. Et sur une table basse trône une enveloppe brune qui recèle la douceur d'une demande, la paperasse déjà signée, déjà complétée, ne demandant que sa signature finale, à lui.

J'ai mis un moment à y réfléchir, mais... Voilà.

Tes doigts recueillent le papier, le tendent à son égard, alors que tu lui offres un doux sourire, dans l'attente.

Tu ne mords plus, plutôt.

Léger rire, nerveux, alors que tu attends qu'il découvre l'entête, attends qu'il découvre les documents.

Tu ne peux le laisser s'éloigner trop de toi, le suivant jusqu'à son perchoir - et lorsque le sanglot s'échappe de ses lèvres, ta main se pose sur sa cuisse alors que préoccupé, tu viens chercher sa main, comme pour le soutenir dans une chute que tu craindrais de voir arriver.

Croyance, comment oserais-je me moquer de toi sur un sujet pareil ?

Doucement, tu esquisses des arabesques sur le tissus de son pantalon, fermant les yeux pensivement.

Il ne manque que ta signature.

L'intérieur de ta joue mordue, tu lèves les yeux vers lui, plein d'espoir.

Je veux que tu sois ma famille, Croyance, je veux pouvoir fièrement dire de toi que tu es mon fils, je veux que tu aies un foyer dans lequel te réfugier. Je veux t'offrir ce que je possède.

Doucement, tu détournes le visage, sentant une larme couler sur ta joue.

J'aurais voulu être plus tôt dans ta vie et te protéger.

Le sol est dur sous ton dos lorsque tu y chutes, son corps contre le tien, jeté à ton cou, alors que tu refermes les bras autour de lui, comme pour refermer le monde sur lui, l'empêcher de s'y heurter, à ce trop plein de violence, à ce trop plein de tout. Et tu le serres fort contre toi, tu l'étreint comme tu peux, désespérément presque, noyant ton visage dans son cou, dans son odeur désormais si familière.
Il te faut quelques instants pour réaliser, pour comprendre, qu'il est heureux, qu'il rit et pleure de bonheur.

Croyance, mon Croyance, ne souffre pas de vivre, laisse moi t'aider à être heureux.

Lorsqu'il se redresse, ses larmes s'écoulent sur tes propres joues et tu ris, tu tends ta main pour essuyer sa peau, sèche, dégager ses mèches de son front. Et doucement tu tends ton cou, vient embrasser son front.

Je t'aime, Croyance, je t'aime mon fils.

Et les paroles sonnent si juste, si sincères, que tu ne peux t'empêcher de le serrer de nouveau contre toi, fort, fort, comme si le monde voulait te le reprendre et que tu essayais de l'en empêcher.

Il est doux, il est si doux à être ainsi assis sur ton ventre, comme un enfant qui se réjouit simplement d'être près de toi. Et tu lui souris, tu l'observes, tu soupires doucement d'un bonheur grandissant, alors que la famille, la vraie famille se dessine dans le miroir du risèd de ton esprit, alors qu'elle sort de ce cadre de verre froid pour devenir réalité.
Doucement tu tends la main vers lui, oui, doucement, tous tes gestes en sont ouatés, étouffés, comme si tu craignais que le verre soit encore malléable, trop fragile, trop tentant à se briser.
Tu y avais tant réfléchi, n'est-ce pas, à cette question là. Il n'y avait rien de bon à ce nom, mais c'était le tien - et s'il te voulait être son père, tu ne pouvais le lui refuser, si ?

Croyance Amans Savoy... Tu peux le porter, oui, tu le peux.

Tu penches doucement la tête, et le bruit de la plume sur le papier te rend si heureux, et tu retires les documents d'entre ses doigts pour les déposer de côté, si précieux, avant de l'étreindre, si fort contre toi.

Tu es mon fils désormais, tu es mon enfant, Croyance, enfin.

Il est heureux, et c'est tout ce que tu demandes. Il est heureux, et cela se voit, dans ses larmes, dans son rire. Il est heureux, et toi aussi.
Car tu n'avais jamais réalisé à quel point tu voulais de ce bonheur. De ce foyer. De cette famille, que tu avais construite brique par brique, sourire par sourire, mot par mot.

Ne me remercie pas d'avoir choisi mon bonheur, Croyance.

Léger rire, alors que tu essuies ses larmes, alors que précieusement tu enregistres ces souvenirs, ces pensées, cet instant, que tu le rends immortel dans ton esprit, pour le préserver intact à jamais.
Il te redresse et alors qu'il défait le pli de tes vêtements, tu rectifies les siens, tes gestes sûrs, chauds, dans l'espoir d'être un père à la hauteur de ses attentes.
Et son sourire te fend le coeur, brûle le reste de doutes et de craintes.

Un parfait français, oui. Voilà que je t'ai converti à une autre origine -

Clin d'oeil amusé, tu te recules d'un pas pour le contempler, souriant, heureux.
Oui, le bonheur, la joie, la reconnaissance - ce vocabulaire là semblait rester accroché à tes pensées en cet instant.

Tu dois avoir raison - mais oui, elle sait. Elle nous attend probablement déjà à table pour que l'on fête ça.

Ta tête se penche légèrement.

Elle se considère comme ta protectrice par mon biais, tu sais. Tu es de la famille pour elle aussi, et lorsque je l'épouserai, elle sera aussi ta parente. Mais je sais que ta mère était... Une figure maternelle réelle pour toi, Croyance. Jamais ni Maxine ni moi ne voudrions la remplacer. Ne le crains pas.