La tête baissée, tu fonces tout droit à travers la foule. Tu sors de l’apothicaire, ton sac rempli d’ingrédients bat contre ta hanche au rythme de ta marche soutenue.

T’esquive la plupart des gens (ou peut-être qu’eux se décalent, t’en sais rien).
T’arrives à peu près au niveau de la ruelle des locaux de la Gazette. Les dents serrées, tu baisses encore plus la tête, tu fixes juste le bout de tes pieds. T’as pas envie d’y penser. Juste de dépasser cet endroit que tu exècres. Cet endroit où tu as bien trop de souvenirs négatifs et vraiment trop peu de souvenirs positifs. Il y en a bien sûr. Tes échanges avec Anastase. Ta rencontre avec Marion. Les pauses avec Cillian.

Accélère encore le pas.

Tu veux juste te barrer de cet endroit maudit.
T’as une emplette à faire encore, des comprimés pour ta chouette (elle se fait vraiment vieille et tu soupçonnes des douleurs articulaires). T’entres comme un ouragan dans la boutique, attrape la boite, paie sans dire un mot (comme d’habitude) ni un sourire (pas comme d’habitude).

C’est fou ce que ça te fait comme effet, de revoir cet endroit.

Tu regardes plus trop où tu mets les pieds, dissipé comme tu es. Alors sans y prendre garde, tu rentres dans quelqu’un. Tu relèves la tête, fourrage dans les poches de ta veste pour y trouver ce que tu cherches : le petit bout de papier où t’as écrit désolé (c’est souvent plus simple qu’un sort, et obligatoire dans le monde moldu).

L’air toujours ailleurs, tu reprends ta route mais tu es rapidement stoppé par une exclamation qui te fait complètement perdre tes moyens.

Silence.
Elle t’a appelé  S i l e n c e  ?

Tête retournée à toute vitesse, le monde parait disparaitre autour. Il n’y a plus que la femme que tu as bousculée puis t’as interpellée et toi.

La femme te sourit. Et dit ton prénom. (et t’invite à boire un café)

Les deux dans la même phrase.

Ton prénom. Et Silence.


Tu comprends pas comment c’est possible ! Tu la connais pas elle.

Et personne n’a ne serait-ce qu’une vague idée d’à quoi ressemble Silence.

Personne sauf…

— Acid ?

Ça te brûle, de parler à voix haute dans un lieu magique. C’est pas arrivé depuis dix ans. Mais la terre ne s’arrête pas de tourner, personne ne s’arrête.

Et tu restes là, avec ta question suspendue.
Et puis lentement, tout monte au cerveau.

Un café. Oui, elle t’invite à boire un café.
Alors tu sors de ta sidération (au moins suffisamment pour pouvoir lui répondre, même si c'est le premier truc qui te passe par la tête et certainement pas celui que tu aurais voulu savoir plus que tout. C'est déjà un début) :
— Seulement si tu me donnes ton prénom.

Parce qu’aussi certain que tu ne t’appelles pas Silence, elle ne s’appelle certainement pas Acid.
Et si elle avait tenté un coup de poker, elle n’a plus de doutes maintenant. Parce que ta diction est particulièrement affreuse aujourd’hui. Le stress sans doute. (tu parles dans un lieu magique, comme tu t’es promis de ne jamais faire à nouveau.)

Mais ton refus n’est que pour la forme car dans ton esprit, tu es déjà attablé avec elle à une table. Et puis après la sidération, ta curiosité habituelle reprend le dessus.

Tu as tellement de questions à lui poser !
Comment connaît-elle ton prénom ? Est-ce qu’elle a enquêté sur toi ? L’idée même te parait bizarre et te flatte en même temps. T’imagines un instant si elle avait parlé de toi pendant une de vos entrevues… sans savoir que c’était toi (ou peut-être qu’elle le savait, en fait).
Depuis quand le sait-elle ? Qu’est ce qu’elle sait sur toi ?

La panique revient (un peu). Parce que t’as envie de faire confiance à Acid. Tu es probablement pas en position de faire autrement, c’est vrai. Mais l’envie reste. Elle ne t’a jamais donné de raisons de douter d’elle ou de sa fiabilité. Au contraire !

