Le vrombissement du scooter s'éteint finalement alors qu'elle se gare sur l'une des rares places de libres juste devant l'immeuble. Le cadenas posé, casque sous le bras, commande bien au chaud sur le dos -mécanique quand elle ne prend même plus la peine de lever les yeux au ciel pour en observer sa couleur avant de traverser la rue. Filer tout droit, inspirer, entrer. Puis gravir les étages un à un sans quitter les chiffres sur le panneau de l'ascenseur qui défilent lentement. Un, deux, trois... Jusqu'au sommet. Les portes à peine ouvertes qu'elle file comme le vent, Alcyone, n'a pas vraiment de temps à perdre aujourd'hui non plus. C'est pourquoi son doigt appuie déjà sur la sonnette, alors qu'elle s'abaisse en même temps pour poser son sac isotherme sur le palier et en sortir la commande désirée.

En fond la musique qu'elle devine assourdissante malgré l'épaisseur des murs et de la porte, elle en chantonne quelques airs tout en se redressant, sac de nouveau sur le dos, pour attendre qu'on l'on vienne lui ouvrir. Appuie sur la sonnette une seconde fois alors que personne ne vient, une moue légèrement agacée pour venir tirer ses traits.

Toujours rien.
Alors cette fois c'est son téléphone qu'elle prend, pour appeler directement son client.

— Allô ? ... Oui, c'est pour la livraison Hey Presto! Je suis
devant chez vous.

Le ton monotone par l'habitude. Ça raccroche.

— Manquerait plus qu'il soit pas chez lui tiens.

Tu avais ouvert la porte et son souffle s'était coupé. Elle était restée là, les bras ballants, sûrement trois bonnes secondes au moins avant de déglutir lentement. Puis à la place de la surprise de te (re)voir encore toi, les hurlements d'une foule énervée vinrent comme pour lui filer la migraine. Des souvenirs presque trop vivaces tandis qu'elle te détaille de bas en haut, indéniablement charmée par tout ce que tu dégages ainsi sapé.

Ses exercices, hein ?
Putain ferme-là Alcyone.

Grimace légère, loin d'être vexée mais clairement tiquée par tes mots. Elle te tend le paquet.

— Tu es toujours aussi ingrat ? Dire simplement merci ne t'écorchera pas.

Les cris dans sa tête qui ne cessent, ça la dépasse.
C'est comme si tout pleurait autour de toi.
Pourquoi ?

— Tu devrais faire attention à toi, Zadig. -se permet sûrement autant de familiarité que tu t'en permets à son égard.

Tu ne connais pourtant pas son prénom, Alcyone pauvre livreuse invisible des étoiles les plus connues de ce monde. Elle avait vu des larmes suivre les cris -sans savoir à qui elles appartenaient, si ce n'est que tu y était lié. Et de ses pressentiments dont elle ne parlait presque jamais sortaient souvent des conseils fugaces sonnant comme des menaces, pour pallier aux vérités sanglantes que l'Avenir aimait dispenser.

Elle était perplexe, Alcyone. Trop peu impressionnée par tes élans insupportables, habituée mais surtout lassée -elle te regarde faire le beau et bomber ce torse contre lequel elle aimerait malgré tout se lover des minutes ou des heures durant. Aussi étrange qu'intenable, pourtant elle ne bouge pas. Toujours si droite, même détendue et blasée, devant toi.

— Exceptionnel tu dis.

Le sarcasme au bord des lèvres laisse sous-entendre qu'elle n'est pas d'accord (évidemment qu'elle l'est) en simple provocation. C'est qu'elle n'a jamais supporté les gens trop imbus. La fierté c'est une chose et la connerie une autre, pour certain la ligne est mince et toi tu l'as franchie.

Alors bien malgré elle les mots sortent.
Elle espère ainsi en étouffer les cris dans sa tête -considère la vivacité de ce souvenir comme un signe qu'il te prévenir et ne pas qu'elle se taise pour une fois.

Tu devrais faire attention à toi, Zadig.
Évidemment tu l'as mal prit.

— Parce que tu comptais m'en donner un ? C'est trop d'honneur t'embêtes pas pour ça.

Foutu pour foutu, elle en aura d'autres.
Elle tique encore quand tu l'insultes de folle-dingue et lâche un soupir clairement agacé avant de croiser ses bras sous sa poitrine. C'est vrai que les apparences n'aident pas mais y a des limites.

