La musique emplit le loft mais la magie la contient entre ses murs alors qu’en son centre, devant un chevalet de taille conséquente, Sambre s’est laissé emporté dans un élan de créativité. Les grandes fenêtres, qui trônent sur tout un pan de mur, amènent encore une lumière tardive, chaude et naturelle, qui emplit presque tout l’appartement au plafond particulièrement haut. Il y fait bon, et malgré les odeurs prononcées de peinture et de plantes séchées, ainsi que cette décoration qui donne au loft un look peut-être un peu trop atelier pour un lieu de vie, l’ambiance est chaleureuse, créative, presque festive.

Concentré, et à la fois complètement ailleurs, le peintre laisse courir le pinceau sur la toile, mélange les couleurs qu’il a confectionné avec soin, prend du recul pour contempler son œuvre d’un œil critique avant de reprendre son travail, transporté.

Et il faut bien un coup de sonnette retentissant pour le sortir de sa transe artistique, lui faisant un bref instant cligner des yeux pour atterrir et se réveiller de son délicieux songe au beau milieu de son appartement.
D’un coup de baguette, le jeune homme baisse la musique avant de la coincer à l’arrière de son pantalon, large et troué, constatant l’état de ses mains pleines de peinture, même si son t-shirt, au moins, avait légèrement été épargné. Il en avait même jusque sur ses pieds nus, comme souvent quand il était chez lui, et tente de les essuyer rapidement sur le grand drap étalé au sol servant à protéger le plancher, avant de se diriger vers la porte qu’il ouvre en grand.

En découvrant Marian sur le pas de sa porte, Sambre est surpris, et n’a pas franchement l’occasion de le cacher. Sur le moment, il se demande s’il n’a pas loupé un rendez-vous qu’ils auraient pu se donner avec son ami, trop pris par sa peinture. Mais l’expression qu’il voit sur son visage lui permet vite de déduire que non.
La suite le lui confirme assez rapidement, alors il s’écarte pour le laisser entrer et refermer derrière lui.

- Salut. Ouais, entre. Reste pas à la porte.

Reprenant sa baguette, il l’agite et le drap au sol s’enroule sur lui même jusqu’au pied du chevalet pour ne pas prendre de place, les pinceaux retournent dans leurs pots et la desserte comprenant sa peinture retourne dans un coin du loft où sont entreposés bon nombre de tableaux et de matériel.

- Tu veux boire quelque chose ? Installe toi. Fais comme chez toi.

Reposant sa baguette, Sambre prend le temps de réfléchir, le temps de se diriger vers la cuisine ouverte sur le reste du loft à la recherche de quelque chose à offrir à son ami.

- De quoi tu veux parler ?

L’innocence dans sa question est un mensonge, car il a l’étrange sensation de savoir ce qui va être mis sur le tapis. Au fond de lui, il espère se tromper mais il a quelques doutes, ne pouvant ignorer la scène gênante qui s’était déroulée quelques jours plus tôt, lorsque Marian l’avait vu en compagnie de Nimrod sur le Chemin de Traverse.
Son regard n’avait pas été des plus subtils mais tout son être s’était senti obligé d’éloigner Marian de “tout ce merdier”, comme aimait l’appeler Nimrod.
Et puis de toute façon, c’était rien. Franchement. Rien du tout.

- C’est pas grave j’espère ?

Le sourire angélique sous ses cheveux blonds.

@feat  Marian Et là, c'est le drame !

Un verre d’eau donc. Sambre hoche la tête et attrape un verre sans l’aide de sa magie, pour le remplir en y glissant un glaçon. Pas la boisson la plus festive du monde donc, et annonçant, à priori, qu’il n’y avait rien à fêter. De fait, il y avait peu de chance que Sambre puisse ignorer le sujet dont Marian était venu parler. Mais il était clair que tant que son ami n’amènerait pas la conversation dessus, Sambre n’irait pas mettre lui-même les pieds dans le plat. C’était hors de question.
Et il comptait bien ignorer la situation aussi longtemps qu’il le pourrait derrière ses beaux sourires et son attitude avenante alors qu’il rejoint son ami et pose le verre d’eau sur la table basse, à côté des friandises et snacks qu’il a ramené.