Un sourcil circonspect haussé à la mention du nom de famille, mais tu lui sers la main aussi. Grimace ravalée, ton esprit rationnel essaye de te persuader que si elle avait voulu te balancer, elle l’aurait fait depuis longtemps. T’es bien placé pour savoir que les apparences sont trompeuses.
Alors tu ravales le jugement injustifié qui monte et déclare simplement :
— Tu es pleine de surprises, Moira.

Pas le prénom le plus simple à prononcer. Tu préfères Acid, en fait. En terme de prononciation. D’un point de vue personnel, tu n’as pas tranché. Tu t’en fiches au final.

Et c’est vraiment très étrange de parler à Acid sans que ça soit vraiment elle. Enfin. Ça te parait évident que c’est elle à visage découvert. Mais elle reste différente. Et tu es incapable de décrire cette sensation clairement.
C’est aussi très étrange de parler à voix haute. Pas pour elle sans doute. Mais toi…

Ton après-midi rasoir prend une toute autre tournure.

Elle te domine de vingt bons centimètres. Tu sais que tu n’es pas franchement immense mais vingt centimètres, c’est pas mal.
Ça te fait te sentir encore plus minuscule. Ignorant.  

Parce qu’elle en sait beaucoup plus que ce qu’elle te dévoile là, c’est certain.
Elle s’éloigne, certaine que tu vas la suivre. Elle a bien raison, d’ailleurs, parce que tu lui emboite le pas quasi aussitôt. Elle a l’air de savoir où elle va, tu suis, accélère pour te mettre à sa hauteur. Histoire d’équilibrer le rapport de force.

Elle pousse la porte, tu la suis. Elle parait tout à son aise dans cet endroit et elle salue un serveur puis monte à l’étage sans attendre davantage. Alors à sa suite tu t’installes dans une petite pièce un peu en retrait du reste de la salle. Le lieu n’est par ailleurs pas excessivement bondé mais ne manque pas de clients.

Ta veste déposée sur un dossier - tu as beaucoup de choses à lui demander, tu risques de rester longtemps - tu prends une inspiration et l’interroge en chuchotant presque (l’idée de parler dans un lieu silencieux te perturbe bien plus que ça ne devrait).

— Comment tu as su ?

C’est une question très vague, qu’elle peut intérpréter de beaucoup de façons différentes. Mais ça tombe bien parce que toutes les réponses qu’elle pourra te donner t’intéressent. Et tu reposeras les questions pour obtenir les réponses manquantes.
Comment a-t-elle su que Silence et Marian Storm étaient la même personne (celle-ci t’inquiète particulièrement) ? Comment a-t-elle connu Marian Storm ? Comment a-t-elle réussi à t’interpeller dans cette foule ?

Tu notes la tablette. Le genre d’endroit que beaucoup de sorciers peu à l’aise avec la technologie fuiraient. Est-ce qu’elle t’emmène ici pour te prouver sa bonne foi ? Pour te montrer qu’elle n’est pas comme les autres ?

Tu détestes être aussi ignorant.

Pour être sûr, tu vérifies à ton tour avec un informulé rapide si un sortilège de silence est déjà en place (c’est le cas).
Lorsqu’elle mentionne parler ou écrire, t’as ce besoin de lui montrer ton vrai mode d’expression. C’est sans doute bête mais tu veux lui montrer que tu es pas sans défense (complètement stupide étant donné qu’elle n’a jamais sous-entendu une telle chose).
Dans le monde sorcier, je préfère utiliser ce sort plutôt que d’écrire.

Le silence te rassure un peu. Ça, tu contrôle. C’est bien la seule chose que tu maîtrises d’ailleurs.
Tes mots s’affichent sur la serviette blanche entre vous deux. Tu te sens plus vulnérable que tu ne l’as jamais été. Et tu détestes ça.

Et merci, mais je peux me payer mon café tout seul.

Acculé, tu pourrais mordre, Marian.
Exactement comme un toutou effrayé.

