Quand on vient le déranger, Sambre est plongé dans son chaudron, presque littéralement, et accueille son collègue en lui grognant dessus. Pourquoi était-il dérangé dès qu’il demandait à ne pas l’être. Était-il maudit sans le savoir ?
Cependant, la phrase de la personne qui l’a dérangée l’interpelle et il relève la tête par-dessus la fumée blanche qui s’échappe du récipient en cuivre. Et ce, pour deux raisons : “On te demande… Encore.”. L’insistance sur le dernier mot était notable mais il fit semblant de ne pas l’entendre. “C’est un type du Ministère.”
Le jeune homme s’étouffe.

Quand il rejoint “le type du Ministère”, derrière l’hôte d'accueil, Sambre prend rapidement quelques instants pour le détailler en quelques coups d'œil analytiques. Très élégant,  d’âge mûr. Il a l’air exigeant, et déterminé, mais gentil, ou en tout cas bienveillant. Enfin, la suite le lui confirmera.
S’habillant d’un sourire lumineux et professionnel, le jeune potionniste s’approche, et analyse encore. Français ? L’homme semblait pressé, mais pas forcément pris par l’urgence cependant. Il va droit au but et se déplace personnellement.
Sambre n’a pas le temps de s’en étonner.

- Je suis enchanté, Monsieur Savoy. C’est un honneur de vous recevoir dans cet atelier. Si vous voulez bien me suivre. Nous avons un endroit qui nous permettra d’échanger en privé.

Lui faisant signe, il fait le tour du comptoir en bois massif, invitant le directeur de département à passer dans l’arrière boutique jusqu’à une porte sombre sur leur droite qui s’ouvre sur un bureau. Celui du maître des lieux, absent pour quelques semaines, confortable et rangé, dû à l’absence de son occupant régulier. Il était également plus spacieux que le salon où Sambre avait reçu Asclepios Cavendish quelque temps avant.
Étrangement, il n’avait pas emmené le directeur de département de Contrôle et de Régulation de Créatures Magiques dans un lieu aussi étroit.

- Je vous en prie, installez-vous. Je peux vous proposer un thé, ou un café.

Désignant les deux fauteuils au milieu de la pièce alors qu’il agite élégamment sa baguette, mettant en branle les deux services en porcelaine, et déclenchant le feu sous la bouilloire à l’ancienne.

- Vous avez évoqué une collaboration avec le Ministère ? Je vous avoue que je suis surpris. Agréablement mais, j’ai besoin que vous m'éclairiez sur ce que je peux faire pour vous aider.

Peut-être s’était-il trompé ? Sambre n’était sorti d’école que très récemment.

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Quand Antoine Savoy fait son choix, Sambre n’a aucunement besoin d’esquisser un geste puisque le service préposé au thé se sent de lui-même concerné et entreprend de le préparer sans qu’on est besoin d’y jeter un œil.
A l’image du Ministère, ou la magie était présente jusque dans la moindre transmission de note de service, l’atelier de potions bouillonnait d’une constante agitation magique et le moindre objet semblait pouvoir vous rendre service.
D’ailleurs, quelques livres se rangèrent seuls en constatant qu’ils gênaient le fauteuil où Sambre désirait s’installer tout en écoutant l’invité surprise.

Qui avait une façon de vendre son projet tout à fait particulière.
Si le jeune homme n’avait pas eu un égo surdimensionné grâce à son éducation, il dirait presque merci à sa mère mais finalement se ravise, nulle doute qu’il se serait terré dans un trou de souris à l’énonciation des différentes responsabilités qu’Antoine Savoy lui énumérait pour lui faire prendre conscience de l’importance de cette entreprise.
Se redressant dans un fauteuil qui a l’air bien imposant et qui semble le rendre plus frêle qu’il ne l’est, le potionniste hoche la tête, indiquant qu’il comprend, et sourit poliment.

- Si je puis me permettre, je ne m’inquiète pas de la qualité de mes potions tant que je peux avoir accès à des ingrédients de qualité.

Effectivement, le petit prince des potions ne s’inquiétait pas de son propre talent et de son travail rigoureux, passionné. Il avait prononcé cela avec une infinie douceur malgré son assurance qui aurait pu passer pour de l’arrogance.

