Elle sait bien qu'elle n'a pas le droit.
Qu'au final, ce n'est pas un choix qui lui revient.
Elle aimerait, pourtant. Ca rendrait la chose plus simple. Ca lui permettrait de continuer la logique de son cerveau névrosé - je ne mérite personne, et personne à part moi ne mérite d'être blessé. Ainsi elle s'isole, quitte à en devenir folle. Car après tout, ça, elle l'a bien mérité. C'est tellement plus simple de se penser responsable de tout (et surtout) elle ne peut pas s'en empêcher.

A ses yeux, c'est tellement logique.
On aurait beau lui expliquer qu'elle ne pourrait sûrement comprendre le raisonnement inverse. Même tous les murmures que Fallen lui offre dans les soirs les plus sombres, au milieu de ses écarts inconscients où elle finit par se faire du mal et se blesser, ne sauraient au final la persuader. Le miroir qu'elle a brisé, dont sa main garde encore les traces indélébiles, comme son poignet qu'elle avait commencé à abîmer, n'était ni la première occurrence de violence à son propre égard, ni la dernière. Même quand plus personne n'était là pour la détruire, elle perpétuait le cycle. Un instinct de préservation détraqué qui, comme le reste, ne pouvait vraiment être réparé. Tellement ironique, quand elle passe ses journées à sauver des vies.

Et sûrement qu'elle devrait se froisser aux réactions d'Eamon. Pourtant, ça réveille en elle quelque chose de familier. Qui date d'il y a longtemps. Cette manière qu'il a toujours eu de chasser ses inquiétudes du revers de la main, d'un sourire voire même d'un rire, comme si tout n'était pas si important que ça. Qu'elle se prenait trop la tête. Et comme toujours, malgré les années, elle ne peut détourner son regard de lui quand il sourit. Le trouvant toujours si magnifique. Sentant un battement dans sa poitrine qu'elle pensait trop atrophiée pour ce genre de choses.

Abuse donc.
Elle en a tellement envie. C'est si tentant. Elle vient à peine de le retrouver, mais elle a toujours cette envie, trop forte, de le garder si proche, toujours assez pour pouvoir le toucher. Pour pouvoir prendre sa main et l'enlacer. Pour aller déposer ses mains sur son visage ou glisser ses doigts contre sa nuque. Pour jouer avec ses cheveux et les coiffer. Pour poser son front contre le sien, comme elle le faisait. Comme elle veut toujours le faire. Pour observer ses yeux (et peut-être) se perdre un peu dedans. Trouver du réconfort dans ses bras et une accalmie dans un monde toujours trop violent pour qu'elle puisse tenir debout.

(Peut-être que s'il est là,
Je pourrais tenir le coup.)

Et en douze ans,
C'est la pensée la plus courageuse qui l'éprend.

Il a l'air si content au simple contact de ses mains, comme si c'était quelque chose qui lui avait profondément manqué (peut-être bien que c'était le cas) qu'elle n'était pas aussi disposable qu'elle le pensait. Son rire qui fait briller ses yeux d'une toute autre vague, bien plus tendre et admirative que celle qui la submergeait auparavant. Un tout autre océan. Son préféré, assurément. Sa main qui retrouve la sienne et la serre doucement ; contente sans qu'elle l'avoue qu'il vienne la toucher de son propre chef. Elle aimera toujours autant l'étreindre, mais les élans qui venaient de sa propre initiative l'ébranlaient bien plus.

Sa présence est un caprice.
Eamon se peint d'avarice.
Ah. Elle a envie de pleurer, mais plus du tout pour les mêmes raisons. Il perd son sourire et, comme toujours, il a toute son attention. Elle caresse toujours l'une de ses joues, laissant l'autre y être arrachée pour être mieux emprisonnée dans la main de cet homme si grand qui lui paraît soudain presque comme un bien plus petit garçon. Vulnérable quand il la prie de ne plus se laisser aller à l'abandon. De rester à ses côtés malgré toutes les voix qui lui disent qu'elle ne fera que le gêner. Soutenant ce regard sans pouvoir vraiment y échapper.

▬ Eamon...

Comme il y a longtemps, son simple nom est rempli de bien trop d'émotions. De tendresse. De douceur. D'un brin de tristesse, peut-être. Mais de tellement de dévotion. Elle ravale ses dernières larmes d'un souffle tremblant pour descendre de son tabouret, soutirant sa main de la sienne et de sa joue seulement pour se rapprocher. Pour se hausser sur la pointe des pieds et venir, avec un peu de difficulté, passer ses bras à son cou comme elle le peut. Elle est petite, il est grand et assis sur un tabouret. Pourtant elle y arrive, visage contre son épaule alors qu'elle refuse fermement de le lâcher, le serrant presque aussi fort qu'elle le pourrait.

▬ Merci.

De lui offrir un nouveau départ.
De bien vouloir encore d'elle.
De ne pas fuir devant les cassures qu'elle laisse apparaître. De l'écouter toujours aussi attentivement quand elle se déverse à ses pieds. De la chérir autant, car elle se rend bien compte, au moins en partie, de la force de ces émotions à son égard. Elle ne dira rien de ce qui la traverse ; mais elle fera de son mieux. Ca lui donne assez de force pour continuer - encore un peu. Pour se relever une fois de plus, plutôt que de déjà passer le seuil de non retour. Elle pourra persister encore un peu. Un petit rire la secoue, maladroit, mais annonçant doucement le retour du soleil et des éclaircies.

▬ T'es vraiment trop grand pour moi, maintenant.

A n'en point douter, il a grandit - pas elle. Evidemment, le temps l'a transformée en femme, lui donnant un charme plus mature qu'elle s'ignore toujours autant, mais sa taille est la même qu'avant. Elle se sent encore plus petite dans ses bras - et pourtant toujours aussi protégée. Son abri préféré. Sa maison adorée.

Elle finit par se reculer - à peine, vraiment, pour venir retrouver son visage. Toujours sur la pointe des pieds pour venir trouver son front du sien en souriant doucement. Des doigts qui, doucement, se perdent dans les mèches qui encadrent son visage. Toujours si proche et délicate. Toujours les yeux comme une porte ouverte sur son coeur. Sa voix un murmure précieux et bas, un secret juste entre eux.

▬ J'espère que tu me laisseras profiter ce soir.

Se doutant bien que demain elle ne pourra plus le toucher comme elle le veut. Que ce n'est qu'une escapade nocturne, que l'alcool qui lui permet autant de liberté. Elle esquisse un sourire un peu plus enfantin.

▬ Tu m'as dit que je pourrais te coiffer aussi...

Oh elle n'a pas oublié.
Elle compte bien s'en occuper.
Elle rit, presque contre ses lèvres avant de redescendre sur ses talons et de se rasseoir sur son propre tabouret. Sa main vient chercher la tasse du brun sur le comptoir pour la lui faire glisser avant d'enfin venir chercher la sienne qu'elle se met à siroter. Celle qui ne tient pas la porcelaine vient se lier aux doigts d'Eamon ; bien incapable maintenant de ne pas abuser.

