Un lieu imposant, sans aucun doute. Peut-être est-ce pour impressionner les “invités” de cet étrange évènement.

Tu as connu la grandeur factice des soirées mondaines. Tu n’es pas de ceux qui s’agenouilleront bêtement devant un seul homme (que tu crois), soit-il aussi charismatique que celui que tu t’apprêtes à rencontrer.
Tu es arrivée légèrement en avance, pas la première mais loin d’être la dernière non plus, n’as parlé à personne.
Tu as tenté de faire abstraction de la silhouette imposante qui trône derrière un bureau en marbre et t’es adossée à un mur un peu en retrait. Tes yeux ont détaillé ce que tu voyais. Ou plutôt les gens. Le décor n’a que peu d’importance à tes yeux. En revanche, les gens…

Évidemment, Tleytotl est là. Après tout, c’est elle qui t’as amenée ici. Ou plutôt, elle qui t’a fourni l’entrée.
Tu détestes l’idée d’être redevable à quiconque mais tu dois avouer que tu pourrais être tombée sur pire créancier. Alors d’un regard tu la salues mais garde tout de même tes distances.
Tu es ici en tant qu’Erin. Et tu feras tes preuves en tant qu’Erin. Pas en tant qu’ami de Tley.

Tu retiens un ricanement lorsque tu vois Bergling l’écrivaillon. Tu n’es au final pas vraiment étonnée de le trouver là. L’humain ment toujours. Ça t’amuse même plutôt.
Tu reconnais une juge du Ministère (remontée acide qui gicle dans ta gorge), un acteur dont tu as oublié le nom (pas qu’il t’importe, au contraire). Et une foule d’inconnus.

Sombre satisfaction qui t’envahit alors que tu imagines la variété des gens dans cette pièce. La variété des vécus, la variété des parcours, des professions, des compétences…
Et pourtant toujours la même amertume, la même rage qui bout au fond de vous tous.

Sans doute que certains simplets ne suivent The Crow que pour son charisme (tu les méprises au fond de toi).
Tu affirmeras bien le contraire mais il te touche un peu aussi, son “charisme”.

Même si tu refuses d’obéir à un maître quelconque, tu es prête à faire ce qu’il faudra pour qu’il t’accepte. Par calcul tu diras. En vérité, c’est bien plus compliqué que ça. Et son aura ne fait qu’alimenter l’étrange admiration que tu nourris pour lui.

Parce que vous cherchez la même chose au fond. Et t’as beau être une solitaire, tu sais reconnaître quand la bataille est trop complexe à gagner seule.


Finalement les derniers sont là (enfin). Alors le corbeau se dresse et l’aura forcit encore. T’as beau jouer les fortes têtes, tu ne peux nier qu’il t’impressionne sacrément.
Tu bois ses parolesécoutes avec attention, attrape une coupe de champagne lorsqu’il félicite ceux qui ont oeuvré. Ceux que tu rejoindras bientôt.

Tu ne bois pas ceci dit, tu préfères garder les idées claires. Tu en auras bien besoin.
The Crow vous interroge, teste votre motivation (sans doute est-ce une question rhétorique, mais tu brûles de lui répondre). Et d’une voix basse (inutile de piailler), tu réponds avec ferveur :
— Toujours.

L’excitation boue dans tes veines.
Enfin. Enfin, tu y es.

Là où on change véritablement les choses. Au début d’un mouvement qui les fera trembler, non chuter de leurs perchoirs, tous autant qu’ils sont.

Alors que le Corbeau relâche ses mots goutte à goutte, tu meurs d’envie de boire directement à la source, y accrocher ta bouche et aspirer goulûment.
De tout savoir. Même sans boire de champagne, le fourmillement collectif t’enivre un peu. La façade blasée s’effrite un peu mais tu n’y accordes pas vraiment d’importance.
Tu es au cœur des choses, tu le sais. Et tu vois un aperçu du futur. D’un futur dont tu rêves toi même. Tu l’as choisi, tu y es. Tu en seras.

Et la goutte suivante est comme de l’acide dans tes veines. Le masque fragilisé, tu ne peux empêcher une torsion de prendre ton visage. Elle reste peu - mais reste tout de même. Vu ta position, peu auront pu la remarquer mais lui aura pu. S’il t’a prêté attention à ce moment précis tout du moins. Mais ça ne t’étonnerait pas.

Ministre ?
Jouer leur jeu donc ? Tendre la papate, gagner selon leurs règles ?

C’est… ça ne te plait pas. Pas du tout. Et tu détestes les concessions. Anneli en fait déjà beaucoup trop. Ça n’est pas pour qu’Erin se mette à faire pareil !

Il n’est pas comme ça le Corbeau pourtant, si ? (espoir stupide d’enfant trop souvent rabroué)
Une étincelle de doute te prend.

L’idée de garder un chef, un seul, un leader, c’est ça qui ne passe pas. Pour quelques mois c’est quelque chose que tu tolérerais, passe encore.
Et maintenant que tu te rapproches enfin de gens qui cherchent la même chose que toi, l’abolition de ce système affreux, tu devrais renoncer à ton libre-arbitre ?
Obéir à une seule personne ?
Te laisser emprisonner par les lois à nouveau ?

Mais qui d’autre fera ce qu’il faudra ? Qui d’autre est prêt à le faire ? Qui d’autre a les épaules ?
Tu vas probablement trop vite en besogne. Tu penses toujours au pire, plus que des attentes, tu souhaites être déçue.

Et le Corbeau étouffe l’étincelle dérangeante, donne les réponses que tu souhaites sans même que tu n’aies pu conscientiser ce que tu voulais.

Vous. Oui, vous tous.
Vous gouvernerez. Pas un seul chef alors, plutôt une tête d’affiche. Et derrière lui, vous. Vos idées. Vos décisions.

Le prix à payer pour ta liberté te parait ridiculement mince. Respecter les règles encore quelques mois de plus... C’est merveilleux ! Soulagement qui t’emplit profondément. Tu la vois de plus en plus nettement, l’issue tant souhaitée. Elle est presque tangible à présent !

Vous n’aurez pas d’autres chances mais vous pouvez le faire, c’est certain.
Finalement maigre sourire qui s’accroche à tes lèvres et tourbillon de doute qui te laisse. Le sourire s’agrandit à mesure que la résolution revient.
Pierre par pierre, abattre les incompétents, abattre les lois, abattre le Ministère.