Rare soirée de libre, loin du baby sitting, de l'odeur du vernis et des peintures. Une pause d'un monde doux et artistique, pour quelque chose qui lui semble plus familier et à portée.
Un bar malfamé.
Un bon perchoir pour se détendre à l'ombre d'une salle, verre à la main -ici, vide- et à se laisser bercer par le brouhaha des vauriens du quartier. Moment détente, à la Wyverne Blanche qu'il ne connait que trop bien. Où on sait que sa solitude est à ne surtout pas perturber.
Ou presque.

Un pélo s'approche.
Soupir intérieur, et aucune attention accordée à son approche. Mais il est là malgré tout.
Le regard vient finalement se perdre sur son accoutrement, confus par tant de détails et de couleurs. Ce type dénote de la clientèle, par sa tenue mais par son audace également : l'inconnu arrive sans gêne, deux verres en main, et vient en plus faire une remarque sur son visage.
La wyverne blanche est son repaire lorsqu'il veut passer une soirée calme, seul, avec un verre. On sait qu'il y a mieux à faire que le déranger.
Visiblement pas cet étranger.
Immobile au fond de son siège, ses yeux se lèvent pour observer le blond d'un air mauvais, le bon et le voilé.

Le touriste connait cependant son nom.
Sans le lacher de son regard perçant, Ellair passe en revue ses connaissances, mais personne n'est aussi extravagant dans son entourage. Mention du temps, aussi, peut-être un fantôme du passé.
Personne ne lui vient à l'esprit.
Un émissaire, quelqu'un venu pour une revanche ? Avec ce genre de sourire ?
Louche.
Alors, rien ne se passe. Ellair reste cette carrure menaçante au fond de son siège, eau dormante et inquiétante dans laquelle on devine une noyade prochaine. Accueil glacial, car il n'a pas le temps de jouer aux devinettes ni l'envie de parler à un inconnu. Prêt à retourner la table s'il le faut, dégainer les sorts offensifs ou même son poing si l'inconnu se révèle hostile.
Sur ses gardes, et surtout saoulé qu'on vienne interrompre son précieux congé.

L'attitude toute délicate de l'inconnu lui donne de quoi fusiller du regard. Il envahit son champ de vision, envahit de son odeur rappelant un lointain souvenir, comme une partie d'une fragrance plus vaste encore.
Ellair ne se déride pas, au contraire. Ses sourcils se froncent, et son dos ne fait qu'un avec le dossier. L'homme de main n'est pas venu pour assister de force à une bimbo se pavaner devant lui prétextant qu'ils se connaissent déjà, mais pour vider son esprit dans un endroit familier.

Connaissance ou non, Ellair ne veut pas jouer au jeu.
Aucun homme de son entourage vient jouer de ses charmes ainsi, personne d'aussi extravagant n'osait venir déranger ses moments de paix intérieures sans crainte. Et lui, s'avance, grignote son espace vital. Ellair grimace, toujours dans le silence.
Hermétique à ses secrets et ses charmes.
Fermé à toute conversation, à tout être vivant à moins de deux mètres de lui, sauf le serveur.
Un soupir lui échappe, lourd et agacé.
Ellair ne veut rien dire à cet inconnu bien sappé et sentant le frais, ni même accepter ce verre bien qu'il le tente. Il le fixe d'ailleurs, avec méfiance, avant de lentement relever ses yeux vers le blond.

- Reprends tes verres et tire toi.

Au cas où il n'avait pas compris qu'Ellair ne se sent pas l'âme joueuse, ni même curieuse, ces mots sont grondés comme un avertissement. Dans sa grande mansuétude non reconnue, c'est un cadeau ; une chance de se pas se manger la table tout de suite, de partir avec son beau visage intact.
Quelque part, le sorcier se doute que cela ne sera pas suffisant.
Ah, quel dommage.
La vie d'Ellair est dure, à demander poliment, mais devoir en venir à la force pour obtenir le peu de tranquillité dont il a besoin. C'est triste, cela le peine, mais c'est la vie.