Oh elle abusera autant qu'elle le peut.
Autant qu'il le lui permette.
Ses seules limites seront celles qu'il lui impose.

Elle savoure le thé qui, comme toujours, semble aider à finir de détendre ses épaules tendues par le poids qu'elles portent, le regard plus posé et serein bien qu'un peu fatigué de toutes ces émotions. Elle se sent mieux, maintenant. Un peu comme ces quelques fois où, plus jeune, elle s'était éparpillée maladroitement devant lui, à vif. Les mêmes où il l'a toujours acceptée dans son entièreté, sans jamais trop la juger.

Ca ne sera pas pareil.
Ca sera différent.
Mais ça sera.
Et à ses yeux, c'est tout ce qui est important.

Au final, plus que ses mots, c’est sentir ses bras autour d’elle qui est le plus grand des réconforts. Les gestes plutôt que la parole. Elle y sent cette douceur un peu maladroite qui lui arrache un sourire, parce que c’est bien le moment pour être avare et prendre autant qu’il le veut. Avant que demain ne vienne et que le temps soit à nouveau nuageux. Et puis elle le sent s’affirmer et un petit rire sort de ses lèvres. Voilà, c’est bien mieux comme ça à son goût. Le contact de sa tête contre la sienne est un poids familier et apprécié, la faisant sourire un peu plus. Elle entend le rire qu’il tente de cacher et elle ne peut que rire à son tour.
Petite, elle le sera toujours.
Surtout à ses yeux.

▬ File moi de tes centimètres, alors. Ou penche toi un peu plus souvent que j’ai pas besoin de me trimballer une échelle.

Peut-être qu’elle se perd un peu dans ses yeux, pendant qu’elle est devant lui. Peut-être aussi qu’elle a très envie de rester comme ça bien plus longtemps. Un sourire fleurit à nouveau sur ses lèvres à l’autorisation de pouvoir profiter de la soirée comme il lui plaît. Heureuse et simplette. Puis elle redresse la tête avant de la pencher légèrement sur le côté.

▬ Ce qu’il faut ?

Elle n’a pas l’air de comprendre.
D’ailleurs, elle ne comprend pas.
Si la limite ne lui était déjà pas bien claire en ayant tous ses esprits, c’était encore moins le cas là. Evidemment, elle ne pensait à rien de plus que ce qu’elle a pu toujours demander. C’était Persephone. Il fallait s’en doutait. Mais il sourit et c’est tout ce qu’elle retient, au final. Ses doigts caressant ses joues avant de disparaître de sa peau.
Pour du thé.
Alors ça se pardonne, un peu.
Même si elle refuse de lâcher sa main, pensez-vous bien.

▬ Oh, je vais profiter ! Compte sur moi pour ça !

Elle rit à nouveau, balançant doucement ses jambes dans le vide alors qu’elle descend sa tasse à un rythme stable. Le thé, puis la coiffure. Elle ne voulait pas le laisser refroidir. Et elle se concentre dessus jusqu’à relever les yeux vers Eamon, seulement pour tourner la tête vers le serpentarium à son tour.

▬ Ah… Je me disais que j’allais prendre un chien, au début.

Elle avait toujours voulu un chien, mais sa famille avait Méliandre et le chat était peu commode avec les canidés. Alors jusqu’à son départ, ça ne s’était pas fait. Elle ne regrettait pas, au final.

▬ Puis avoir un animal qui demande beaucoup d’attention quand on travaille à l’hôpital… Encore plus maintenant. Ce serait contraignant. Et je veux pas en avoir un si je peux pas m’en occuper correctement… Ce serait cruel et égoïste.

Après tout, ça restait un être à part entière.
Pas de raison qu’elle le traite différemment.
Une gorgée de thé avant de reprendre.

▬ Il s’appelle Salem. Et il est un peu bête.

Comme pour confirmer ses dires, un bonk résonne tièdement dans la pièce alors qu’elle rigole. Il s’est cogné la tête contre la vitre.

▬ Il fait ça pour avoir mon attention et que j’aille le sortir de là. Je te laisserais bien le toucher mais… Il a tendance à mordre les gens à part moi. Caractériel.

Un serpent possessif et avare d’attention.
Elle retourne son regard vers Eamon.

▬ Pourtant avec moi il est cool. Il a pris l’habitude de se lover contre mon cou quand je m’assois sur le canapé avec ou quand je dors avec ahah.

Parce qu’évidemment, Persephone dort avec un serpent.
Peur de rien, vraiment.
De toute façon, il n’est pas venimeux.
Les serpents n’ont peut-être pas la capacité d’aimer, mais à n’en point douter Salem lui était fidèle. Et c’est tout ce qui lui importait. Elle finit par poser sa tasse vide et descendre de son tabouret en humant, sans lâcher sa main pour l’entraîner avec elle.

▬ Tu peux garder ta tasse mais tu es trop grand ! J’ai besoin que tu descendes d’un cran.

Alors elle l’emmène jusqu’au canapé, lui indiquant de s’asseoir de côté pour qu’elle puisse faire face à son dos. A son tour elle s’asseoit et admire une seconde la chevelure devant elle. Longue. Si longue.
Le rêve.
Un léger rire alors qu’elle ajuste l’élastique à son poignet, le même qu’elle portait tout à l’heure. Délicatement, elle commence à amasser toutes les mèches dans sa main, comme une vieille habitude qui reviendrait prendre ses aises ; et comme avant ses doigts viennent frôler la nuque qu’ils découvrent, impunément.

▬ Une tresse, je suppose que ça te va ?

C’était un peu leur habitude, en soi.
Alors elle s’y attèle, bien plus habituée à la chose - un peu trop, même et ce n’est pas l’alcool qui va la déranger. Elle ne coiffe plus autant de monde, c’est vrai. Mais Parsifal et Fallen ont été des bons modèles et elle a eu de nombreuses fois encore l’occasion de se perfectionner. Alors c’est sans trop d’hésitation qu’elle vient chercher les mèches dont elle a besoin, et toujours avec douceur et délicatesse. Elle s’amuse ! Oh, Dieu qu’elle s’amuse.

▬ Ah… Ca aura pris douze ans pour retoucher tes cheveux, mais quel bonheur.

Et elle pèse ses mots.
Elle se concentre un peu, continuant son oeuvre mais demandant quand même.

▬ C’est un choix de les laisser pousser ? Ou t’as juste la flemme de les couper ?

Ou un peu des deux, peut-être.
Au fur et à mesure, ses doigts descendent alors qu’elle tresse, faisant attention à ne pas - par exemple - tirer trop fort et lui faire pencher la tête en arrière. Jamais agréable quand ça arrive. Toujours aussi prudente de rendre la chose agréable au possible. Après tout, pourquoi elle serait la seule à en profiter ?

▬ En tous cas, ça te va drôlement bien. Vraiment.

Arrivée aux pointes, elle fait un peu la moue.

