— Un, deux, trois, quatre, cinq, six, un, deux, trois, quatre, cinq, six.

Peony tape dans les mains en battant le rythme. Sa voix tranche dans la salle, se fait métronome alors que tes talons claquent au sol et répètent inlassablement le même enchaînement de pas. Le corps tire, mais t'es trop têtu pour arrêter, ni même pour demander une pause. Ce n'est que quand claque le dernier coup de talon que ta partenaire hoche la tête, satisfaite, et te sourit enfin.

— C'est très bien, ça ! Ok, voilà ce qu'on va faire. Pause manger et ensuite on enchaîne sur le second porté ok ?
— Par devant, je te rejoins.

Elle fronce les sourcils, pose ses petits poings sur ses hanches.

— Monsieur Delacroix je croyais qu'on s'était mis d'accord pour ne pas confondre excès de zèle et acharnement maladif.
— Juste dix minutes, Peony s'il te plaît.

Tu bats doucement des cils, la scène ne vous ai que trop coutumière. Elle lève les yeux au ciel, agite la main dans un "bon bon, dix minutes, pas plus" avant de t'adresser un sourire complice et de quitter la pièce. Tu te retournes face au miroir, observe ta silhouette luisante de sueur. Vêtu d'un petit débardeur noir et d'un pantalon de danse de la même couleur tu dois avouer de trouver moins laid qu'à l’accoutumé. Le premier prime t'avais donner un regain de confiance en toi que tu n'aurais jamais cru capable. Tu prends le temps de te détailler. Tu es petit, certes, mais à te voir tu te trouves quelque chose de... Plus fort, plus grand. Comme-ci le rat chétif que tu imaginais être prenait enfin le chemin de l'évolution. Tu adresses un sourire à ton reflet. Le prochain prime sera encore mieux que le premier, le suivant encore mieux que le deuxième et ainsi de suite jusqu'à la finale, jusqu'à la victoire... Parce que tu vas gagner, n'est-ce pas ?

C'est sa voix qui te fait sursauter. Tu maudis ce réflexe faible, apeuré. Dans le reflet du grand miroir tu fronces les sourcils, détails sa silhouette élancée avancer. Il est beau. Cette constatation te donne envie de crier. Il est beau et il t'énerve. Zadig un fléau toujours là pour te nuire. Et pourtant quelque part, la fraude qu'est sa gueule d’Apollon t'avais manqué. Tu hausses les épaules, étires tes bras comme-ci de rien n'était.

— Ça aurait été une véritable humiliation pour toi de te rendre compte que même au bras d'un mannequin je peux être convainquant.

Tu te tournes enfin vers lui. T'as le cœur qui bat un peu plus vite malgré toi. Tu le détestes, lui, son charme mensonger. Il n'a aucun mérite, il est la définition même d'une imposture et pourtant qu'il vienne te chercher te donne une importance dont tu ne réalise que trop douloureusement la nécessité. Il te remarque. Tu existes. C'est un peu trop grisant pour ne pas te donner honte. Tu secoues la tête, essayes de te faire fermer.

— T'es mécontent, hein ? Tu voulais que je me plante en beauté et j'ai fait tout le contraire.... Te sentirais-tu menacé ?

T'as un sourire trop fier pour le Basile qu'il connaît.

— Au final, ta performance était excellente mais pas transcendante. C'est le problème quand on est parfait comme toi, rien de ce que tu fais n'éblouira les foules. Mais pour moi.... Je vais te battre Zadig. Je ne suis là que pour ça.

Le battre, lui, toujours. Lui arracher la première place. Parce que ça a toujours été toi contre lui. Parce que ça fait trop mal d'être lucide quant au fait que ça n'a jamais été lui contre toi. Tu veux son obsession, autant qu'il a la tienne.

Oh, tu vas l'atteindre la demi-final, tu vas même atteindre plus que ça. Peony et toi êtes sur la même longueur d'onde. La victoire ou rien. La finale ou rien. Vous avez tout à prouver quand les gagnants sont déjà attendu et les plus faibles pas vraiment estimés. Et lui, lui le premier. Tu vas lui montrer. Tu redresses la tête, lèves le menton, bombes le torse. Tu veux te montrer fier pour mettre à mal sa condescendance. Tu te refuses à baisser les yeux quand bien même il te juge. Quand il pause sa main sur ton crâne, tu vois rouge, tu la balaye avec une force dont tu fais peu preuve avec lui, trop habitué à te coucher et à subir. Tu t'approches, presque coller à lui. Tes yeux dans les siens dans une proximité qui de loin pourrait paraître intime. Et s'il est beau, Zadig, c'est pas intimement que tu fantasmes de la ravager.

— Alors pourquoi t'es là, espèce de trou du cul ?

Tu profites qu'il n'en soit pas encore à te manipuler avec ses charmes pour tenter d'asseoir la dominance. Tu te dresses sur la pointe des pieds, souffle.

— Si je suis pas une menace, si t'as pas peur de perdre, pourquoi t'es là ?

Tu le fixes, intense. Tu mets tout ton mépris au service de tes expressions.

— Blair m'a proposé, j'ai accepté. En fait, ça te troue juste le cul de voir que ton talent seul lui suffit pas.

Tu hausses les épaules, tu glisses un sourire.

