Il a la silhouette trop lourde, le pas trop lent - et le corps qui s’enfonce, sans trop savoir où est sa place. Entre les maux, vraisemblablement il est trop grossier, de trop haut il s’érige et pourtant il demeure si bas, las et placide d’apparence. L’intérieur est si laid ; on l’a peint si maladroitement au départ que son regard bascule jusqu’à déchoir aux prémices d’une culpabilité au goût de terreur. D’une absence qu’on dénomme fatigue si on savait réellement de quoi était-elle épuisée.
Si lourds sillons derrière lui qu’il délaisse et ses pas le mènent où bon leur semble - le chemin s’est cisaillé n’y a-t’il pas bien longtemps après tout. Le regard bordant les ombres qui s’animent dessine de nouveau les contours des plus mouvementés ; lui a oublié les présences et dernièrement n’a simplement vu que des ombres.
N’étaient-ce pas des mirages ? Abandonnés autour de lui - pourtant son nom en résonance et la chute est exclamée. Ce sont désormais les détours d’un visage bien connu qu’il perçoit se dessiner. Sensible de le détailler, Ashe n’a pourtant plus que des peines -
Et c’est Renard qui se dessine. Tableau de malheur voilé d’une couche d’amertume ; la citronnelle d’aigreur bordant son palais alors qu’il s’est arrêté. Peut-être trop brusquement ; comme s’il peinait à se comprendre exister.
De toute évidence, il s’agissait plutôt d’un cauchemar éveillé dont il n’avait plus conscience ; ou peut-être ne l’avait-il jamais eue.

— Oh. En suspens si longtemps tiraillé qu’il semble s’éterniser. Comme cette oeillade indélicate (rien qui provenait de lui ne l’était - à vrai dire) qui détaillait son regard ; Renard, à quoi pensais-tu ?
C’était évident. Une peine indescriptible lui creusait le coeur, à cet instant - pourtant, il ne pensa pas un instant refuser.

— Au sujet de tes souvenirs ? Parce qu’il n’avait jamais été très bavard - mais tu sais Renard ; il a bien peur que le vide soit aussi béant que lorsqu’il a trouvé la raison. Que les songes soient aussi sombres que ses doutes ravagés. C’est sinistre mais il peut toujours essayer, d’écourter un peu ce vide béant.
De ménager un peu plus son propre esprit ; ce n’est pas comme s’il en serait moins rongé.

Un peu trop las le corps lourd semble si fatigué - si insaisissable car trop grand ; qu’il peine parfois de pleinement se saisir de ce qui se passe plus bas. Était-ce le noir de son esprit ou son âme trop étourdie par ses propres émotions - Ashe ne le savait mais son regard se suspendait aux orbes du Renard. Comme s’il lui indiquerait peut-être la route à suivre, moins consumée que sa propre colère jamais tue.
Son regard qui déborde aux contours de son visage qu’il détaille, comme de cette lueur qui ternit le regard ; ce sont des pigmentations si vitreuses qu’il a cette sensation de toujours les percevoir. Trop les percevoir ; il sait déjà ce qu’il trouvera dans cet esprit meurtri que le temps a blessé.
À la manière du sien - toujours plus cruellement.
Les maux n’épargnent personne ; il se rappelle les abysses taraudantes qu’il a traversé d’esprit en esprit.

— Je sais. Si insonore - comme un automatisme, pourtant cumulé d’un peu de peine. C’est comme s’il portait avec lui le néant le plus creux de l’univers, mais il n’en était rien ; juste une bouffée d’anxiété et de colère. Un cocktail amer qui n’avait jamais fait bon ménage alors, il sait bien qu’en cherchant ce qui le tourmente tant, il ne trouvera rien d’autre que la noirceur qui l’habite déjà.
Il n’y changera rien ; il est ainsi et les maux sont comme ça.
Et à sa remarque au départ ne répond rien, simplement se saisit de ce gobelet qu’il lui tend, au départ un peu hésitant. Comme s’il dissimulerait au simple partage, tous ces maux qui le hantent. Il a essayé de démêler ses pensées, mais elles se sont toujours faites plus insistantes à chaque fois, plus hantées.
Plus indélicates.

