Tu as fait des rêves étranges cette nuit-là. Elijah, une fille morte, Elijah, les sens qui t'abandonnent, Hermès dans une malle, une chambre étrange, Elijah, la douche, la chaîne, Elijah, son souffle dans ton cou, tu ne peux pas sortir, la nourriture, E l i j a h. C'est perturbé que tu te redresses, transpirant. Dans l'obscurité tu ne discernes rien. L'odeur des draps t'est étrangère. Ce n'est pas ta chambre. Ce n'est pas ton lit. La réalité s'accommode bien trop vite à ce rêve étrange qui ne t'a laissé que des sueurs froides.

Tu glisses du lit, tapotes à tâtons le mur. C'est du verre (frissons d'effroi) - tu longes la paroi à la recherche d'un interrupteur, quelque chose. Manques de trébucher quand tu te cognes dans un meuble. Atteins finalement un bouton que tu déclenches.

Des néons s'allument au plafond, clignotent d'abord avant d'éclairer la pièce.

— « Qu'est-ce que c'est que... »

Tu réalises que tes rêves n'en étaient pas vraiment, qu'ils n'avaient fait que t'exposer à des souvenirs confus et perturbants. Tu essaies d'ouvrir la porte mais c'est un échec, bloquée. Tu restes d'abord silencieux, détailles chaque coin de la pièce avec attention et minutie. N'importe qui serait terrifié d'être ainsi piégé, aussi confortable la chambre est-elle. Elle manque clairement d'intimité. Tu grimaces à la vue des toilettes et de la douche.

— « Elijah...? »

Tu appelles, sens l'angoisse qui paralyse tes jambes. C'est un appel de détresse qui s'ensuit.

— « Elijah ! »

Tu ne vois pas l'extérieur, les néons n'éclairant que l'intérieur de la pièce. La cave tout autour te paraît semblable à une grotte. Tu tapes face à la vitre, de plus en plus fort.

— « ELIJAAAH !!! »

Quelque chose te pique l'intérieur du bras. Tu fais glisser une fourchette, cachée dans ta manche. Tu ne sais pas comment elle a atterrit là - est-ce que ton toi d'hier cherche à te faire passer un message ? Tu ne te souviens pas de grand chose, c'est flou et nébuleux. Comment diable as-tu pu te retrouver ici ?
Tu retournes alors vers le plan de travail, déposes la fourchette à côté des restes d'un plat entamé. Tu t'assois sur la chaise, tu as besoin de réfléchir.

— « Merde... »

Quelle heure est-il ? Quel jour êtes-vous ?

— « Merde merde merde. »

Tu plaques tes mains à l'arrière de ton cou, baisses la tête pour fixer la table pendant plus de dix minutes. En silence. Il n'y a que ça, ce foutu silence ! A peine le ronronnement des machines.

— « Je vais me le faire cet animal. »

Et sa cage à lapin aussi. Tu pestes Atlas, et malgré les douleurs toujours présentes, t'as envie de te battre. De lui éclater sa belle gueule, de lui arracher les yeux, de lui écraser les doigts. Qu'il hurle comme il t'a laissé hurler pendant des jours sans rien faire.
Tu te relèves, prends la chaise sur laquelle tu étais assis pour la balancer contre le mur. Tu recommences, encore, pour qu'elle se brise. Répètes l'action sur la deuxième. Tu t'arrêtes. En nage, tu ouvres l'armoire brusquement pour te saisir de vêtements. Tu enfiles un pantalon et une chemise propre. Jettes le pyjama dans les toilettes.

— « Ok. » A toi-même.

Tu reprends la fourchette, la plantes dans le matelas, déchires les draps, l'oreiller. Tu tires sur le matelas pour le séparer du sommier. Tires sur les lattes pour les casser une à une. Le bruit du fracas t'accompagne dans ta folie. Tu veux juste tout saccager pour te calmer. Ton chez-toi qu'il t'a dit, ça te revient. Il sera bien obligé de te sortir de là si tu ne peux pas y habiter.

