Je ne sus dire la nature du regard que tu portais sur moi, Izar. Je te pensais intrigué, surpris de voir que dans cette famille il y avait une personnalité aux antipodes de celle de ton géniteur. Peut-être que tu étais même envieux de la façon dont j’abordais la vie.
Mais il ne fallait pas s’y méprendre mon enfant… je parlais aujourd’hui avec optimisme et la détermination de rendre vos vies plus agréables ; je n’en oubliais pas pour autant mon propre passé. Tu avais devant toi une femme qui avait vécu de nombreuses expériences ; toutes n’avaient pas étés plaisantes. Et encore, ce n’était qu’un doux euphémisme.
Je voyais les expressions de ton visage changer à mesure que je parlais ; comme si un moment tu t’abandonnais à rêver et que dans la seconde suivante, tu te souvenais de la dure réalité. Toi comme moi ne pouvions échapper à celle-ci, mais cela ne voulait pas dire non plus que nous devions rester prisonniers bien au contraire.
Tu comprendras bien assez tôt le fond de ma pensée. J’en avais fait la promesse, je comptais m’y tenir. Pour revenir sur une note plus positive, je te voyais surpris face à ma proposition… allant même jusqu’à la mettre en doute.
Tu me demandas si j’étais sérieuse, je n’eus en réponse qu’un mouvement de tête approbatif. À aucun moment je ne cherchais à te piéger où te vendre quelque chose qui n’existait pas. Cette échappatoire était sans doute trop beau pour toi, pourtant il ne s’agissait pas là d’une chimère.
J’en profitai alors pour répondre à ton interrogation, restant évasive sur certains points néanmoins :
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Allons, allons mon enfant ; tu l’as dis-toi même, quel intérêt d’y aller seul ? Un petit clin d’œil malicieux avant de reprendre :
cependant, il est vrai que parfois j’ai préféré ne pas être accompagnée. De ton côté tu pourras y aller avec qui bon te semble, même seul si tu le désires. Tout est une question d’organisation, il te suffira de me prévenir.Ce qui dans le même temps, te donnait un motif pour me contacter. Je ne faisais pas cela uniquement de bonté de cœur… je n’avais jamais cru à la générosité totalement désintéressée. Sans doute un peu cynique de ma part je devais l’admettre. Mais au moins j’assumais.
Il y avait tant de choses que je pouvais faire pour toi, peut-être que toi-même de ton côté tu n’en avais pas conscience ; comment je pouvais t’en vouloir ? J’apparaissais soudainement dans vos vies et je tentais de forcer ma vision, quitte à obstruer la façon dont vous voyiez déjà les choses. Je me rendais compte petit à petit que cela allait demander du temps et des efforts constants.
Vous extirper de l’emprise de votre géniteur, celui qui restait accroché à vous comme une sangsue, pensant que c’était ainsi que vous alliez lui obéir, que c’était ainsi que vous alliez réaliser ses rêves. Mon cher frère et son épouse n’avaient jamais su comment éduquer leurs enfants. À contrario de certains…
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Oui. Le poids des attentes peut être écrasant. Mais c’est normalement le rôle des parents que de partager ou d’alléger le fardeau que vous portez. Ce fut alors que ma main vint se joindre à la tienne, caressant le dos de celle-ci du bout des doigts. J’avais besoin de ton attention Izar, besoin que tu retins mes mots, car ils furent la promesse solennelle que je te fis :
il y aura un avenir radieux, mon enfant. Il ne nous sera pas offert sur un plateau d’argent, nous devrons lutter avec acharnement, ne serait-ce que pour l’entrevoir. Mais vous pourrez compter sur moi pour vous aider à le saisir. Ce sera ensuite à vous de le tenir… et ne jamais le lâcher. Jamais.Et nous allions sans doute lutter contre ton propre père pour obtenir ce que nous voulions. Mais j’étais résolue à le faire. Cette famille en avait bien besoin.
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Sur une note moins solennelle, je te remercie d’avoir passé un peu de temps avec moi, mon cher neveu. Si jamais tu as besoin de moi, pour quoi que ce soit, viens me trouver. Même si ce n’est que pour partager un repas ensemble.Je serai toujours là pour toi.