Mais tu as pas envie d’être aimable. Parce que tu balances entre la peur panique et la curiosité dévorante. Encore quelque chose que tu détestes. Ça commence à faire vraiment beaucoup.

Alors tu regardes rapidement la tablette et arrêtes ton choix sur un thé à la menthe. Simple et efficace.
Et tu lui fais glisser la tablette vers elle à nouveau tandis qu’elle te déroule ses explications.

Un papier hm ? T’es pas du genre à juger les savoirs étonnants (après tout, t’en a tout un carnet) mais ça te parait vraiment gros. Donc elle aurait retenu ta calligraphie puis l’aurait comparée instantanément à ce bout de papier que tu gardes sur toi ?

Je sais que la confiance se mérite. Mais je pense avoir fait assez pour mériter la tienne.

Parce que c’est trop léger, comme argumentaire.
C’est probablement quelque chose qui l’a aidée, peut-être ce qui a provoqué le déclic. Tu ne remettras pas ça en question.
Mais ça ne peut pas être la seule explication.

La suite ne t’étonne pas plus que ça. Enfin, bien sûr que tu aurais voulu que personne n’y pense. Parce que personne (sauf Acid) ne pouvait savoir que Silence parlait si peu.
Et Acid (ou Moira, peu importe) est justement très douée pour déterrer tout un tas de secrets sur les gens.
T’as été soit sacrément stupide soit sacrément arrogant de penser que tu passerais entre les mailles du filet.
Enfin, tu supposais qu’elle n’enquêterait pas sur l’identité réelle de Silence (ça paraissait la moindre des choses). Mais tu n’aurais pas pensé qu’elle enquêterait sur toi… enfin sur Marian.
Ça devient compliqué d’être clair.

Elle voit tout à fait clair dans ton stratagème (minable) de votre dernière rencontre. Tu ne devrais pas être étonné (tu l’es tout de même un peu).

J’ai été naïf de penser que tes capacités de déduction m’éviteraient miraculeusement.

En fait, tu t’es mis dans une position délicate. Incapable de choisir. Tu t’es dit que tu te débrouillerais bien comme ça, que personne ne pourrait remonter à toi, parce que personne ne connaissait Silence. Personne ne savait que Silence portait plutôt bien son nom, que ça n’était pas simplement pour dénoncer le silence des institutions.

Tu te sens bête.

Ta tête droite, tu la fixes droit dans les yeux. Tes mots s’affichent juste devant elle, tu ne les regarde pas eux (tu sais bien comment marche ce sortilège, depuis le temps).
Tu as beau lui avoir déjà parlé, ça ne veut pas dire que tu le referas de sitôt. Ou que tu le referas tout court.
Parler n’est pas une finalité absolue, un objectif à atteindre envers et contre tout.

Plutôt l’inverse en fait.

Merci de ton honnêteté.
Sur ce point, du moins. Parce que le reste… Eh bien, tu ne vas pas remercier Acid pour quelque chose qu’elle n’a pas fait.

N’essaye pas de noyer le poisson en me faisant des compliments.
Parce que ça ne prend pas. C’est peut-être un des avantages d’être si gêné dès qu’on trouve quelque chose de positif dans ton travail ou ta personne. Pas que tu manques de confiance en toi (ça varie, comme tout le monde). Tu estimes simplement être dans la moyenne, ni plus nul ni meilleur qu’un autre.
Tu ne cherches ni la reconnaissance ni la flatterie.
Alors les compliments à outrance, forcément ça ne passe pas.

Je ne suis pas un enfant que tu dois dorloter. Je me fiche complètement de ton "statut de sang". Ce n'est pas ce qui définit une personne.
Tu n’es ni un enfant, ni un être faible à protéger.
Et à moins qu’elle soit legilimens (tu n’espères pas) (ça expliquerait des choses, ceci dit), tu ne vois pas comment elle a pu savoir tout ça. Ce qui te rend encore plus inquiet, du coup.

Les moyens illégaux ne t’effraient pas en eux-mêmes (si c’est bien de ça qu’il s’agit). Non, ce qui t’effraie vraiment, c’est la façon dont les informations se sont retrouvées accessibles.
Parce que tu fais vraiment tout ton possible pour garder ça sous contrôle.