Se creusent sous tes yeux des cernes rougeâtres. T'es tellement en colère que tu pourrais encore plus dérailler en le voyant.
Mais petite pause. Tu ouvres le frigo pour prendre de l'eau, descends un tiers de la bouteille. Merde. Faut que t'ailles aux toilettes. Tu retires le pyjama du bout des doigts. Tu t'occupes de le remettre une fois terminé. Putain. T'es pas à l'aise, et s'il se cachait dans l'ombre depuis tout ce temps ? T'as la gerbe.

— « ELIJAH PUTAIN ! »

Pas de réponses. Tu t'acharnes contre la porte de nouveau, constates le code de la porte d'entrée. 0000, 1234. Il serait pas aussi con non ? Non. Tu glisses contre la porte, découragé. Constates le bordel monstre que t'as foutu. Tu te redresses et ramasses un pied de chaise en bois, t'en sers pour frapper contre la vitre (il ne se passe rien) puis contre le plan de travail. Tu tires ensuite sur les portes du placard pour les décrocher et les éclater. Enfin tu as achevé ton œuvre. Il ne reste plus qu'à l’attendre. Peut-être que tu ne le verras pas pendant plusieurs heures.

Tu t'assois dans un coin, gardant près de toi un pied d'une chaise un peu effiloché. Ça sera parfait pour l'attaquer.

Et tu attends.
Encore,
encore,
encore.
La lumière de la cave s'allume. Tu te redresses sans lâcher le morceau de bois, le vois s'approcher lentement de la cage de verre. Tu lui rends tous ces sales regards, prêt à en découdre.

— « Ouvre, immédiatement. »

Un bref regard vers les livres qu'il tient dans les mains. Tu fronces les sourcils, serre le bâton de bois entre tes doigts. Tu trembles de colère, et lui se met à hurler. Pourquoi, demande-t-il ? Il ose avoir l'indécence de te demander pourquoi ? Tu t'approches de la porte pour le fusiller du regard, nullement impressionné par l'expression de son mécontentement.

— « ARRÊTE DE ME CRIER DESSUS ! Baisse d'un ton, sale animal ! »

Tu commences à t'attaquer à la vitre, frappes avec ton arme pour lui faire peur. Tu veux l'intimider, qu'il comprenne que tu ne céderas à aucun moment et que tu te montreras intraitable.

— « Si ! Je dormirais DANS MON LIT ! CHEZ MOI ! »

Tu recules pour lui laisser accès à la porte, mais restes non loin. Tu t’attardes de nouveau sur les livres qu’il tenait dans les mains.

— « Tu as cru qu’il suffirait de m’apporter de quoi m’occuper pour que j’accepte de vivre là-dedans ? »

T’as un petit rire nerveux, amer.

— « Je ne t'attaquerais pas si tu m'ouvres. Elijah... Je ne resterai pas ici prisonnier de ton délire plus longtemps. Ça ne marchera pas indéfiniment. OUVRE LA PORTE ! »

Déglutis. Tape d’une main contre celle-ci.

— « Ou donne-moi le code. »

Comment ça vous vous êtes mis d'accord ? Tu n'aurais jamais accepté de rester enfermé dans cette pièce. Tu n'aurais jamais accepté quoi que ce soit venant de sa part. Il a dû profiter d'un état de faiblesse, aussi physique qu'émotionnelle. Ça te scie les nerfs Atlas, la façon dont il se fait des idées sur toi (sur vous). Son pouvoir sur toi aussi te rend malade. Tu aurais au moins un avantage à l'extérieur. Ces murs ne te protègent pas, toi, mais le protègent, lui, de toi.

Tu tapes contre la vitre, excédé de devoir te répéter.

— « Ce n'est pas à toi de décider où je dois me reposer ! »

La ride du lion dessinée, la veine de ton front pulse d'agacement. Quand il te rejette la faute dessus, tu n'as pas le temps de réagir qu'une chaîne s'attache au bracelet de ta cheville, te tires en arrière. Tu lâches sous la surprise, recules malgré toi pour te coller au mur. Un système ensorcelé ? Génial.

— « Notre bien ?! »

Tu pestes, tires sur la chaîne pour le rejoindre lorsqu'il ouvre la porte, lèves le bras dans l'espoir de l'atteindre et rages. Tu finis par abandonner et rester dos à la vitre.

