Il faut sauver les apparences.
C’est ce que tu te répètes depuis plusieurs jours.

Tu dois sauver les apparences mais t’en as de moins en moins quelque chose à faire.
Les actions - ou plutôt les inactions - du Ministères ont des conséquences.

Et personne n’en a rien à foutre.

Ça te tue. A petit feu.
Ça finira par t’achever.

C’était il y a quelques jours à peine. Et pourtant… La vie suit son cours ! Personne n’a rien fait. Personne n’en a parlé.
Une brève dans la Gazette - de ce que des amis t’ont dit.
Tu ne lis plus la Gazette maintenant.
Tu l’exécrais déjà avant de ne plus en faire partie, mais tu continuais à la recevoir par conscience professionnelle ou qu’importe le mot pour désigner cette règle stupide.
Être au courant de ce qu’il se passe, un pur mensonge !
La Gazette n’est qu’un outil de propagande du Ministère et ça te tue de ne pas t’en être rendu compte plus tôt.

Tu te sens con. Terriblement con. On t’a dupé, t’en as redemandé, on t’a traîné dans la boue, t’en as redemandé.

Tu t’es enfin réveillé mais c’est pas le cas de tout le monde. Enfin.
Arrête toi là Marian, ne vire pas dans le complotisme obscur. Tu vaux mieux que ça.

Grande respiration. Le dos droit. Ça va aller. T’as pas vraiment le choix de toute façon.
Et si ça va pas, donne au moins l’impression que ça va. Ça sera toujours ça de prix.
Sauve ces putains d’apparences, à défaut de sauver l’intérieur.
Mais aujourd’hui, personne ne te voit. Alors balance ton poing dans le mur - après avoir renouvelé les sortilèges d’insonorisation chez toi. Et crie.  

Expulse cette rage.
Elle va revenir bien sûr. T’es pas idéaliste à ce point !

La rage se remplit de plus en plus vite ces temps-ci. Silence ne te suffit pas pour tout expulser.
A certains moments, tu joues les équilibristes sur la limite que tu t’es toi même imposé.
Les émotions, ok (avec modération).
La colère ? Jamais.


Mais t’as juste envie de crier que tu les emmerde tous.
Ça changera rien bien sûr. Mais ça te fera du bien (un peu).

Enfin, le mal reviendra toujours.
Rien ne change. Rien ne change jamais.
Le monde en a rien a faire. Personne n’en a rien à foutre.

Et personne n’écoute.
Personne ne prend la peine d’écouter ou d’essayer d’entendre.

Et les gens meurent.

Mais le Ministère dit que tout va bien ! Alors tout va bien, pas vrai ?


T’as le poing en sang. Tu sais que c’est pas bien mais tu sais pas comment faire autrement pour que ça sorte.
Mais tu peux pas continuer comme ça. Alors tu fais le truc le plus censé que tu pourrais faire : t’appelles Amy. Complètement effondré au milieu de son salon dont le capharnaüm reflète parfaitement ton état mental, t’écoute le téléphone sonner.
Il sonne deux fois avant que ta soeur ne décroche :

— Marian ?
— Je peux plus continuer comme ça

Globiboulga incompréhensible, tu réalises seulement maintenant que tu pleures.
— Qu’est ce qu’il se passe ?

T’ignores si elle a compris quoi que ce soit de ce que t’as dit mais c’est évident que ça va pas. Alors tu balances la nouvelle entre deux sanglots convulsifs, parce que t’as aucune idée de comment le dire autrement :

— Cillian est morte.