Mnemosyne bondait les allées de son ardeur - soulignait les bordures des ruelles de son insolence lorsqu’elle offrait à certains le regard néfaste, pupilles aux rondeurs empoisonnées et pourtant elle s’y plaît bien à contempler ceux qui la haïssent un peu plus que ceux qui l’aiment. Elle n’a plus nécessité de rugir depuis fort longtemps, car tout le monde connaît l’or dans lequel elle a été forgé et personne n’a jamais remis en question l’état de cet or pur, de ce sang absolu qui court dans ses veines.
Il était gratifiant de se sentir éblouie entourée de tout ce qui était bien moins pur qu’elle - mais à force, il était un peu lassant. Mépriser tout et tout le monde était divertissant certes, mais avec le temps ils n’avaient plus ce mordant qu’elle recherchait, un mordant qu’elle était persuadée de retrouver ailleurs.

Un mordant qui, à vrai dire ; était bien plus déchirant qu’elle ne le songeait. Mais ça importait peu, elle avait besoin d’imprégner sa vue de cette chevelure d’or qui lui rappelait la sienne, en sommes - elle avait besoin d’admirer la délicatesse d’une oeuvre qui était bien autre qu’elle. Elle avait pourtant masqué ce besoin derrière un questionnement sans fin - la nécessité brute de savoir ce que les plus belles des femmes cachent réellement. Simplement les admirer était suffisant pourtant, et leur compagnie (même la plus bête) ne faisait que la combler davantage. Elle ne se tordait réellement qu’aux immondices écaillées, ou bien même celles trop grandes ou trop petites, terreurs dessinées ayant pris vie.
Les dames restaient ravissantes dans leur féminité exacerbée et Mnemosyne était douée pour faire tressaillir la sienne, comme elle était douée pour se faire entendre et comprendre. Comme habituellement, elle fera en sorte que cela soit également le cas aujourd’hui. Aux portes du cabinet, elle n’est pas encore présente mais Mnemosyne se souvient de cette silhouette qu’elle a trop souvent rencontrée - au point qu’elle l’obsédait parfois de part son absence, c’était si troublant mais pas moins agréable.
Visage droit et allure directe, ses pas l’emmènent tout droit là où elle le désire ; et ça a toujours été ainsi, ça le sera sans doute toujours. À moins qu’on lui coupe les pattes - elle rampera quand même. Quand la porte s’ouvre c’est elle qu’on accueille, elle qui se présente éclatante de lumière sans même que les orbes ne se portent sur ces parrures dont elle ne se lasse jamais.

— Oh ! À la bonne heure, à ce que je vois. De son regard qui contemple sa présence seule ; elle aurait été fermement contrariée de devoir être accompagnée et était de ce fait bienheureuse de n’avoir personne d’autre à supporter. J’espère que ma visite surprise ne vous importune pas dans votre travail. Délicate, se présente d’un sourire lentement dessiné. Il était évident qu’elle ne l’avait perçue que de loin et jamais d’assez près, jamais d’assez prêt pour pleinement savoir sur quel pied danser avec elle, alors elle choisira de toute évidence celui sur lequel elle est le plus à l’aise.

Douceur délicieuse dont elle fait preuve alors que Mnemosyne supposait tomber sur une fleur vénéneuse - elle s’en serait volontiers laissé contaminée si simplement lui restait-il un peu de bon sens. Elle se jetait alors instantanément dans cet Éden qu’on lui offrait, bien qu’elle n’en contempla qu’un revers ; l’autre dissimulé sous la chair bien loin peut-être de ce qu’elle imaginait.
Mnemosyne le pas peu précipité, simplement aisé quand elle trouve logement dans un siège qu’elle lui présente. Ravissante dans son élégance c’est à s’en demander pourquoi n’ont-elles jamais été pleinement présentées ; si ça devrait la rendre méfiante, ça l’enjolivait d’une courbe curieuse. Si elle était ici dans l’unique de suspendre quelques questionnements, elle comprit bien vite que les évènements différeraient.
Si vite lorsqu’elle prit place à ses côtés, car il était peu coutume d’avoir cette audace, celle de se prétendre suffisante pour être à ses côtés. Et Mnemosyne avait apprécié cette témérité ; comme elle avait apprécié les symphonies de sa voix quand elle l’évoquait.

— Vous pensiez à moi, et je n’ai pas cessé de penser à vous. Délicate qu’elle fleurit ses compliments d’une honnêteté déconcertante. Car elle n’est pas du genre à se suspendre en faux-semblants, et ses orbes ne se cachent pas à toute l’admiration qu’elles lui vouent à cet instant. Épousant les formes de son visage jusqu’aux fils dorées de sa chevelure, ce n’est que lorsque sa main ornée décèle une enveloppe pour l’extraire que Mnemosyne tique. Il était peu coutume sûrement, d’inviter une Lestrange à son mariage en main propres, mais les Greengrass avaient toujours été plutôt surprenants.
Peut-être se trompait-elle, et elle hésitait sur quelle corde s’amuser ; et quand ce sont ses mains qui effleurent les siennes, Mnemosyne est bien loin de se douter du parchemin qu’elle s’apprête à découvrir.

