Elle avait la sensation de dizaines de regards braqués droit sur elle qui tentait au mieux de ne pas y prêter attention. Assise dans les tribunes de presse près de son mentor elle inspirait silencieusement. De longues inspiration par le nez, bien à l'abri derrière son appareil photo, de longues expirations par la bouche. Tous ces gens qui hurlaient tout autour la mettaient mal à l'aise et elle aurait certainement préféré pouvoir faire son travail dans un coin de l'estrade plutôt qu'au beau milieu de tous ces clics trop pressés et de ces journalistes beaucoup, beaucoup trop investis. Elle captait de temps à autre les regards indiscrets posés sur Ezra et sa tenue pour le moins atypique, se contentait de les dévisager sans rien dire quelques instants avant de détourner le regard pour se recentrer sur l'objectif avec la peur au ventre qu'on lui fasse une quelconque réflexion.

Heureusement pour elle la mi-temps était là et Ezra vint la tirer à sa suite pour se rendre sur le terrain prendre quelques photos des équipes. Elle en avait profité pour les encourager et les remercier de leur temps et leur travail -sincèrement ravie malgré tout d'avoir la chance de les regarder. C'est qu'elle les admire tellement eux et leur liberté, elle les envie tellement aussi. En silence, toujours poliment. Toujours maladivement. Des sourires qui virent discrètement quand personne ne regarde pour revenir quand tout le monde voit. Elle est comme ça, Gaby.

Puis soudain c'est Ezra qui disparaît pour la laisser seule au milieu de tous ces gens qui marchent et parlent et se bousculent et respirent simplement et- Ils la regardent, tous. Dans ses craintes ce sont des dizaines de paires d'yeux qui la scrutent, elle la pauvre stagiaire perdue. Il lui faut du temps pour réussir à respirer à peu près correctement, pour comprendre que son coeur qui bat la chamade ne va pas la tuer et que ce n'est pas la peine d'hurler son prénom. Il répondrait s'il était là pas vrai ? Hors de question d'aller demander non plus. Alors tout en faisant le tour elle l'appelle plusieurs fois, spam son téléphone de sms et d'appels entre deux messages sur son répondeur en espérant qu'il réponde. Mais il ne répond pas.

Au bout d'un temps, quelques minutes à peine qui lui semblèrent des heures -presque un jour entier, elle finit par l'apercevoir en grande conversation dans un coin reculé. Il est là Ezra avec ce grand homme au regard effrayant. Très beau mais visiblement pas du tout accueillant. Ça a l'air bizarre, hein ? Il a pas l'air bien Ezra. Alors elle s'avance encore un peu, le pas hésitant camouflé par le peu de bravoure qu'elle est capable d'offrir en cet instant. L'impression que son coeur va exploser et que ce type, si elle intervient, va la massacrer. Pourtant c'est un raclement de gorge bruyant qui vient rompre leur conversation alors qu'elle s'arrête à bonne distance -sûrement pour fuir au cas où les choses dégénèreraient, ou quelque chose comme ça. Ses mains figées de peur tenant fermement son appareil photo, elle poursuit timidement.

— Euh... Pardon de vous déranger mais euh.. Ezra ? I-il. Faut qu'on.

Elle est incapable de continuer.