— J'aime pas les prétentieux ni les imbéciles et pourtant. Here I am.

Étire les lèvres en une grimace crispée volontaire.

— Tu prends mal tout ce qu'on peut te dire ou c'est juste parce que t'aimes pas les conseils ?

Vraie question.

Le silence en réponse à ta question, toujours agacée mais plus tranquille alors qu'elle t'écoute énumérer tous ceux dont tu devrais te méfier. Sourire mutin pour étirer ses lèvres quand tu la mentionnes elle, tu la surestimes tu sais. Tout ça demanderait bien trop d'une énergie qu'elle n'a pas envie de gâcher. Mais y a de l'idée pour le reste. Les voix dans sa tête lui font étirer une nouvelle grimace, quelle idée d'avoir la mémoire aussi vivace.

À ta dernière remarque elle laisse échapper un soupir plus bruyant que les précédents avant de relever le bleu de ses yeux sur toi. Léger silence à nouveau durant lequel elle te jauge sans un mot, les bras toujours enroulés contre sa poitrine.

— Hm... Je peux pressentir l'avenir de certaines personnes parfois. Et j'ai entendu des cris, je t'ai vu aussi.

Ou comment passer pour plus folle qu'elle ne l'est.

— Aussi exceptionnel que tu puisses être ces gens avaient pas l'air ravis. ...C'est difficile à expliquer mais je sais que ça t'étais destiné. Il fallait que tu saches.

La vérité c'est qu'elle n'est même pas certaine que tout ça ait une réelle explication. Parfois les choses sont ce qu'elles sont et ne peuvent être changées, c'est comme ça.

— Est-ce que t'y crois au moins ? Parce que j'ai aucune envie de parler pour rien.

— Ta mort ?

Tu serais bien le premier que sa mort intéresse. En général c'est le genre de confession que les gens fuient, et pour ceux qui y font face, la plupart ne tournent pas très ronds. C'est pas que t'ais l'air sain d'esprit présentement mais elle ne cache pas sa perplexité, Alcyone.

— T'es vraiment bizarre.

Et elle n'est pas sûre de comprendre quand tu te cales sur le côté comme pour la laisser entrer. L'ordre ne tarde pas à joindre le geste avant qu'elle ne te toise de haut en bas, toujours entrain de te juger.

Laisse tes mots sans réponse avant que tu ne poursuives -et cette fois c'est toi qui pique son intérêt. Alors finalement elle ose franchir le pas, non sans une provocation en passant devant toi.

— Mon temps n'est pas gratuit Zadig, tu rembourseras mes pertes de ce soir en compensation.

Elle hausse les sourcils, satisfaite, avant de se laisser guider jusqu'au salon tout en observant tout autour d'elle l'immense espace. Tu n'es pas le premier riche chez lequel elle entre mais l'effet est toujours le même. Loin d'être de l'envie, elle ne peut s'empêcher de se demander comment il est possible de vivre dans un lieu aussi grand -aussi vide. Il n'y a aucune chaleur ici.

Rien qui ne vaille la peine d'y rester.

— Hm.

En pleine réflexion quand tu lui imposes de s'assoir, elle te fusille un bref instant du regard avant de s'exécuter. T'es vraiment trop désagréable. Mais pas un si mauvais hôte visiblement. Elle ne réfléchit même pas à ta demande avant de répondre.

— Une bière s'il te plaît, sinon de l'eau bien fraîche.

Avant de retourner à sa contemplation des lieux comme si de rien était. Elle passe rapidement les murs très peu fournis pour se poser sur le tapis de sport et les altères près des canapés. Elle ravale discrètement sa salive, pas encore prête à assumer les images qui traversent son esprit. Un soupir pour masquer sa confusion, elle finit par reporter son attention sur toi quand tu reviens.

— C'est un bel endroit.

Si on veut. Un hochement de tête pour te remercier quand tu lui amènes sa boisson, elle te suit du regard jusqu'à ce que tu t'installes à ton tour.

— Et donc, tu vas me faire manger la pizza que je viens de te livrer ? Charmant pour un premier date.

On fait difficilement plus ironique.
Un date, n'importe quoi.

— Je n'y manquerai pas.