- Je vous remercie pour votre honnêteté Monsieur le Directeur. Tout comme pour la confiance que vous souhaitez m’accorder. Je dois dire que beaucoup d’entre nous n’ont pas la possibilité de rêver à ce genre de place avant leur… disons… 40 ans ?

Il avait croisé les jambes et suivi la tasse de thé de Monsieur Savoy jusqu’à ce que celle-ci flotte devant son nez, attendant sagement qu’il l’attrape.
Sambre ne manquait pas d’ambitions mais il aimait son confort, ou du moins sa liberté. Il repensa à sa discussion avec Marian, quelques mois auparavant, qui avait glissé sur le sujet du Ministère.
Sambre n’était pas pour, il n’était pas contre, il souhaitait rester neutre, et vivre de ses passions. Tout cela était-il compatible ? Voilà les questions qu’il se posait, sans pouvoir les transmettre à son invité.

- Potion tue-loup principalement je présume ? De quoi aider les semi-vampires peut-être ? Veritaserum éventuellement… Dites moi, Monsieur Savoy, c’est bien son âge avancé qui pousse votre potionniste vers la sortie ?

Jouant avec un bijou qu’il porte autour du cou, il tri méthodiquement ses questions.

- Est-ce un poste qui nécessite de travailler principalement au ministère Monsieur ?

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Antoine Savoy était intriguant. Quelque chose en lui le rendait difficile à cerner, malgré tout, il inspirait une certaine confiance lorsqu’il parlait. Pas une confiance mielleuse qui invite au piège, quoique celle-ci ne soit pas des plus simples à discerner, plutôt une confiance chaleureuse et bienveillante.
Du moins, cela restait encore une impression du jeune potionniste car le personnage avait l’air, à son échelle, particulièrement inaccessible. Cela venait peut-être de son statut lié à son titre au Ministère ? Ou à l’allure particulièrement élégante qu’il avait, sans pour autant être clinquante.
Sambre était un grand curieux. Trop curieux. D’ailleurs, il l’avait très peu lâché des yeux depuis qu’ils s’étaient installés pour discuter, tentant de l’analyser avec plus ou moins de succès tout au long de son exposé.

- Vos réponses sont toutes très engageantes Monsieur le Directeur. Vraiment. Je suis attaché à mon lieu de travail et à mes longues heures de recherches.

Sambre était un jeune homme très impliqué, nul doute que cela soit apparu sur son dossier scolaire.
Agitant la main comme pour minimiser ses prochaines paroles, le plus jeune des Lawrence sourit aimablement.

- Et ne vous en faites pas, ma question n’avait pas pour but de venir fouiner dans la vie privée de votre employé. Cependant, si ce dernier avait fait… Une faute grave par exemple, j'aurais aimé en connaître la nature pour ne pas répéter les mêmes erreurs.

Croisant et décroisant les jambes pour se tenir plus confortablement sur le grand fauteuil, alors qu’il se retient de s’appuyer nonchalamment contre l’accoudoir. Son éducation le lui interdisait.

- Quand vous parlez de sabotage… Pensez-vous vraiment que cela puisse être dans les plans de quelqu’un ? Évidemment, je comprends la mise en garde, et loin de moi l’idée de remettre votre parole en doute. Mais je ne parviens pas à mesurer l’importance du risque encouru.

Il souffle malgré tout avec un sourire qui se veut rassurant.

- Cela-dit, naturellement, celui qui touche déjà à mes potions actuellement le regrette déjà amèrement. Je suppose que je pourrai redoubler de vigilance pour le bien commun.

Le bien commun.
Ce serait bien la première fois qu’il y pense réellement.

- Souhaitez-vous me tester, Monsieur le directeur ?