— « M'enchainer c'est pour notre bien ? Me garder ici aussi ? Je vais perdre mon travail ! Mes parents vont me croire mort. »

N'oses pas lui avouer que tu te sens déshumanisé dans cette cage à lapin. Que ce n'est pas toi qui devrait être traité de la sorte mais plutôt les gens de son espèce.
Tu tiques de la langue mais garde cette réflexion pour toi. Tu ne vas pas aggraver ton cas. Pendant ce temps, il use de sortilèges pour réparer les dégâts. Tes efforts de plusieurs heures réduits à néant. Tu te laisses glisser contre le sol, prends ta tête dans tes mains. Les enlèves en l'entendant parler.

— « Comment ça je me suis endormi dans tes bras ? »

Tu t'empourpres et fronces les sourcils, mal à l'aise. Tu détournes le regard vers la porte verrouillée, redemandes buté.

— « C'est quoi le code ? »

Tu te redresses, observes la chaîne à ta cheville.

— « Laisse-moi au moins bouger dans la pièce, sale chien. »

T'es désespéré.

— « Je serais sage. »

Mais tu crois rêver... Elijah a l'art et la manière de retourner les situations à l'envers. Il a l'audace de se faire passer pour le héros, pour le gentil chevalier étant venu délivrer sa princesse d'un sort funeste. Tu les connais les histoires, tu as assez ouvert de livres quand tu étais gamin pour t'en souvenir. Et le prince charmant n'enferme jamais la princesse dans un donjon. Tu te forces à contenir tes émotions, à ne pas lui montrer à quel point ça te dérange. Il ne comprend pas, il ne comprendra jamais - vous n'avez pas la même vision des choses.

C'est plus fort que toi, tu roules des yeux au ciel en entendant ses réponses. Il se répète, justifie son égoïsme arbitraire à coups d'arguments pétés. Tu vas l'étrangler, c'est pas possible.

— « Waw. Merci Strauss. Merci ! Je te suis reconnaissant à genoux de m'avoir sauvé. Plutôt que de mourir, je vais passer ma vie dans une cage privé de liberté ! »

Et c'est ironique.
Tu n'y penses pas sur le moment ; mais c'est exactement à ce destin précis que tu as condamné Hyperion quand il s'est fait mordre. Ah comme le destin fait bien les choses, il est cruel avec nous quand on est cruel avec les autres.

— « Bah bien sûr. Comme c'est pratique. »

Tu as beau protester, tu ne peux rien faire hormis lui pourrir la vie. Mais au moins tu coopéreras, au plus il te gardera ici. Tu dois t'adapter, c'est toujours comme ça dans la survie.
Même avec une petite insulte en plus.
Insulte qui ne lui plait pas d'ailleurs, car il fond sur toi pour griffer ton visage. Tu te masses la mâchoire quand il te relâche, le fixes de ta place comme un enfant vexé d'avoir été puni. Tu promets d'être sage (à contrecoeur) et il libère un peu de chaine pour te permettre d'avancer dans la pièce.

Viens.
Tu hésites mais le rejoins finalement. Assis sur la chaise, tu le domines de toute ta hauteur. Tu le laisses inspecter pour voir s'il tes blessures se sont réouvertes. Tu frissonnes au contact de ses doigts. Ne ressens pas de pudeur quand il t'inspecte de ses yeux.

— « Je vais mieux. »
C'est seulement à moitié vrai.
T'es épuisé.

— « J'aurai dû voir un médecin pour être sûr. Tu n'as pas de connaissances en médicomagie. »

Ajoutes pour appuyer ton propos.

— « Car je suppose que tu as envie de reprendre les morsures au plus vite, non ? Ça va être compliqué dans mon état pendant un long moment. »

S'il ne voit en toi qu'un intérêt pour ton sang, peut-être qu'il agira (à son détriment).
Tu te permets de glisser une main timide d'un geste faussement affectueux dans l'arrière de sa nuque, à la naissance de ses cheveux. Le surveilles avide, désireux de déceler la nature de ses réactions.

