Le feu a brûlé l’envie
l’or dans tes mains porte une odeur amère.
et le sang sur ta peau à la douleur d’un autre.

chemise pourpre, les ombres se défilent et tu ne peux plus avancer, figé. il fait froid. le soleil s’éloigne, laisse place au gris foncé d’un orage effrayant, un orange qui va tout dévorer. ta baguette n’est que cendre et ton amour disparu dans les bras de la justice
la  grande justice
la belle justice
absente à l’ombre de tes pensées
présente quand tu veux aimer

et tu as supplié, tu as essayé de l'épargner
qu’on ne me le prenne pas, pas maintenant, pas tout de suite, il m’a rappelé une chose, je dois vivre, je dois vivre

((et je suis mort))
crevé
soldat tombé dans cet immense champ, la poche pleine de vice, d’une nécrose qui monte le long de ta peau et tu tombes à genoux
terrifié
brisé
fissuré
qu’une épave qui se contente de respirer parce qu’on demande
on ordonne !

mais cette fois ça te dépasse et t’as demandé à l’aide, tu peux toujours sentir l’haleine de la mort glisser le long de ta nuque, tes mains dans tes cheveux, recroquevillé sur toi-même; seul.

viens. viens. viens. que tu répètes, encore et encore. Il t’a promis, oui, il a promis. tu as l’impression de ne plus savoir respirer, tu as horreur de voir tout ce rouge sur ton corps, tu as horreur d’avoir froid, tu as peur, peur

tu te sens minuscule, t’as envie de disparaître. dans les hautes herbes à moitié brûlées tu t’allonges, tenant ton corps dans tes bras, les yeux clos, tu trembles comme une feuille. tu n’as pas envie que la voix résonne, tu veux qu’il quitte ton psyché, le corbeau. tu veux oublier qu’on vient de t’enlever l’homme aimé. tu veux perdre la sensation de perdre la vie face à cette immense créature. tu veux sentir ton palpitant se mettre à battre à nouveau.

Il hurle ton nom au loin mais tu n’entends plus rien
sourd au monde trop violent
dans ce champ le loup se meurt
ce ne sont que ses mains qui te font réaliser que tu n’es pas complètement mort , bien que ton esprit semble se jouer de toi.
Délicatement il te redresse et tu tends les bras vers lui, tu viens t’accrocher à son cou et ton visage se cache contre son torse
il est là
c’est fini

t’as l’impression d’être revenu un petit enfant qui voulait simplement se cacher dans les bras de son parent que le drame arriva
et pour une fois il est là et pour une fois tu peux disparaître dans une étreinte qui ne veut pas que ton souffle s’arrête.

tu es venu.. un murmure d’une voix brisée, tu as trop hurlé, tu as trop pleuré. j’avais peur que tu ne me laisses brûler ici..
si petit dans ses bras, si fragile, tremblant, tu laisses enfin ton corps s’évanouir sous les efforts, les yeux clos. tu reprends ton souffle, tu cales celui-ci sur le palpitant du directeur et tu murmures d’un souffle presque pudique un “papa” honteusement envié.

tu ignores si tu souffres, tu ignores tout, ton coeur est comme mortifié, comme mit en pause, tu es tellement épuisé.
et au fond de toi tu sais
que tu tentes de ne pas l’inquiéter car ce qui est bien plus effrayant c’est de voir Savoy souffrir par ta faute.

Il te dit que c’est fini et pourtant tu ne peux pas t’arracher ces images du crâne. Ca tourne en boucle, pièce de théâtre de l’horrible qui se joue de toi, cruel sur scène tu vois les visages se tordre et tes mains sont rouges de sang.
Il est toujours là
le carmin des vivants
il porte le chants des morts
et la mélodie des hommes
et tu détestes ça. il est sous tes ongles, il est dans les lignes de ta peau, dans les fissures, dans les blessures, il est partout.

