Accoudée à sa table habituelle, le menton retenu par ses doigts graciles, son visage ceint du masque aux délicates volutes dorées. Il forme à ses yeux le dessin des plumes visant à dissimuler son identité, libre de parcourir et profiter à l’abri des ragots, des jugements, des « on dit ».  Elle observe, Cassandre, les yeux rivés sur la scène où les corps se mêlent, se dévoilent, se mouvent avec souplesse et agilité.

C’est beau.
                          Si beau de les voir danser.

Son haut noir froncé à la poitrine laisse apparaître ses épaules dénudées, la peau d’albâtre habillée de la cascade de ses longs cheveux bouclés. Les lèvres au naturel de son sourire quand elle entend claquer sur le sol le rythme de ton pas assuré. Tes doigts sur sa peau, ton souffle qui s’échoue ; exquise tentation de ta voix au creux de son oreille.

Taquine, Cassandre, elle ne quitte pas des yeux la scène, n’étire pas moins son sourire pour te répondre à voix basse.

- Serais-je ici si ce n’était pas le cas ?

Elle sent tes ongles qui se plantent, cette chaleur dégagée de toi. Ton corps. Ta voix. Il y a tant de mystères autour de toi, tant d’histoires, tant de curiosités que Cassandre aimerait démêler. Le vrai du faux, l’image de la femme. Elle entrouvre les lèvres, caresse de pensées lascives l’idée que tu aies remarqué son absence. Et ses yeux glissent, comme pour capturer furtivement l’image de ton visage.

- J’ai eu… des obligations.

Sa main abandonne la finesse de son menton, se tend pour prendre le verre à pied et le rapprocher, glisse son index pour en retracer le bord où s’imprime la marque de ses lèvres.

- As-tu guetté mon arrivée tous les soirs ?

Sais-tu depuis combien de temps exactement elle ne s’est pas présentée ?

Elle approche le verre de sa bouche pour une fine gorgée, reporte brièvement son attention sur la scène. Changement de numéro, la danseuse salue, entre alors la prochaine. Elle ne peut s’empêcher de sourire, de laisser ses yeux parcourir en osant jouer d’ignorer la fragrance que tu dégages.

- Comment les recrutes-tu ? Elles sont magnifiques.

Magnifiques d’exister.

 @Constance Colemann | Février 2032

Quelle exquise sensation, interdite, que celle de sentir tes ongles gronder pour toi, marquer dans sa peau ta déconvenue et les sentiments qui t’habitent. Elle te parle d’obligations, tu rétorques qu’il ne devrait y avoir que toi. Cet endroit. Toi, toi, toi.

Douceur de tes mèches d’ébène qui se mêlent aux siennes, les lèvres entrouvertes de malice quand tu viens lui faire face. Le froid s’empare de ses épaules, mais devant elle, il y a toi. L’inquisition du fond de tes yeux qu’elle s’amuse à éviter, joue à l’ignorer d’une gorgée puis de son regard à la scène.

Ta présence est lourde et tout à la fois si légère.
Intrigante,
                                suffocante,
                                                                                   nécessaire.

Ses émeraudes qui daignent encore t’accrocher, parcourent la serveuse que tu t’amuses à embarrasser. Tes doigts contre sa cuisse, tes mots à son oreille. Et pourtant, quand elle te regarde, elle sait que tu ne vois qu’elle. Tu es grisante.

Son sourire répond au tien, nourris la chaleur du creux de son ventre, puis observe brièvement la serveuse enfuie avant de rire. Léger, comme tes doigts qui glissent sur la table et le souffle de ses pensées.

- Et qu’as-tu à leur offrir qui les pousse si désespérément à rester ?

L’argent ?
La sécurité ?

Ou bien est-ce la sensation de ton attention, voir courir sur elles ton envie, tes doigts aux ongles si tentateurs. Elle les regarde dessiner sur sa peau, glisse à nouveau ses yeux sur toi. Les pupilles étirées quand à ses lèvres elle ne peut s’empêcher :

- Est-ce là ce que tu souhaites ?