— J’imagine que c’est important. Et j’imagine n’est qu’un euphémisme - car il sait toute la valeur que cache cette audition que le Renard mentionne. Autant qu’il connaît ce que lui néglige ; mais il est toujours plus ignorant du vermeil sur ses propres paumes. Comme si tout était normal, étire un sourire bienveillant ; dissipée sous le café légèrement fumant. — Tout n’est pas perdu. Si fallacieux quand ça sort de ses lèvres, comme l’immondice pendante sur son épaule. Nahash au rire gras, persifflant contre ses tempes. Et c’est d’une gorgée qu’il espère se débarrasser du serpent visqueux qui malmène ses pensées ; au final, il s’était terré dans son esprit. Le regard ; invitation indélicate de l’esprit et qui sait ce qu’il trouvera, si ce n’est plus froid que le sol d’Azkaban.

Il est indélicat Ashe, en écho aux autres. Pour se noyer soi-même, il était grossier, sans jamais chercher à se sauver. Le trop peu de fois où il a lutté, on l’a empêché de constater de nouveau les effluves et les pigmentations de l’espoir. C’était comme être restreint, s’être soi-même condamné pour l’éternité. Du seul oeil qu’il lui reste, il n’y a que du noir et du rouge. Noir pour les nuits sans couleurs, rouge pour la colère véhémente que crache son insuffisance.
Pourtant il discerne, dans son regard sans s’attarder - toute la peine qui dévore son âme morne. Un océan silencieux longtemps, jusqu’à ce qu’on y jette des gros cailloux. Alors tout se contrarie et s’enlaidit.
Tout le monde appréciait les couches translucides lisses, quand bien même elles étaient éphémères.
Alors si seulement ils étaient simplement de passage dans le monde, un peu plus passager que ce dont il s’agissait réellement ; peut-être tout serait alors moins compliqué.

Il est ce désolé silencieux. Qui ne quitte pourtant pas ses lèvres, car si aujourd’hui il se tient devant lui Renard, c’est en partie de sa faute. Renard coupable de rien, pas même d’exister. Quand sa propre existence Ashe, n’était faite que de violence.
Comme un mensonge éhonté, quand il déclare que tout n’est pas perdu. Il n’est pas plus apte à l’aider, que ces maux qu’il laisse flotter. Il ne l’aidera jamais plus en l’écoutant qu’en agissant.
Et comme des flots d’angoisse qui empiètent contre son échine,

— Ce que l’on choisira pour toi. Ah.. c’est elle. La fatalité. Comme on lui avait murmuré à l’oreille qu’elle ne le lâcherait jamais. Un parasite grondant contre sa peau, et il avait l’impression terrible qu’elle ne le lâcherait jamais.
Comme les démons persistants.
Et il s’en veut, car il met finalement un peu plus de temps à comprendre ses mots. Comme s’il refusait pleinement qu’on puisse s’adresser à lui (qu’on ne lui ordonnait pas) ; et sa question alors, résonne longtemps dans sa mémoire.
Ce qu’on dit de lui, ce qu’on ne dit pas. Peut-être était-ce toujours mieux de se plonger dans l’ignorance.

— Est-ce que ça te rassurerait vraiment Renard. De savoir. Si droit et déjà mort que l’on ne le songe pas même comme un questionnement - et pourtant il se demande vraiment Ashe. Peu importe ô combien d’entités nous détestent ou nous aiment, lorsque l’on est insignifiant pour soi-même, qui pouvait bien calmer nos maux ?
Son regard pourtant se suspend au sien, véritable étreinte invisible. Mais songe chassée ; comme des peurs voisines qui se noient.
Sans même plonger dans son esprit il pourrait se voir en lui et comprendre ses affres ; mais l’avouer serait si peu commode. Ça serait résoudre le renard à être aussi laid que lui.
Et quelle laideur.