et si tu n’étais qu’enfant dans ses bras
il y a quelques instants tu te devais d’être sauveur

un baiser sur ton front pour sceller la fin de l’act
et un sanglot qui enfin s’échappe de ta gorge

je suis désolé

c’est tout ce que tu parviens à dire alors que ta voix se noie dans tes larmes, alors que tu as envie de tout faire exploser dans ta poitrine.
tu as si honte, d’être si faible, d’être tant malmené par la vie que tu ne parviens plus à tenir debout. tu as tellement honte d’avoir mal. tu aimerais être aussi fort que lui, rester droit, paraître maître des éléments et non ce malheureux
chien
abandonné

je suis alors que tout s’effondre en toi désolé alors que tu te sens enfin mourir dans ses bras désolé de ne pas avoir voulu survivre
désolé de ne pas voulu que tu me sauves
désolé d’avoir été soulagé en voyant les flammes arriver

Ton corps se met à se mouvoir.
Soldat dénué de vie, immobile dans un champ désolé, quand tu entends son coeur se briser
alors tu te relèves et tu marcheras encore et encore, lance à la main, car tu devras pourfendre celui qui en est la cause.
Soldat dénué de vie, quand il pleure, le monde s’écroule, le monde se meurt. Alors tu le serres dans tes bras, alors tu fais taire tout ce qui hurle en toi. Tu ne sais faire que ça. aimer, aimer, aimer.
l’amour comme poison
l’amour comme sauver
et tu es beau quand tu aimes, tes yeux sont tendres et tes rires sont limpides
et tu es beau quand tu aimes

Ne t'excuse pas un soupir brisé, ta voix en éclat contre son torse, ta main qui se relève pour se poser sur celui-ci. tu trouves la force de te redresser et viens poser une caresse sur sa joue, essuie les larmes sous les yeux
et ton regard est mort
quand tu étais enfant, il était plein de ce doux sentiment qui réchauffe la gorge, comme du miel chaud dans une grande tasse de lait
puis il est devenu triste, plein de chagrin, un coeur brisé bruyant qui se faisait voyant à travers tes cils blancs et pourtant on t’y trouvait un certain charme. un attrait particulier, on vient cueillir le réconfort dans les blessés car ils savent comment soigner
mais maintenant

il n’y a plus rien
le vent fait quelque peu sortir le prospectus de ta poche, montre la fissure de ton esprit, montre que tu perds la vie, perds l’envie, perds l’amour
mais pas envers lui
pas envers celui qui t’a ramassé dans ses bras

alors tu continueras de te mouvoir, de marcher, dans le sang, dans les cendres, même si ton corps n’est qu’un amas d’os, même si t’as la peur au ventre, même si comme maintenant plus rien n’a de sens.

ne pleure pas. je ne suis pas blessé. aujourd’hui tu montreras à quel point
tu es dédié
enchaîné
envoûté
à quel point tout devient calme quand en face de toi
l’aimé souffre
et c’est effrayant, sûrement, de te voir mourir pour les autres. quand il te berce dans ses bras tu pourrais presque oublier la violence du monde
en écoutant le rythme de son coeur qui semble fredonner une chanson.

je t’ai pardonné.

Il vient de t’arracher l’acmé du monde. Il vient de t’arracher le mal qui ronge les os. Il t’observe et tu en es presque ébloui. Il brille trop, Antoine, il te fait penser à un souvenir enterré, un souvenir que t’as fait crever entre tes doigts, étranglé, poignardé, vidé, disséqué, il en reste plus rien
plus rien
plus rien
juste son sourire à lui quand il dit ton prénom
et attend qu’un petit enfant blond vienne lui tenir la main

mais il a raison, Antoine
tu es blessé
t’as la poitrine ouverte et les diables viennent s’y pencher, goûter tes entrailles, que les dieux alors osent s’y inviter ! ce grand buffet; la mort du séraphin , la mort du grand
terrifiant,
insignifiant,
amant.

je t’ai toujours dis, père, que j’étais mort de peur. j’ai peur de mon ombre, j’ai peur de celles des autres, je tremble de terreur à chaque instant de la journée.

ta main se pose sur son torse et tu le serre, comme pour te souvenir que ce n’est pas un mirage

j’ai peur.

j’ai peur
j’ai peur
et tu l’as toujours hurlé
dans ta façon d’aimer tes bourreaux
dans ta façon de t’oublier
dans ta façon de te tuer

j’ai peur de vivre et il m'a offert la liberté. il a clamé haut et fort qu’il parviendra à nous sortir de là. Son visage est masqué, ceux des Jumeaux étaient découverts quand ils ont promis ma protection.