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Le directeur savait mettre à l’aise. Avait-il remarqué que Sambre le passait au crible depuis son arrivée ? Peut-être bien, il avait l’air d’être un homme intelligent, mais peut-être pas. Après tout, il n’avait pas l’air de surjouer pour une mise en confiance rapide puisqu’il prenait le temps d’expliquer et de répondre aux questions du jeune potionniste.
Il buvait le thé en toute confiance également, cela-dit personne n’aurait été assez bête pour l’empoisonner sur son propre lieu de travail, alors qu’il venait personnellement vous rendre visite. La paranoïa de l’homme de pouvoir n’était donc pas encore trop présente en lui, ou peut-être ne craignait-il tout simplement pas l’idée de mourir.

Il ne faisait pas tout ça pour lui d’ailleurs, contrairement à beaucoup de politiciens ou personnes influentes, répétant sans cesse que la sécurité des autres devait être le principal souci de Sambre si celui-ci acceptait le travail qu’il lui proposait.
Et il semblerait que la sécurité des autres soit son moteur, plus que la sienne, peut-être. La sécurité des faibles en tout cas. Mais là encore, ce n’était que des suppositions suite à une observation rigoureuse.

- Vous cherchez un passionné rigoureux, et vous avez frappé à la bonne porte Monsieur le directeur.

Haussant un sourcil surpris, il reprend plutôt rapidement, car le regard que lui lance Monsieur Savoy est lourd de sens.

- Je n’ai absolument aucune crainte à ce sujet, Monsieur. Et j’avais bien intégré le fait que mon travail consisterait à aider tout individu qui en aurait besoin. Je m'interrogeais simplement sur les intérêts de saboter mon travail.

Monsieur le directeur était impressionnant. Son sourire revenait pas sa sévérité planait toujours au-dessus de la tête du jeune potionniste, comme une promesse, comme une motivation.
Entre compliment appuyé, et menace légère, nul doute que l’homme devait briller en politique. Sambre lui offre alors un nouveau sourire.

- La cause est noble, l’opportunité et le défi sont tous deux motivants. Faisons ça, Monsieur Savoy, j’accepte de travailler pour votre département dans les conditions énoncées.
Et si je ne vous convient pas… Enfin, nul doute que je vous conviendrai en tout point, Monsieur le Directeur.

Serpentard un jour, serpentard toujours.
Le jeune homme laisse son regard couler sur le bras raide de son nouveau supérieur, on pouvait l’appeler ainsi à présent.

- Avez-vous besoin de quelque chose pour soulager votre bras ?

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Sambre ne s’était pas attendu à la question du directeur, et le jeune homme, qui jusque-là semblait avoir réponse à tout, en tout cas qui ne se laissait pas impressionner, marqua une hésitation pour réfléchir.
Des défauts, il en avait tout un tas : orgueilleux, borné, égocentrique, instable émotionnellement, colérique et rancunier. Tous, que sa douceur naturelle et son allure arrivaient à camoufler sous les traits angéliques qu’il portait. Et s’il avait plus de temps, nul doute que le plus jeune des Lawrence aurait pu produire, pour le directeur, une liste longue comme le bras. Et rien de tout ça n’était très vendeur. Mieux vaut choisir les moins pires.

- Ils sont nombreux, Monsieur le Directeur. Vous avez peut-être déjà pu constater la taille de mon égo. Je suis orgueilleux et borné, principalement. Je pense que c’est ce qu’il ressortira le plus de toutes les bouches à qui vous poserez la question.
Être passionné n’est pas toujours une qualité cependant, sachez le. C’est un trait de caractère qui implique tant de choses.

La passion le rendait sensible, perméable à son environnement. Elle le rendait également colérique, frustré et provoquait un acharnement qui n’était pas toujours aussi glamour que la créativité elle-même pouvait essayer de le faire croire.
Sambre ne le nierait jamais, comme il ne nierait jamais ses travers.

Un aimable sourire accompagne cet aveu.
Et les yeux violines, attentifs, captent le sourire triste sur le visage d’Antoine Savoy et une nouvelle supposition s’insinue alors dans l’esprit du jeune potionniste : ils n’étaient peut-être pas si différents dans l’émotion qu’ils mettaient tous deux dans leurs projets. Et c’était un détail que Sambre apprécia énormément.
Un hochement de tête poli se répond au directeur, et le jeune homme n'insistera pas sur le bras, même si la curiosité lui brûle les lèvres. Tiens, encore un défaut, ou une qualité, tout dépendait du point de vue.

