Tu grimaces mais ne fais pas de remarques sur sa liste d’ennemis.
Après tout, Marian a longtemps été un gros détracteur de Silence.

Ta grimace s’approfondit lorsqu’elle t’appelle Marian puis se reprend.
Comme si elle considérait Marian comme une extension de Silence, un ajout, une partie incomplète.
Alors que tu t’obstines à penser l’inverse.
Impossible de savoir si le déni parle à ta place (c’est très probable).

Tu as raison. Tout ça était encore très abstrait pour moi il y a peu de temps.
Ça a commencé à devenir concret en janvier en fait. Quand tout a basculé. Tu te redresses dans ton siège, projette les informations au fur à mesure de tes phrases qui s’allongent.

Le journaliste timide s’est retiré. Il a décidé que la Gazette ne lui convenait pas, il a conscience d’avoir merdé et il a présenté ses excuses à la rédaction.
Une petite remontée de bile à cette pensée. Amy a insisté, “pour arrondir les angles”. Elle a écrit la majorité de la lettre et tu t’es contenté de l’envoyer mais c’était déjà trop pour toi. L’impression de t’écraser encore et encore ne te quitte pas.

Je continue à publier des articles dans des journaux sorciers indépendants. J’ai quitté la Gazette pour le Stupeshit mais j’ai fait attention à ne pas tout arrêter d’un coup. Je travaille encore beaucoup dans le monde moldu, en fait.

Beaucoup d’informations pas vraiment utiles que tu lances comme pour te défendre des pensées d’Acid, pour lui prouver que tu n’es pas totalement un nigaud idéaliste.

Silence n’est pour l’instant qu’un nom associé à un blog, blog qui collabore avec Stupeshit depuis avant janvier 2032

Tu as quand même un peu couvert tes traces. Sans doute pas assez, mais c’est toujours mieux que rien.

Silence n’a jamais eu vocation à prendre toute la place.

Silence est un bon exutoir mais définitivement pas la personne que tu veux être.
Enfin, tu n’as aucune idée de la personne que tu veux être.

Mais ça n’est pas Silence. En tout cas, pas uniquement.

Personne ne sait que je travaille au Stupeshit. Personne, sauf le Renifleur. Et maintenant Acid. C’est Silence qui y est entré comme rédacteur à plein temps. Les commissions et le travail pour les Moldus sont des choses difficilement quantifiables, ça peut simplement laisser penser que j’ai arrêté le journalisme.

Ça te permet plus de latitude sur la quantité de travail que tu fournis hors de Stupeshit, parce que le monde moldu marque une frontière nette, même si beaucoup de sorciers s’y intéressent de plus en plus. Ça te fait une protection de plus, ce flou artistique.
Je ne compte pas disparaître du jour au lendemain.
C’est une vérité que tu donnes sans concessions.

J’ai de plus en plus de mal à cacher ce que je pense réellement aux gens que je fréquente hors du travail. Certains sont de bons amis et je pense de plus en plus à être simplement franc.

Tu secoues la tête. Ce n’est pas le sujet. Tu ne comptes pas parler de Silence à quiconque avant un bout de temps, de toute façon. Voire ne jamais en parler, en fait.
Simplement cesser de mentir. Si ça fait un tri, tant mieux après tout.

Un schéma qui échoue une fois n’est pas destiné à échouer encore et encore.
Regard fixé dans ses yeux, tu assènes ta franchise.
Tu détestes le fatalisme et t’accroches à l’espoir (peut-être trop)
C’est le genre de pensées que tu ne peux pas tolérer pour toi.

Et toi alors ? Personne qui se doute de quoi que ce soit ?

Un sourcil haussé, tu es réellement interrogatif. Elle a beau te prodiguer ses conseils, elle n’est pas infaillible.
Pas que tu souhaites qu’elle soit découverte si ce n’est pas ce qu’elle veut.

Simple curiosité.  Et un fond d’agacement contre les donneurs de leçons, aussi.

