La galerie d’art se remplissait petit à petit de sorciers et sorcières de tout horizon. Amateurs d’art, artistes et novices ayant été traînés là par l’une ou l’autre des deux premières catégories. Un brouhaha chaleureux s’élevait des petits groupes déambulant parmi les œuvres exposées pour l’occasion, alors que des plateaux ensorcelés chargés de verres pleins flottaient et circulaient entre eux, assurant un excellent service.
Appuyé contre une colonne de pierre froide, non loin de l’entrée, Sambre tendit nonchalamment une main vers l’un des plateaux pour attraper une coupe au liquide pétillant et coloré. Tout en scrutant les visiteurs avec satisfaction, le jeune homme jetait régulièrement des regards vers l’entrée de la galerie. Il attendait quelqu’un.

Sculptures et peintures étaient à l’honneur ce soir, issues de nouveaux créateurs qui rêvaient de se faire remarquer par la communauté de Londres. Tous plus créatifs les uns que les autres. Certaines œuvres étaient plus politiques que d’autres, mais la plupart se prétendaient simplement poétiques ou torturées.
Sambre s’était imaginé que ça pouvait lui plaire, à lui. Declan Bergling.
Toutes leurs rencontres, jusqu’à présent, s’étaient déroulées dans ce même genre d’endroit. C’était comme un running-gag de s’y croiser et d’y jouer les critiques d’art hautaines, voire carrément cruelles. Declan en particulier, semblait être difficile à satisfaire et pourtant, il n’avait raté aucune des dernières expositions s’étant tenues à Londres ces dernières semaines. Sambre non plus.

Alors il l’avait invité à ce vernissage. Sur un coup de tête. Parce qu’il s’était beaucoup amusé lors de leurs rencontres précédentes. Combien de fois s’étaient-ils déjà croisé, trois ou quatre fois déjà ?
Et Sambre était du genre à aimer s’amuser, peu importait la tournure que cela finissait par prendre.
Allait-il seulement venir ? Peut-être l’avait-il mis mal à l’aise à être aussi familier les fois précédentes. Familier, c’est le terme oui. Charmeur, mais c’était dans sa nature, il n’allait pas fuir une superbe soirée pour ça.
Il fallait qu’il vienne. Car Sambre lui réservait une autre surprise ce soir.

D’un geste, il chassa le plateau qui lui proposait un autre verre alors qu’il n’avait pas fini le sien. La soirée était trop peu avancée pour que ses mains soient occupées par deux verres. Il s’impatientait sans regarder l’heure et lissait ses vêtements d’un geste machinal en faisant cliqueter à ses poignets de nombreux bracelets d’or harmonieusement assemblés. Il noua ses cheveux négligemment derrière sa tête, libérant sa nuque qu’il massa un bref instant pour en retirer les tensions naissantes à force d’être resté là sans bouger, et arranger le fermoir du collier qu’il portait pour l’occasion. Le pendentif avait la forme d’une plume.

Finalement, une silhouette attire son regard, il se redresse et affiche un large sourire.

- J’ai bien cru que tu ne viendrais pas.

Sambre s’approche, tel un chat dont l’attitude trahit le ravissement de la situation. Il singe une élégante et discrète révérence en se plantant devant son “invité”. Comparé à lui, sa tenue est colorée, élégante certes mais trahissant l’esprit artistique qui l’anime. Ses yeux naturellement bleus sont violets ce soir, en accord avec les améthystes qu’il porte à ses oreilles.

- L’alcool flotte dans toute galerie, si tu as soif, et je n’ai pas encore fait le tour de l'exposition alors je peux t'accompagner.

Il lui tend la main très délicatement, un très bref instant, faisant une nouvelle fois cliqueter les bracelets, mais ne s’attendant pas à ce qu’il la lui prenne, elle amorce un geste qui indique qu’il était prêt à le suivre pour se mêler à la foule. Sambre le laissait maître de la direction, car il savait que leurs pas les mènerait forcément à une de ses œuvres à lui, qu’il avait eu la chance de pouvoir exposer ici et qu’il comptait bien présenter à Declan, juste pour voir.

Ah, il ne le lui avait pas dit ? Possible qu’il ait oublié de mentionner ce détail.

@feat Declan A. Bergling Et c'est ti-par !

Un sourire chafouin se glissait sur le visage de Sambre alors que Declan l’interrogeait. S’il l’avait attendu ? Comme un enfant qui aurait attendu ses cadeaux le jour de son anniversaire. Le jeune artiste avait vraiment hâte de le voir face à une de ses propres toiles, et surtout de lui apprendre qu’il peignait, lui aussi. Car jusque là, le sujet n’avait jamais vraiment été évoqué. Ils savaient qu’ils appréciaient l’art tout les deux, ils connaissaient également leurs goûts en la matière aux vues des critiques qu’ils avaient partagé chaque soir de vernissage où ils s’étaient retrouvés, mais il n’avait jamais été clairement dit que Sambre était peintre, en tout cas de manière suffisamment professionnelle pour que son travail se trouve entre les murs de la galerie.
Alors à la question “l’avait-t-il attendu ?” la réponse était “évidement, idiot.” Mais elle resta silencieuse sur les lèvres rosées du jeune homme, ne se laissant entrevoir que dans son regard malicieux.

Et c’est en silence qu’il lui avait emboîté le pas, en posant sa coupe vide sur un des plateaux ensorcelés.
Quand Declan s’arrête devant une sculpture, Sambre se glisse à ses côtés, circonspect. Ainsi, ce type d’art qui attirait son attention ? Qu’on le rassure, c’était son affreuse esthétique qui avait capté l’attention de l’écrivain, n’est-ce pas ?