Suivant le mouvement, le potionniste se relève à son tour et attrape l’enveloppe qu’il ouvre presque immédiatement pour prendre connaissance du contenue, en hochant la tête. Le programme était dense, mais la complexité n’était pas insurmontable. Quelques notes attirèrent son attention cependant, et à raison puisque les paroles du directeur qui suivirent éclairent le regard violone d’une lueur indescriptible.
Le voilà, le vrai défi, la vraie raison de toute cette entrevue. C’était trop beau pour être vrai, et bouffé par un élan de curiosité et d’intérêt nouveau, Sambre relève les yeux vers l’homme qui lui faisait face.

- Éradiquer la lycanthropie ? Voilà donc la véritable raison de votre venue Monsieur le Directeur ? Je dois vous avouer que je suis autant curieux que surpris. Le défi est si grand. Mais il est évident que je vous répondrai toujours oui, que vous me posiez la question maintenant, dans deux jours, ou pendant mon sommeil.

Est-ce qu’il bouillonnait déjà de questions ? Bien évidemment.

- Puis-je vous demander cependant, quelle est la raison qui pousse ces recherches dantesques ? Qui cherchez-vous à aider ? Il m’a semblé comprendre que vous estimez hautement tout être, peu importait le sang. Comment considérez vous la lycanthropie exactement ?

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Antoine Savoy avait également les mots pour rassurer sans manipulation d’aucune sorte. C’était un atout rare que Sambre estimait au plus haut point, que ce soit dans un cadre professionnel ou bien plus personnel. Et il se savait en quête de mots qui rassurent, souvent, constamment.

Le jeune potionniste avait également l’impression qu’Antoine Savoy connaissait parfaitement le poids des mots et usait de leur force et de leur utilisation au bon moment, au quotidien.
Après tout, n’avait-il pas attendu la fin de sa proposition pour agiter sous le nez du créatif passionné, un véritable défi à relever ?
Avait-il guetté cette étincelle en particulier ?

Un rire accompagne le trait d’humour du directeur. Sambre se serait trompé, s’il avait supposé que ce n’était pas dans les cordes de cet homme de rire facilement. Mais il n’avait pas eu le temps de se poser cette question.
Attentif, il hoche la tête à son tour, captivé.

- Je vois. Ils sont sûrement nombreux à vouloir retrouver une vie plus simple, sans être un danger pour eux et pour les personnes qu’ils aiment. Peut-être en connaissez vous déjà qui souhaitent se débarrasser de cette part d’eux ?

L’idée lui rappelait effectivement quelque chose. Cette histoire de vaccin créé pour les cracmols, oui, la similitude était frappante. Et les craintes du directeur étaient alors parfaitement fondées.
Bien que Sambre se soit tenu à l’écart de cette histoire par désintérêt et neutralité, il n’avait pas pu y échapper aux vues de tout le bruit qu’elle avait fait dans leur monde.

- J’imagine qu’un département entier travaillant sur ce projet serait plus rapide que notre humble duo. Cependant, je ne sais pas si la comparaison est juste mais… Craignez-vous qu’en le rendant public, notamment en y consacrant votre département, l’histoire se répète comme avec le vaccin établi pour les cracmols ?

Et sur cette réflexion l’esprit de Sambre s’emballe alors soudainement et se pose étrangement rapidement la question de la dignité humaine.

- Évidemment, nous n’en sommes pas là… Mais imaginons que notre travail porte ses fruits. Avez-vous pensé à la problématique du test clinique ?
Je m’emballe peut-être un peu mais… N’aurez-vous pas des ennuis dans ce genre d’entreprise, avec le Ministère ?

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Sambre constate avec plaisir que le directeur et lui sont sur la même longueur d’onde et que ses questions sont loin d’être perçues comme stupide. Si la main sur son épaule est rassurante, ce sont les mots, toujours les mots, qui ont cet effet sur le potionniste qui y répond par un regard déterminé, et un sourire enjoué.

- Pardonnez la froideur de mon raisonnement, Monsieur le directeur, mais si vous pouviez rassembler une liste de personnes voulant être débarrassés de la lycanthropie, cela nous permettra de procéder à des tests qui pourraient rester, dans un premier temps, éloignés de l’opinion publique.