▬ Dommage que les pointes soient abîmées… Tu sais, même si c’est que de temps en temps, tu pourrais faire un soin. Ca prend cinq minutes ! Tu peux laisser poser pendant que tu prends un bain ou j’sais pas. Et après ils seront super doux et soyeux.

Ah. Ca elle l’aurait gardé pour elle normalement.
Mais c’est plus fort qu’elle - quel gâchis !
Elle, c’est comme ça qu’elle fait et c’est bien pratique.
Elle rit, d’ailleurs.

▬ A la limite si t’as pas de baignoire j’te prête la mienne. J’ai ce qu’il faut, déjà, en plus.

Elle la prête un peu à qui veut, faut dire.
Et elle arrivera, malgré tout, à se retenir de lui dire qu’elle lui laverait bien les cheveux pendant son bain. A défaut de le faire à Parsifal, déjà. Ses doigts s’affairent autour de l’élastique alors qu’elle finit le bout de la tresse.

▬ Et… Voilà !

Plus rien à voir avec les tresses soignées mais un peu maladroites qu’elle faisait à Poudlard - même si ce n’est pas encore la perfection qu’elle pourrait atteindre sobre, évidemment. Elle inspecte son travail une seconde, y glissant un doigt avec un sourire avant de revenir toucher cette nuque désormais à nu.

▬ Tu vas sentir un courant d’air tu dois plus avoir l’habitude ahah.

Et elle se laisse tomber contre le dossier du canapé après sa tâche accomplie, yeux clos, un air satisfait et comblé sur le visage.

▬ Aaah… Long soupir repus. Le pieds. Eheh. Merci, encore.

Un léger frisson la parcourt ; il fait pas vraiment chaud, chez elle. L’isolation est nulle, comme le reste. Pourtant elle se contentera de venir tapoter la jambe d’Eamon de son pied.

▬ Dis, c’est vrai que tu restes cette nuit, hein ? Tu pars pas ?

Elle n’en a vraiment pas envie. D’ailleurs sa main vient trouver sa manche pour s’y accrocher légèrement. C’est qu’elle en a rêvé, souvent. Alors c’est un peu dur de croire que c’est réel, cette fois. Peut-être qu’il est encore un mirage. Qu’elle se réveillera toute seule, dans sa solitude. Dans son regard s’égard un peu d’incertitude et surtout une envie claire de sa présence et de sa proximité.
Et elle refuse de le lâcher.
(Après tout, j’ai le droit d’abuser.)

Les deux.
Elle comprenait, un peu. Elle était souvent tentée par l'idée de laisser ses cheveux pousser indéfiniment, plutôt que d'entretenir leur longueur actuelle, à peine plus longue que celle qu'elle avait à Poudlard. Mais plus long signifiait plus d'entretient, plus de poids sur la tête, plus de gêne pour son travail... Alors elle passait constamment d'une frustration à l'autre tout en restant au même status quo. Elle avait finit par se dire que c'était sûrement la longueur qui lui allait le mieux, au final. La plus pratique, en tous cas.

Comme toujours, Eamon sait que ça lui va bien. Et comme toujours, elle continuera pourtant à le lui répéter. Pourquoi s'en priver ? C'est vrai, après tout. Et ça fait toujours plaisir de se l'entendre dire. Sûrement. Si elle le disait autant que possible quand elle le pensait, elle n'était pas de celle qu'on complimentait souvent. Qu'on regardait de cet oeil là. Et étrangement, ça lui allait bien. La pression sociale de devoir s'intéresser aux gens sous un aspect romantique ou physique l'avait toujours étouffée, elle qui n'en voyait pas l'intérêt. N'en avait jamais eu la pensée ou l'envie. Tout avait toujours été purement esthétique, à ses yeux. Elle s'était demandé plusieurs fois si peut-être quelque chose clochait de son côté. Seulement pour abandonner la question dans un recoin, la ressortant de temps en temps dans des périodes de doute quand on venait lui parler de marriage et de blind date et de personnes si absolument parfaites qu'on avait à lui présenter. Elle avait toujours refusé. L'excuse la plus simple (et pas forcément fausse) était de se concentrer sur le travail, même si elle avait simplement peu d'attrait pour ce genre de relations quand elle n'était pas même capable d'établir des amitiés solides sans fuir. Ca serait un désastre en devenir.

La question qui lui est posée la fait sourire.

▬ Bien sûr. Pourquoi pas ?

Elle n'y voyait aucun problème. Ce n'était qu'un bain, après tout. Elle rit, d'ailleurs.

▬ Parfois j'ai un ami qui vient en profiter et moi j'en profite pour lui laver les cheveux. Un peu d'amusement dans sa voix. Un échange de bons procédés.

Parsifal était toujours le bienvenu chez elle, même sans ça, mais c'est vrai que ça lui plaisait. Et à lui aussi, sinon il ne redemanderait pas ou n'accepterait pas ses propositions si souvent. Bien que ça faisait un bail qu'elle ne l'avait pas vu, et qu'il lui manquait. Sans compter qu'elle s'inquiétait des potentielles blessures qu'il devait porter... Mais ce n'est pas le moment pour être tracassée à son sujet. Pour le moment, elle est bien plus concentrée sur Eamon et sur le fait qu'il puisse rester ici.

Un sourire naît sur ses lèvres alors qu'elle se relève uniquement pour prendre sa tasse et la siroter comme une enfant sage après une petite remontrance. Pourtant elle dit avec assurance.

▬ Si ça arrive, tu prendras soin de moi.

Pas une trace de doute à ce sujet.
Après quelques gorgées, elle repose sa tasse pour se rapprocher de lui, posant ses deux petites mains sur son épaule avant d'y apposer son menton. Prise d'une petite réflexion.

▬ Hmm... Comme tu préfères.

Elle sourit doucement.

▬ Y'a le canapé, sinon j'ai une chambre d'ami toute prête.

Elle penche un peu la tête sur le côté, le sourire encore plus tendre.

▬ Ou mon lit, aussi. Si tu veux bien dormir avec moi.

Parce qu'elle, elle aimerait bien.
Elle ne tente même pas de s'en cacher.
Une de ses mains quitte son épaule, allant tracer sa mâchoire pour remonter à sa joue qu'elle caresse doucement, seulement pour aller marquer le contour de son oreille maintenant dégagée, observant et touchant délicatement le bijou qui y sied. Sa voix est un peu plus discrète, alors qu'elle se perd en contemplations.

▬ Ca aussi, ça te va bien. C'est fou comme tout te va.

L'ombre d'un léger rire qui passe ses lèvres, ses doigts redescendant contre son cou. L'un d'eux s'autorise à glisser sous son menton, effleurant le contour de sa pomme d'Adam jusqu'à se perdre au col de son pull, qu'elle ne bravera pas. Une certaine fascination dans son regard distrait, purement concentré sur l'appréciation de la silhouette en face d'elle si familière et qu'elle découvre pourtant d'un oeil nouveau. Son doigt se retire mais sa main ne le quitte pas, elle vient se poser sur son bras et y restera sagement, alors que ses yeux se posent sur les mains de son compère. L'envie de leur offrir le même traitement traverse son regard, mais elle ne veut pas déranger la dégustation de son thé.
Alors elle est sage.
Tant qu'il tiendra sa tasse, en tous cas.