Il parle, Renard ; de cette fatalité béante qui l’assaillit. Il n’y a que dans son regard désespéré qu’il entrevoit pleinement toute sa peine car il sait Ashe que les mots sont creux d’espoirs mais toujours berceaux des maux, lui ne peut que se résoudre à écouter. Car tu sais Renard jamais cette grande silhouette torturée n’a été capable d’aider (c’était ce qu’il voulait pourtant) et comme si on lui avait imposé tout ce sang ; il a fini par y être habitué comme s’il était collé à sa peau,
Scotché à ses remords. Un grand homme bien laid face à un esprit torturé que la fatalité serre adroitement entre ses griffes. Il aimerait aussi pourtant, pouvoir la blamer ; peut-être le comprendre de ce fait, rien qu’un peu. Mais la fatalité répond en son nom, coupable de tout même de sa peine immense. Alors lui, qui pouvait-il bien blâmer ?
De ce regard qui s’effrite lentement et de ses doigts qui glissent sur le gobelet - Ashe ne sait pas vraiment peu importe ô combien il tente de se persuader.
Il ne pouvait pas s’intimer d’être inconnu à ces sensations ; il ne pouvait prétendre l’ignorer comme déjà il s’était perdu dans son esprit. Comme il connaissait les parcelles de son esprit torturé et les cendres d’une douleur (presque) commune.
Mais c’est qu’il avait terriblement raison au fond et Ashe - ça le prenait au creux de coeur mort, ça enserrait ses poumons et ça se répétait. Ne rien savoir de soi-même pour laisser les autres savoir, n’était-ce pas déroutant ? D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours été facile pour lui de comprendre les autres ; comprendre leurs peines autant que leurs joies. Peut-être qu’il manquait à se comprendre lui-même après ça, peut-être que cette simple pensée calquée sur ses mots trouvait un peu plus de sens à ses yeux.

— Tu préfères qu’on couvre tes doutes, quitte à ce que ce ne soit pas ce que tu veux entendre. Il répète Ashe, la voix enveloppée par l’amertume permanente car lui tu sais Renard, il ne sait que se couvrir d’un déni navrant.
Se répéter qu’il est juste dans ses teintes et à sa façon. Nier jusqu’à même ses propres torts, alors que toi Renard tu sembles tout accepter si abondamment et simplement reculer, ignorer peut-être que le monde continue de tourner sans parfois te rendre coupable de tout.
Mais les oeillades qui gravitent peut-être en prend-il trop conscience. De ces pupilles luminescentes même qui le cerne dans l’obscurité ; et Ashe se tait de nouveau. Trop longtemps peut-être car il est de ces silences trop béant qui grondent et éternisent le temps.
Mais il ne sait pas plus que lui pourtant, combien de temps pourrait-il vivre ainsi. Lui-même ne sait pas combien de temps il supportera ces propres maux qui condamnent son esprit torturé. Le temps lui semblait bien condamnable, ainsi ;

— Mais toi Renard. Comment est-ce que tu te vois alors - S’entrecoupe lui-même d’un froncement de sourcil car il ne sait pas pourquoi il a posé la question, elle est si évidente pourtant. Il ne comprend pas Ashe, pourquoi lui persiste tant à vouloir savoir ; peut-être parce que lui s’ignore réellement et ignore tout ce qu’on dit de lui.
Parce qu’il préfère nier plutôt que de se seoir de cette laideur qui lui est propre. Robe nauséabonde de ce qu’il a toujours détesté pourtant.
— Les yeux des autres sont condamnés tu sais… À te voir comme un damné. Ce qu’ils pensent et ce qu’ils savent… Ce qu’ils émettent et ce que tu penses.. Il n’y aura jamais de bonne réponse. Parce qu’il se calque à lui - Renard qui ne sait plus comment se percevoir ni qui croire. Il n’y a ni chemins ni réponses ; que les autres les toisent de regards de jugement ou qu’ils étirent une courbe admirable, qu’est-ce que ça change au final ?