Puis elle était entrée, simplement. Tu n'étais pas le premier et elle n'avait plus peur de marchander son temps depuis longtemps. Le regard quelque peu émerveillé caché par cette mauvaise habitude qu'elle avait de tout sur-analyser. Elle avait trouvé l'endroit beau mais triste, Alcyone, avant de s'assoir sur le canapé.

Léger sourire pour te remercier de la bière, elle en prend une gorgée -va pour la deuxième quand ton manque flagrant de délicatesse attire son regard. La canette qui se baisse à peine sous ses lèvres pour la laisser apercevoir le liquide longer ta peau, elle ravale sa salive silencieusement. Être aussi beau devrait être interdit, elle le pense si fort tu sais. Ça l'agace. Alors forcément elle ne peut pas s'empêcher de faire une remarque à laquelle tu n'étais pas censé répondre.

Et pourtant.
((Qu'est-ce qu'elle est bête.))

— Moi qui pensais que tu m'avais laissé entrer pour mes qualités de madame Irma... Finalement tu voulais juste me choper ?

Les mots pleins de sarcasme alors qu'elle reprend une gorgée de bière avant de s'accouder sur ses cuisses, la canette suspendue dans le vide entre ses doigts. Si elle s'écoutait, Zadig. Si elle s'écoutait ce serait sûrement déjà terminé.

— Et comment tu comptes t'y prendre Don Juan ? J'espère que tu cuisines, parce qu'avec une pizza froide c'est pas gagné.

Un sourire narquois qu'elle t'adresse comme un clin d'œil avant de reporter la canette à ses lèvres.

Elle n'a pas dit non.

Elle se perd quelques instants à contempler la façon dont tu glisses ta main dans tes cheveux pour les replacer, un léger sourire pendu à ses lèvres. Deux avantages, deux occupations. Ses sourcils qui se haussent quand tu parles d'enchaîner pour se faire faussement perplexe alors que tu la fixes, toi aussi, sans pudeur. Si elle n'était pas ce qu'elle était sûrement qu'elle aurait rougit avant de perdre tous ses moyens, mais là encore tu n'étais pas le premier. Le plus perturbant sans doute, mais pas le premier.

Un soupir aussi bref qu'amusé alors qu'en réponse à ton sourire le sien s'étire un peu plus. C'est léger mais bien présent, comme les battements de son coeur qui s'accélèrent doucement.

— Ahlala, quel dommage.

Et ça grimpe, grimpe lentement.
L'excitation.

— La réchauffer ? Pardon mais j'ai un palais délicat moi monsieur, même pas en rêve.

C'était pas vraiment un mensonge, compte tenu du fait qu'elle passait son temps à cuisiner pour pas mal de monde elle avait finit par prendre l'habitude de se nourrir correctement. Néanmoins elle ne niera jamais, sauf devant toi peut-être, que les meilleurs repas restaient une pizza réchauffée et dégustée sur le canapé devant Netflix.

Elle fait mine de rien quand tu viens te caler près d'elle, assez loin pour qu'il n'y ait pas de contact mais bien trop proche à son goût. Allons bon. Tranquille, elle te snobe pour reprendre un peu de sa bière et la poser sur la table basse avant de se tourner vers toi. Le dos calé contre l'accoudoir et les bras croisés sur son ventre.

— Alors c'est toi qui me veut et c'est moi qui doit faire tout le travail ? Rassure-moi y a des neurones derrière cette belle gueule au moins.

Provocante mais pas méchante, elle étire un sourire en coin avant de continuer.

— On va jouer un peu. T'as rien contre un jeu hein ? T'as rien d'autre à faire après tout.

Pas vrai ?
Tu ne l'auras pas aussi facilement.

— Action ou vérité, classique mais efficace. Et évidemment tu commences.

À moins que tu ais une meilleure idée pour la surprendre, elle qui n'attend que ça pour ne plus détacher son regard de toi.

Elle ne prend pas la peine de répondre à tes remarques sur son palais et se contente d'un haussement d'épaule désinvolte quand tu poursuis. L'idée que tu la prennes pour plus inaccessible qu'elle ne l'est vraiment lui arrache un léger rire mutin à la suite duquel elle ne peut s'empêcher de rétorquer.