Cette opinion publique qui était une véritable entrave pour tout chercheur qui se respecte. Et c’est aussi ce qui permettait, en théorie, de ne pas dépasser les limites de la tolérance humaine.
Cela ne marchait pas toujours, évidemment, et il était peu probable de pouvoir prévenir sans se tromper, la réaction de ladite opinion. Mais dans l’entreprise que lui proposait Antoine Savoy, ils avaient l’avantage d’avoir un précédent.

- Quant à cette question qui vous hante, je vous avoue ne pas avoir de réponse particulièrement glorieuse à vous proposer.

L’air songeur, il reprend bien vite le court de ses pensées à voix haute.

- Nous avons la chance d’avoir un exemple sur lequel nous appuyer pour ne pas reproduire les mêmes erreurs, ou en tout cas, analyser les réactions que cela a provoqué à l’époque pour pouvoir nous situer sur l’échelle de l’acceptable.
Si je peux me permettre de vous partager ma pensée, il y aura toujours des abus, peu importe l’invention à laquelle on contribue.
Et si je peux vous aider à vous endormir le soir, ne serait-ce qu’un peu plus facilement, songez au nombre de personnes qui voient leur situation comme un poison, contre ceux qui en tirent avantage . Et la manière dont ils en tirent avantage.
Cela pourra peut-être vous mettre sur la voie dans cette réflexion ?

Après une courte pause, le jeune homme lève son regard violine vers celui du directeur. Son visage avait-il toujours l’air aussi angélique maintenant ? Il était loin de se poser la question.

- Par curiosité, que pensez-vous de la théorie du bonheur du plus grand nombre ? “Le plus grand bonheur du plus grand nombre est la mesure du juste.”.

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Sambre s’appuie, en miroir avec son comparse, contre le rebord de l’immense bibliothèque qui occupe une bonne partie du mur de la pièce, croisant les bras contre son torse.
Il offre un sourire presque espiègle au directeur du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, approuvant d’un signe de tête sa question sur qui devra rester objectif.
Nul doute que celui qui devrait garder la tête sur les épaules serait le jeune potionniste, moins impliqué personnellement, socialement et, évidemment, politiquement. Et s’il était persuadé que l’homme devant lui avait toutes les qualités du monde pour entreprendre ce projet démesurément ambitieux, une petite voix lui soufflait aussi que la position qu’il tenait dans le monde magique ne l’aiderait pas à prendre du recul, contrairement à celle qu’allait tenir le jeune homme.
C’était bien, que Savoy en soit déjà conscient.

D’un nouveau signe de tête, Sambre remercie son aîné avec humilité.

- Je vous en prie, Monsieur. Il faut bien que je commence à me rendre utile.

Et puis sa question tombe et Sambre, calmement, souriant, scrute le résultat de sa curiosité.
Le jeune potionniste était tout à fait conscient de ce qu’il venait de dire, loin des oreilles indiscrètes. Pourtant, il observe les retombées comme il aurait observé l’intérieur de son chaudron : attentif, méticuleux, calme.

Il n’interrompt pas Antoine Savoy, se contentant de l’encourager à répondre et à développer d’un signe de tête poli, les yeux brillants d’intérêt.
Son discours fait parfaitement sens, aux oreilles du jeune homme. Pas parce qu’il est homme à embrasser une cause politique et sociale, mais plutôt parce que ce discours est parfaitement en accord avec l’idée que Sambre s’était fait du personnage qu’il venait de rencontrer aujourd’hui.
Et si le directeur ne lui avait pas donné envie de se battre au côté des minorités, il avait cependant réussi à faire grandir son envie de travailler pour lui.

- Votre discours est tout à fait fascinant, Monsieur le Directeur. Et je suis impressionné. Je ne pensais pas qu’il y avait encore des passionnés en politique. Pour le peu de connaissances que j’ai sur le sujet, évidemment.

Se détachant de l’étagère, il se détourne de son invité pour chercher un titre parmi les reliures de la bibliothèque, du bout du doigt, habillant son silence par le cliquetis de ses nombreux bracelets.

