À la discrétion d'une cape qui recouvre ton corps et cache ton visage tu suis le chemin indiqué par ton GPS. Presse un peu le pas lorsque tu te sais proche de ta destination et que tu sens quelques regards curieux se poser sur toi. Tu imagines que les gens d'ici ont prit l'habitude, avec le temps, de deviner ceux qui ne passaient pas souvent dans le coin et toi, tu n'aurais jamais pensé avoir à mettre un pied dans l'Allée des Embrumes un jour. Pourtant tu t'y avançais en grande dame, à la fois fière mais discrète pour te retrouver après un moment à l'entrée du Dissendium.

Tu prends une seconde pour en observer la façade modeste avant d'y entrer. Un rapide coup d'œil te fait comprendre que cet endroit n'est pas destiné à n'importe qui -tout y est fait pour attirer les âmes les plus fortunées en quête de perdition. Il n'y a pas grand monde à cette heure-ci pourtant, trouver un membre du personnel apte à te diriger n'est alors pas bien compliqué. C'est à la barmaid que tu t'adresses donc en t'approchant du comptoir. Tu te fais polie et courtoise en l'interpellant.

— Bonsoir. Valentyne, j'ai rendez-vous avec votre patron. Vous voulez bien le prévenir ?

Elle s'exécute simplement, et en l'attendant tu t'accoudes sur le bar. La tête dans l'une de tes paumes, tu te laisses aller à un soupir fatigué, normal après t'être entraînée toute la journée.

Lorsque la demoiselle aux longs cheveux bleus revient accompagnée du patron des lieux, tu étires un sourire en la remerciant poliment avant de te redresser pour faire face à ton rendez-vous, le capuchon toujours bien en place sur ta tête.

— Jasper Fawley, ça faisait longtemps.

Beaucoup si l'on considère que tu n'étais qu'en quatrième année à Poudlard la dernière fois que vous vous êtes réellement croisés -et il te semble qu'après tout ce temps vous ayez réellement tous les deux changés. C'est qu'il te semble beaucoup plus posé que lorsque tu te devais de couvrir les frasques qu'il faisait avec Clovis à l'époque. Pas pour eux, pour toi. Pour ne pas faire perdre trop de points aux Serpentards qu'ils n'en perdaient à cause d'autres. Une légère esquisse qui se dessine à tes lèvres à cette pensée, tout ça remonte à bien loin à présent, pas vrai ?

Sourire délicat à tes lèvres alors que tu le remercies poliment. Cela n'ont beau être que des discours de convenance -il faudrait être idiot pour y croire réellement, pas vrai ?- tu dois bien avouer que ça te fait plaisir malgré tout, parce que si tu n'avais pas réussi, tu ne serais pas là n'est-ce pas ? Jasper, et bien d'autres d'ailleurs, n'aurait rien à vouloir de quelqu'un qui a échoué alors tu prends ses paroles avec fierté, la tête haute et le dos droit sans plier.

Tes iris qui l'observent un instant, le temps pour lui de récupérer vos boissons et de t'inciter à le suivre. Il te semble bien plus grand qu'avant mais tellement plus sombre aussi et tu imagines que les derniers événements dans sa vie n'ont pas dû aider. Mais tu imagines qu'il n'aimerait pas être prit en pitié alors tu te contentes de hocher la tête à ses mots.

— Bien sûr, je te suis.

Il finit par vous mener au fameux salon dont l'ambiance feutrée te fait échapper un faible soupir de satisfaction. Tes doigts pour laisser tomber tranquillement le capuchon alors que tu t'avances en regardant un peu partout. Si tu es loin d'être impressionnée tu te dois bien d'avouer que l'endroit est d'une élégance plutôt rare et revigorante. Nouveau sourire à tes lèvres, plus détendu cette fois tandis que tu prends place après lui sur l'un des sièges en face du sien.

Laisse ta contemplation de l'endroit pour porter toute ton attention sur ton hôte

— C'est un bel endroit...

Le regard qui vadrouille encore un instant tout autour pour finalement se poser sur lui quand il t'avoue être surprit.

— Ah oui ?

Tu te penches pour récupérer ton verre posé sur la table sans te préoccuper d'une quelconque manière à avoir. Tu n'es pas des leur après tout, malgré ton éducation. Et tu n'es plus la même non plus, la Valentyne trop sage est devenue bien plus libre désormais et c'est tant mieux. Tu te renfonces dans le confort de ton fauteuil, le verre posé entre tes mains sur ta cuisse croisée.

— Je vais te retourner la question : Tu n'as pas peur d'aggraver ton cas auprès des tiens en liant ton image à celle de ces hybrides qu'ils détestent tant ?

Eux, les conservateurs à l'esprit trop étriqué ou dont le sang pur leur permettrait, apparemment, de régner sur le monde. Le camp des gagnants, apparemment. Tu poursuis.

— Toi, le fils du meurtrier des Lestrange. J'imagine que tu n'as pas besoin de leur offrir une raison supplémentaire de te rejeter, si ?

Un demi-sourire à tes lèvres, rire soufflé.

— Et pourtant nous sommes-là.

Le regard qui dit "je n'ai rien contre toi, moi." alors que tu hausses à peine les sourcils avant de prendre une gorgée de ton verre. La surprise que tu ne retiens pas, tu baisses les yeux sur ton cocktail.

— Hmm, il est bon ! Une raison de plus pour rester discuter encore un peu.

Tu relèves les yeux vers lui, le ton plus sérieux quand tu daignes enfin répondre véritablement à sa question.

— Je me fiche bien de ta réputation ou de ce que peuvent dire les autres. Je t'apprécie, autant du moins que le peuvent deux connaissances séparées par les années, et à ce titre j'aimerai savoir ce pourquoi tu m'as invitée à venir.

