D’ordinaire, le fait de voir une porte entrouverte n’avait rien d’inquiétant. Pas dans ce cas précis. C’était d’autant plus perturbant quand il s’agissait d’une salle comme celle de la Mort ; bien que cela aurait pu être pire.


Ce ne fut qu’une fois dedans que je commençais à comprendre ce qui se tramait. Lorsque je remarquai deux silhouettes. Une que j’avais l’habitude de voir ; l’autre pas vraiment. En me rapprochant, je constatai dans la foulée que l’un menaçait l’autre d’une baguette levée dans sa direction, apostrophant l’inconnu. Le ton inquisiteur n’était pas vraiment de mon goût. Je n’aimais pas trop les éclats de voix, surtout dans mon département.

Mais cela changea très vite lorsque j’annonçai ma présence. D’un simple raclement de gorge dans un premier temps. Puis très vite l’ordre fut donné :

─ Baisse ta baguette et prends le temps d’observer. Tu ne remarques rien d’inhabituel ? Pourtant son apparence nous donnait plein d’indices sur ce qui se tramait. Et bien qu’il n’y eût aucune certitude ; il n’y avait pour moi, aucune raison de s’inquiéter ni d’être agressif. En tout cas… pas pour le moment. Finalement, je pris la peine de prendre les devants, ordonnant dans un second temps : je m’en occupe.

En d’autres termes : je voulais être seule avec l’inconnu. Fort heureusement, lorsque l’on travaillait avec moi depuis un certain temps, on savait lire entre les lignes. Une fois seuls, les bras croisés, j’observai l’individu, remarquant plusieurs petits détails qui me semblèrent importants sur le moment, sans savoir réellement pourquoi. L’intuition sans doute. Malgré son apparence presque spectrale, il avait l’air… jeune ? Comme si j’avais l’un de mes neveux en face de moi.

Il n’y avait qu’une façon de le savoir…
C’était de demander.

─ J’imagine que tu ne sais pas du tout où tu es, mais… est-ce que tu te rappelles au moins de ton nom ? Si tu arrives à me le donner, je te donnerai le mien.  

Ce qui je l’avouais, pouvait être fort utile. J’aimais savoir à qui je parlais à défaut de savoir le reste.

Deux choses : non seulement il n’avait pas l’air menaçant, mais ce qui était le plus frappant et de loin… c’était à quel point il avait l’air à l’ouest. Si bien que pendant quelques secondes je me demandai s’il ne jouait pas la comédie.


Mais curieusement, cette inquiétude ne fit que me traverser l’esprit, comme si mon instinct avait décidé en l’espace d’une fraction de seconde que l’inconnu était inoffensif. Pas question en revanche de baisser ma garde ; mais je me montrai cependant plus détendue alors qu’il me dévoila son identité. Élève d’une école de sorcellerie au-delà de la Manche… fascinant. Il était toutefois assez imposant pour un adolescent aussi jeune ; je me demandai même s’il n’avoisinait pas déjà ma taille ou s’il était même plus grand.

Il n’y avait qu’une façon de le savoir : se rapprocher. Alors pendant qu’il me faisait l’historique de sa journée, je vins vers lui d’un pas lent, mais décidé. Eh oui, cher « Percy » j’avais bien une petite idée sur ce qui t’était arrivé. Mais d’abord, je te répondis en français dans le texte, sans une once d’accent britannique comme il était de coutume avec moi :

— Tu n’es pas si simplet que tu en as l’air, Percy. Rire badin qui s’échappa de mes lèvres alors que j’arrivai à ta hauteur : je pense également que tu n’as pas transplané ici. Je pense que tu as été victime d’un incident regrettable et que tu es devenu quelqu’un d’unique. Enfin plutôt… quelque chose. Le silence s’installa alors. Je levai ensuite une main pour toucher ta peau afin de confirmer mes soupçons, tout en t’intimant d’une douceur pernicieuse : reste tranquille, tu n’es de toute façon pas mon genre. Sourire goguenard esquissé pendant que du bout des doigts j’effleurai ta peau. Fascinant… Deneb Louise Black. Louise pour les intimes, mademoiselle Black pour toi. Tout m’apparut plus clair.

Il n’y avait plus vraiment de place au doute désormais. Et bien que j’imaginai que tu n’aurais aucune idée de ce que tu étais devenu, par acquit de conscience, je te posai la question :

— Percy… as-tu la moindre idée de ce qu’est une banshee à tout hasard ?

Le fait d’en connaître une personnellement était d’une grande aide je dus l’admettre. Mais travaillant au département depuis plus de trente ans… il n’y avait plus plus grand-chose qui pouvait m’étonner maintenant.

« Mon statut » ; combien de fois je l’avais entendu celle-là… si à chaque fois qu’on mentionnait mon statut on me donnait un galion, je pourrais racheter Poudlard si j’en avais envie. Pourtant, au lieu de me vexer je n’eus qu’un sourire goguenard au coin des lèvres.

Sourire que j’appuyai d’un haussement de sourcil ; narquois il fallut l’admettre. Et tandis que je constatai la confirmation de mes soupçons, toi Percy tu ne semblais pas inquiet, seulement curieux. Ce qui était un bon point, loin de moi l’envie de provoquer ton hystérie ; plus encore alors que tu étais devenu une créature unique. Quoique… pas tant que ça.