Ton soupir se transforme en un sourire fatigué (et encore trop conciliant) (parce que même là où tu exprimes ton désaccord, tu t'écrases) :
 Laisse moi donc être idéaliste, Acid. Je sais que ça ne durera pas. Je veux simplement que ça reste le plus longtemps possible.

Elle y parvient bien, elle. Pourquoi pas toi ?

Sa façon de te materner t’agace un peu, sans que tu arrives à déterminer clairement si elle est persuadée que tu échoueras parce que tu n’es pas elle ou si simplement elle est persuadée que tout le monde échouera, elle y compris.
Ça n’est pas l’impression que tu as en tout cas.

Et sa confiance qui déborde t’arrache un grognement.
Elle réussirait donc, là où tu en serais incapable ?

Pourquoi ?
T’es trop idéaliste Marian, sans doute.
T’as encore trop d’espoir, malgré tout ce que tu dis.

 Tu es peut-être plus âgée et expérimentée que moi mais je ne suis pas un chiot vulnérable.

Tu t’es laissé marcher dessus trop longtemps, toujours avec l’envie, le besoin qu’on t’accepte.
Si on t’acceptait comme paillasson, au moins on t’acceptait.
Et tu t’en es contenté pendant longtemps.

Mais c’est fini tout ça (tu veux y croire)
Maintenant, tu sors un peu les griffes (que tu penses).
Pas trop encore, mais ça viendra (sans doute).
(T’es idéaliste, encore une fois)

Tu fais des fleurs aux gens en pensant leur cracher à la gueule.
La gentillesse maladive du paillasson te colle à la peau et t’as beau gratter, elle s’accroche.

 Arrête de partir du principe que je vais me faire avoir et que j’aurai des ennuis.
Pause puis tu achèves avec une sorte de grimace : On en aura tous de toute façon.

Tu acceptes ses presques-excuses d’un hochement de tête, ton visage que tu tentes de garder de marbre. Enfin, les compliments voilés (qui n’en sont pas mais que tu prends comme tels), attaquent un peu l’expression neutre.

Toujours le chiot désireux de plaire qui revient.
(Que ça t’énerve)

L’idéalisme c’est comme une béquille.
Tu souris toi même de ta métaphore douteuse, mais pas vraiment de joie.
Un jour je vais marcher sans et ça va me faire tout drôle.
La douceur s’efface (un peu). La voilà qui te materne à nouveau. T’ignores si tu as tant l’air en détresse que ça (tu n’espères pas) ou si c’est simplement sa manière de faire attention aux autres.
Tu pourrais le tolérer (avec modération).

Je sais que c’est épuisant. Tu n’es pas la seule à avoir souffert.

Ta famille t’a toujours accepté tel que tu étais, c’est certain.
Mais tes “pairs”…
Tu trouves ce mot terriblement inapproprié en fait. Car ils n’ont rien de pair pour toi ! Impair à la limite.
Et encore.

Tu portes ta tasse à tes lèvres pour chasser l’amertume de la rancune qui poisse ta bouche, réalise qu’elle est vide alors tu te ressers en l’écoutant. La théière reposée, un peu de sérénité retrouvée, tu reprends ta baguette pour projeter :
Je suppose que tu t’en sortiras très bien toute seule. Mais si je peux faire quelque chose pour toi, fais moi signe.

T'es un peu gêné de proposer ça, t'as peur qu'elle te regarde avec un air condescendant (encore), l'air de penser que tu es vraiment trop naïf. Mais malgré tout, c'était important pour toi de le dire.
Et ce n’est pas de l’idéalisme là.
De la solidarité, plutôt.
Parce que si vous ne vous serrez pas les coudes, personne ne vous tendra la main.

J’ai passé les 11 premières années de ma vie dans un endroit qui se rapproche le plus du “paradis” sur terre. Pas de jugements, que de la bienveillance honnête. Quand j’ai reçu la lettre, j’ai cru que ça serait pareil. Que ça changerait rien. Un rire amer t’échappe quand tu continues, tes doigts qui se crispent sur la tasse vide : J’avais même pas conscience que ma façon d’oraliser était bizarre ou un problème. J’avais jamais été moqué pour ça. Si j’avais du mal, un autre m’aidait. J’étais sacrément naïf mais je veux pas perdre ça, cet espoir que mon enfance n’ait pas été qu’un rêve isolé. Je veux croire que les gens sont bons.

