Allongé sur le tapis maculé de sang, tu fixes avec effroi le visage déformé par la folie de Reyn Shepard, dans le rôle de Lucius. Tu lui donnes la réplique machinalement, répétant les scènes encore et encore alors que le réalisateur chipote sur des détails qui ne te concernent pas (à ton sens). Tu commences à t'épuiser Zadig, mais c'est aussi ça le métier. Tu prends sur toi pour encaisser la douleur d'être littéralement écrasé par Shepard. Qu'est-ce qui lui prend à ce débile à pas y mettre du sien ?

— « T'ES PUTAIN DE TARÉ LUCIUS ! TU L'AS LAISSÉ TE BOUFFER ! Le démon qui est en toi... Pourquoi hein... Pourquoi tu cherches tant que ça à me détruire ? »

Tu sais pleurer sur commande mais si ça continue tu seras bientôt desséché. On annonce la coupure et Reyn se redresse. Tu grognes du fait qu'il ne t'aide pas à te relever (mais de toute façon tu ne l'aurais pas accepté, sa sale main puante).

Tu rejoins ton siège à côté du sien. On vient t'apporter ton pineapple, tu commences à pianoter sur witchtagram pour modérer tes commentaires. C'est à ce moment là qu'il ouvre sa grande gueule. Tu fronces des narines, visiblement vexé.

— « Toi t'as plus le profil d'une tarlouze vendeur de fleurs et pourtant je te fais pas de réflexion. »

Tu le foudroies du regard, avec tout le mépris que tu peux faire preuve.

— « Contente toi de réciter ton texte correctement et après tu te permettras de te questionner sur mon cas. »

T'es pas d'humeur aujourd'hui.
Comme tous les jours en fait.

T'as ce petit rictus arrogant vissé aux lèvres. Tu prends la menace pour ce qu'elle est vraiment : une menace. Si Reyn Shepard pense te filer la trouille d'être exposé pour ce que tu es vraiment, à savoir une sale race, il se fourre le doigt dans l'oeil. T'as toujours été admiré et adulé malgré ton sale caractère. Tu sais jouer des apparences mais brutaliser les autres ne t'a jamais empêché d'avoir des suiveurs. Tu le toises de haut en bas, comme s'il n'était que de la saleté sous ta chaussure. Qu'il aille au diable avec ses réflexions.

— « Je vais juste garder en tête que tu as dit que j'avais un beau petit cul. Pour ça je t'en remercie. Le reste... je vais faire genre que j'ai pas entendu. »

Tu supportes pas ses grands airs. Il se prend pour qui monsieur parfait ? Tu te doutes qu'il a autant voir plus de mépris que tu en as à son égard. Tu aurais pu faire un effort (pour une fois) mais il a décidé d'ouvrir les hostilités. Très bien.

— « Faut dire qu'avec un mec aussi raide qu'un piquet au-dessus de moi j'essaie d'assurer le taff côté émotion tu vois. »

Encore une fois, il pique là où ça fait mal. Mais tu te laisses pas faire.

— « T'as raison on aurait du inverser les rôles. »

Tu ranges ton pineapple dans ta poche et croises les jambes.

— « Tu aurais dû jouer la vierge effarouchée et moi le grand méchant. Ça aurait été crédible. »

C'est trop. Reyn Shepard tient donc tant que ça à se battre avec toi ? A-t-il conscience d'à quel point il tombera de haut quand il réalisera qu'il a perdu d'avance ? Ce qu'il y a d'agaçant chez toi Zadig, ce n'est pas ton désir d'être au centre de l'attention, encore moins ta rancune, toujours pas ta cruauté quand il s'agit d'humilier les victimaires... non. C'est que tu veux toujours avoir raison. Si bien que tu finis toujours par avoir le dernier mot à la fin, jusqu'à ce que l'autre abandonne ou cède.

— « J'ai baisé Ryan, évidemment. Et toi ? Son mari, peut-être. Non non non Reyn... Ne me parle pas de talent. NON ! Je ne veux pas être à l'origine de ton déni. Ça me ferait trop mal au coeur que tu apprennes que ton agent s'est sûrement prostitué pour t'avoir ce rôle. Ou peut-être que tu voulais être proche de moi au final ? Ou c'est ton agent qui le voulait. Ils le veulent tous, j'ai arrêté de compter. »

Tu glousses, mortellement sérieux. Mais voilà qu'il se lève pour encadrer ton siège, ses mains plaquées sur les accoudoirs. Tu le toises d'en bas, aussi vile que méprisant. Lui et ses grands airs, tu lui cracherais bien au visage.

— « Va te faire foutre. »

En seule réponse à ses provocations.
Puis dès qu'il s'éloigne tu viens le choper par le col et le tirer jusqu'à toi. Qu'il se sente offusqué de ton haleine mentholée, mais tu comptes pas le lâcher.

— « Et toi t'es parfait pour le mec fourbe et jaloux. T'as même pas besoin de jouer, petite sous-race que tu es. »

Tu fais jouer de ton charme de vélane. C'est ce qu'il te reste comme arme quand tu te sens acculé. Un mécanisme du corps qui ne trompe personne.

— « Lèche mes pompes Shepard ou ferme la à jamais. »

Tu rages et tu ne prends même plus la peine de le cacher pour soulager ta fierté. S'il continue à te provoquer ouvertement tu vas vraiment finir par lui en décoller une et ça va être un enfer à gérer. Tu dois te concentrer sur le tournage sinon Blair va t'assassiner et tu vas finir en boite de conserve. Bordel... parfois les couloirs d'Ilvermorny te manquent. Tu pouvais faire tomber les couronnes des imposteurs sans qu'on vienne t'inquiéter. Tu pouvais régner en seul maitre, usant et abusant de la cruauté que méritaient tes détracteurs.