— J’envie les inconscients. Parce qu’une fois que les parasites couvrent les songes alors il n’y a plus rien, ni de raison ni de peines - que tu doutes ou que tu saches, qu’est-ce qui finira bien par te consoler le plus ?
La vérité est navrante mais telle et Ashe sait au coin des pensées que les regards qui lui sont donnés sont toujours trop cruels pour être avoués. Parce qu’il y a des raisons de craindre Renard ; comme il s’en trouvera lui-même et pourtant au creux du coeur quand le regard des autres meurt, y a-t’il une raison de blamer Renard ? De se blamer, de lui à lui ; sans le regard grotesque des insectes ?

Il ne se voit pas. Et il l’envie Ashe. Car quand il se perçoit lui, c’est grossier - indélicat. Dans le miroir, dans la blancheur morne de ce qui l’entoure, il est la tâche béante, celle qu’on tente désespérément d’effacer mais qui persiste. La malheureuse elle-même se noie dans son désespoir, sans s’effacer. Et il s’étouffe dans l’écho de ses maux, comme s'ils étaient son reflet parce qu’il y a cette similitude désespérante entre eux, ce ravin comblé de pluie et ses tâches cruor qu’ils ont aux mains, dans le creux de la paume comme des grosses croûtes immondes.
Plus on gratte, plus elles saignent encore. Alors il observe, l'œillade berçant le vide - ce sourire qui se dessine quand il parle. Des inconscients ? Peut-être, en réalité, il cherche encore au fond de son esprit mais les pensées sont noyées, sinistres.

— Je n’en sais rien. Il n’en sait rien, de sa voix qui gronde. Il ne sait rien, Ashe, pas grand chose, plus grand chose. Ce en quoi il croyait, ce en quoi il espérait.. Il a tout terré dans ses doutes et tout est mort, alors il ne sait plus rien. Tout avait cet arrière goût d’immondice, comme ce café, qui lui semblait plus immonde que son propre sang quand il se déposait, métallique sur son palais, écoeurant.
Il se rend compte de sa grandeur (insignifiante) parce qu’il semblait si petit à cet instant, qu’il n’a pas répondu à la demande. Comme il ne répond plus de rien, comme il ne se répond pas à lui-même, pas même à ceux qui comptent le plus (Parsifal).

— Non.. Il suspend, la voix plus forte cette fois. S’arrête dans sa lutte ; mais qu’espérait-il ? Il n’avait rien à lui offrir Ashe ; il était trop lourd, trop mort, trop insuffisant. Comment pourrait-il l’aider, quand il était celui qui l’avait de nouveau enfoncé, dans cette spirale peu délicate et malheureuse ?
Il était responsable de son malheur, en partie.
Il était responsable de tant de choses pour s’en vouloir, désormais. C’était qu’il était immonde, Ashe. À la manière de ce café. Trop amer, trop indélicat, trop tout. Il avait rassemblé le néant du monde. Les maux de son esprit.

— Je veux dire. Je suis désolé. Je ne te serais sans doute pas plus utile, à moi qu’à toi. Parce qu’il ne se trouve plus vraiment d’utilité ici, ou maintenant. Lui aussi attend qu'il vienne le chercher, qu’elle aussi vienne le chercher. Dans le vide de son regard Renard, il voit son reflet si amovible. Prêt à ce qu’on lui dise quoi faire et comment le faire, parce qu’il ne sert qu’à ça, finalement.
Puis toujours après, il regrette ses agissements, et il n’y a jamais de retour en arrière envisageable.
Mais il est trop lourd pour s’en vouloir Ashe, quand il répond le ton amer Renard. Il est trop coupable pour se rendre compte qu’il aurait pu lui offrir du réconfort, mais ses bras ne sont définitivement plus capables de réchauffer, simplement d’étouffer.
Parce qu’il est une épave, silhouette silencieuse qui parfois gronde ; de sa propre incapacité d’exister. D’agir sans qu’on lui demande, lui dise.
Il suspend son regard au vide, lui offre le vide. Ne lui offre pas plus de réponses ; mais qu’est-ce qu’il aurait pu lui dire, de toute façon ? Il en savait tant, mais il n’était qu’une immondice dessinée, incapable d’agir, incapable de bien penser.
Au centre du tableau, il n’y avait que lui ; et il était toujours en gros traits, trop laid et mal dessiné.