Parce que j’avais eu le plaisir de côtoyer quotidiennement quelqu’un de ton « espèce » quelques années auparavant. Nous n’étions plus aussi proches qu’avant, mais jamais je ne l’avais oublié. Car celle-ci faisait partie de ma propre famille. Et si mon sang ne coulait pas dans ses veines, cela n’avait aucune importance. Ce qui l’était en revanche, c’étaient mes sentiments envers elle.

Un sujet pour une autre fois. Sans surprise, tu ignorais tout de ta condition. Ce fut donc à moi d’éclaircir ta lanterne, en profitant de l’occasion pour répondre à ta question :

─ Tu te trouves dans un endroit normalement interdit d’accès, sauf pour une poignée de sorciers. Tu te trouves au Département des Mystères… que j’ai le plaisir de diriger depuis longtemps. Je marquai une pause, taquinai la peau de ton visage du bout de mes doigts avant de reprendre : si tu avais atterri chez moi à l’improviste dans de telles circonstances… tu serais déjà ligoté comme un saucisson avant d’être jeté dans le premier caniveau londonien que je croiserai.

Un petit rire plein d’ironie s’échappa de ma bouche alors que je terminai mon inspection. Puis, enfin je t’éclairai sur ton nouveau… statut.

─ Être une banshee, cher enfant, c’est être à mi-chemin entre la vie et la mort. Tu comprendras en te regardant dans une glace, mais il s’agit bien plus que d’un relooking de l’extrême. Une fois encore je ne pus m’empêcher de rire à ma propre plaisanterie. Si tu veux voir cela d’une manière ironique, disons que tu as frappé à la porte de la mort, mais que tu es resté sur le palier. Tu es revenu à nous, les vivants. Vois cela comme une seconde chance.

Au-delà de tout aspect poétique, existentiel, etc… c’était fascinant d’observer de mes propres yeux une apparition comme la tienne Percy. Avec Marion je n’avais pas vraiment eu cette occasion. Aujourd’hui, si. Les privilèges de ma position.

─ Comment te sens-tu ? Une petite fringale peut-être ? Profite de ma présence pour poser tes questions… après il sera trop tard. Je n’en ai pas l’air comme ça, mais je suis une femme très sollicitée. Pour plein de raisons.

Pas forcément les meilleures d’ailleurs.

À défaut d’être aussi vif d’esprit que moi, tu avais au moins un mérite, celui de me divertir. Sans doute pour cela qu’en dehors de ma curiosité, je commençai à apprécier ta compagnie davantage. Pas tous les jours qu’on croisait une banshee avec le sens de l’humour en prime.

Quant à savoir si ta présence était véritablement embêtante ici. La réponse était simple comme bonjour ; à croire que tu avais déjà oublié le statut qui était le mien :

─ Tu ne déranges que si je le décide Percy. Je n’aime pas me répéter alors imprime-toi cela dans le crâne : je dirige ce département ; à ce titre, tant qu’il n’y a que moi et mes collaborateurs qui savent que tu es ici, tu ne pourras être embêté que par moi.

Ce qui était déjà beaucoup, lorsque j’avais quelqu’un dans le collimateur, la personne était susceptible de passer un très mauvais moment. Toi en revanche, tu n’avais pas mérité quelconque animosité. Alors pour le moment tu étais épargné par mon courroux. Plus encore alors que tu satisfaisais ma curiosité sur les conditions de ton arrivée ici.

Je fus également ravie d’apprendre qu’en dépit de tout tu ne semblais pas plus paniqué que cela ; à t’entendre, le plus dérangeant pour toi n’était pas d’être une banshee, mais d’avoir perdu tes affaires et t’être retrouvé ici. Cela m’arrangeait je devais l’admettre ; gérer une crise d’hystérie de la part d’une banshee n’était pas vraiment un temps fort dans une journée, plutôt une nuisance.  

─ Je ne peux malheureusement rien faire pour ton dos, ta baguette et ton téléphone. Il y a des limites à ce que je peux faire, même avec mon statut. Petit rire moqueur, puis je gardai le silence, te laissant me questionner.

Certes, la disparition de tes affaires était un problème, mais qui t’empêchait de revenir en France ? Vraiment ? Tu me sous-estimais Percy. Ce pour quoi je t’invitai à me suivre, afin que nous nous rendions tous les deux dans mon bureau, afin d’être seul à seul. Pendant ce petit trajet, j’en profitais pour répondre à quelques-unes de tes interrogations, afin de te mettre petit à petit plus en confiance sur ton nouvel état.

─ Le département des mystères porte bien son nom Percy. La raison de ton apparition ici ne regarde que moi et mes collaborateurs. Si tu n’as aucun de tes effets personnels… c’est parce que tu as laissé ton corps là où tu es mort et que celui que tu arbores en est un nouveau. Une fois que nous fûmes entrés dans mon antre, je t’invitais à t’assoir pendant que je repris : ne t’inquiète pas, nous contacterons le ministère de la magie français pour trouver une solution. Quant aux effets pernicieux de ton état… ne voudrais-tu pas le découvrir par toi-même ? Un peu de piment dans la vie ne fait pas de mal non ?

Désolé de m’amuser à tes dépens mon cher. C’était plus fort que moi.