Sans te lâcher du regard, sa main s’empare de la tienne. Glissement de ses doigts aux creux de ta paume jusqu’à finalement l’enserrer. Elle tourne la tête, pour que ses lèvres s’approchent de tes doigts, que son souffle chaud s’échoue sans jamais les embrasser. Oh comme elle aimerait… mais alors le jeu serait terminé, pas vrai ?

- Tu aimerais que je te dise que tu m’as manqué ?

Lentement s’étire son sourire, ses yeux vont et viennent pour t’observer. Tu es si belle que c’en est presque tricher. Et tout autour de vous, peu à peu, le décor s’efface pour ne laisser place qu’à toi.

- J’aimerais te voir danser.

 @Constance Colemann | Février 2032

Ta réponse est un mystère, un souffle que l’on observe s’envoler sans jamais être capable de l’attraper. Tout ce que personne ne leur offre. Ses yeux cherchent brièvement tes employé.e.s, sondent leur façon de se tenir et de se montrer. Mais elle n’y reste pas suffisamment, incapable de te nier si longtemps. Alors elle laisse le mystère s’envoler, revient à tes ongles qui tracent leur chemin sur sa peau d’albâtre.

Ta main au creux de la sienne, le jeu du fond de ses pupilles qui s’élargissent quand elles te regardent, quand elle observe le galbe de tes lèvres. Et quand finalement tu t’approches, son cœur s’arrête le temps d’un battement. Electricité qui la parcourt de sentir le contact de ta bouche, elle ne te quitte pas des yeux.

                           Pas un instant.

- N’iras-tu pas poser la même question à une autre si d’aventure j’osais te le dire ?

Ton parfum emplit ses narines. Si proche, mais pas assez. Elle en veut plus, plus, plus. Son besoin renié quand tu t’approches pour finalement la délaisser. Elle connaît ce jeu, votre jeu. Et plutôt qu’exprimer sa frustration, elle sourit. Glisse sa langue pour récupérer à ses lèvres le faible goût laissé par les tiennes.

Tu l'habites.

Puis alors qu’elle te demande à danser, elle te regarde l’ignorer. Peu dérangée, elle suit ton attention jusqu’à la scène pour apprécier le spectacle offert. Les courbes, lascives, la musique. Ta question lui fait découvrir les dents.

- Je ne te demande pas ton spectacle.

Le sourire malicieux, ses doigts pour glisser jusqu’à ton verre et te le ravir.

- Simplement toi et la musique. Pas d’atour, pas de numéro.

Elle prend une fine gorgée, repose délicatement le verre sur la table. Ses yeux cherchent ton assentiment, sa bouche t’appelle mais elle la rend muette. Non, pas maintenant. Elle s’accoude, pose à nouveau sa joue contre la paume de sa main. Le sourire mutin.

- Tu ne veux pas danser pour moi ?

T'offrir à ses yeux, t'offrir à elle.

Comme le papillon attiré par la flamme, les yeux qui ne se perdent pas. Mais c'est encore à demander qui de vous deux est le papillon, et qui est la flamme.

 @Constance Colemann | Février 2032

Cruelle, Cassandre, c’est ainsi que tu la décris. Elle t’observe, ne peut empêcher ses yeux de se nourrir de toi. Tu es si belle, si belle que de vous deux tu en es la véritable cruelle. A jouer avec elle et le rush que tu fais courir dans ses veines, à sourire comme tu le fais, ne laissant aucun doute sur le véritable cours de tes pensées. Elle ne laisse rien paraître, joue de ses doigts fins contre ses propres lèvres.

Où est-ce que le jeu s’arrête ?
Où débute la vérité ?