Garde tes secrets si tu y tiens. Mais tu perdras ma confiance (si elle a une quelconque importance pour toi).
Comment faire confiance à quelqu’un qui assume ouvertement vous cacher des choses ?
Tu n’es pas certain que dissimuler sous le manteau soit beaucoup mieux.
Acid (ou Moira) peut se jouer de toi à tout moment. Elle a deux avantages certains : ce qu’elle te cache et le fait qu’elle te le cache. Parce que tu es incapable d’adapter tes réactions sans le savoir.

Un maigre sourire se dessine sur tes lèvres (il est surtout là pour faire bonne figure, tu n’es à vrai dire pas réellement amusé).
Nous étions destinés à travailler ensemble alors.

Tu roules des yeux lorsqu’elle se justifie. Peur de te blesser ? De te vexer ?
Tu n’es pas en sucre.

Je me fiche de ce que les gens pensent de ma façon de m’exprimer.
C’est un mensonge, bien sûr, mais tu te dis que si tu y crois suffisamment fort, il deviendra réalité. Comme à ton anniversaire lorsque tu souffles tes bougies et penses à un vœu.

Tu retiens une raillerie lorsqu’elle t’autorise (quelle magnanimité !) à lui poser tes questions.
Les non-dits t’agacent de plus en plus.

Pourquoi tu fais tout ça ? Les Sangs-Purs ne sont-ils pas censés se satisfaire de leurs privilèges et vivre leur vie au Ministère ? Faire de la politique ? Éventuellement s’assassiner entre eux. Mais ils ne cherchent pas à déterrer la vérité. En fait, je crois que ça les arrange si elle reste enfouie bien profond.
Ta langue (métaphorique) se délie lorsque tu viens à aborder tes vrais questionnements. Et une pique s’y glisse au milieu.

Qu’est-ce qui t’a mis sur la piste au début ? Précisément je veux dire.
Preuve que tu te fiches de ta façon de t’exprimer.
Tu veux simplement savoir. Pour éviter que ça se reproduise. Parce que tu n’es pas vraiment Silence, à visage découvert. Mais tu n’es pas réellement Marian non plus.

Sa main sur ton genou te tend un peu, alors tu l’écartes. Tu n’es pas trop fan de contacts physiques. Surtout dans une situation comme celle-là. On dirait presque qu’elle te materne.
Tu as déjà une mère si besoin. Et là tu t’en sors très bien seul.
Pas besoin d’une deuxième. Ou encore pire, d'une nounou !

Tellement insaisissable que je lui ai rentré dedans.
Trait d’humour bourru. Tu ne comprends pas vraiment comment on peut accorder tellement d’importance à un nom de famille.
Peut-être que tu le saurais si tu étais concerné ceci-dit.
Mais tu ne l’es pas. Alors tu te permets un petit jugement de valeur.

J’ai toujours été méfiant.

Tu rétorques avec un brin de mauvaise foi. C’est vrai, peut-être qu’apprendre qu’Acid était l’une de celles que vous combattiez ensemble t’as rendu plus méfiant envers elle.
Mais tu étais bien conscient dès le départ que votre collaboration avait des limites et des zones d’ombres (dont celle assez évidente de vos identités respectives).
Alors au final, cette révélation, c’est éclairer un point où tu aurais pu te méfier pour le remplacer par une autre raison de te méfier.

Tu attrapes ta tasse de thé sans douceur. Elle est brûlante mais ça te rassure, cette chaleur. C’est un moyen pour toi de t’ancrer dans la réalité.
Face au doute d’Acid, tu répliques :

Ma perception de toi a changé. Mais maintenant je sais qui tu es. Enfin, en surface.

Parce qu’encore une fois, connaître les apparences de quelqu’un, ce n’est pas connaître ce quelqu’un.

Silence est né parce que je ne pouvais pas déverser ma rage en étant Marian. Pas parce que je n’aurais pas été entendu (pas seulement en tout cas) mais plutôt parce que je n’avais pas de position de repli si ça tournait mal.  