▬ J'aime bien t'avoir là. Tu devrais venir plus souvent.

Aussi souvent que possible, d'ailleurs.
Elle sourit un peu plus à l'idée.

▬ Ou juste venir me voir plus souvent.

Un rire, cette fois.

▬ Ou me soustraire à mes occupations par caprice.

Elle rit encore un peu à ce souvenir.
Sûrement que ça aurait déplu à la majorité de la population - pas elle. Ca la faisait se sentir importante. Ca lui donnait l'impression qu'il avait l'envie de sa compagnie et de sa présence. Qu'il avait besoin d'elle. Son sourire s'attendrie, un peu nostalgique.

▬ Hm. J'aimais beaucoup quand tu faisais ça.

Après tout, pour lui elle était prête à tout lâcher. A jeter toutes ses occupations pour le retrouver. Elle se sent sereine, comme ça.
C'est tout ce qu'il lui fallait.

Un ami ? La réflexion lui fait froncer les sourcils à son tour. C'est vrai ça, est-ce que Parsifal était un ami ? Ils étaient proches... Un peu. Mais leur relation était tout autant superficielle. Jamais d'aveux sur ce qui les pesait tant... Sur les blessures qui parsemaient le corps de Parsifal, à défaut de panser ses plaies... Elle baisse un peu les yeux en y repensant.

▬ Enfin, je crois...

Elle n'était plus vraiment sûre, avec le temps. Est-ce qu'elle avait vraiment des amis ? Des gens qu'elle croyait assez pour ça ? Son regard se pose sur Eamon une seconde. Elle mourrait d'envie de le mettre dans cette catégorie, mais est-ce qu'elle le connaissait assez pour ça ? Il avait tellement changé. Elle aussi. Et les autres...

Elle regarde sa propre main, tentant malgré son cerveau éméché de repenser à qui elle pourrait mettre dans cette catégorie. Elle était sûre que Fallen y était, puisqu'elle la considérait comme sa propre soeur. Une très, très bonne amie. Stian... commençait à entrer dans le lot, même si elle avait un avis mitigé à cette pensée. C'était pas vraiment dans ses plans mais il était juste... arrivé comme ça, dans sa vie, et s'y était fait une place naturellement. Elle voulait croire qu'elle pourrait lentement établir une confiance solide envers lui. Et le dernier visage qui voulait se faire une place dans la liste lui fit froncer les sourcils. Elle détestait l'avouer mais Mads en faisait partie, qu'elle le veuille ou non. Rien que de penser à lui elle pense pouvoir entendre l'une de ses longues et insupportables tirades et ça lui coupe l'envie de continuer sa réflexion.

Pourquoi pas. Oh, ça par contre ça l'interpelle. Son sourire fleurit un peu plus joyeusement sur ses lèvres, visiblement comblée par cette brève réponse. Dormir avec Eamon ! Voilà quelque chose d'autre qui ne ferait que rendre la soirée meilleure... mais pas aussi inoubliable qu'elle le souhaiterait, malheureusement.

Alors elle profite d'autant plus de ces caresses auxquelles elle s'adonne, comme si elle pouvait graver dans sa mémoire la douceur particulière de cette peau qu'elle parcourt. A défaut de voir les couleurs, elle était particulièrement sensible au toucher après tout. Peut-être qu'elle y arriverait. Ses yeux passent de ses mains à ses lèvres pour observer son sourire qu'elle imite presque par réflexe, comme si toute trace de joie chez Eamon réciproquait en elle un sentiment de bonheur. Elle réfléchit un peu, pourtant.

▬ Hmm... Peut-être pas tout le temps à l'hôpital.

Elle fait la moue.
L'envie y est, mais les responsabilités... Quelle plaie.

▬ Quoi que... Si c'est pas pendant des meetings importants, genre quand je me perds dans mes dossiers et tout...

Elle n'avait pas vraiment besoin d'abattre autant de travail qu'elle le faisait, en toute honnêteté. Elle était bien trop obsédée par la chose. Si Eamon se pointait durant les nombreuses heures où elle se forçait à faire n'importe quoi sauf rentrer chez elle pour se retrouver confrontée à sa propre solitude... Est-ce qu'elle dirait vraiment non ? Elle était incapable d'affirmer la chose avec certitude. La faille qu'était Eamon Lucius Ainsley dans ses défenses était tout aussi présente qu'elle l'était il y a douze ans. Un petit soupir à l'idée. C'était un peu déplorable de ne pas avoir changé depuis tout ce temps. Et puis, il trichait aussi s'il lui disait que malgré son emploi du temps de ministre il tenterait potentiellement la chose... Elle en rit un peu.

▬ Hâte de voir ça.

N'allez pas croire qu'elle a oublié cette main maintenant libérée. Sans hésiter, elle entoure son bras des siens pour le serrer contre elle, allant chercher de ses doigts sa main qu'elle redresse pour mieux pouvoir l'admirer. Sa joue se pose contre l'épaule du plus grand.

Elle l'écoute avec un sourire alors que ses doigts viennent tracer l'intérieur de sa paume, son index venant suivre les lignes qui s'y dessinent méticuleusement. Un sourire paisible naît tranquillement sur ses lèvres, bercée par son exploration innocente et les souvenirs qui remontent, mais surtout par la quiétude que lui inspire la situation. Elle se sent vraiment bien, comme ça. Ca fait tellement longtemps qu'elle n'a pas ressenti une telle paix.

▬ Si.

Pas de doute dans sa voix, alors que cette fois-ci ses doigts viennent découvrir ceux d'Eamon, une phalange à la fois, consciente et appréciative de la différence de taille entre leurs mains.

▬ J'ai jamais honte quand ça te concerne.

Fière de lui, fière d'être proche, fière de pouvoir se montrer à ses côtés. Encore plus fière qu'il puisse estimer sa présence et la réclamer. Jamais elle n'aurait de honte à venir le retrouver.

Elle retourne sa main, sans jamais la quitter des yeux alors qu'elle s'aventure maintenant à tracer les quelques veines apparentes, remontant jusqu'aux bagues qu'elle effleure sans trop jouer avec.

▬ Ca aussi, ça te va bien.

Elle se répète mais sa liste se fait de plus en plus longue et elle ne retient aucun commentaire qui pourrait complimenter le brun. A nouveau, elle tourne la main pour faire face à une paume et comme tout à l'heure ses ongles viennent curieusement caresser la naissance de son poignet.

▬ Tu sais, on m'en a fait des réflexions parce que je passais du temps avec toi. Plein, même. De la part de mes amis ou non, même avant que je vienne te parler pour la première fois j'avais entendu plein de rumeurs sur toi.

Ses ongles laissent place à la douceur de ses doigts, une énième fois, malgré les accrocs de ses plaies et de ses cicatrices dont elle peut faire fi ce soir, remontant à peine sa manche pour s'autoriser à découvrir toujours un peu plus de cette terre inconnue qu'elle pourrait parcourir ainsi la nuit entière, même avec la limite des vêtements. Et à la dévotion qui se sentait dans ses caresses, il ne fallait qu'une brève réflexion pour le comprendre.