Une offrande ? Un moyen de lui faire comprendre que la situation relevait de l’urgence ?
Sambre en tout cas, y répond avec un sourire enjoué et s’affale à côté de Marian, l’air de rien.

- La bouffe ! Ca c’est un vrai rituel qui mérite de toujours être honoré. Merci Marian.

Mais étrangement, aucun d’eux ne se jettent dessus comme à leur habitude et Sambre observe Marian extraire la plaque blanche de son sac en faisant mine de ne rien attendre de particulier. Le coude appuyé sur le dossier du canapé et sa joue appuyée contre sa main comme s’il était parfaitement détendu.

D’un regard en coin, il suit les mots projetés, stoïque et silencieux malgré les questions qui, tout en se chevauchant, sont parfaitement claires. Trop claires. Et Sambre pouvait difficilement faire comme s’il ne les avait pas vu.

Coulant un regard vers son ami, l'artiste analyse son expression comme il l’aurait fait avec une œuvre. Méthodiquement. C’est ce qui l’aide en général, à moduler ses réponses et s’adapter aux situations délicates.
Sourire absent, hésitation et regard inquiet, voire absent pendant un bref instant.
Non. Stop. Il ne pouvait délibérément pas analyser son ami et s’adapter mécaniquement comme avec ceux qu’il considérait peu. Même si celui-ci commençait à fouiller là où il ne devrait pas.

Sambre a conservé son sourire qu’il espère rassurant, mais Marian insiste et son inquiétude palpable est loin de le mettre parfaitement à l’aise. Il n’avait pas envie de l’inquiéter.
Il aurait préféré qu’ils ne se croisent tout simplement pas ce jour-là.

- C’est pour ça que tu es venu ? Marian… Il ne fallait pas te donner autant de mal. Enfin je suis content que tu viennes me voir hein, c’est pas ça ! Mais c’est pas la peine de te faire autant de mouron.

Regrettant de ne rien avoir pour occuper ses mains et son regard, Sambre s’est un peu redressé pour attraper une chocogrenouille. Bizarrement, il n’a plus très faim une fois qu’il l’a dans les mains, mais jouer avec la boîte lui donnera peut-être un peu d’aplomb et de contenance pour mentir, du moins, pour dissimuler ce qui doit passer sous silence.
Les mots sont alors choisis, pesés, modifiés si nécessaire. Il s’excusera peut-être de ne pas lui dire la vérité un jour mais aujourd’hui, c’était trop tôt.

- C’était… un ami de ma famille. Le genre un peu envahissant et exubérant. Franchement, personne ne serait à l’aise avec une personnalité pareille. Te flagelles pas. Vraiment, Marian, c’est pas la peine. T’avais pas besoin de t’infliger ça.

Et avant d’en dire trop, ou de mal le dire, Sambre préfère croquer dans la friandise en soupirant.

- Y a rien de grave, si c’est ça qui t’inquiètes.

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Quand Marian relève son mensonge, Sambre redevient aussi silencieux qu’une une tombe et garde difficilement son sourire alors qu’il joue nonchalamment avec l’une de ses mèches blonde et soyeuse, comme si de rien était en reportant son regard sur la fenêtre même si ses yeux gardent le pli d’aller et venir sur la surface où son ami projette ses mots. De toute façon, il l’avait en trop haute estime pour lui faire l’affront de l’ignorer en profitant de son trouble de l’élocution pour fuir la discussion.