Ça te ne ressemble pas, de te confier comme ça.
A vrai dire, étant donné que tu n’as jamais mentionné Silence à voix haute (à part avec Amy, mais ça ne compte pas vraiment), ça n’est pas si étonnant que tu te sentes plus libre d’en parler avec Acid.
Parce qu’elle sait. Et parce que Silence fait partie de toi.
Que tu le veuilles ou non, tu ne peux plus réfuter ce fait.

Et tu vois Acid se tendre.
Est-ce pour t’envoyer sur les roses ?
Ou au contraire…

Ses mots t’éclairent. Petit à petit, elle se confie. Se dévoile. Se révèle.

Tu ignores si elle est vraiment amère de la situation ou simplement résignée.
Ça ne ressemblerait pas à l’Acid que tu commences à connaître mais tu vois bien qu’elle n’est qu’un fragment d’une personne bien plus complexe (comme tu espères être avec Silence).

Son orgueil gonfle. Toi ça ne te plaît pas mais tu sens que c’est la fin des mensonges. D’un mensonge au moins. Alors tu hausses un sourcil et le rabaisse bien vite.
Tu écoutes, pendu à ses lèvres.

Tu comprends peu à peu qu’au final, elle est comme toi.
Rejetée par ceux qui auraient du l’accueillir à bras ouverts.
Une paria.

Plus de remarques du bout de ta baguette.
Juste ses mots qui vont jusqu’à toi.

Et la vérité éclate alors.


… quoi ?

Tu comprends aussitôt la portée de ses mots (t’as l’esprit vif, Marian). Mais pourtant…

Le choc.

On est loin de l’image du loup-garou clichée !
Enfin, tu l’as dépassée cette image. Après tout, tu étais ami avec un loup-garou à Poudlard. Et c’était bien l’une des personnes les plus gentilles avec toi que tu aies connues.

Mais tu restes quand même figé, un peu, par la grosse surprise.

Tu déglutis une fois. Ne quitte pas son regard. Parce que t’es pas effrayé ou dégoûté par sa nature. Qu’elle pense un truc pareil est d’ailleurs la dernière chose que tu veux.

J’espère pour toi que cette pièce est bien insonorisée.

Et la surprise te fait dire n’importe quoi. Mais qu’est ce que tu es censé répondre de plus ?
Que t’es  ouvert ?
Super utile Marian.  

Pardon. Je suis surpris mais au final, ça explique beaucoup de choses.
Tes mots s’affichent un par un, plus lentement qu’à l’ordinaire, signe que tu réfléchis soigneusement à ce que tu vas dire. Et que tu essayes de ne pas laisser la surprise te faire dire n'importe quoi.

Je suppose que peu de monde est au courant ?
Peut-être même que sa famille ne le sait pas, après tout. Tu ignores quand elle a été mordue mais si elle est si éloignée de sa famille qu’elle le dit, alors peut-être qu’ils l’ignorent.

Et je suppose aussi que si tu me le dis, c’est que tu me fais confiance.

Ou qu’elle essaye de se racheter. En tout cas, le résultat est le même.

Je ne compte pas le crier sur tous les toits. Pas seulement parce que tu pourrais faire pareil pour moi et Silence, mais parce que je pense que tu as envie que ça reste secret.
Et c’est un atout intéressant pour une informatrice telle qu’elle. Même si tu n’aurais jamais pensé à ça. Ça te soulage au final, de savoir que ce n’est pas toi qui a laissé traîné des information mais elle qui crée les siennes.

Ta gorge étonnement sèche, tu bois une lampée de ton thé et la boisson brûlante titille tes lèvres de sa chaleur. L’atmosphère se fait un peu étouffante mais au vu de ce qui vient de se dire, ça ne t’étonne pas.

Un grommellement lui répond seulement. Oui, tu sais bien qu’implorer le Ministère de combler tes interrogations ne te mènera à rien.
C’est même plutôt le contraire en fait.
Mais t’as fait une erreur. T’apprends et ça ne se reproduira plus.

Elle te répond par une bravade - que tu choisis d’ignorer. Et tu ne relèves pas le sous-entendu non plus. En fait, tu n’es pas certain de vouloir savoir ce qu’il se passe dans ce lieu.