- Je vois bien que vous n’aimez pas cette théorie, et je le comprends. En plus d’être le choix de la facilité, elle creuse un peu plus chaque jour les écarts existants. Cependant…

Tout en parlant, il avait commencé à grimper sur l’échelle la plus proche, et qui semblait se déplacer seule en suivant la direction que prenait le doigt de Sambre.

- Si nous la transposons à votre projet, Monsieur Savoy. Qu’en pensez-vous ? Pensez-vous qu’une majorité souffre de leur lycanthropie, du moins, qu’une majorité veuille au moins retrouver une vie normale, sans potion tue-loup, sans craindre la pleine lune ?
Et donc, qu’une minorité le vive parfaitement bien ?

Il le trouve enfin. Un livre qui semble aussi vieux que le monde, mais traité avec la plus grande attention.
Sautant à terre avec l’agilité d’un chat, le jeune homme se met à feuilleter précautionneusement les pages en se rapprochant du bureau contre lequel se tient le directeur de département.

- Ou peut-être est-ce l’inverse, je n’ai pas la prétention de le savoir.
Toujours est-il que la question est là.
Votre projet. Pensez-vous qu’il fera plus de bien que de mal ? Le plus grand nombre. Au risque que certains le voient comme un affront à leur nature.

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De nouveau, Sambre accueille le discours d’Antoine Savoy avec un sourire calme et particulièrement attentif, ne voulant rien louper de son avis sur la question épineuse de l’éthique dont le potionniste avait une façon bien à lui de l’appliquer à son travail. De fait, il fallait qu’il ne loupe pas une miette de la façon de faire du directeur pour être en parfait accord avec son client.
Caméléon professionnel, il se rendait adaptable pour peu que le cadre soit posé avec précision. Ce que ne manquait pas de faire son interlocuteur aujourd’hui et cela convenait très bien au jeune homme.
Et cela avait l’air également de convenir à son tout nouveau et important client.

- Très bien alors, aux vues de votre discours. Je dirais…  Que vous êtes idéaliste et ambitieux.

Un coup d'œil amusé est lancé à Antoine Savoy pour voir s’il est en accord avec ce résumé. L’ambition serait cependant dure à nier, quand on était un homme important en politique.
Sous ses doigts, les pages défilent, et sur le haut de certaines on peut y lire un titre en lettres dorées, parfois partiellement effacé aux vues de l’âge de l’ouvrage, "Lycanthropie et malédictions courantes”.

- Sauf votre respect, il faudra, un jour, définir ce projet. Même si pour l’instant, nous pouvons le qualifier de recherches pour aider ceux qui se sont vu transformés sans consentement.

Attrapant le regard curieux du directeur sur son précieux livre, le jeune homme sourit et le lui tend avec prudence pour qu’il puisse s’y plonger s’il le souhaite.

- L’un des premiers ouvrages nous ayant enseigné la base de la potion tue-loup dans l’histoire des potions. Il est ancien mais plutôt avangardiste pour son époque. Il me semblait bien y avoir lu quelques pages sur la différence entre un né loup-garou et un mordu, notamment.

Le potionniste désigne le paragraphe du bout de son doigt bagué quand Monsieur Savoy prend finalement le livre entre ses mains.

- Il y décrit aussi des expériences atroces… Le consentement n’était pas sexy à cette période. D’où le fait qu’il ne soit plus commercialisé depuis plusieurs décennies. Mais les résultats obtenus sont assez incroyables. La différence entre le sang maudit de naissance et celui qui a été transformé. Potions et artéfacts pour bloquer la transformation à la pleine lune… Et d'autres joyeusetés. Les termes et les actes sont barbares mais… plutôt édifiants.

Croisant les bras, le jeune homme a les yeux brillants d’intérêt et de toute évidence, le sujet l’anime. Sambre souffle sur le ton de la confidence en désignant le livre ancien.

- De toute évidence, vous n’êtes pas le premier à avoir eu l’envie d’éradiquer cette malédiction. Mais peut-être le premier à faire preuve d’humanité et d’éthique, autant que ce projet nous le permettra.