Ses lèvres se pincent, ne pouvant donner tort à son ami au sujet du regard qu’il avait eu ce jour-là. Nimrod le terrifiait, c’était un fait. Et le jeune homme se note mentalement de s’astreindre à travailler ses émotions pour ne pas avoir l’air d’appeler à l’aide comme un enfant de 5 ans. Face à cet homme, il avait l’impression de redevenir cet enfant, en particulier depuis qu’il savait qu’il devenait son ombre à la demande de sa mère. Cette garce.
Mais là, tout de suite, Sambre était bel et bien mal à l’aise.

Il n’avait aucune envie de parler, aucune envie de raconter leur rencontre aux dernières heures de la nuit, la teneur de leur échange ce jour-là et de leur relation depuis. En fait, il n’avait simplement pas envie d’y penser, parce que le faire lui rappelait qu’il n’était encore qu’un petit garçon sous l’emprise de sa mère et ça le rendait malade quand il s’était évertué à se convaincre du contraire.

Combien de temps Marian allait-il creuser ? Et surtout, avec quelles méthodes, sentimentalistes ou culpabilisantes, pour le pousser à s’ouvrir.
Sambre savait que ce n’était pas réellement son but, de le pousser dans ses retranchements pour qu’il craque. Ce n’était pas la nature de son ami. Cependant, l’inquiétude était aussi ce qui poussait les proches à dépasser une limite dont ils avaient pourtant conscience.
Et le plus jeune des Lawrence n’aimait pas ça.

- Écoute… Je sais qu’en ce moment tu t’inquiètes beaucoup, pour un tas de raisons. C’est vrai t’es au courant de tout et du coup, tu t’inquiètes pour un tas de choses. Et je n’ai jamais pensé que tu étais idiot !

Se redressant en décroisant les jambes, il laisse s’échapper un soupir en passant ses mains dans ses cheveux attachés négligemment, qu’il entreprend de recoiffer, toujours dans le but de s’occuper les mains.

- Mais je ne t’ai pas menti, c’est vraiment un ami de la famille. Et il ne voulait rien, Marian. Rien qui ne nécessite que tu t’inquiètes pour moi.

Était-ce vraiment un mensonge ça aussi ? Que voulait vraiment Nimrod au fond ? Pour l’instant pas grand chose. L’effrayer pour qu’il se tienne à carreaux, comme un garde du corps qui ne voulait pas de ce rôle. Pour l’instant, en tout cas.
Et Sambre avait tout misé sur le fait qu’il avait autre chose à faire que de le surveiller pour choisir d’ignorer la situation. Il ne voulait pas se demander pourquoi ce genre de type s’amusait soudainement à jouer les babysitters de l’enfer tout d’un coup. Il ne voulait pas savoir ce que ça cachait pour la suite. Il voulait ignorer tout ça et Marian ne l’aidait pas.

- Et s’il te plait, ne me prends pas par les sentiments, tu veux ? Oui on est ami et évidemment que je ne veux pas que tu t’inquiètes. C’est bien pour ça que…

Qu’il n’avait pas voulu qu’il vienne ce jour là, pour le pas donner plus de billes à Nimrod pour appuyer là où ça faisait mal. Il en trouvait bien trop tout seul.
Mais tout le monde avait sa part d’ombre et Sambre n’avait jamais vraiment pensé à ce qui arriverait le jour où Marian découvrirait la sienne.

- Je voulais pas que tu le rencontres… Nimrod est …. Enfin je te connais. Tu ne l’aurais pas aimé, et parce que tu es inquiet, tu aurais… Fais quelque chose, je sais pas. Quelque chose de pas nécessaire. Je t’assure.

@feat  Marian Et là, c'est le drame !

Sambre affiche une légère grimace qu’il a peu d’espoir d’avoir discrète.
Une grimace qui n’était pas vraiment destinée à Marian, mais à la situation en général. Si ce n’était pas l’intention première, là dessus le jeune homme avait toute confiance, ce dernier se sentait malgré tout acculé. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir la tension qui emprisonne son ami malgré sa tentative de faire bonne figure. Et il faudrait être complètement con pour ignorer son état d’inquiétude sincère et profonde.