L’humanité (et les sorciers n’y échappent pas) sont souvent décevants.

La pression s’allège lorsqu’elle te confirme que très peu de personnes sont au courant. En fait (c’est paradoxal), t’es rassuré parce que tu sais qu’elle ne doit pas confier cette information à n’importe qui.
Une sacré preuve de confiance en soit. Le genre de preuves dont t’as désespérément besoin (même si tu ne l’avoueras jamais).

Depuis qu’elle est bébé.
Tu ne sais pas quoi faire de l’information. Alors tu hoches la tête, pour signaler que tu as entendu.
Qu’est ce que tu pourrais faire d’autre ?
Dire que tu comprends ?
C’est faux. Et elle le saura aussi.

Tu ne mens pas, donc tu ne dis rien.

Tu ne manques pas le mouvement de sa main vers sa hanche. Tu ignores ce que tu y trouveras - et ce n’est probablement pas le moment de demander. Ça fait probablement beaucoup pour elle.
Tu es curieux mais tu sais te contenir. Alors tu notes dans ta tête et ne dis rien.

Et tu la première et la seule sorcière à m’avoir entendu parlé depuis dix ans.

Un petit rire accompagne tes paroles.

Par contre, j’aimerais que ça reste comme ça.

Pas plus de détails. Pour toi, ça n’est pas nécessaire de revenir dessus.
Si elle t’interroge, tu répondras honnêtement (tu lui dois bien ça). Sinon, tant mieux.

La menace à peine voilée (ou simplement est-ce un avertissement ?) ne t’effraie pas le moins du monde et tu ne baisses pas la tête pour répondre calmement, ta phrase qui s’affiche en une seule fois avec fluidité :

Ce n’est pas dans mes plans.

Parce que tu sais reconnaître une preuve de confiance quand tu en vois une.

Un sourire brise ce moment intense. Tu mets une seconde à comprendre ce que vient faire le mariage là-dedans.
Et puis tu replaces.
Sang-Pur. Prolonger la lignée. Ou un terme du genre. Bref. Se marier, faire des gosses et la fermer quoi.
Pas franchement réjouissant.

C’est dire que tu avais oublié qu’elle était Sang-Pur ! Ou alors, peut-être que ton image des Sang-Pur ne colle tellement pas avec Acid que tu ne peux te résoudre à la considérer comme telle.
Comme quoi, ses soupçons de tout à l’heure sur ton “indulgence” n’avaient pas lieu d’être.

Je n’avais pas pensé au mariage, en fait.

Tu t’autorises une pointe de curiosité :

Ils ont des moyens de t’obliger à te marier ?

Ça te parait insensé. Tous les slogans féministes “mon corps, mon choix” n’ont probablement pas eu le même impact dans le monde magique que chez les moldus mais tout de même… On est plus au Moyen-Âge !

Je doute qu’ils puissent t’enfermer durablement.
Parce que tu la trouves bien trop rusée pour se laisser enfermer bêtement, si elle ne le souhaite pas.

Sérieux retrouvé, tu hoches la tête.

Oui, je comprends.

Avec un regard appuyé, tu ajoutes :

C’est ce que je voulais dire quand je disais que je me fichais de ton statut de sang. C’est une part de ton identité mais ça ne te définit pas entièrement. Quand je t’ai vu, j’ai surtout vu Acid, la personne qui a un talent pour dénicher des secrets bien cachés partout dans le monde sorcier. Pas une Sang-Pur en manque d’occupations pour son temps libre.

Peut-être que c’est inutile ou niais. Ou les deux. Mais c’est important pour toi. On peut bien s’autoriser à être niais de temps en temps, si c’est sincère.

Qu’il lui convienne ou pas, ça n’aurait pas changé ta façon d’être.
Tu t’es assez plié en quatre pour autrui.

Je ne sais pas.

Tu es franchement ignorant des us et coutumes des Sang-Purs. Tu n’as jamais cherché à te renseigner (ça ne t’intéressait pas) et prétendre connaître un sujet lorsque ça n’est pas le cas a le don de t’exaspérer à tous les coups. Alors tu fais pareil pour les autres.