Ah. Il s'adoucit. Est-ce que c'est ce qu'il veut ? Est-ce que c'est ce qu'il cherche depuis le début ? Le contact ? Tu fais les raccords dans ton esprit - il a dit qu'hier tu t'es endormi dans ses bras. Oh tu sais ce que ça veut dire. Merde. Tu as dû sans le vouloir lui envoyer les mauvais signaux et c'est pour ça qu'aujourd'hui il s'est montré aussi généreux. Des livres, des vêtements... c'est exactement ce que tu aurais pu demander en état de coopération.

— « Merci, pour les livres. »

Ce n'est pas facile de remercier celui qui abuse de nous, quand il est un tant soit peu généreux. Pourtant, même froid et distant, tu tiens à faire cet effort considérable pour adoucir votre relation - asseoir les négociations qui peut-être te permettront intelligemment de sortir d'ici.

— « Oui, je pense que j'ai vraiment besoin d'un médecin. Non pas que je ne crois pas en ta capacité de me soigner correctement mais j'ai des cotes fêlées, je les ai senties tout à l'heure. Aussi mes brûlures sur le ventre et le dos n'ont pas été traitées. J'ai mal. »

Ta main glisse de sa nuque sur son épaule. Ce n'est plus lui qui te dégoûte, c'est toi. Pourquoi est-ce que tu fais ça ? Pourquoi est-ce que tu n'affiches plus clairement ta colère ? Tes doigts si proches de son cou il te suffirait de pas grand chose pour lui sauter à la gorge, pour l'étrangler. Un pouce sous sa pomme d'Adam, l'autre sous son menton. Plus d'air, il convulse pendant sept longues minutes. Il est mort.
Et tu es coincé dans cette cage pour l'éternité, abruti.

— « Elijah ? »

Tu t'abaisses accroupi devant lui, poses ta tête sur sa cuisse. Affiches un sourire peu rassurant (même pour lui).

— « Est-ce que tu fais tout ça parce que tu es amoureux de moi ? »

Ses doigts à ta mâchoire, tu apprécies finalement le contact en silence. Il concède à moitié l'idée de te faire voir un médecin, te menace à sa manière d'être sage. Tu comprends que dans son esprit cela signifie n'opposer aucune résistance, ne tenter aucune fuite et accepter de retourner dans ce qu'il appelle l'endroit protégé, et ce sans faire d'histoires. Tu dois clairement prendre avantage de ce rendez-vous médical Atlas. Mais sans baguette et avec des blessures, impossible de transplaner. Tu te doutes que la cave a également subi des maléfices.

— « D'accord. »

C'est répondu d'un ton froid et sobre. Tu n'y mets aucune émotion, pour ne lui donner aucune chance de déceler tes intentions.
Reposes ensuite ta tête sur sa cuisse, soupires. Tu as cette question sur le bout de la langue, tu as besoin de la lui poser. Tu as envie de comprendre ce qui le pousse à agir de cette façon. Il a les yeux d'un fou quand il te regarde - pourtant tu es certain d'avoir déjà regardé de cette manière (d'avoir un jour rêvé qu'on te regarde en retour).

Et ses réponses sont confuses.
Pourtant si claires.
A l'entendre, tu t'entends toi quand le chagrin n'avait pas encore ravagé tout l'amour que tu leur portais, à elles.

— « Ça m'en a tout l'air, Elijah. »

Tu ne peux pas t'empêcher de vouloir l'analyser. Tu te relèves, prends appui sur ses genoux pour t'y asseoir.

— « Tu es contaminé par le mal de l'amour. »

Moqueur.
Tu es clairement dégoûté.

— « Il va falloir te soigner toi aussi. »

Tu te fais empoisonneur de l'âme, non sauveur. Ta main glisse sur sa joue, remonte à son oreille pour que tes doigts s'enfoncent dans les mèches de ses cheveux.

— « Et si je pense ne jamais t'aimer, abandonneras-tu ? »

Baiser cruel sur son front.
Ton cœur bat trop fort pour un immunisé.