▬ Si les gens parlent sans prendre le temps d'apprendre à te connaître plus que dans des on-dits, leur opinion ne mérite pas mon attention. C'est tout.

Un léger rire passe ses lèvres alors que son exploration s'achève, seulement pour venir entrelacer ses doigts aux siens.

▬ La tienne, par contre, elle vaut tout l'or du monde à mes yeux.

Et elle dit ça avec une telle aisance.
Elle relève son visage vers lui, un sourire tendre collé aux lèvres alors qu'elle serre son bras un peu plus contre sa poitrine comme on pourrait le faire d'un coussin. C'est que, c'est confortable comme position... Elle pourrait s'endormir comme ça sans problème.

▬ J'suis fière d'être ton amie, tu sais.

Au final, elle avait beau retourner la chose...
Il était peut-être bien le plus précieux des amis qu'elle avait.

Un léger rire passe ses lèvres.
Oui, Eamon prend soin de lui. A défaut de se reposer, il fait attention à son apparence. A ses jolis cheveux et aux bijoux qui viennent le sublimer (à ses yeux il n'en a pas vraiment besoin, c'est déjà un trésor même sans pierres précieuses en ornements) aux habits qui lui sied et au reste. Ca paraît évident, mais il faut dire qu'elle est loin de ce genre de choses. La majorité du temps, elle enfile des tenues toutes aussi semblables et monochromes que sa vision. Simple. Efficace. Pratique. C'était ses trois mots préférés pour s'habiller. Le noir et le blanc se mariaient bien et il n'y avait pour fantaisie que la pince qui venait coiffer ses cheveux. Le violet qui ornait la pointe de ces derniers. Alors elle appréciait tous ces petits détails qui le mettaient toujours plus en valeur. Il fallait bien récompenser son travail, pas vrai ? Alors elle s'y attellera. Elle remarquera toutes les petites attentions et se fera une joie de les aimer comme il se doit. En toute sincérité.

Tu l'as toujours eue.
Son sourire s'agrandit malgré elle, alors qu'un sentiment chaleureux et agréable envahit sa poitrine. Elle oublie, parfois. Ca fait du bien qu'il le lui rappelle. Et tout comme il sait parfaitement tous les compliments qu'elle peut lui faire, même si elle le sait elle aime l'entendre. Ca lui fera toujours aussi plaisir. Ca la rendra toujours si fière. Elle ne pense pas vraiment la mériter, pour être honnête. Mais ça serait mentir que de dire que ça lui déplaît.

▬ Hmhm. Merci.

La main qui vient se glisser contre sa joue la fait se détendre un peu plus, alors qu'elle niche son visage contre instinctivement. Et si ses yeux s'apprêtaient à se fermer, ils s'ouvrent sous la surprise pour retrouver ceux d'Eamon aux mots qui passent ses lèvres effrontément.

J'aurais dû t'embrasser.

Son coeur ivre tressaute dans sa poitrine à ces simples paroles. A tout ce qu'elles impliquent. Tout ce qui aurait pu être. Tout ce qui aurait dû, sûrement. Tout ce qu'ils avaient pu vouloir sans jamais oser faire le pas qui aurait peut-être tout changer. Sur ses joues vient fleurir un léger rose alors qu'elle se rend maladroitement compte que oui - oui, elle aurait aimé ça. Qu'il l'embrasse. La lumière dans ses yeux vacille sous la réalisation. Elle savait qu'Eamon avait toujours été précieux à ses yeux. Peut-être qu'il l'avait été bien plus qu'elle ne l'avait jamais réellement compris.

Elle l'avait aimé.
Et à ses paroles, lui aussi.

Encore une fois, c'est quelque chose qui était resté, ou qui devrait rester, dans cette tour qui les a abrités et protégés toutes ces années, avant que tout ne s'écroule. Peut-être que s'il l'avait fait, elle aurait compris. Peut-être que s'il s'était passé quelque chose entre eux, elle aurait été plus forte. Peut-être qu'elle n'aurait jamais été happée par une tragédie, un été. Peut-être que si ça avait été quand même le cas, elle aurait eu le soutient nécessaire pour s'en relever et se reconstruire.

Peut-être.
Ils ne sauront jamais.

Et maintenant, elle était ce qu'elle était. Elle n'était pas quelqu'un que l'on devait se prêter à aimer. Elle ne le méritait pas. Elle n'apportera rien de bon et bientôt emportera tout ce qu'on a pu lui donner. A la pensée, son coeur se serre un peu. Elle porte sa main à celle qui repose sur sa joue pour lui intimer de rester là, fermant ses paupières l'espace d'une seconde alors qu'un maigre sourire se dessine sur ses lèvres.

▬ Tu aurais dû, oui.

Mais il ne l'avait pas fait.
Et à son ton, il était trop tard.
Ca sera, mais ça sera différent. Maintenant, ils sont grands. Ils ne peuvent plus récupérer ce qu'ils avaient auparavant. La leçon était douce-amère et toujours si dure à accepter. C'était bizarre, aussi. Elle qui a toujours cru qu'elle était bizarre, à aimer autant sans jamais réellement s'accrocher, de comprendre qu'elle a pu être comme tout le monde et qu'elle a pu aimer. A défaut de pouvoir le faire aujourd'hui. D'avoir le courage et la force de se projeter dans un futur pour lequel elle est déjà trop fatiguée.
Ca aurait pu être beau.
Et dans ses songes, ça le sera sûrement.
Un doux rêve et un regret de plus.

Encore une fois, elle relève son regard sur celui d'Eamon qui se fait un peu plus sérieux alors qu'elle l'écoute sans ciller cette fois. Elle l'observe quelques secondes, l'air quelque peu confuse avant de retrouver la parole.

▬ Oui. Et ?

Elle n'a pas l'air de comprendre ce qui est si grave. Elle se redresse légèrement et si elle retire sa main de sa joue, c'est seulement pour venir la serrer dans les siennes, se tournant un peu plus vers lui sans jamais quitter son regard.

▬ Tu dis ça comme si c'était une grande révélation.

Elle n'en rigole pas, simple dans ses constatations comme s'il s'agissait là de pures évidences. Elle prend le temps, pourtant. Pour lui, toujours.

▬ Vu que tu m'as jamais répondu, j'ai jamais su si c'était vrai ou non. Et t'avais le droit de pas me répondre.

Ils ne se parlaient plus.
Par sa faute.
Ca serait hypocrite de lui en vouloir.
Elle aussi, ne lui avait rien dit.

▬ Ca veut aussi dire que le moment où j'ai accepté que tu reviennes dans ma vie, maintenant, je l'ai fait en sachant que ça pouvait être la vérité. Que ça pouvait même être plus grave encore que les rumeurs que j'ai pu entendre. Qu'est-ce que j'en sais.