Elle te suit du regard quand tu te lèves pour la rejoindre, survole le grain de ta peau avec toute la chaleur de ses prunelles. Ta peau brûlante, qu’elle aimerait goûter. Long frisson qui la parcourt au toucher de tes doigts qui remontent, au souffle de ta voix qui gronde jusque dans son âme. Ses yeux te cherchent.

- Veux-tu me voir danser ?

Le poids de ton corps qui s’installe sur le sien, réveille en elle la sensation grisante de vouloir te posséder. Toi, à cet instant, il n’y a que toi et tout autour, plus rien. Son visage pour suivre le tien, son menton relevé, ses mains pour se poser à tes hanches et te rapprocher. Le désir, éveillé par la douceur de tes cheveux sur sa peau et tes lèvres qu’elle ne peut se résoudre à voler. Le jeu continue, cruellement possédé de luxure. Elle expire, décharge de désir à la chaleur d’un soupir.

- Non…

La raison s’en est presque allée, mais pas suffisamment pour qu’elle puisse tout risquer. Son identité, la réputation de sa famille. Une de ses mains rejoint ta joue, l’autre à ta taille pour te retenir au cas où te prenne l’idée de partir, ses ongles possessifs et ses lèvres qui s’entrouvrent. Jeu de vos souffles qui se mêlent et de son cœur qui accélère, son bassin pour rencontrer le tien.  

- Convaincs-moi.

La voix chaude, plus grave, sa main glisse jusqu’aux mèches sombres de tes cheveux, ses ongles sur ton crâne. Elle se redresse, rapproche encore son visage. Elle ne veut que ça.

- Fais-moi changer d’avis.

Elle ne veut que toi.

 @Constance Colemann | Février 2032

Deux silhouettes aux formes parfaitement imparfaites, mues par le désir qui crépite, la chaleur de vos corps comme une barrière entre vous et le réel. Elle t’observe, ses yeux perdus dans les tiens tandis que tu souris. Elle sait, Cassandre, tu as déjà tout ce que tu souhaitais. Pas vrai ?

J’ai pas besoin de te convaincre.
Un léger mouvement de recul, mais si vite rapprochée par tes lèvres qui l’attirent. Elles l’aimantent, elles cessent de la fuir. Et comme hypnotisée, elle ne peut s’en empêcher. Tombe, tombe dans ton souffle avide à vouloir s’y noyer. Ses doigts s’agrippent à toi, écho de ses lèvres à la passion soudaine qui s’ouvrent pour laisser place à votre ballet sensuel.

Tu lui coupes le souffle.

Encore suspendu au moment de s’éloigner, une bouffée de chaleur qui lui réchauffe le bas ventre. Tes mots ne percutent pas immédiatement, il faut que tu te répètes pour qu’elle comprenne. Tu veux qu’elle retire son masque, qu’elle te fasse le sacrifice de son identité pour aller plus loin ce soir à tes côtés. Son cœur s’emballe, mais elle sourit d’un air assuré.

- Capricieuse.

Son ongle retrace la courbe de ta joue, ses dents attrapent ta lèvre doucement. Elle redresse le visage, vient souffler chaudement – mais à contrecœur – au creux de ton oreille.

- Je ne peux pas…

Et ton lobe sur lequel elle tire, mordille tandis que sa main tombe de ta taille jusqu’au creux de tes reins. Merlin ce que tu lui donnes envie.

- Je ne peux pas tout risquer. Pas comme ça…

Pourtant elle te veut, elle te veut tellement.

Son visage plonge, de ton oreille à la courbe de ton cou. Embrasse la peau du bout des lèvres, glisse sa langue pour te goûter. L’air est électrique, son bassin collé au tien et sa main qui ne peut pas te lâcher. Elle soupire, torturée de désir.

- Quelle assurance peux-tu m’offrir ?

Ses dents mordent dans ta peau à la saveur exquise, elle inspire ton odeur.

- Je dois être certaine que tu n’iras rien divulguer…

 @Constance Colemann | Février 2032