Tout simplement.

Ils ont juste beaucoup de mal avec la concurrence. Ça t'arrache un sourire alors que tu portes ton regard sur lui.

— C'est une jolie façon d'aborder la chose, je te l'accorde.

Tu n'es pas certaine encore de savoir s'il s'agit de sincérité pure ou seulement d'une façon (plutôt bien trouvée) de te brosser dans le sens du poil. Tu hésites. Mais plus il parle Jasper, s'explique, plus tu te dis qu'il faudrait être un excellent acteur pour ne pas penser un seul mot de ce qu'il dit.

Il est venu te vendre ses services.
Tu dois avouer que l'idée te plaît assez.

— À Poudlard déjà. Tu étais discret mais tu donnais l'impression de vouloir refaire le monde.

Discret quand il ne vous cherchait pas des ennuis avec Clovis Lestrange ou sa soeur, voire les deux en même temps. Tu reprends quelques gorgées de ton cocktail, observes ta boisson le temps de réfléchir à tout ce qu'il vient de te raconter. C'est qu'il y a tellement de choses à faire, tellement de personnes à aider. Tu n'es pas idiote au point de ne pas comprendre pourquoi c'est toi qu'il essaie de convaincre, ta nature ainsi dévoilée et assumée attire la convoitise de pas mal de pseudo-penseur pas toujours bienfaisants, et si toi tu as eu de la chance jusqu'ici, tu as conscience que ce n'est pas le cas de tous.

Tranquille, tu bois une dernière gorgée avant de reporter ton attention sur Jasper, un demi-sourire aux lèvres.

— Personne ne peut briller sans ombre, et les premiers à gagner seront toujours ceux présents à l'aube des grands changements. Vu la situation actuelle, je crois que tu n'es pas l'aube ni l'ombre mais bel et bien le changement lui-même, Jasper. C'est quelque chose que tu as dans le sang.

Et tu pèses tes mots.

— Mais avant de commencer...

Tu viens poser ton verre sur la petite table pour ensuite fouiller dans ton sac à main pour en ressortir aussitôt un petit tube bleu et or mat. Tu le regardes avant de toiser Jasper et de l'agiter un peu sous ses yeux, rieuse.

— Prends ça. Excuses-moi de le dire mais tu ressembles à un cadavre.

Et si ça peut être, d'un tout autre point de vue, diablement sexy, ce n'est malheureusement pas adapté à toutes les situations. Tu lui lances le petit objet, c'est un anti-cernes naturel à base de plantes magiques, bien plus efficace que ceux des moldus. La solution la plus viable reste bien entendu de dormir la nuit, mais tu sais toi-même à quel point ça peut être difficile, peu importe les raisons.

— Sans parler d'image, tu dois prendre soin de toi. C'est important.

Plus encore quand on s'en prend plein la gueule à longueur de temps. Tu lui souris.

— Bien, maintenant on peut parler sérieusement. C'est pour mon sang que tu m'as fais venir, n'est-ce pas ?

Une évidence.

Sourire en coin qui s'étire à la remarque. Tu n'aimes pas brosser tes interlocuteurs dans le sens du poil, c'est quelque chose qui t'a toujours exaspérée malgré que tu en ais été pendant longtemps prisonnière.

— Ton travail vraiment ?

Laisse la question en suspend volontairement. Ce n'est pas à toi de rebondir sur le sujet, tu sais à quel point ce serait déplacé. Mais il n'est pas difficile de reconnaître tes semblables lorsque tu les vois. Les fardeaux de certains sont bien plus lourds à porter que d'autres après tout.

Alors qu'il revient vers toi pour te rendre l'anticernes, tu le refuses d'un petit signe de la main.

— Considère ça comme un cadeau. Tu pourras toujours l'offrir à ta sœur si tu n'en veux vraiment pas.

La discussion légère qui s'envole pour laisser place au sérieux de nouveau. À peine surprise de la franchise de ses mots, tu écoutes ce qu'il a à te dire avec attention avant de prendre le temps de réfléchir à ta réponse. Il est évident que tu ne refuseras pas cette aide. Mais il y a tant de choses à faire que tu ne saurais par où commencer.

— Tout ce qui me semble important ?

La question comme une confirmation.

— Je suis désolée de te dire que tu risques de te ruiner si tu poursuis sur cette voie.

Léger sourire à tes lèvres, tu soulignes l'humour avant de poursuivre.

— Si tu veux de la visibilité, lancer ton argent sans montrer ton implication n'aidera en rien. Il faut être proche du peuple pour pouvoir le toucher, tu vois ? Mais pour un début, faire quelques dons aux associations d'hybrides et cracmols me paraît une bonne idée.

La plume à papote s'agite sur le papier pour y noter tes nombreuses indications. Des contacts, des conseils, des adresses. Tu lui fais part des gros événements à venir avant de lui proposer de t'y accompagner pour le présenter en lui expliquant que ton image, si elle peut accompagner la sienne, ne peut pas la créer. Il faudra plus que de l'argent pour convaincre et tu espères qu'il l'a bien comprit.

Une œillade portée à ton pineapple après un moment et quelques verres, tu te lèves finalement lorsque vient le temps de vous quitter. Ce n'est que partie remise bien sûr, le prochain rendez-vous est pour très bientôt.

— Passe une belle soirée Jasper. Et tente d'être plus présentable la prochaine fois, d'accord ?

Pique légère sur laquelle tu décides de t'éclipser tranquillement. Tu as encore beaucoup à faire, ta soirée à toi est loin d'être terminée. La sienne aussi, sûrement.