Et elle n'a pas l'air de vouloir croire que c'est un mensonge, tout comme elle n'assumera rien par elle-même pour autant. Ca ne semblait pas la déranger plus que ça.

▬ Est-ce que j'ai agis différemment pour autant ?

Non.
Evidemment que non.
Elle l'avait toujours accepté dans son entièreté et douze ans plus tard se prêtait au même danger sans la moindre hésitation. Sans le moindre vacillement dans sa dévotion.

▬ J'exige pas non plus des explications. Si tu veux garder ça secret toute ta vie, c'est ton choix.

Il ne lui doit rien.
Et elle sera là malgré tout.

▬ Mais si jamais, un jour, tu veux bien m'en parler alors je serai là pour t'écouter. Peut-être que je serai pas d'accord avec tes raisons. Peut-être que j'approuverai pas ce que tu as fait. Mais c'est pas ça qui m'importe.

Un léger sourire sur ses lèvres.
Toujours aussi tendre et chaleureux, toujours prêt à l'accueillir à bras ouverts.

▬ Je veux juste comprendre ce qu'il s'est passé et, si tu as fait quelque chose, ou si tu ne l'as pas fait - pourquoi. Même si ça finissait aux infos demain, je m'en fiche. Je veux l'entendre venant de toi, Eamon.

Parce que c'est lui qui importe et pas les autres.
Comme toujours.
Et comme pour tout.
Elle remonte doucement cette main qu'elle tient à ses lèvres, y déposant une nouvelle fois un léger baiser avant de l'abaisser délicatement. Finalement, elle la lâche pour se redresser et venir passer ses bras à son cou, le serrant contre elle alors qu'une main vient doucement caresser son dos. Elle ne sait pas tout ce qu'il a pu porter par lui-même tout ce temps, ni ce qui a pu s'ajouter durant les années. Elle sait parfaitement qu'on garde tous ses démons et ses secrets. Pourtant, elle est là. Le toucher doux et réconfortant pour lui rappeler que, malgré la fuite, elle n'a jamais réellement voulu l'abandonner. Que malgré tout, elle sera toujours là pour l'accepter. Que même si le monde venait à se retourner contre lui, elle lui ouvrirait sa porte avec un sourire et l'accueillera avec joie.
Elle sera toujours un refuge, s'il en a envie. C'est avec douceur et tendresse qu'elle répète au creux de son oreille, dans un murmure à peine soufflé.

▬ Je suis fière d'être ton amie, Eamon.

Elle se recule à peine de l'étreinte pour venir caresser sa joue, sourire aux lèvres et le regard toujours tendre et sans reproches. Elle ose, même, aller poser comme elle a pu le faire il y a si longtemps ses lèvres contre sa joue comme preuve ultime de sa tendresse à son égard avant de se refaire plus petite sur le canapé. Les yeux espiègles et sur ses lèvres un petit air narquois, l'air de dire;

Mon cher Eamon,
Il en faudra bien plus pour te débarrasser de moi.
On est redoutable, ou on ne l'est pas.

Elle ne comprend peut-être pas parfaitement. Parce que ça lui paraît tellement logique - pas que pour Eamon, d'ailleurs. Autour d'elle gravitent quelques personnes - si peu, vraiment. Comptées sur les doigts d'une main. Les autres flottent, viennent et vont et elle les aimera autant qu'elle puisse le faire, lovée dans une distance maîtrisée qui lui assure un confort et une protection rassurants. Mais pour les quelques astres qui se sont dessinés dans son orbite, elle irait décrocher la lune.

Elle brûlerait le monde, pour eux.
Pourtant ils ne sont pas des saints.

Elle sait, au moins en partie, que leurs mains sont tâchées, qu'ils portent des poids et que la vie les a abîmés. Ce n'est pas qu'elle est aveugle ou qu'elle ne réalise pas, c'est que pour elle ça n'importe que peu. Comme pour Eamon, elle a pris le temps d'apprendre à les connaître eux sans se soucier de l'opinion générale. Des on-dits. Des rumeurs. De ce que le bon sens et de ce que la morale peut mettre comme étiquette sur leur dos. Et si, à ses yeux, ils méritent cette place si fragile et compromettante dans sa vie, dans son coeur, alors les limites n'existent plus.

Elle non plus n'est pas une sainte.

Elle marche à leurs côtés en connaissance de causes, même partiellement. De son propre choix, qu'elle ne regrette pas. Ce n'est même plus qu'elle occulte le mauvais ; c'est qu'elle apprend à l'accepter. Qu'il a toujours fait partie de sa vie - pour la majorité au moins. La compétition, le crime, la violence, les gens qui se brisent et qui chutent et elle qui les y entraîne ou qui les regarde.

Au fond d'elle sont des désirs bien noirs.

Qu'elle n'admet pas la première, trop endormis et déniés sous des couches de culpabilité et de regrets. Mais ils sont là - ils ont toujours été là. Cachés derrière un sourire tendre; une personnalité agressive et territoriale, capable de blesser juste pour avoir raison et gagner. Capable d'écraser les autres. De marcher sur autrui pour atteindre le sommet. Des envies de gloire et une ambition toujours plus dévorante, de connaissance et de puissance pour un futur dont elle serait l'unique maître. Le tout renié pour une douceur qui l'a dévorée et dans laquelle elle s'est enfermée. Qui pointe parfois timidement le bout de son nez, de peur d'être rejetée.
Mais c'est là.
C'est toujours là.
Et ça l'a toujours été.
Il n'y a qu'à creuser avec persévérance.
On finira toujours par la retrouver.

▬ Non, pas vraiment.

Et à la façon dont ses mains se resserrent sur elle, elle sourit. Convaincue par ce simple geste - délicat, vulnérable et sincère. Qui en dit bien plus que toutes les tirades qu'elle pourra jamais prononcer. Elle sait ce qu'elle voit en lui, peu importe à quel point on lui pointera les défauts d'Eamon ils ne contrebalanceront jamais tout ce qu'elle a appris à aimer et chérir. Un être parfait ne serait pas drôle à aimer, de toute façon. Qu'y a-t-il d'amusant à cela ? Découvrir quelqu'un, c'est rebondir à chaque crevasse de sa personnalité, apprendre tous les angles sous lesquels ils peuvent briller ou s'assombrir et sans cesse s'émerveiller de ce qui les façonne au plus profond de leur âme.
Chaque bosse est une merveille.
Chaque travers un trésor.
Chaque égratignure une adoration.

Et même avec son soupir, il ne peut la tromper.
Elle sait, au fond, qu'elle a réussi à lui faire comprendre qu'elle persisterait. Redoutable pas tant qu'elle n'est têtue et bornée, au fond. Obstinée dans ses idées. Ouverte à autrui mais psychorigide dans ses positions. Dans des convictions que la majorité prennent pour des qualités qui sont pourtant les mêmes torts qu'on pourrait lui reprocher.
Tout est une question d'équilibre.
Tout est une question de mesure.
Et tout est question de paraître.
Un petit ricanement alors qu'il reprend son thé - elle sait.