 Je suis probablement optimiste. Voire idéaliste.

Malgré toute la résignation que tu ressens parfois. Mais tu as envie d’y croire. Au fait que tous les gens ne soient pas des connards.
Le monde se donne un mal fou pour te prouver le contraire !

Mais pourtant… tu persistes.

Tu ne quittes pas son regard. Pas question de flancher. Même lorsqu’elle mentionne que tu es l’une des deux seules personnes.
Parce que deux c’est ridicule.
Deux c’est… toi et quelqu’un d’autre.

Je n’ai pas grandi dans le monde sorcier.
Si elle a fait des recherches sur toi, elle le sait probablement. Tu n’as jamais cherché à le cacher.
Alors pour moi, le statut de sang… ça n’a pas vraiment de sens. Je ne peux pas prétendre connaître mieux que toi ce que tu as vécu.
Tes paroles prennent une tournure solennelle que tu n’avais pas anticipé. Tu ignores si tu es trop pompeux ou… juste bizarre. Mais tu poursuis sans attendre, dès que ta phrase précédente s’efface :
Je sais juste que je méprise les Sang-Purs et que je ne te méprise pas toi. Et si tu ne me donnes pas une excellente raison de le faire, je ne le ferai pas. Ça serait stupide de remettre en question une collaboration efficace pour quelque chose qui existe depuis bien avant le début de celle-ci et n’a jamais posé de soucis  

Même si tu n’étais pas au courant, l’éducation qu’invoque Acid était déjà présente de fait. Pour toi, ça ne change rien.
C’est encore une fois un truc guimauve probablement. Mais tu es honnête. Alors tu dis ce que tu penses, même si c’est guimauve.

J’ai dérivé.

Tu te redresses, prends une grande inspiration.

Qu’est ce qu’on fait ensuite ? Qu’est ce qu’aujourd’hui va changer pour toi dans notre relation ?

Acid n’a pas toutes les réponses bien sûr. Toi non plus. Mais, tu es vraiment curieux.
Parce que ça n’était pas prémédité. Et tu hésites.
Sa confiance te prouve qu’elle ne veut pas arrêter votre relation. Mais tu ignores en quoi ça l’impactera dans le futur.

C’est complètement stupide, en résumé. Et très humain.

Secoues ta tête pour changer de sujet. Tu n’es pas franchement à l’aise sur ce terrain franchement glissant.

Lorsqu’Acid te dit qu’elle n’a pas l’intention de suspendre votre collaboration, tu sens un petit noeud se dénouer dans le creux de ton estomac. Pourtant, tu n’avais pas vraiment de doute à ce sujet mais le relâchement est agréable.
Tu réponds par un ricanement :
Séparer les deux a de moins en moins de sens.

Parce que t’arrive plus à donner le change. C’est comme écoper un bateau qui coule avec un sceau pour enfant : voué à l’échec.
Mais la finalité n’est pas la noyade.
En tout cas, tu souhaites de tout ton coeur que ça ne soit pas le cas.

Je ne travaille plus pour la Gazette depuis les… évènements de janvier. J’aurais du arrêter bien avant, d’ailleurs.

Toujours la même crispation agaçante sur ta baguette qui revient lorsque tu dois mettre un mot sur ce qui s’est passé. Mot qui reste affiché un peu, t’oblige à y repenser. A repenser à tout ce qui y est lié.
Tout ce qui ravive ta rage.

Il n’y a plus vraiment de journaliste qui tienne en fait. Mais je ne compte pas crier sur tous les toits d’où je tiens mes informations, si c’est ce qui t’importe le plus.
Rien qu’un masque qui tombe.

Lorsqu’elle te demande ce que ça change pour toi, tu soupires et les mots de ta réponse s’affichent plus lentement, signe que tu réfléchis pendant que la phrase se construit.

C'est assez flou dans ma tête encore. Dans notre relation, rien. Ça facilitera peut-être nos rencontres sur le plan pratique mais c’est tout. Tu es attaché à ton costume de Silence pourtant. Mais ça serait étrange de le porter avec Moira. Par contre, tu pourrais t’en resservir… Conserver ton anonymat (personne n’a entendu ta voix depuis dix ans)… Ton cerveau tourne à toute allure devant les possibilités qui s’offrent à toi.