— « Aurais-je piqué ton égo Shepard ? Je les ai vu tes films, et si tu parles de moi comme un acteur de rom-com, te la joue pas trop. T'as brillé une fois et les réals cherchent à retrouver désespérément cette performance. UNE FOIS SHEPARD ! »

Il prend conscience du charme de vélane et c'est parfait. Tu étires un petit rictus satisfait. Tu vas le souiller au plus profond de lui, c'est PARFAIT. Tu t'étrangles d'un rire désabusé quand il te traite de salope. Fermes les yeux un instant pour ne pas que sa dernière remarque ne t'atteigne.

— « J'ai dis. Lèche mes pompes. »

Le seul désavantage à te battre avec les f*ottes dans son genre, c'est que tu dois affronter leur regard. Quand assumeras-tu d'en être une également ? Tu lui assènes un coup de genou dans le tibia pour lui faire perdre l'équilibre et ainsi qu'il se ramasse devant toi. Tu croises les jambes, bras sur l'accoudoir. Tu le prends de haut, le machiavélisme du seumard dans le fond de tes yeux clairs.

— « Reyn ! Ça va ? »

Une technicienne passe derrière lui pour l'aider à se relever, puis lui tapote l'épaule.

— « On reprend dans dix minutes alors faites attention. »

Puis repars faire le tour du plateau vérifier que les caméras sont bien en place.
Tu te permets d'ajouter, d'une voix volontairement plus aigu.

— « Ça va mec ? Tu seras en forme pour la scène ? »

Tout n'est que bataille d'ego désormais. Vous avez juste envie de vous éclater la gueule contre le premier mur venu - même lui a cessé son petit jeu doucereux (auquel tu pensais être le meilleur d'ailleurs) pour en venir aux insultes. A genoux devant toi, à terre, il est presque séduisant. C'est là où devraient être les faux monarques face à l'unique roi. Face à toi. Qu'il y reste, que tu puisses laver le sol avec sa tignasse en serpillère.

La technicienne qui est venu l'aider - maudite soit-elle - l'a censuré. Oh que tu aurais aimé voir Reyn Shepard en disgrâce, obligé de se livrer à la vulgarité contre le vilain Zadig Montgomery.
Tu grognes quand il parle de lacets. Putain tu vas l'éclater, mais souris pour donner le change.

— « Merci Sally, on arrive. »

Tu le toises avec la même méchanceté qu'il y a cinq minutes quand il se redresse. Lèves le menton pour accompagner son mouvement.

— « Ouai, je vais prendre exemple sur toi. »

Grand rictus complaisant. Puis tu plisses les yeux, dos à toi il observe la scène - sûrement pour se défaire du charme de vélane. Tu n'aurais pas parié qu'il fasse effet sur un type comme lui, mais tu deviens bien naif Zadig. Il y a pourtant tous les signes. Sa menace, elle, ne passe pas au travers. Tu soutiens son regard, aussi froid que mauvais. Bien. Il a compris la leçon.

— « Ouai ouai. »

Tu sors ton pineapple de ta poche pour l'ignorer de nouveau. Avec toutes ces conneries t'as oublié d'aller boire. Tu claques des doigts, interpelles une autre membre du staff.

— « Drew c'est ça ? Tu peux m'apporter un verre d'eau please, tu serais gentille. »

Et ça fait toujours son effet. A peine le temps de tremper les lèvres qu'il faut y retourner. Tu te lèves et te met en place. Vous devez recommencer depuis le début. Dès que Julius descende des escaliers chez Laurie après qu'il ait trouvé le cadavre de sa mère.

— « On va reprendre. A vos places. Reyn, Zadig. Les marquages. Ok très bien. »

Silence.

— « ET ACTION ! »

La scène se déroule à l'identique, et vous vous retrouvez rapidement à devoir vous battre. Julius pousse Laurie par terre. Tu n'as même pas besoin de jouer, à force de tomber en arrière, tu te tapes un mal de dos qui t'arrache une grimace sincère. T'essaies de retranscrire la peur dans tes yeux, t'essaies d'avoir l'air terrifié par l'être humain qui se tient au-dessus de toi. Tu te débats jusqu'à ce qu'il t'immobilise. Reyn sort sa réplique, ça te fait chier de te l'avouer mais elle sonne enfin juste même s'il change le texte. Et parce que tu crèverais si vous deviez recommencer, tu réponds.

— « Tu paieras pour tout ces meurtres. Tu es fou. »

Le souffle court et étranglé, tu cherches à te dégager. Tu fais monter des larmes et geins sous les efforts. Et quand les mains de Reyn encadrent ton visage, tu te figes pour le dévisager avec une frayeur innée.

— « Non... »

Reyn se redresse et tu rampes vraiment. Tu lui tournes le dos, oubliant tout ce qui fait de toi Zadig. Tu es Laurie, tu es terrifié. Tu restes au sol pour avancer, essayer de chercher de l'aide ou quoi que ce soit qui puisse t'aider à te défendre. Le script explique que tu réussis à te relever à un moment pour courir chercher un couteau dans la cuisine. Mais au fur et à mesure que tu t'oublies - Reyn te rappelle à toi. Tu écarquilles les yeux en entendant Zadig et tu comprends qu'il ne joue pas. Tu lui adresses un regard mortifié et confus par dessus ton épaule. Penses fumier mais tu continues de t'accrocher, les ongles sales sur la fausse moquette du studio.

— « Tu gagneras jamais ! »

Jamais.
Parce que c'est toi le héros de l'histoire.