▬ Il faut bien quelqu'un pour le faire, vu que tu as toujours l'air blasé comme si tu avais vécu dix vies avant d'arriver dans celle-ci. Où est le fun, sinon ?

Oh elle sera le roller-coaster de sa vie.
Qu'il l'aime ou la déteste pour ça, d'ailleurs.
Puis un haussement d'épaules - elle ne peut nier que la gravité lui échappe peut-être un peu. Elle est ivre, après tout. Clairement pas en pleine possession de ses capacités. Pourtant, son discours ne changerait pas sobre. Peut-être plus maîtrisé. Peut-être moins franc. Peut-être plus avare de s'épancher sur ses opinions qu'elle sait en dehors de la ligne de ce qui est acceptable par la société.
Mais c'est tellement plus simple, ainsi.
Elle espère bien en profiter.
Alors la nouvelle ne lui arrache ni mine surprise ni yeux écarquillés, elle le fixe simplement quelques secondes avant de dire.

▬ Je vois.

Sa tête dodeline légèrement d'un côté à un autre pendant quelques secondes, alors qu'elle assemble les maigres pièces qu'elle a en sa possession. Et si elle était sobre, elle se contenterait d'un silence.

▬ Un peu déçue.

Elle regarde devant elle avant d'esquisser un fin sourire - une lueur au fond du regard quand elle le remonte sur son camarade.

▬ J'veux dire... Tu t'es fait prendre. J'te pensais plus futé.

Oh, si elle savait.
Sûrement que ce n'était pas la réaction qu'il attendait - mais que pouvait-elle y faire ? Elle était en roue libre et la retenue ne faisait plus partie de son vocabulaire. A nouveau, elle prend une seconde pour repenser à la chose, murmurant tout bas à nouveau quelques je vois. Sa tête vient se poser contre le bras du brun pendant sa réflexion alors que ses doigts s'emmêlent comme pour imiter ses pensées qui tournent.

▬ Y'avait un motif ? Une raison ?

Pas qu'il soit obligé de répondre.
Et pas qu'elle prenne ça comme argument valide, non plus. Mais ça serait là, stocké dans ses informations. Qu'il s'agisse d'une vendetta, d'une expérience, d'un amusement personnel, tout le monde avait des raisons. Elles étaient bonnes à prendre en compte. Un facteur de plus dans le grand rassemblement de données qu'étaient la vie des gens et leurs actions. Ses doigts s'arrêtent en même temps que sa réflexion, une fois qu'elle butte sur une question. Ses yeux se relèvent à nouveau sur Eamon, sans hésitation, le regard peut-être un brin trop vif et perspicace pour ce qu'on attendrait de son ivresse.

▬ C'était ta première fois ?

Elle observe son regard, chaque trait de son visage qui pourrait répondre avant ses mots.

▬ Ou c'était juste la première fois où tu t'es fait attraper ?

Parce qu'à défaut que les autres l'aient demandé, elle, elle considère toutes les possibilités.
Pas que ça la ferait le détester, de toute façon.

Il rit.
Enfin. Un rire - un vrai. Combien d'années qu'elle n'a pas vu la courbure de ses lèvres si naturelles ? Qu'elle n'a pas pu entendre cette harmonie si familière et particulière ? Si précieuse et agréable ? Qu'il est beau comme ça - qu'il rayonne. Evidemment, elle ne peut retenir le sourire qui vient décorer son visage alors qu'un profond sentiment de satisfaction vient la quérir. Et si elle n'en prend pas réellement note, elle se rend bien compte que malgré les années son coeur se met toujours à jouer la même symphonie en réponse à ces éclats d'amusement. Un risque, dit-il. Pour sûr ça en avait été un.

Il y avait eut des motifs et apparemment la personne l'avait cherché. Elle ne saura probablement jamais ce qu'il en était vraiment mais ça ne la gêne pas trop. Elle se reposera sur les paroles et le ressenti d'Eamon - c'est la seule source qu'elle a, après tout.

Elle continue d'écouter les réponses à ses questions et les réflexions que ça soulève, bien qu'elle ne soit pas forcément en état de tout affronter. C'était une récidive, donc. C'était arrivé plusieurs fois. Et elle n'avait jamais rien vu. Un tiraillement dans sa poitrine - elle aurait aimé qu'il lui en parle. Evidemment, elle comprend que ce n'est pas exactement le genre de choses que l'on peut facilement avouer même avec leur proximité. Mais elle aurait aimé, malgré tout. Elle ne saurait dire comment elle l'aurait pris à l'époque pour autant. Maintenant elle était capable de l'accepter relativement simplement - mais avant ? Comme pour le reste elle n'aura pas de réponses.

▬ Oh quel fourbe, hein.

Elle baisse les yeux à la prise qui s'affirme sur sa main, relevant ensuite ses yeux sur le visage d'Eamon. Instinctivement, sa main libre vient se poser sur celle qui la tient prisonnière comme pour la rassurer qu'elle ne partira pas, affirmant sa présence. Chacun sa manière de se défendre. Ah. C'est fou comme juste ça, ça tape dans le mille. Dans quelque chose qu'elle connaît trop bien. Elle aussi elle se défendait de bien des manières. Elle avait appris à se battre. Elle avait appris à cogner assez fort et à courir assez vite pour ne plus se faire si facilement attraper. Elle avait appris à mettre de la distance pour s'épargner. Elle n'atteignait pas à la vie des gens avec des poisons, mais elle les impactait malgré tout. Tout aussi toxique au fond à défaut d'être répréhensible aux yeux de la loi. Plus pernicieux, peut-être, même.

Puis ses sourcils se froncent un peu. Nombre de fois. Cette fois c'est un peu de colère et d'irritation qui l'éprennent - à l'égard de ceux qui ont causé ce besoin de défense. Elle sait que c'est une période révolue, mais elle ne peut pas s'empêcher, malgré tout, d'être en colère à la place de son compère. Ils avaient sûrement déjà eu ce qu'ils méritaient mais elle en aurait rajouté sans aucun problème si elle avait été confrontée à eux.

Elle note pourtant la lueur dans son regard.
Et elle niera tout au fond d'elle à quel point c'est quelque chose de familier. Qu'elle aussi elle a pu la porter (qu'elle la porte encore) mais les paroles d'Eamon ravivent des flammes qu'elle pensait avoir éteint précautionneusement. Quand il vient chercher son regard, elle a l'impression de se voir et c'est un peu déstabilisant. Elle souffle malgré elle.

▬ C'est vrai.

Et il relâche la pression sur sa main mais les siennes restent là. Elle comprend à sa conclusion que l'intérêt est toujours présent - la conjugaison employée ne lui échappe pas. Ses yeux descendent une énième fois sur la main d'Eamon alors qu'elle se perd en pensées. Elle trace des motifs incohérents sur le revers de sa main - visiblement elle ne fuit pas, malgré tout ce qu'il a dit. Elle essaye juste d'organiser ce qui tourne dans sa tête, à défaut de pouvoir comprendre ce qui tape dans sa poitrine. Elle finit par murmurer.