— Madame la détective a-t’elle donc trouvé de quoi me passer les menottes ? Rire qui éclate - délicat dans sa contenance et pourtant elle se doute bien Mnemosyne qu’il n’est sans doute question d’aucune affaire dans laquelle elle serait inculpée. Le tout n’aurait sans doute pas été si calme - et ses doigts ornés glissent sur le papier dont la lettre est enveloppée ; fermement rattachée à cette valeur papier déjà quand le monde lui-même s’éprenait des technologies moldues. Je vous prie, excusez mon manque de tenue. Si vous n’y voyez aucun inconvénient.. Qu’elle suspend alors qu’adroitement ses doigts défont l’enveloppe pour en dévoiler son contenu.
Et alors qu’elle sort le papier, les orbes défilent aussitôt sur l’écriture - plaisante dans sa forme la plume légère, pourtant ce qu’elle lit et un poids ferme ; pas moins agréable, simplement surprenant. Et ce n’est pas n’importe quel nom qui s’assigne à celui de la Greengrass - c’est le sien, adroitement écrit.

— Oh. C’est aux abords, la seule chose qui lui vient à l’esprit. Mi-surprise, mi-comblée - elle ne saurait dire pourtant quel sentiment calme la récente colère qui a profané son coeur. Si le mariage de Clovis en était sans doute une cause majeure - elle lui avait rappelée une fervente valeur à laquelle ils s’étaient accrochés plus jeunes. Celle d’être libre ; et Mnemosyne savait qu’elle n’avait plus sa place désormais. Mais qu’est-ce que cela signifiait pour elles alors - et qu’est-ce que cela signifiait de toute évidence pour leur sang ?
Parce que la famille avait toujours plus compté que n’importe quoi en réalité - parce que déjà depuis la naissance elle était née (n’étaient-elles pas toutes les deux nées pour cela) ; simplement pour perpétuer les Lestrange, pour assurer que son sang demeurerait pur.
Et jusqu’à maintenant, il l’était. Il l’aurait été de toute évidence - mais baignée dans les valeurs qu’on lui a enseigné Mnemosyne ne peut définitivement pas faire l’impasse sur le reste. Mme Greengrass, vous savez bien ce que cela signifie, n’est-ce-pas ? Si son ton est droit, elle est persuadée Mnemosyne qu’elle ne manquera pas de discerner ce qui émerge dans son regard. C’est bien loin d’être de la cruauté ; mais plutôt une réalité dure qui l’a conformée dans ce qu’elle devait être depuis fort longtemps.
Et elle était persuadée que Moira elle-même, avait été déjà baignée dans cette réalité depuis fort longtemps, alors pourquoi ? Jusqu’à maintenant, elle avait pourtant réussi à s’en défaire.

Mnemosyne le regard qui ne quitte pas la jeune femme, comme la découvrant réellement. Regard profond qui dans son silence caresse beaucoup de pensées, comme le mariage récent de Clovis. C’est lui le chef de famille ; le premier sans doute duquel elle percevra les enfants, des Lestrange. Son frère, cette personne qu’elle aimait et chérissait et qu’elle ne décevrait pour rien au monde, car seul son sang importait, celui des Lestrange. Tant qu’il était pur, sans horreur ; tant qu’il restait tel quel.
Moira était une plume gracieuse toujours perçue de loin, jamais réellement confrontée. Comme le reste des femmes qu’elle avait longtemps de loin observées, elle restait un mystère à elle seule. Et Mnemosyne maudissait cette curiosité de l’avoir amenée ici car elle l’a menait à un questionnement plus terrible encore, derrière laquelle était dissimulée une plus grande raison encore.
Alors elle a du mal, pour cette fois à clairement le lui répondre ; quand elle fleurit de teintes coquelicot et avoue perdre ses mots, puis quand elle s’explique ensuite. Mnemosyne jamais réellement penchée sur les mariages de cette sorte, parce qu’on lui avait inculqué que comme les autres elle assurerait une descendance, des enfants. La vérité en était toute autre ; elle ne l’intéressait pas même, rien qu’un peu. Avoir des enfants signifiait aller dans un sens façonné pour elle, là où elle avait toujours avancé d’elle-même. Avoir des enfants signifiait devenir une mère, et elle exécrait les enfants, comme elle exécrait le fait de se sentir faner lentement.

— En effet, et je le conçois vous savez. Nous perdurerons, dans tous les cas.. Là n’était pas réellement la question. Et Mnemosyne de façon presque juvénile ou stupide - songea de nouveau à cette promesse faite par son frère. C’était probablement stupide d’y penser, parce qu’il ne voulait pas qu’elle finisse comme lui. Peut-être pouvait-elle avancer de son plein gré alors. La suite de ses mots est pourtant si délicate et agréable aux oreilles - plus que Mnemosyne n’aurait pensé. Je n’ai de cesse de me demander pourquoi vous être dirigée vers moi, et pourquoi avoir tant pris de risques dans ce choix ? Qu’elle laisse entendre, alors qu’elle borde la lettre de ses doigts - doucereusement. Il est loin d’être amer son questionnement, mais elle veut s’assurer de tout comprendre, car rien n’est pire que de laisser sous silence quelques questionnements.