Ses bras s'enroulent autour de ta taille et t'enferment dans cette cage humaine. Elijah ne semble pas vraiment sous le choc de ton analyse. A croire qu'il en était semi-conscient alors. Toi par contre, tu intériorises toutes tes émotions, les étouffes comme si c'était de la saleté. Tu as toujours méprisé les hommes - comment pourrais-tu tomber amoureux du plus sale d'entre eux ? Il n'a rien de gracieux, rien de pur. Il n'a que les vices pour milice et des asticots dans le bide. Il est cette charogne d'épouvante qui te maltraite. Te maltraite-t-il ? Tu jettes un coup d'œil autour de toi. N'importe qui s'accorderait sur le fait que cette prison est assignée à de la maltraitance. Pourquoi est-il aussi doux et généreux ?

— « Si tu le dis. »

Tu te cambres en sentant ses mains s'accrocher aux pans de ta chemise. Il a l'air si déterminé dans sa quête - ça t'éblouit un peu trop. Les envies de lui faire du bien se mêlent aux pulsions de violence. Tu es soudain pris entre le besoin écoeurant de l'embrasser et ta volonté de lui écraser le crâne sur le coin de la table.

— « Je ferai de mon mieux. »

Mensonge, mensonge, mensonge.
La graine de la vérité est déjà en train de pousser dans le fruit pourri.

— « Tes pulsions hein… »

C'est surtout ça - la cause de toute cette haine. Ta fierté ne supporte pas d'être la proie d'un animal, aux moeurs scabreuses et sanguinaires. Ta respiration en suspens quand il effleure ta peau du bout de ses canines. Tes élans de tyran reprennent rapidement le dessus. Tu plaques ta main sur son cou pour l'enserrer, le force à cambrer la nuque sur le dossier de la chaise. Tu te fais conquérant Atlas, t'improvises dominant comme un maître. Resserres ta prise pour le maintenir sous ton emprise.

— « Demande-moi le correctement et je t'embrasse. »

Il y a de la fragilité devant toi (en lui). Les fissures qui se dessinent sont fascinantes mais tu devines que sa faiblesse n'est qu'un leurre destiné à te séduire bien trop vite. Le pouvoir qu'il t'accorde est le seul qu'il ne sait pas t'imposer. Tu as beau l'enfermer, c'est toi qui est enchainé.
Tu attends qu'il cède, sans forcément l'étrangler. Tu serres tes doigts pour le maintenir et asseoir ton autorité. Sens ses ongles dans ta peau, au travers de la chemise.

S'il te plait.
AH ! Enfin ! Il quémande comme un gentil chien obéissant. Tu plisses les yeux un instant, ravales illico cette victoire pour te questionner. Est-ce un jeu ou est-il désespéré ?

— « Hmm... D'accord. »

D'abord, la récompense. Tu plaques tes lèvres aux siennes, appuies un peu plus ton bassin contre le sien en remontant sur ses cuisses. Sans rompre le baiser, tu l'intensifies. Forces le passage de ta langue durant l'échange. Elle se heurte à ses canines et tu recules brusquement.

Tu le regardes dans les yeux sans rien dire, portes ta main à ta bouche pour l'essuyer d'un revers de manche. C'est criminel d'être aussi tentateur - mais les vices tu les connais aussi pour les avoir apprivoisé. Tu baisses les yeux sur ta cheville, toujours reliée à un coin de la pièce.

— « Maintenant, viens chercher le reste. »

Tes doigts se faufilent dans ses cheveux, les agrippent avec force alors que tu tires sa tête vers le haut. Alors que tu gardes le contrôle, tu t'autorises à déposer des baisers froids dans le creux de son cou.

Tu as du pouvoir et il est bien obligé de te suivre maintenant. Lueur malsaine et victorieuse dans les yeux (qu'il ne peut pas voir) quand tu entends le bruit de la chaîne qui tombe lourdement sur le sol. C'est donc l'unique solution, le séduire - et ne rien ressentir.
Ton esprit pense mais ton corps parle. Lui en as assez de ta tyrannie Atlas, il en a assez d'être prisonnier de tes insanités, de tes instabilités. Il veut s'autoriser un peu de plaisir, même si pour cela il doit se soumettre au diable lui-même. Il veut prendre le dessus, il veut se laisser aller. Il veut tout ce que toi tu lui as interdit pendant des années.