Je suppose que c'est une barrière de plus qui s’en va (tu ne sais pas trop ce que ça t'inspire). Sur le court-terme, ça ne change rien. Mais c’est juste une preuve que je ne peux plus différencier les deux comme si de rien n’était.

Parce qu’au final, tu restes la même personne, quoiqu’en pense Acid.
Tu t’ouvres assez facilement mais tu conduis ta réflexion en même temps qu’elle apparaît devant toi.

Je n’ai pas l’intention de paraître sur le devant de la scène tel quel. Un rire amer t’échappe. Nous savons très bien tous les deux que ça ne marche pas.
Acid t’en a encore fait la remarque tout à l’heure.

Mais peut-être que le gentil journaliste timide et serviable va commencer à faire ses adieux.

Votre rencontre à visage découvert va bien au delà de votre simple relation, tu t’en rends compte petit à petit.
Tu ne crieras pas les idées de Silence en public. Ni maintenant, ni jamais. Mais au moins, peut-être que tu ne te laisseras plus marcher sur les pieds.
La lointaine possibilité devient de plus en plus tangible et ta moue songeuse se fait résolue.

Tes lèvres s’étirent en un sourire d’excuses :  Je ne voulais pas dire le contraire.

Tu es bien conscient qu’il y a autant de réalités différentes que de gens sur cette terre. Parfois, tu aimerais que ça ne soit pas le cas. Ça simplifierait probablement les choses, mais ça les fanerait aussi d’une certaine façon.

Un petit rictus accompagne sa remarque.
Marian était facilement corruptible au début. Prêt à se plier en quatre à tous les ordres, même ceux qui contrevenaient à tous ses principes. Parce que Marian croyait que c’était une chance immense de pouvoir vivre de son art.
Art qui était bafoué jour après jour, mais ça tu as refusé de le voir pendant trop longtemps.
Le réveil n’en a été que plus douloureux.
Marian a évolué avec son temps. Ça n’a pas toujours été comme ça.

L’incrédulité doit s’afficher sur ton visage.
Tu n’avais jamais osé t’accorder assez d’importance pour penser que tu pourrais en avoir.
Parce qu’avoir des ennemis, c’était peser un peu, quelque part. C’est une bien étrange forme de flatterie.

Pourtant, tu as toujours été prudent.
Ou apeuré, dépendant du point de vue. Honteux de ta rage, tu t’es assuré de couvrir tes traces.
Mais tu dissocies encore étrangement Silence et Marian, comme si le premier n’était pas vraiment réel.
Alors qu’il existe bien, bien plus qu’une simple projection de ta rage.

Ça te plaît, tu commences à le réaliser.

Je n’ai jamais été confronté à personne qui s’affichait comme mon ennemi. Cependant, je suppose que Silence aura pu s’en créer. Mais je n’ai pas de noms à te donner, si c’est ce que tu recherches.

Petite pause, tu t’autorises à satisfaire ta curiosité :  Qu’en est-il de toi ? Je suppose que tu me poses cette question avec une idée derrière la tête.

Tu décroises tes mains pour boire une gorgée de thé. Il a bien refroidi, tu enchaînes sur une seconde puis repose la tasse bien devant toi et change de sujet (bien que ça reste lié) :

Je dois avouer que je m’inquiète un peu que d’autres puissent aboutir aux mêmes conclusions que toi. Même s’ils n’auront pas tes capacités, j’ai cru comprendre que mon odeur n’était que l’ultime pièce du puzzle.

Tu n’aimes pas mendier, Marian. Pourtant c’est clairement sous-jacent. De ton regard, tu pries Acid de bien vouloir t’aider à te planquer.
Plus vraiment par peur, mais peut-être parce que tu dis que ça ne serait pas judicieux de t’exposer au grand jour.
Acid a raison, ça donne rarement quelque chose de positif. Et te faire corrompre par l’opinion publique est bien la dernière chose que tu veux.