— Je n’irais pas contre la mention de mes penchants que vous avez mentionné, parce que je n’éprouve pas de désir à m’unir avec un homme. Parce qu’elle n’a toujours eu que des obsessions pour certaines simplement platoniques envers les femmes ; que les hommes n’ont jamais suscité son intérêt et qu’elle est persuadé que cela ne sera jamais le cas. En réalité, je songeais que cette décision reviendrait de droit à mon frère aîné, Clovis. Je me dois d’être droite pour la prospérité de mon sang, je pense que vous comprenez mon interrogation ; nous partageons toutes deux un sang pur et n’est-il pas de notre devoir de nous assurer qu’il le reste ? Interrogation réelle, toute façonnée depuis des années dans son esprit. Tel qu’on le lui a toujours présenté, sans jamais prendre en compte que peut-être un jour, elle ressentirait le besoin de diriger un empire - le sien. Où elle en serait la reine. Pas simplement un ornement ; mais une pièce maîtresse.

Elle aborde une sureté certaine dans ses mots, une sureté qu’elle ne peut nier Mnemosyne - tant elle la trouve élégante dans sa témérité. Fidèle même à sa demande, qu’elle ne perd le fil que lorsqu’il est question de la regarder droit dans les yeux. Elle se demande, assurément ; s’il convenait de suivre cette propre route qu’elle tracerait (qu’elles traceraient) ou s’il convenait mieux de tisser la sienne, une qui lui était propre. C’était ce chemin de vie dont elle avait rêvé depuis toute petite déjà - déjà qu’elle voulait s’ériger et peut-être pouvoir constater du plus haut siège possible le monde à ses pieds. Peut-être l’avait-on trouvé trop ambitieuse ; peut-être trop arrogante mais elle n’avait cessé de se forger pour se complaire dans ce rôle, ça n’était pas pour se laisser marcher dessus désormais.

— Je vous en prie, vous allez finir par me faire rougir.. Qu’ils soient simplement pour la flatter ou bien plus sincères qu’elle ne le pensait, Mnemosyne ne pouvait s’empêcher de fleurir de l’intérieur. L’idée qu’on puisse l’apprécier autant que le contraire lui avait toujours semblé évidente, mais désormais qu’on le lui présentait, elle en était un peu chamboulée. À ce que je vois vous avez l’amour du risque, et il faut être d’une force presque inée pour agir comme vous le faites.. Ricanement ; mais compliment sincère avant tout. Elle n’aurait sans doute jamais pensé se retrouver ici et encore moins pour cette raison. Vous êtes pleine de surprises. Et qu’elle songe à la suite de ses mots - était-ce vraiment ce dont elle avait toujours rêvé finalement, en dehors du fait qu’elle portait une valeur trop grande à la famille et à la légitimité de son sang ? Se voyait-elle même mère, vieillissante presque, simplement pour perpétuer cette lignée maudite ? Et encore moins au bras d’un homme - cette simple idée lui suffit de grimacer, alors qu’elle effleurait son menton du bout des doigts, admirant de temps à autres cette enveloppe délicatement posée sur ses cuisses.

— Vous n’avez pas complètement tort. Nous rêvons d’un héritage mais est-ce vraiment ce à quoi nous tenons ? Je ne perdrai jamais le mien, il est perpétuellement avec moi. Le vôtre aussi. L’héritage n’est pas qu’un petit être formé d’une union - Mnemosyne elle, reste fermement accroché au sien ; c’est ce qu’elle est, c’est son essence. Mais son désir et le désir de la communauté sang-pur est bien différent, et elle ne saura ce qu’elle risque de créer de la sorte.
Remettre cette demande à Clovis était peut-être une solution de facilité - la réalité était qu’elle rêvait ne dépendre que d’elle-même, elle aurait rêvé diriger d’une main de fer.

— Comme je vous l’ai énoncé plus tôt, vous êtes bien loin du compte. Sourire rassurant tissé comme il n’en apparaît toujours que très peu sur ses lèvres. Vous avez eu une certaine aisance à vous affirmer devant moi, c’est louable et je doute qu’un autre aurait pu vous tenir tête à ce sujet. Je ne crains devoir vous diriger vers mon frère cependant, car je ne saurais accepté sans qu’il ne me l’affirme bien avant moi-même. Du moins, c’était toujours comme ça que ça avait fonctionné chez eux - en tout cas, cela lui semblait légitime. Mais si Clovis se tournait vers elle à cette demande ; elle ne saurait que lui dire qu’elle s’évertuerait de tracer un chemin qui lui serait propre, après tout qui désormais pouvait bien le lui refuser ?