— Tu flippes, tu commences à comprendre que les gens remarquent que t'es pas si éclatant et incroyable que ça.

Tu poses un doigt sur son nez, l'infantilises. T'es lucide quant au fait que, pourtant, y aient de grandes chances que tu te retrouves au sol d'ici deux minutes.

— Je vais battre. Je vais tout te prendre.

T'es trop proche, c'est un mélange de sensation un peu trop contradictoire.

— Parce que je suis bien plus méritant que toi.

T'es pas un putain de semi-vélane.

Un crack sonore en direction de ton doigt et tu pousses un gémissement douloureux. Est-ce que ce bâtard vient de... ? Tu relèves la tête les yeux brillants d'une rage que la douleur rend larmoyante. Une colère sourde dans le creux de ton ventre mais Zadig agrippe ta mâchoire et ton corps se retrouve à la merci de sa violence. Tu es furieux, les envies de violence impudique et lubrique qui côtoie le besoin exquis de déformer son visage, de ravager de bleu et de griffure la moindre parcelle de sa peau parfaite. Alors qu'il te lâche tu lui craches au visage, tu as toujours la main autour de doigt blessé.

— T'aimerais, hein ? T'aimerais sale bâtard, ça te fait bander que je me pavane devant toi, que je te regarde comme un putain de Dieu. T'es vraiment qu'un gosse en manque d'attention, tu me dégoûtes !

Il a raison, entre vous, ça finit toujours mal. Et le pire, c'est que vous aimez ça.

— C'est pour ça que tu colles tout le monde comme une petite chienne en chaleur ? T'as besoin qu'on te regarde ? T'as besoin de te sentir exister à ce point ?

Tu souffles, tu sais plus si c'est la colère, la douleur ou le besoin désespéré qu'il te considère comme du même acabit que lui qui te pousse à aller toujours plus loin.

— Tu me regardes de haut mais regarde toi, putain. T'es comme moi, t'es même pire. Tu viens me voir juste parce que tu ne supportes pas que tout ne tourne pas autour de toi.

Alors que tout tourne autour de lui, tout, tout, tout, absolument tout. T'as un rire cruel.

— C'est à se demander qui est la plus fiotte de nous deux, hein ?

T'agites tes doigts, soudain et ça le projette contre les tapis épais de danse sur lesquels vous travaillez vos portés. Tu te jettes à sa suite. La hargne te rend beaucoup trop audacieux, tu oublies qu'il n'aura besoin qu'un d'un coup de hanche pour te retourner et te malmener. Tu es peut-être le plus motivé, mais il est toujours le plus fort de vous deux.

— Je te déteste, pourquoi tu t'acharnes sur moi ? Pourquoi tu me prends tout ? POURQUOI T'ES TOUJOURS DANS MON PAYSAGE ? TU VEUX QUOI PUTAIN ?

T'es tellement mort mon pote.
C'était attendu.

En te jetant sur lui tu te demandes si votre altercation serait un motif de renvoi de l’émission. Quand il te retourne avec une facilité que blesse ta fierté, tu t’apaises en te disant que tu pourras toujours te faire passer pour la victime. Après tout, c'est lui domine.

— LÂCHE-MOI !

Mais il appuie sur ton entrejambe et tu gémis douloureusement, le souffle bien vite coupé par les coups qu'il t'inflige. Tu essayes de te prostrer, mais il t'écrase de tout son poids. Dans ta rage tu essayes de le repousser en martelant son torse de tes paumes mais rien n'y fais. Tu t'accroches, furieux, à son t-shirt.

— ET JE SUIS QUOI PUTAIN ? QU'EST-CE QUE TU VEUX QUE JE TE DISE SALE FILS DE PUTE ?

Tu te tortilles douloureusement sous lui. Tu détestes son parfum qui te prend le pif. Envie de gerber soudain. Il te dégoûte, il te dégoûte tellement !

— T'es un grand malade, T'ES PUTAIN DE TARE ! LÂCHE-MOI

Tu sens sous la colère tes yeux s’irriter de larmes. Merde. Merde. Tu lui assènes une gifle en désespoir de cause, comme-ci t’espérait le détourné de ton visage humilié. Tu te tortilles davantage, grogne sous la douleur. Et même dans le colère il reste sublime et tu le détestes pour ça.

— T'es parfait, je te déteste, tu mérites rien, tu sais pas ce que ça fait, tu peux pas comprendre, T'ES TROP PARFAIT !

Tu le détestes, lui, son sourire, son odeur, ses traits, ses talents, son aisance, sa voix, ses gestes, ses goûts, tu détestes TOUT TOUT TOUT TOUT TOUT TOUT. T'essayes de te redresser, poursuit le combat en sachant que tu ne fais pas le poids. Trempé de sueur à force de t'agiter ton regard accroche ses lèvres et te viens l'idée de lui porter le coup le plus terrible de ton arsenal. Tu vas lui montrer ce que c'est que le dégoût, le vrai. Tu agrippes son t-shirt pour violemment le tirer à toi, plaque tes lèvres contre les siennes avec rage, jubilation de le souiller. Tu profites de sa surprise pour lui envoyer ton point dans la côte pour essayer de te dégager. Tu lui fais un doigt d'honneur bien sentit essuyant ta bouche d'un revers de la main.

— Hahahaha ! Dégueule maintenant pauvre con !