- Tu n’es pas un ami en carton Marian.

La mâchoire du jeune artiste se crispe, frôlée par une mèche de cheveux blonds qui n’a pas tenu dans sa tentative de les rattacher négligemment sans y apporter beaucoup de soin. Ça le tuait qu’il puisse penser une chose pareille. Est-ce que c’était ce qu’il comprenait de la maladroite tentative de Sambre de le tenir à l’écart pour ne pas l’entraîner dans une histoire qui pourrait peut-être s’avérer sordide plus tard ?
Pourtant le jeune homme avait choisi ses mots avec soin pour que son ami ne le prenne pas personnellement. Qu’est ce qu’il devait dire de plus pour le rassurer ? Est-ce que son “Je te crois.” n’avait pas uniquement pour but de lui faire oublier que dans sa tentative de mensonge éhontée, il avait laissé échapper le prénom de Nimrod comme un imbécile ?
Marian ne le croyait pas, c’était aussi certain que le fait qu’il n’aura pas loupé ce foutu prénom.

Un nouveau soupir passe la barrière de ses lèvres.
Sambre était contrarié, mais surtout en colère contre lui-même. S’agacer contre les intentions de Marian était tout aussi stupide et aux aveux de son ami, ses yeux glissent lentement sur lui, désolés.

- Je sais, Marian. J’suis désolé. Je voulais vraiment, vraiment pas que tu t’inquiètes.

Mais c'était trop tard maintenant, n’est-ce pas ? Il aurait fallu qu’il ne les croisent jamais, parce qu’à présent, son esprit traumatisé par la perte n’aurait de cesse de ressasser, comparer, superposer les situations. Et de chercher une justice qu’il n’avait pas eu la première fois.
Quittant le coin du canapé où il s’était prostré pour affronter la situation, Sambre se rapproche doucement de Marian, volant un snack, puis deux, prétexte pour être assez proche de lui pour passer un bras autour de ses épaules, attention amicale avec laquelle il espère se faire pardonner le fait d’être une une vraie tête-de-mule.

- Et arrête de dire que tu es stupide ou que tu fais des trucs stupides, bordel. C’est normal d’avoir peur, c’est normal que tu t’inquiètes. Si t’as l’impression que je t’en veux parce que tu te fais du souci pour moi, tu te mets le doigt dans l'œil.

Ne pas pouvoir dire “Ne fais rien qui te mettrait en danger.” était déjà un aveu. Que dire dans cette situation pour le tenir à l’écart ? Car Sambre, doucereux et charmant manipulateur qu’il était, comptait bien rassurer pour protéger et éloigner, bien qu’il ait la frustrante impression que ses chances de succès étaient proches de zéro.

- Je sais que tu veux faire justice… Mais ce n’est pas moi qui ait besoin d’un justicier. Et si tu as envie de m’expliquer, je t’écouterai tu le sais. Seulement il faut que tu me promettes d’oublier cette histoire.

Même lui dire que ce n’était pas son combat, rendait le terrain glissant.

@feat  Marian Et là, c'est le drame !

Le sentiment d’avoir merdé depuis le début de leur conversation laisse un goût amer à Sambre quand il prend le temps de constater où ils en sont. Habituellement le jeune homme était meilleur acteur, meilleur menteur, en particulier quand il s’agissait d’une nécessité. Du moins c’est l’impression qu’il avait depuis toujours sans trop d’échecs à son actif. Ses mots étaient du miel qu’on mettait sur les plaies, doux et apaisants, suffisamment pour oublier de se tourmenter.
Alors pourquoi ça ne marchait pas aujourd’hui ?  