Non, le blond refuse de bouger.
Ellair prévoit déjà la suite des évènements : s'il commence par repousser la table et le faire tomber avec ou si un revers de la main suffirait à le mettre K.O. Après tout, l'inconnu a le gabarit d'une crevette et il ne l'imagine pas assez rapide pour sortir une quelconque baguette magique.
Il bouge, maintenant.
Et lui n'en est que plus confus devant ce geste, plissant légèrement les yeux. Quoi ? Plus d'attention pour son visage impeccable ? Qu'est-ce qu'il lui veut, à la fin ?!

Des indices. Treize ans qu'ils ne se sont pas vu, changé depuis...
Ellair ne se souvient pas avoir trainé avec un mec aussi lourd et insistant à Poudlard. A coup sûr, il aurait abusé de sa patience comme ce soir et s'en serait pris une. Par contre... Un pleurnichard, cela lui parle.
Un blond, aussi. Et le parfum lui parle enfin, bien qu'il manque l'odeur des livres de la bibliothèque de Poudlard pour le compléter. Alors, finalement son regard se fait moins agressif, et il détaille d'avantage son visage.

- Iskander ?

Ellair n'est pas complètement convaincu d'avoi trouvé la bonne réponse : dans ses souvenirs, Iskander reste dans les librairies et tend à ne pas se faire remarquer. Jamais il ne l'avait marqué en jouant avec confiance de ses atouts et ses extravagances...
Finalement, la bute cède. La réponse lui est apparue plus vite que sa colère, et maintenant qu'il est moins tendu, se laisse appâter par le verre de bière.

Oh si, c'était difficile !
Iskander n'avait plus voulu lui adresser la parole après leur dispute, et lui avait même déjà oublié la raison de ce drame !
Son sourire reste sans réponse. Ellair continue de le détailler du regard, inexpressif. Il est vrai que l'homme de main n'était pas prêt pour un tel changement. Autrefois, le blondinet aurait bien eu besoin d'assurance et de hargne. Maintenant, il l'aborde sans avoir peur et a un talent pour lui casser les pieds en peu de temps. Ca, et une puberté en retard mais généreuse ?
Bref.
C'est le nouveau visage du rat de bibliothèque.

Ellair grogne légèrement et prend son verre et boit finalement. Il peut reste. De son côté, Ellair n'a que de bons souvenirs du scientifique. Que des moments d'études partagés, à débattre sur les détails de leurs cours qui pourraient les aider à atteindre une note parfaite. Il perd son regard dans sa boisson rien que d'y penser.

- Parle donc...

Cette soirée se repose désormais sur ses oreilles attentives. Pas forcément idéal, mais que peut-on faire contre le destin qui réunit deux amis d'enfance ?
Encore quelques gorgées. La descente est facile, quand on a peu de temps pour se détendre.

- Pourquoi rompre ton silence après tant de temps ?

Pour revoir son doux visage ?
Finalement il relève les yeux pour les planter dans ceux d'Iskander. S'il donne l'impression de lui faire passer un interrogatoire, c'est purement par déformation professionelle.

Certains détails avaient été oubliés avec le temps, comme l'amour des mots, et de les enchainer le plus longtemps possible ! Il les laisse les prononcer de son côté de la table, car il a l'air sentimental de l'avoir retrouvé, lui, cet ami qu'il a veillé à ignorer si longtemps.
Laissons lui ce plaisir.
Bien que cela remonte à si longtemps que cette rencontre ne le touche pas autant que cela semble émouvoir Iskander.
Quoique... Le verre gratuit change pas mal de choses.

Plus de mots, plus d'informations sur la soirée du blond. Ellair continue de savourer sa bière en silence jusqu'à ce que son interlocuteur fixe sa cicatrice. Le voilà plus attentif, d'un coup.
S'il ose poser la question, la vérité ne lui plaira pas. Seulement, Iskander a un minimum de décence et ne fait qu'observer sans mentionner l'évident.

