Ça hurle. Dans le silence des injures qui s'envolent. Ça hurle si fort. Je suis dégueulasse. Pourquoi avoir mangé autant ? Hideuse. Tu t'es resservie. Ils ne me regardent pas. Personne ne te regarde jamais. C'est parce que tu es hideuse Saturday. C'est parce que je suis hideuse. Que les larmes roulent le long de tes joues. Horrible. Horrible ? Mais pourquoi tu pleures Saturday ? Que puis-je bien espérer après tout ? Rien du tout. Regarde toi, regarde Saturday ! Je suis terrifiée. Mauvaise. Rien ne va. Et tes doigts qui frottent, étirent, maltraitent avec tant de coeur la peau de tes joues n'y changeront rien. Il y a trop de graisse trop de cernes c'est trop sec. Trop rouge. Trop mou trop rond. J'ai mal à l'estomac. Tu es hideuse. J'ai la nausée. Pourquoi tu as mangé autant ? Tu ne ressembles plus à rien, regarde comme tes larmes sont si fortes quelles te décoiffent ! Tu es si moche. Je vais vomir. Ta panique est stupide Saturday. Tu es stupide. Stupide stupide stupide ! Baron devrait avoir honte de toi. Père me déteste déjà. Comment pourrait-il en être autrement. Tu t'es vue ? Tu es une ratée. Rien qu'une ratée. Pleure Saturday vas-y pleure ! Tu ne sais faire que ça de toute façon ! Pleurer et pleurer et pleurer ! Et vomir aussi, tu manges encore et encore tout ça pour te détester et recracher après. C'est stupide. Mais vas-y, vas-y enfonce-les ces doigts dans ta gorge, vas-y crève-toi, étouffe-toi ! Déteste-toi ! Tu n'es bonne qu'à ça. Tu sais, c'est pour ça que les gens t'oublient. Parce que tu ne vaux rien. T'es trop cassée. Je suis... Cassée ? Cassée. Brisée en mille morceaux. Pourquoi tu pleures encore ? C'est la réalité qui t'effraie tant ? J'ai mal. La gorge brûlée de trop recracher, c'est la bile qui te défonce et ton estomac tordu qui te fait souffrir. C'est pas ce que tu voulais ? Je veux seulement exister. Rien que ça. Et pourquoi pas le monde tant que t'y es ? C'est trop grand le monde. Tu ne vaux pas le monde. Je ne vaux rien. Et c'est précisément ce pourquoi tu es là. Bruyante à en crever. Même gerber tu ne sais pas le faire sans bruit. Tu n'es qu'une gêne. Une trop grosse gêne. Mais maintenant ça va mieux pas vrai ? Maintenant que le mal est sorti tu n'es plus si malade. Si horrible bien sûr mais plus malade. Alors tire cette chasse et cesse de pleurer. Sors de là. Je suis fatiguée. Recoiffe-toi, sèche tes larmes pour remettre le masque. Par pitié laisse-moi dormir je ne veux plus penser. Tu ne le mérites pas.

Parce que tu n'as pas fait attention.
Tu as perdu le fil du temps et c'est déjà l'heure alors.

— T-Thursday !?

Juste après lui avoir envoyé la porte dans le nez.

— Par Merlin Thursday je suis terriblement désolée. Excuse-moi je ne voulais pas, est-ce que tu vas bien ?

À deux doigts de t'effondrer, mais l'inquiétude que tu voues à ton frère est (gerbante) si forte qu'elle te ferait presque briller. Pour venir cacher tout le reste. Cacher à quel point tu es
Désespérée.

— Tu es sûr ?

Quand il t'assure que tout va bien. Mais il saigne alors tu n'y crois pas vraiment. Tu paniques, agites un peu les mains, essaie de l'aider mais il te demande d'attendre pendant qu'il s'engouffre dans la salle de bain. Tu le suis sans le coller et reste à disposition s'il a besoin de toi. Silencieuse quand il se passe de l'eau sur le visage, tu sursautes, surprise, à la question qu'il te pose ensuite.

— Moi ? Oui je- Tout va bien pourquoi tu me demandes ça ?

Ce n'est pas toi qui saigne du nez après t'être prit une porte en plein visage. Mais tu sais que ce n'est pas de ça dont il parle, et la peur qu'il t'ait entendu dans les toilettes plus tôt te fait pâlir un peu tout à coup.

Tu cherches rapidement de quoi détourner son attention alors que tu te tritures les doigts, hésitante sur le fait de t'approcher avant de finalement faire un pas dans sa direction.

— Je peux voir ?

La douceur dans tes gestes alors que tu viens baisser la serviette à peine assez pour voir le flot de sang continuer à couler. Tu tires ta baguette de ta ceinture à laquelle elle est toujours accrochée pour lancer dans un geste tendre comme une caresse l'un des rares sorts de guérison que tu connais.

— Episkey.

Avec des enfants aussi casse-cou que vous ta mère devait souvent vous soigner pour éviter à père de piquer une crise. Alors tu l'avais observée, elle et sa douceur, sa façon de faire, les gestes et les sorts qu'elle utilisait. Et tu voulais devenir un peu comme elle, cette bulle d'air apaisante dans ce monde si étouffant.

— Voilà, ça doit être bon maintenant !

Tu adresses à ton frère un sourire rayonnant, malgré qu'il soit marqué par des traits maigres et fatigués.

Tu le soignes avec la douceur des anges avant de ranger ta baguette tranquillement, le sourire aux lèvres. Tout est comme avant maintenant, il n'y a plus de sang ni de blessure, rien dont tu ne doives t'inquiéter.

— Oui on peut y aller.

Et tu es la première à sortir de la pièce comme pour fuir les dernières interrogations qui subsisteraient. Tu ne veux pas qu'il pose plus de questions alors tu forces le naturel en agissant comme s'il ne s'était jamais rien passé ici, que tu n'avais pas mis plus tôt ces deux horribles doigts dans le fond de ta gorge pour te faire cracher le délicieux repas de ce midi. Il ne doit pas savoir, jamais. Pourtant ses mots sont comme des entraves tout à coup, qui te stoppent sur place, te forcent à te retourner pour le regarder, surprise.

Il semble si gêné que tu te sens mal de ne rien lui dire, mais tes problèmes ne sont pas si importants au final et tu sais qu'il ne faut pas l'embêter avec ça. Ton frère doit avoir bien d'autres choses à régler, plus importantes que tes crises existentielles. T'as du mal à respirer pourtant. Du mal à te retenir de ne pas pleurer. Mais tu le fais, parce qu'il le faut.

— Oui, bien sûr que je te fais confiance ! S'il te plaît n'en doute jamais.

Tu lui confierais ta vie les yeux fermés à ce frère que tu admires depuis tant d'années.

— Ton inquiétude me touche mais tu n'as pas à t'en faire je vais bien. Je suis simplement un peu fatiguée, rien de plus. Hum..

Tu hésites.

— Est-ce qu'on peut y aller ?

À vrai dire tu n'attends pas sa réponse pour commencer à t'échapper et cacher le tremblant de tes doigts entre tes poings.
Tu peines encore à respirer.