— Des mois c'est plutôt gentil.
((relativement abusé ceci dit))

La provocation dans le regard qui te dit essaie seulement si tu veux tant savoir, parce qu'elle est là, tu vois ? Malgré tous ces pics insolents qu'elle te lance.

— Oh, alors t'es une tête ? Intéressant.

Note l'information pour un plus tard éventuel avant de te proposer un jeu. Action ou vérité, elle n'avait pas vraiment de grandes idées mais c'était un jeu assez amusant pour débloquer les situations et enchaîner les passions alors...

Ok, action.
Évidemment, elle l'aurait parié.

Sourire à ses lèvres amusées, elle observe quelques secondes les altères au sol avant de relever son regard pour le poser dans le tien.

— Danse pour moi. La musique que tu veux, minimum deux minutes. Tu participes bientôt à DALS non ? Ça devrait être dans tes cordes.

Elle est curieuse de savoir ce que tu vaux, même si elle ne doute pas qu'après tous les films où tu as pu danser tu sois plutôt bon.

— Tant mieux, je préfère avoir la surprise à l'ouverture du prime.

Léger sourire qui s'étire encore, sans lui dire que tu le sauras bien assez tôt étant donné qu'elle est sous contrat elle aussi. Pas pour les mêmes raisons ceci dit. Tu lui tends la main, ton insulte pour lui faire hausser les sourcils avant qu'elle ne l'attrape et que tu l'entraînes sur la piste avec toi. Ainsi dans tes bras elle sent son coeur battre à peine plus fort. Plus vite. Boom boom boom -comme c'est charmant.

Action ou vérité ?
Le souffle lent pour calmer la chamade, tu en profites pour répondre à sa place.

— La théorie est intéressante. Et si j'avais vraiment choisi vérité ?

Sourire sourire qui s'agrandit, laisse s'évader le rire taquin, moqueur un peu avant de hausser les épaules tranquillement.

— Fais-moi rêver, Zadig.

Soufflé à ton oreille alors que ses mouvements se gravent au tiens. Elle se laisse aller à te suivre, gracile quand elle danse son corps collé au tien. Vos regards gravés l'un dans l'autre, elle s'amuse tout en se demandant à quel point elle pourrait résister. À quel point elle le voudrait. C'est que tu n'as pas l'air aussi horrible que ce que lui montraient les souvenirs de ce futur qui t'est réservé.

La musique pour rythmer vos pas, elle n'attend pas la fin avant de souffler encore, ses bras autour de ta nuque comme pour te faire prisonnier.

— Tu te débrouilles bien. Les autres vont avoir du travail pour réussir à te suivre.

Tu pourrais bien tout rafler cette année -et elle a une pensée pour Basile, brève avant que la chaleur de son regard ne se consacre plus qu'à toi. Viens me chercher mime son sourire du bout des lèvres.

— Enlève un vêtement.

Celui que tu veux, qu'il soit d'elle ou de toi. Les vérités abandonnées sans regret.

C'est pour ce genre de petits moments qu'elle adorait prendre son temps. Laisser venir les autres à elle au lieu de leur courir après, pour pouvoir apercevoir cette petite fierté lorsqu'enfin ils parviennent à leur fin. C'est amusant, étrangement revigorant. Sous tes mains un sourire qui se dessine à ses lèvres, l'aube d'un rire qu'elle avorte pour te répondre, amusée. Glisse ses doigts à elle le long de tes épaules alors que sa tête se baisse pour te regarder.

— Quelle victoire monseigneur ! Bon courage pour en obtenir d'autres~

S'amuse de tes réactions sûrement autant que de la douceur de ta peau alors qu'elle te demande de retirer un vêtement sans rien préciser d'autre. Et elle espère que tu as compris l'invitation ((viens me chercher)) -elle l'avait dit après tout.

Alors quand tes doigts viennent déboutonner son jean elle ne peut qu'en esquisser un sourire en coin, taquine.

— Je l'aurai parié.

Vos regards qui se croisent alors que tes mouvements s'arrêtent. Elle attend Alcyone tu sais, elle est patiente. Patiente et bien trop têtue.

— Alors ?

Glisse ses doigts sous ton menton avec une fermeté étrangement délicate.
Ce n'est pas elle qui l'enlèvera, ce pantalon.

— Finis ton action, Zadig. Et donne-moi la mienne, on a pas fini de jouer. Pas vrai ?

Qu'on en finisse.