- C’est… Original comme concept. Je sais que le courant abstrait a quelques fidèles mais là…

Sambre s’était penché légèrement vers la sculpture, faisant cliqueter de nouveau des bijoux alors qu’il se frottait le menton, l’air toujours perplexe.

- Est-ce que c’est un être humain ? On dirait que le malheureux a eu les jambes arrachées par un éruptif et que sa tête a été piétinée par un cheval... Tu ne trouves pas ?

En se redressant, il laisse échapper un soupir blasé, ne pouvant pas nier que Declan avait eu raison sur un point lors de leurs précédentes rencontres. Ce que certains appelaient “art” était parfois bien compliqué à comprendre, malgré toute la fibre artistique que l’on pouvait posséder.

- En tout cas, difficile de comprendre le message qu’on a voulu faire passer là-dedans. Ce n’est pas touchant, c’est juste très laid.

Il se fichait de savoir s’il avait été entendu, seul son compagnon du soir était le destinataire de cette critique. Leur jeu venait de reprendre et leurs avis étaient souvent irrévocables. Du côté de Sambre, la sculpture ne l’avait pas touchée, elle ne l’avait même pas, dira-t-on, frôlée ne serait-ce qu’un peu.
Il jeta un coup d'œil à Declan.

- Après, je dois bien t’avouer que je n’ai jamais été très emballé par la sculpture en général.

@feat Declan A. Bergling Ta-dam !

L’air que Declan affiche sur son visage devant la statue hideuse est impayable et Sambre a terriblement envie de rire. Il faut dire que le dégoût transparaissait, pour qui s'attarderait ne serait-ce qu’un peu sur l’allure de l’écrivain. Et quand l’artiste déclame ses critiques acerbes, il n’a même pas besoin de le regarder pour savoir qu’il approuve à sa manière : le visage froid et fermé avec un sourire qui ferait pleurer un enfant.

Quand la critique de son compagnon du soir tombe, Sambre ne peut retenir un ricanement cruel, décidant de toute évidence pour la soirée, de flanquer un grand coup de pied dans la bienveillance. Il l’avait de toute évidence oublié chez lui en partant. Declan lui, ne semblait jamais s’en vêtir cependant.

- Avec plaisir, j’ai toujours trouvé cela plus parlant.

Declan ne l’attendait pas, mais Sambre avait pris l’habitude de lui répondre même quand celui-ci n’avait que faire de sa réponse. Le jeune homme n’aimait pas priver son entourage de sa si jolie voix et de ses idées.

Quand ils s'arrêtent au milieu des peintures, le peintre est ravi. Il n’avait pas menti, la sculpture, ne c’était pas son truc. Un peu en retrait derrière Declan, puisqu’il l’avait suivi faute d’avoir été attendu, un sourire satisfait prend place sur son visage angélique alors qu’il glisse ses mains dans ses poches l’air de rien.
Ce dernier s’était arrêté sur une peinture tout à fait intéressante, c’était vrai. L’air de rien, il s’approche, reniflant presque avec dédain avant de souffler.

- Ainsi, un artiste a réussi à capter ton attention ? Tu as l’air de regarder ton dessert préféré.

Faisant mine d’inspecter la toile, il penche la tête légèrement sur le côté, songeur.

- Cela semble peint avec les tripes, qu’en penses-tu ? Est-ce que cela t’inspire quelque chose ? De la colère peut-être ? Et la perdition… On dirait que c’est un diptyque. Regardes la toile d’à côté.

Prenant un peu de recul, ce n’est pas les toiles que l’artiste observe, mais bien le critique d’art, attendant de savoir ce qu’il pense.

@feat Declan A. Bergling Ta-dam !

Comme un poisson dans l’eau, Sambre laisse Declan admirer et se perdre dans les arabesques colorées et les coups de pinceaux assénés aux toiles exposées. Il est incroyablement calme de l’extérieur pour quelqu’un qui jubile pourtant de l’intérieur à haute intensité. Mais l’artiste ne veut pas gâcher le plaisir, son plaisir, de voir l’odieux critique s’émerveiller sur son propre travail.
L’occasion est trop belle.
Trop flatteuse.
Trop amusante.
Et Sambre n’en perd pas une seule miette, le sourire doucereux alors qu’il répond d’un hausse d’épaules nonchalant.

- Je le connais bien oui. Nous sommes plutôt intimes.

Astucieux choix de mots alors que le potionniste coule un regard particulièrement taquin sur son camarade d’exposition.
Jusque là, Sambre avait surtout pris Declan pour un aigri détestant tout ce qui pouvait provoquer la moindre petite émotion dans un cœur trop froid et trop sec.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il semble qu'il se soit trompé. Un peu. D’autant plus que Declan n’était pas avare en compliments de son côté. Encore une rareté à laquelle Sambre appréciait grandement assister.

- C’est bien la première fois, depuis toutes ces retrouvailles improvisées, que je te vois aussi emballé. S’il t’entendait, ce peintre serait profondément touché.

Sans se départir de son sourire, il contemple Declan avec une pointe de malice dans le regard.

- Une passion familiale alors ? Ca explique pourquoi tu es aussi critique. Tu peux acheter ces toiles tu sais. Si elles te plaisent tant. S'approprier l’art est quelque chose de très plaisant je trouve.

Sa voix manque à plusieurs reprises de se transformer en un ronron malicieux et goguenard mais il tient bon, jouant à la perfection son rôle.

- Veux-tu que j'aille chercher le responsable des ventes ?

@feat Declan A. Bergling Ta-dam !