Le petit prince s’agite et soupire mais malgré toute la situation, quelque chose arrive malgré tout à lui arracher un sourire. Ce n’était pas un sourire très franc mais qui avait le mérite d’exister. Franchement, Marian avait raison, leur dispute était ridicule. Qu’est-ce qu’il n’allait pas chez eux pour qu’ils se battent l’un contre l’autre alors que leur but était de se battre l’un pour l’autre.
C’était absurde.

Non, attendez, stop. C’était bien pour ça que ça n’allait pas. Sambre n’avait aucune envie que Marian se batte pour lui. Ni lui, ni personne d’autre. Pour le protéger, certes, évidemment, avant toute chose, mais aussi pour se protéger lui, préserver ses secrets et s’aider lui-même à les ignorer.

- Évidemment qu’on s’engueule… Tu me reproches de vouloir te protéger alors que tu fais exactement la même chose de ton côté.

Une moue boudeuse glisse sur son visage mais son ton s’est adouci alors qu’il recule légèrement pour laisser de l’espace à Marian non sans oublier de passer une main dans ses cheveux pour les ébouriffer, un geste amical et à la fois une façon de l’embêter un peu. Il ne s’en tirerait pas comme ça.
Malgré tout, un léger sourire reprend sa place sur ces lèvres qui peinent à dire la vérité et préfèrent s’encombrer de snacks, au moins le temps de la réflexion.

- Qu’est-ce que je peux faire pour que tu ne t’inquiètes plus ? Qu’est-ce que je peux dire pour te rassurer ?

Têtu et de toute évidence à la dérive mais campé sur ses positions.
En réalité, il y aurait beaucoup de choses à dire à un ami, surtout un ami comme Marian qui ne l’avait jamais jugé depuis qu’ils s’étaient rencontrés.
C’était peut-être la raison pour laquelle Sambre refusait de s’ouvrir quand pourtant, Marian l’avait fait, lui, un peu.
S’il commence à se confier maintenant, c’était la porte ouverte à tout le reste et il n’était pas prêt pour ça. Il faudrait raconter tellement de choses pour raccrocher les wagons : l’enfance et son évolution, avouer ses penchants, exposer ses dérives, admettre ses failles, expliquer les chemins tortueux que prenaient son cœur et son esprit en ce moment même, tout ça pour comprendre en quoi Nimrod, entre autres, était un problème.

La vérité c’est qu’avec l’honnêteté, Marian ne serait plus jamais rassuré.

- Qu’est ce que tu vas faire de son nom, Marian ?

@feat  Marian Et là, c'est le drame !

- Tu veux me protéger mais j’ai pas besoin qu’on me protège Marian. Je me débrouille très bien tout seul.

C’est un odieux mensonge qui lui écorche la bouche.
Sambre le sait et ça le tue de l’admettre alors qu’il se répète chaque jour qu’il n’a besoin de personne. C’est comme avoir l’impression d’être un château de cartes au lieu d’être la forteresse imprenable qu’on imagine dans sa tête.
Nimrod était venu, il avait soufflé comme le grand méchant loup qu’il était : toutes les cartes s’étaient envolées et Sambre essayait encore tant bien que mal de les rattraper pour reconstruire sa fragile petite tour d’ivoire et de papier, celle qui s’enflammait si facilement.

Il voit bien que Marian commence à perdre patience, quelque chose qu’il n’avait encore jamais vu chez lui jusque-là. La vie n’avait pas été tendre avec lui ces derniers temps, impossible de lui en vouloir de perdre patience.
Pourtant Sambre lui en veut de ne pas vouloir lâcher le morceau. Il a l’impression de voir deux chiens se disputer le même morceau de viande pour se l’offrir l’un l’autre. Ridicule.

- Je ne manque pas de confiance en toi Marian, et tu le sais. Ce n'est pas une histoire de confiance.