Crois-tu que ses promesses sont illusoires ?
On te le demande, Croyance, alors réfléchis, dans ton esprit embrumé. Il commence à faire froid, la chaleur de sa peau s’éloigne. Le reflet qui se brise, échardes sous tes doigts, et tu ne peux t’empêcher de te dire; il ment, Antoine, il ment.

Vos noms sont grands, vos noms sont comme des statues, là depuis des décennies, terriblement immobiles. Et nos sangs sur votre marbre.

Mais il pose sa main sur tes yeux, il vient voler la lumière et l’espace d’un instant tu sembles effrayé, un frisson qui vient parcourir ton corps. Tu te sens déchiré, tu te sens foudroyé par la douleur et tu aimerais le lui cacher. Tu as peur qu’il te dévore, qu’il vienne planter ses crocs dans le rouge de ta peine, qu’il y plante le chaos.

usé
tu es usé
usé des regards, usé des soupirs, usé de cette envie de te sauver par simple torpeur. torpeur de voir l’enfant échouer, tu es l’échec des hommes, tu es l’affront envers l’égo. à mort, à sang, à feu, qu’on t’enterre ou qu’on te répare mais il faut agir, les dieux détournent le regard les diables n’en ont que faire, qu’on le fasse taire, l’ange et ses maux, qu’on le fasse taire.
crucifié tu seras sublime, sous le regard des vivants tu pourras sourire et dire; j’ai aimé, j’en suis mort alors buvez, buvez les ruisseaux que je laisse derrière moi, les lacs et les océans que mes larmes ont façonnées sur la terre ainsi vous comprendrez
fragile sous le palpitant
je fond
car la violence de ce monde est trop bruyante
que je suis né sous une lune différente
que j’aime comme les premiers amants.


Antoine Savoy,
il pense,
tu fais comme le Roi sans couronne, comme le maître des poisons
alors il reproduit les erreurs
et entre dans ton jeu
tu lui mentiras, encore et encore, et il fera semblant de ne pas le voir
car il aime, car il t’aime

c’est d’un sourire déchirant que tu le sacre. plein d’émotion, d’une peine palpable dans le fond de tes yeux, d’une question qui reste coincé dans le fond de ta gorge, mais il sourit, le damné, il sourit.

es-tu las, Antoine, de mes émois ? Je tremble, je m'effondre, je ne tiens plus debout. je suis une peine dans tes bras que tu essaies de porter alors que j’aimerai simplement déposer un peu de lumière sur le sommet de ton crâne, comme une couronne. chasse mes premières peurs, pour commencer, dis moi le jour, le mois, l’année où tu me tourneras le dos. ainsi je serai prêt, ainsi je pourrai déposer une bise sur ta joue et te remercier sans déverser mon chagrin et tu seras beau dans ton départ, dans ma mémoire.

tu te sais tant fragile, dans ses bras particulièrement, tu sais que tu trembles déjà et quand il te demande de parler
tu n’y parviens pas
il a fait germer le doute et la louve a façonné ta peur. malheureusement tu n’étais pas en colère simplement
étouffé par le chagrin
alors tu te contentes d’enfouir ton visage dans son cou, s’il te ment, s’il se joue de toi alors qu’importe. La chaleur de ses étreintes te sont si précieuses que tu es prêt à jouer avec le feu, oui, tu es prêt à en mourir encore et encore, s’il venait à te planter une dague dans le torse tu te contenterais de lui dire
ô Antoine comme je vous ai aimé, comme mon père, comme le fils indigne que je suis, le fils bafoué et le traître à mon sang, et pourtant, comme je vous ai aimé

.. je veux simplement rentrer, je suis épuisé, Antoine, j’ai froid, ma baguette à brûlée et … une inspiration douloureuse et l’homme que j’aime est dans une situation épineuse. ma guerre n’est pas encore finie.

tu te mords la lèvre et en l’accrochant faiblement tu ne peux t’empêcher de revoir en boucle les évènements, alors tu te mets à pleurer, enfin, éclater en sanglots contre lui, tu en hurle presque de douleur
tu n’en veux plus, de tout ça.

et c’est déchirant
de voir ainsi ton coeur à sang
pourtant il continue de battre, il est tel un oiseau, ailes qui viennent lutter contre l’orage.

je veux rentrer à la maison