- Je n'ai pas tant changé...

Constant dans ses habitudes, dans son apparence, Ellair n'avait jamais cédé aux cheveux longs ou un changement de style. Il était déjà athlétique à l'époque et n'a fait que murir depuis, gagner en force et en expérience, et allonger la liste de ses victimes et loyaux services aux Cavendish.

Et enfin, une surprise.
Ellair avait raison. Cela ne le surprend pas plus que cela, mais qu'on le lui avoue, oui. Un faible sourire étire à peine ses lèvres.

- Ah oui ?

Son sourire triste devrait le mettre sur la voie, mais Ellair passe à côté de ce genre de choses, juste content que sa situation soit meilleure après son conseil.

- C'était quel conseil ?

Peut-être qu'il pourrait le donner à quelqu'un d'autre, s'il était si utile !

Trouver mes propres solutions à mes propres problèmes. Oui, typiquement le genre de conseil qu'il reconnait. Ellair acquiesce doucement, avant de porter à nouveau son verre à ses lèvres.
Comme quoi.
Quand il parle, ses paroles ne sont pas creuses. De précieux conseils même, si son vieil ami, le plus intelligent qu'il ait eu, le souligne !

Iskander reprend ses récits.
Utiliser tant de mots, gaspiller tant de salive, tout cela pour au final rester vague et n'offrir que peu d'idées de ce dont il est en train de parler àà un interlocuteur fatigué de sa journée.
Ses sourcils se froncent légèrement, il s'enfonce dans son siège. Pour ces retrouvailles, Ellair lui offre le peu de patience qu'il  possède.
La seule distraction, c'est la nouvelle attitude de l'ancienne victime de Poudlard : maniéré, habillé pour attirer l'attention... Si ça se trouve, le  limier vient de gober un mensonge énorme, et ce n'est pas Iskander devant lui. Après tout, l'ancien Leszczynski ne l'avait pas marqué avec ce genre de raffinement.

Le silence s'installe après son monologue.
Il le détaille du regard, réfléchissant à ses motivations.
Venir reconnaître qu'il a raison... Lui offrir une bière de bon coeur... Cela commence à faire beaucoup.

- Qu'est-ce que tu me veux, Iskander ?

Un regard appuyé d'un léger mouvement de tête vers sa bière, puis il revient plonger son regard dans celui du blond.

- Renouer ?? Ou m'amadouer ?

Hors de question de laisser son masque glissé par inattention. Il retient ses mots, jouant lui aussi avec son verre, avant de venir le provoquer un peu.

- Si t'as pas changé, pourquoi t'es aussi agréable ? Me souviens pas de ça...

Le voilà, le génie amer.
Rien que les premiers mots annoncent la tirade. Ellair se pose confortablement, croise ses bras, verre en main, pour mieux retrouver son ancien ami au monologue facile.  Ce genre d'occasion lui offre de précieuses minutes sans gaspiller sa salive, ne quittant pas son interlocuteur des yeux avec son air naturellement indifférent.

À l'entendre, rien d'Iskander suffisait, pas même sa personnalité.
Bien qu'elle lui ait suffit, à lui, si Iskander s'était véritablement ouvert à lui... Quant au physique, lui, il n'y avait pas plus fait gaffe : c'était évident au premier coup d'œil, et contrairement aux plus bêtes de ses paires, ne jugeait pas utile de mentionner leurs différences.
En y repensant, le limier se rappelle de quelques scènes injustes à l'égard de l'ancien Serdaigle, lui donnant quelque part raison.
Mais pour lui, le critique le plus dur du blondinet n'est autre que lui même.

Puis Ellair plisse les yeux. La logique d'Iskander commence à lui échapper, comme si elle spiralait d'elle même vers les abysses.
C'est là qu'il en profite pour boire, sourcils froncés devant cette logique. En venir à se vendre... Le limier ne pouvait pas croire que son intellect et son génie ne puissent pas lui faire gravir les échelons. Iskander reste un homme.
Un homme, c'est mieux payé.
Ca réussit.