A nouveau, le jeune homme s’est enfoncé dans son canapé, a replié une de ses jambes sous son menton, qu’il a enlacé de ses bras en échappant un nouveau soupir qu’il n’essaie plus de cacher. Mutique, il cherche comment ficeler son mensonge, ou comment atténuer la vérité si ça pouvait les sauver.
Sambre a secoué sa tête blonde décoiffée par sa négligence et par la main de Marian, avec une pointe d’agacement. Il claque de la langue contre son palais. Son ami est trop honnête et ses réponses ne lui plaisent pas mais au moins il sait que son imagination avait vu juste.

- Là tu agis quand même comme un Gryffondor. Je peux savoir comment tu comptes t’y prendre pour avoir une quelconque information ?

Une grimace tord sa bouche, de frustration.
Encore obsédé par la formulation de son histoire, Sambre en oublie de fuir par la faille que Marian lui offre pourtant sur un plateau. En fait, il est obsédé par l’idée de mettre fin à la discussion sans avoir à se regarder dans un miroir encore une fois.
Il constate aussi avec amertume comme il détestait que Marian s’inquiète pour lui aujourd’hui, alors que tout était parfaitement sain entre eux. Et que dans une hypocrisie parfaite il aurait aimé obtenir l’inquiétude de quelqu’un d’autre.
Rien ne va et lui, il fatigue.

- Ne cherche pas qui il est. Ne cherche pas ce qu’il fait. Ma mère lui a demandé de me surveiller ? C’est tout. Parce que c’est une garce qui aime tout contrôler depuis qu’elle est née. Je suppose. J'en sais rien. Je ne veux pas savoir Marian. Il est là, et c’est comme ça. Je ne peux rien y faire, et toi non plus.

Il avait cédé, un peu. Dardant son regard améthyste sur Marian, ce regard qu’il montre rarement bleu comme celui de sa mère, il répète avec une voix qu’il espère plus douce, sans être sûr que ça marche.

- S’il te plait. Ce n’est pas si grave.

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Sambre avait haussé les épaules pour regarder les mots de Marian du coin de l'œil, préférant ne pas répondre à ses petites piques qui, en tant normal, l’aurait fait rire. Il n’avait pas non plus envie de débattre. En fait, il ne le pouvait pas puisque prouver que tout ce cinéma était une question de sécurité l'amènerait encore une fois sur un terrain glissant.
Malgré tout, il a le réflexe enfantin de lui tirer la langue quand Marian lui fait une remarque sur son attaque de cheveux. Un bref moment de répit où les deux amis se sont permis de respirer.
Et bien sûr, ça ne dure pas.

- Tu viens d’utiliser quel mot là ? Attends… Ah oui “secret” ?

C’était plus fort que lui, il n’avait pas pu s’en empêcher, au même titre que Marian n’avait pu retenir son petit rictus, Sambre avait été obligé de balancer un petit peu de venin sur les braises. De toute façon, s’il avait été raisonnable et sage, ça n’aurait pas vraiment été Sambre.

D’ailleurs, tout aussi Sambre qu’il est, il roule des yeux quand son ami évoque sa mère. La suite aussi, lui fait lever les yeux au ciel alors que ses yeux violines observe Marian qui avait l’énorme avantage de pouvoir manger et parler en même temps.

- Marian… Tu crois pas que t’exagères là ? J’viens de te dire ce qui se passe et pourquoi Nimrod me collait aux basques. Qu’est ce que je peux faire de plus ?

Dans un soupir, Sambre se rapproche malgré tout du sachet de snacks. Depuis la chocogrenouille, il n’avait finalement rien avalé, l’estomac noué depuis le début de leur conversation.
Ses dents triturent sa lèvre un moment alors qu’il mâchonne en silence un bref instant. S’il avait quelque chose à dire, c’était le moment. Toujours partagé, il n’avait cependant plus l’envie ni le courage de manipuler les mots pour construire une vérité bancale. Surtout après cette déclaration d’amitié qui le touche énormément, malgré son air encore un peu pincé.
Le regard de Marian en dit long sur leur échange troublant.