T’as déballé beaucoup de trucs d’un coup mais c’est pas mal en soit. T’en a jamais fait un énorme secret ou un tabou. T’en parlais pas parce que personne te le demandait. Mais au final, cette absence de mots (ce silence) ça a fait devenir tout ça exactement ce que ça n’était pas pour toi : un sujet interdit.

Grimace agacée et réponse résolue lorsqu’elle minimise :
Tout le monde souffre. Hiérarchiser les douleurs ne mène à rien de bon.

Son air apitoyé t’agace. Tu n’es pas en sucre. T’as souffert, mais tout le monde souffre. Quoiqu’elle en dise. Tu sais rien de “ma souffrance”. C’est pas important. Ce n’est pas elle (que tu crois) qui a fait de moi qui je suis

Car ça n’a jamais été bien sérieux, pas vrai ?
Ils ne t’ont pas écorché à vif. Non, du tout. T’as  pas tant souffert que ça !
(que le déni est douillet…)

Tu lâches ta tasse qui s’écrase sur la table (elle n’était pas bien haute mais ça fait un peu de bruit). Refuse-t-elle vraiment ton aide pour te “protéger” ? C’est ridicule !
Combien de fois vais-je te dire de ne pas me ménager ? Je suis un adulte assez responsable pour savoir ce que je peux proposer ou pas.

T’en a assez d’être mis à l’écart à cause de ta “faiblesse”.
Tu n’es pas faible.

Je me fous du danger. Je suis déjà en danger en m’exprimant comme je le fais. C’est pas en me terrant dans mon trou et en laissant mes alliés dans leur merde qu’on va avancer.

Allié, hein ?
Est-ce que vous êtes vraiment alliés ? T’avais pas de meilleur mot mais il est peut-être mal choisi. Trop bisounours peut-être, ou trop idéaliste (encore).

T’ignores comment Acid te considère, au final. Peut-être que t’es qu’un poids.

Certains sont bons, c’est pas suffisant.
Tu devrais t’en contenter pourtant. Ça serait raisonnable.
T’en as marre d’être raisonnable.

Et tu marinais très bien dans ton jus de déni.

Très bien.
Gros mensonge, la situation est tout sauf “très bien”. Tu te redresses, reprends ta veste, toujours un air crispé, lève tes mains :

J’arrête. On a de toute évidence rien de plus à se dire.
T’as beau forcer, tu te fais repousser. T'ignore tous ses arguments rationnels, toi tu ne vois que tes "défauts". Au final, t’es pas assez bien (une petite voix te chuchote que ce n’est pas la question mais ta frustration hurle trop fort pour que tu l’entendes).

La veste sur le dos, ton sac d’ingrédients de nouveau à ta taille, t’es prêt à partir. T’essayes d’ignorer les regrets, les “et si”, tout le reste.
Ton foutu espoir.
Cet idéalisme empoisonné.  

Ça m’a fait plaisir de te voir, Acid. (pas Moira.) Sincèrement.

T’es peut-être sincère mais une fois de plus, tu veux arrondir les angles. Tu pourrais te barrer en claquant la porte mais tu le fais pas, tu fais toujours le gentil malgré tout.
Est-ce que ça t’étonnes encore ?

Malgré tout, tu as envie de continuer à collaborer avec Acid. T'ignores si elle voudra encore. Tu verras plus tard (sans doute). Si elle te recontacte.
(Tu pourrais aussi, mais t'aurais l'impression de revenir la queue entre les jambes mendier des miettes, alors tu t’abstiendras, même si t'en crèves d'envie)

Descendu de votre perchoir isolé, tu passes au comptoir régler, fronce les sourcils lorsque tu vois qu’Acid a en fait payé depuis le départ.
De quoi bien conclure la journée.
Tu t’en fous en soit de qui paye. Mais ça te donne simplement l’impression d’être un gamin paumé pas à sa place.
Et ça, t’en as vraiment ras-le-bol.