Un minimum baisable et pas trop dur à regarder.
Une hésitation, puis un léger haussement d'épaules; pas faux. L'appât du gain. Joindre l'utile à l'agréable, ma foi, son raisonnement lui fait de nouveau sens.
Un vague sourire de passage sur son visage, même.
Et, enfin, Ses mots se font moins nombreux, jusqu'à mettre un point final à son sermon.
Un peu de silence, puis une grande inspiration.

- Pas besoin d'être beau pour être directeur... Faut être vicieux, pas vrai ?

Beau, il l'est devenu. Mais tout ces beaux discours lui semblent bien venimeux, pervers même. Vicieux, il l'est devenu, plus que beau.

- C'est triste.

Dommage, plutôt, d'en arriver là.
It is what it is, comme le disent les sages de nos jours.
Ses yeux détaillent son visage, ses cheveux, sans pour autant sembler plus triste que cela. Une nouvelle gorgée de bière, puis il pose son verre, soufflant du nez.

- L'ancienne version m'ignorait.

Celle ci lui parle, vicieuse ou non.
Ce qui soulève à nouveau la question : que lui veut il, à la fin ? Qu'est-ce qui avait changé ?

- Quoi, ça te manque de m'aider ?

Un élan de nostalgie peut-être.
Puis finalement il rompt le contact visuel, grognant légèrement en quittant le fond de sa chaise pour s'accouder à la table.

- Tu ne m'as toujours pas répondu, Iskander.

Un mot, un seul; et ce maudit sourire aux lèvres...
Ellair grimace légèrement. Son regard fuit vers le bar, et d'un geste, signale au patron qu'il lui faudra un autre verre pour supporter la nuit.
Un soupire quand les questions arrivent, et cette fois, un réponse convenable; une réponse avec un peu d'émotion, finalement.

- Vicieux au point de mettre un plan pareil en place, Iskander ! Vicieux, à travailler autant sur son physique et un masque agréable juste pour devenir directeur ! Puis c'est un laboratoire, pas une agence de mode... Tu devais vraiment en arriver à ça ?

Cela ne faisait aucun sens de devenir le nouveau visage de Chanel quand on devrait accumuler les découvertes scientifiques pour peser dans le milieu.

Le blond continue de lui parler en énigme.
Il ne peut que prendre le nouveau verre qu'on lui serre et l'observer se la jouer mystérieux, de l'autre coté de la table. Quel sentiment ?
De quoi on lui parle encore ?

- Tu m'en veux, c'est ça ?

Tous ces reproches, là, ce soir...
Se faire gronder passif-aggressivement alors que ce sont de précieuses heures de pauses, que bientôt il doit retourner s'assurer que Beau ne se brise pas le cœur à nouveau, ou que personne ne vienne l'arrêter.

Un nouveau soupir, soufflé par le nez cette fois, tandis qu'il retourne au fond de son siège s'y laissant tomber.
À lui de deviner.
À lui de lire dans ces yeux moqueurs la source de sa rancoeur, même si cela date d'une époque qui lui semble déjà révolue.

- Je dois deviner ? Juste parce que tu ne sais pas comment m'en parler ? Puis de quelle politesse tu parles, ça te fait juste plaisir de ne rien me dire !

Son ami s'amuse, au moins.
Ellair aurait préféré avoir un échange avec une vieille connaissance, mais cette dernière aimait la rendre unilatérale. Cela le rendait plus confus qu'en colère.

Qu'avait-il à craindre ?

- Rien...

Iskander était un ami, et de ce fait, lui faisait confiance.
Le limier vient passer ses doigts sur son front, ses tempes, avant de reposer sa tête au creux de sa main en observant son interlocuteur, perdu.

- C'est ça que tu veux ? Être craint ?