Beau vient te sortir d'un état léthargique où tes mains vagabondaient, perdues, sur une feuille de papier.
Sous la plume, seuls des mots éphémères, sans importance, tâchaient le beige de leur noirceur. Tu lui offres un sourire, à cette famille liée par le mariage, aussi malheureux qu'il soit, le remercies d'un signe de tête élégant, en t'allant accueillir ce mystérieux invité.

Ma soeur s'est absentée, vous l'en excuserez... Oh.

Tes yeux se posent enfin sur le jeune homme, alors que tu descends les marches lentement, que sa chevelure blanche semble de loin parjure sur les vêtements couvrant son corps d'ange.
Tu l'avais rencontré statue de marbre striée de sang, voilà qu'il toquait à ta porte bien vivant désormais.

C'est vous. J'espère que vous allez mieux que la dernière fois.

Doucement, tu te glisses à ses côtés, lui offres ton bras - que tu lui laisses le loisir de saisir ou non.

Puis-je vous proposer un thé ? Un café peut-être ? Si je me trompe pas, je devrais aussi avoir encore du chocolat, je pourrais vous en faire un chaud si cela vous plairait.

C'est d'un signe de poignet que tu fais fermer la porte derrière lui, l'invitant à te suivre vers le salon.

Blotti contre toi il a l'air plus frêle encore qu'il ne l'était inconscient, couvert de sang, corps sans vie pourtant survivant à cette horrible attaque dont il avait été victime. C'est d'un sourire que tu l'accueilles, te tient bien plus droit, portant son poids de ton bras pour le soulager de sa propre charge. Il semblait si démuni - face à ses blessures, face à sa malédiction.
Qui aurait deviné derrière ce visage angélique une bête cruelle et indifférente à la souffrance qu'elle pouvait infliger.

Ce sera un café, donc. Court, long ? Avec du lait, peut-être ? Vous sucrez ?

Un rire t'échappe et tu portes ta main libre à tes lèvres.

Pardon, je suis nerveux... et je ne sais que faire des compliments de ce genre. Je n'ai rien fait qu'un autre à ma place n'aurait pas fait.

Le salon chaleureux vous accueille, et alors que tu t'apprêtais à l'installer dans le canapé, il s'agenouille devant toi - et ô, Asclépios, comme ton coeur se fend de le voir ainsi abandonné, quémandant une clémence que tu ne possèdes pas à lui offrir.
Doucement tes mains viennent encadrer ces frêles épaules, mais tu ne le redresses pas, non, tu viens t'agenouiller face à lui et tes doigts caressent doucement ses mâchoires pour dresser seulement son visage en ta direction.

Croyance, c'est un si beau prénom. Croyance, n'ayez crainte, votre secret ne perdra guère de sa superbe. C'est à moi de vous quémander clémence - sous notre garde, sur nos terres, un sortilège noir vous a été adressé...

Ta main gauche glisse sur son genou, sur sa cuisse qui prennent, tremblants, appui à terre.

Vous garderez séquelle à vie de notre imprudence...

Oui, il a raison.
Nombreux laisseraient mourir un homme atteint de lycanthropie.

Nombreux laisseraient mourir un homme.

Car pour toi, c'est ce qu'il est. Sa maladie ne le définit pas, elle n'est rien de plus que cela - une maladie. Quelque chose qui pouvait être soigné, retiré. Quelque chose que tu voudrais voir partir de sa chair, se détacher comme une mauvaise feuille qui, si elle n'était pas coupée, pourrait gangréner l'arbre.
Tu secoues la tête, encore, relèves son menton pour jeter le dévolu de ton regard dans la profondeur du sien - y cherchant un ancrage plus profonde que ce que tu serais prêt à offrir.

Je vous en prie, vous valez bien mieux que cela. Si vous permettez... Je suis un philanthrope par nature. Si je le peux... J'aimerais essayer de vous aider. Vous secourir une seconde fois.

Ta tête s'incline, tes mèches noires passant devant ton visage, te surprenant presque - car après tout, tu n'en as toujours pas l'habitude.

Nous pourrions nous entraider, Croyance Savoy. Laissez moi vous libérer de cette dette, en épongeant la mienne.

Un geste de poignet, un léger bruit de porcelaine, et entre tes doigts apparaît une tasse blanche aux ornements d'un précieux bleu, aussi délicate et fine que l'individu à qui tu la tends.

Laissez moi vous sauver.