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Un coup d'œil complice échangé avec le directeur, comme Sambre aurait pu partager avec un parent proche, à l’évocation du Choixpeau qui liait irrémédiablement les générations anglaises entre elles par leur passage sur ce petit tabouret en bois, à 11 ans. Et même s’il aurait bien aimé savoir dans quelle maison Antoine Savoy avait été envoyé, l’euphorie et le sérieux du projet dont ils parlaient fit oublier à Sambre sa question.
D’ailleurs, il oublie même de glisser que son client n’était pas si vieux au fond, bien qu’il ait probablement le double de l’âge du jeune potionniste. En temps normal il l’aurait fait, habitué à une douceur polie et avenante, mais là, le livre avait complètement accaparé son esprit.

Et ledit livre semblait également fasciner le directeur, sous le regard particulièrement fier de Sambre qui, les mains libres, avait croisé les bras sur sa poitrine en lui laissant tout le loisir de le feuilleter. Et la délicatesse dont l’homme faisait preuve ne lui faisait pas regretter de le lui avoir mis entre les mains.
L’air fasciné d’Antoine Savoy l’amuse et il lui répond avec cette même fierté dans la voix qu’il a dans son regard violine.

- Elles l’ont été mais vous êtes ici chez un Maître des Potions qui vénère chacun de ses ouvrages comme un dieu. Celui qui aurait tenté de les lui prendre aurait passé un très mauvais moment.

D’ailleurs, avec une pointe de gêne dans la voix, Sambre semble brièvement soucieux et souffle en choisissant ses mots.

- D’ailleurs, si vous pouviez éviter de… dire à quelqu’un que nous les possédons. Le Maître et nous, ses apprentis, apprécierons beaucoup.

Il l’avait montré au directeur de département parce qu’avec un tel projet, il était sûr que sa discrétion sur le sujet. Malgré tout, on ne pouvait savoir à l’avance si d’autres personnes seraient dans la confidence alors Sambre préfère prévenir plutôt que guérir.
Et il ne souhaitait pas jouer sa place, déjà privilégiée, au sein de l’atelier.

- C’est une source intarissable de tout ce qu’il ne faut pas faire. Mais en partant des résultats obtenus, nous pourrions prendre le problème à l’envers et développer des méthodes plus saines.

Toujours appuyé contre le meuble en bois, cette fois, Sambre joue avec un collier qu’il porte depuis peu, en forme d'œil égyptien, faisant rouler la pierre qui lui sert de prunelle dans un cercle d’or.

- Pour être tout à fait honnête avec vous… Toutes les méthodes de ce livre sont barbares. Barreaux de cage confectionnés dans un alliage particulier qui ont brûlé les pauvres bougres enfermés dedans sans les empêcher de se transformer, bijoux ensorcelés qui ont fini par les rendre fous à force de les porter. Bien que certaines pages semblent indiquer que cette méthode aurait eu quelques résultats erratiques. Il y a, dans le livre, une reproduction de gravure dans une langue que je ne connais pas… de l’ancien druidique peut-être ? Mais cette gravure se trouve dans le chapitre des moyens mis en place pour tenter de bloquer les transformations. Un sort peut-être ?
Je n’ai pas réalisé de tests, n’ayant jamais travaillé réellement avec des lycanthropes, autre que pour la potion que l’on connaît déjà… Et je n’avais jamais eu l’occasion de pousser mes recherches jusqu’à maintenant.

D’ailleurs, il n’avait jamais assisté à une véritable transformation, pour son plus grand ravissement.
Sambre a l’air d’hésiter. L’éthique du directeur, il l’avait sous-pesé sans vraiment pouvoir en deviner la force et la fiabilité.

- Mais j’ai quelques essais à mon actif… Pas sur les malédictions malheureusement mais plutôt sur comment interrompre la magie et la canaliser… par exemple la croissance d’une plante soumise à un sort de gigantisme.

Passant une main dans ses cheveux blonds, il préfère ne pas donner de faux espoirs à son aîné.

- Pour être transparent avec vous, ce n’est pas encore réellement efficace.

@feat  Antoine Savoy Les affaires florissantes !