- Merci d’être là. Merci d’être venu, et de t’être inquiété pour moi. Ton amitié, elle est importante pour moi, je te laisserai pas dire le contraire.

Baisser les armes, ne serait-ce que quelques minutes, faisait un bien fou. Admettre que la visite de son ami était plus un bien qu’un mal était un début de guérison essentielle.

- Je t’ai jamais parlé de ma mère ? C’est une maniaque du contrôle à qui on a gelé le cœur à la naissance.

Fouillant à nouveau dans le sachet de snacks, il souffle pour lui-même, mais aussi un peu pour Marian, comme un aveu à demi-mot, une façon de céder sans que sa fierté ne soit trop entamée.

- Du coup, ça m'a même pas étonné qu’elle connaisse un type comme ça.

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Une nouvelle fois, Sambre claque de la langue mais c’était beaucoup moins agacé que la première fois. D’ailleurs, un sourire en coin effleure ses lèvres alors qu’il admet en silence, d’un simple regard entendu, qu’en termes de révélation il avait son maximum aujourd’hui.
Pourtant, il y avait mille choses à dire à un ami comme Marian. Ce dernier n’était d’ailleurs peut-être pas tout à fait prêt à être le confident d’une personnalité comme Sambre mais après tout, aujourd’hui il l’avait cherché.
Il mériterait presque que le jeune artiste lui déballe absolument toute sa vie et le chaos qui y régnait, juste pour se venger. Et parce qu’au fond, ce serait particulièrement libérateur.

Ne serait-ce que partager son ressentiment sur sa mère.

- Tu sais, ça a beau être ma mère, je n’ai jamais compris comment elle fonctionnait. Pas une lettre, pas un message, jusque-là j'avais un vrai sentiment de liberté.

Un soupir déçu et contrarié qui constate qu’avec Nimrod sur le dos, ce n’était potentiellement plus le cas. Mais mince, c’était encore trop en dire. Sambre se mord la lèvre en reformulant sa première idée. Il s'emmêle les pinceaux et pour un peintre c’était un comble.

- ‘fin, ça fait jamais plaisir qu’on t’envoie une babysitter. Tu vois quoi.

Surement que non mais tant pis. Sur un ton plus doux, il ajoute avec un certain amusement dans la voix. Il semblerait qu’il soit plus détendu.

- Et puis je t’ai toi ! T’inquiètes pas Marian. Je sais que je peux te parler. Et tu sais que tu peux tout me dire aussi.

Cette fois, le regard qu’il pose sur son ami est entendu. Tu t’ouvres, je m’ouvre, c’est bien comme ça que Marian avait présenté les choses pas plus tard qu’il y a quelques minutes ? Qu’il ne croit pas que Sambre avait pu oublier un détail pareil.
Sa question lui fait hausser un sourcil. A part le festival, il y avait de très grandes chances qu’il travaille, notamment pour ses clients importants et inattendus, et puis qu’il sorte aussi. Les soirs d’été le rendait particulièrement festif. Alors il sourit.

- A par Snowdon qui a enfin lieu ? Rien si ce n’est le travail. Tu m’avais pas dit que t’avais pris une place ?

Le ton a grandement changé.
Comme un besoin de gommer l’amertume de leur étrange dispute pour quelque chose de plus léger. Celle-ci laissait une sensation bizarre et fort peu agréable dans cette amitié qui n’avait eu, jusque-là, aucun remous.

- J’ai pas pris des places VIP parce que je préfère être dans la foule pour l’ambiance. Mais si t’avais prévu d’y aller, on peut peut-être y aller ensemble ?

Sur le moment, Sambre ne pense pas une seule seconde à sa fâcheuse manie de s’ambiancer avec des substances récréatives.
En présence de Marian, l’opération serait sûrement plus complexe.
Mais là tout de suite, il ne pense qu’à enterrer la hache de guerre. Et la perspective de se retrouver seul dans cet événement lui tord le ventre plus qu’il ne l’aurait cru.

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