Ton prénom gémit entre ses lèvres, tu fermes les paupières pour respirer son odeur. Il y a son parfum et la sueur d'une nuit de travail, il y a celle du sang (il en est marqué tout entier) et celle de l'effort. Tu en viens à l'appeler sans t'en rendre compte.

— « Elijah... »

Il te soulève et tu t'accroches, les mains plaquées sur ses épaules. Le relâches dans un soupir de douleur quand il te dépose sur le lit. Tu as vraiment mal partout. La position allongée face au plafond te rappelle à des traumatismes comme celui de l'entonnoir. Tu fermes les yeux pour te focaliser sur Elijah et ses mouvements. Ton torse se soulève à mesure qu'il serre ta gorge. Tu respires difficilement, peu entreprenant au niveau de tes mains que tu plaques contre les draps.

— « Elijah... Attends... »

Et pourtant c'est toi qui l'a appelé. Tu rouvres un œil, te mords la lèvre alors que tu remontes tes genoux à hauteur de ses hanches.

— « Je ne sais pas si... »

Si quoi ?
Si c'est une bonne idée ?
Si tu en as réellement envie ?
Si tu en es capable ?
Ton esprit cloisonné se heurte à la sensibilité de ton corps davantage séduit par l'idée.

La chaîne est déjà une victoire.
À lui offrir tout, peut-être se montrera-t-il moins protecteur ; moins obsédé, moins déterminé à tout te voler.

— « D'accord. Prends tout. »

Merde.
Inspire, expire.

— « Prends-moi. »

Elijah Elijah Elijah.
Il n'a aucune idée que les mains qui osent désormais le toucher ne sont pas celles de celui qu'il a fantasmé. Il n'y a rien de puritain dans la langue qui vient lécher sa peau usée, dans les doigts qui viennent agripper ses fesses. Le regard avide louche déjà sur son pantalon.

— « Avant que je ne change d’avis. »


— « Hm... »

Tu enroules sa taille de tes bras pour venir déposer ta joue contre son ventre. Trembles légèrement avec lui sous les spasmes de jouissance qui l'étreignent encore. Tu te sens sale et comblé.

Tu restes contre lui, entoures sa taille de tes bras pour entendre son ventre gargouiller. Tu n'es pas expressif, ni même particulièrement tendre. L'oeil sec, tu te racles la gorge quand tu avales, pris d'un frisson de dégoût. Tu n'arrives pas à croire et à conscientiser ce que tu viens de lui faire. C'est quelque chose que tu n'aurais jamais offert à qui que ce soit, si ce n'est à la femme de ta vie - Elijah n'est qu'un monstre parmi tant d'autres (le tien).

Il a l'audace de te demander si tu es à l'aise. Tu ne réponds pas, le serres juste un peu plus fort avant qu'il ne force à rompre le contact pour s'habiller. Tu remontes, regard fuyant, ton pantalon et le reboutonnes. Puis il s'allonge à côté de toi. Il a le sourire aux lèvres, celui des conquérants et des rois. Tu rougis malgré toi face à son assurance dévastatrice.

— « Ah oui ? N'y prends pas goût. »

Il serait capable de se faire des idées - de t'imaginer déjà sous sa coupe. Comme si tu pouvais avoir des sentiments pour un animal. Jamais. Alors quoi ? Ça va devenir votre rituel ? Tous les jours quand il rentrera du travail ? Tu en avais un de travail, et personne ne t'attendait à la maison quand tu rentrais le soir.

Soudain, ton regard s'éclaire.

— « Demain... »

Demain.
Demain.
Demain, il fait venir quelqu'un.
Il n'aura pas été très difficile à convaincre. Ça te conforte dans ta stratégie, tu vas devoir continuer à feindre et à lui donner de l'attention - et sans doute que tu réussiras à le piéger.

— « Merci... mon coeur. »

Ça t'arrache la bouche.
Tu te retournes pour l'embrasser, encercles son visage de tes mains et murmures.

— « Tu ne me remettras pas la chaîne, n'est-ce pas ? »

Tu vas le dresser. Il n'est pas prêt.