▬ Je peux pas dire que c'est une bonne chose.

Empoisonner est un crime, après tout.
Elle ne dit pas que c'est une mauvaise chose pour autant.

▬ Mais je suis pas en position de parler. Si j'avais su, à l'époque, je crois pas que j'aurais eu la subtilité du poison à leur égard.

Oh elle aurait été infernale.
Elle qui déteste la violence et blesser autrui, ça semblait pourtant totalement voler en éclat dès qu'on touche à quelqu'un de cher à ses yeux. Ca avait toujours été une notion délicate et compliquée. Toutes les limites qu'elle avait semblaient s'effondrer si vite pour quelques personnes. Et maintenant qu'elles sont encore moins nombreuses et donc plus rares et importantes, tout était exacerbé.

Elle hésite ensuite une seconde.
Même avec l'alcool, les mots ne passent pas tout de suite ses lèvres. Pas pour quelque chose qu'elle garde enfouie si profondément au naturel. Mais elle finit par parler malgré tout.

▬ Je peux pas prétendre que je comprends parfaitement mais... Je crois que je comprends un peu ?

Un peu de doute - elle a du mal à s'affirmer.

▬ Je soigne des gens. Mais même dans ma position, ça serait si simple de se laisser aller au test. Et si je le faisais, quels résultats j'aurais ? Quelle dose suffirait ? Comment je pourrais observer et apprendre de tout ça ? Comment je pourrais rendre les effets encore plus intéressants ? Les rendre d'autant plus efficaces ou affiner le dosage pour rendre la chose longue et éprouvante ?

Ses yeux sont toujours ancrées sur la main qui la tient. Peut-être qu'elle a un peu peur de la voir la lâcher en avouant ce genre de choses. Elle avait toujours été fascinée par les recherches plus que par l'envie d'aider les autres. D'ailleurs, son métier n'était pas une vocation. C'était simplement une façade, un moyen de consolation par proxy. Si je sauve des vies, peut-être que ça pardonne toutes celles que je ruine sur le côté. Evidemment que non. Mais c'était plus simple ainsi que de chercher à résoudre les problèmes qu'elle pouvait causer et les blessures qu'elle créait.

▬ Un antidote n'est qu'une drogue bien dosée. Si on en abuse, c'est tout aussi mortel après tout.

Et elle y avait souvent pensé.
Elle avait souvent été tentée - et ça se sent. La ligne entre sauver et tuer était si fine, si simple à franchir. Elle n'avait jamais passé le cap, bien évidemment, mais ça occupait souvent ses pensées. Elle vient poser son visage contre le bras d'Eamon, fermant les yeux.

▬ Et puis... C'est toujours intéressant. De savoir. De connaître.

Tout. N'importe quoi.
Tout ce qui pouvait être su était une tentation et plus les détails étaient précis plus c'était satisfaisant. Alors oui, elle aussi elle avait si souvent épluché bon nombres de livres au sujet des poisons. Elle avait des connaissances théoriques sur la chose. Mais qui ne rêvait pas de mettre en pratique ? C'était la suite logique des choses. Elle finit par rire doucement.

▬ Je crois que je suis fatiguée, je dis n'importe quoi.

Non, au contraire.
Elle a été bien plus honnête qu'elle le pensait. Un peu trop, même, peut-être. Elle soupire doucement, lâchant la main d'Eamon pour à peine dégager son bras et venir se lover contre son flanc, jambes remontées contre elle. Dans tous les cas, les propos d'Eamon n'ont pas eu l'air de la déranger ou de la rebuter outre mesure. Au final son amertume remonte à nouveau alors qu'elle va poser son visage contre ses genoux, sourcils froncés. Un peu de culpabilité mêlée à sa colère.

▬ J'arrive pas à croire que j'ai rien vu. Si j'avais su... Ils auraient supplié qu'on les empoisonne plutôt qu'on me laisse les approcher une nouvelle fois.

Ca, c'était certain.
Et encore, si il pouvait y avoir une nouvelle fois.
Si petit et si redoutable.
Elle était comme ça, aussi.

Les questions sont là.
Au fond elles l'ont toujours été. Elle pensait que c'était irrémédiable, que c'était inhérent à la profession et au savoir qu'elle détenait. Avec toute lumière vient une part d'ombre qu'il faut savoir justement réguler. Ce n'était pas toujours évident. Et elle, qui était influençable, qui marchait toujours sur un fil trop fin, tanguait depuis longtemps entre les deux. Il n'y a pas que sa vision qui était grise - sa moralité l'était aussi. A voir les gens qui l'entouraient, ce n'était pas très difficile à réaliser.

Alors les mots qu'ils soufflent sont dangereux.
Comme un courant d'air, ils la font pencher un peu trop du mauvais côté. Elle n'en dit rien, mais sait qu'ils vont rester dans sa tête. Une seconde, elle repense à Freya. A la manière qu'elle a eu d'utiliser son affection pour lui faire garder le secret. Elle savait qu'elle était en partie influencée par l'ampleur de l'affection qu'elle avait pour Eamon. Tout comme son opinion lui était précieuse, les paroles qu'il pouvait murmurer seront toujours plus bruyantes que les voix de simples connaissances. Elle en avait conscience.

La cruauté des actes qu'il propose détonne avec la douceur de son toucher quand il vient dégager son visage, quand il s'occupe d'elle. L'esprit embrouillé, elle a du mal à faire sens de la situation. Est-ce qu'il est sincère ? Est-ce qu'il l'utilise ? Elle préfère taire l'idée. Au fond, c'est tentant. Ca serait si simple. Le mal était toujours si simple. Le plus dur, c'était d'être une bonne personne. Ce qu'elle ne pensait pas être pour commencer, alors ça n'aidait pas forcément.

Son sourire est si tendre.
Et les mots sont familiers. Personne n'a besoin de savoir. J'ai simplement besoin que tu gardes le secret. Si tu les sauves juste à temps, ils n'y verront que du feu. Et ça fonctionne, tout le monde y croit dur comme fer. Elle se mord la lèvre et referme les yeux, se faisant un peu plus petite. Pourquoi les gens autour d'elle sont toujours si fourbes ? Pourquoi est-ce que malgré tout elle est incapable de s'opposer à eux ? A quel point c'était leur faute et à quel point elle était responsable ? Si elle suivait Eamon et ses idées, est-ce qu'au fond elle ne l'enfonçait pas plus dans ses idées au lieu de l'aider ? Est-ce qu'elle ne devrait pas plutôt lui tendre la main pour l'aider à le guider plutôt que de se laisser tirer ? Est-ce que l'accepter était la mauvaise chose à faire ? Mais elle ne supporterait pas de le repousser et de risquer de le voir partir. Stupide, quand c'est elle qui va trahir sa confiance et le faire. Mais abandonner est plus simple que de subir l'abandon soi-même. Comme le reste, c'était beaucoup plus simple.

Son rire discret interrompt ses pensées.
Sa voix est si douce et chaleureuse et agréable, malgré la remarque qui lui est accordée. Et elle, elle est désarçonnée. Elle n'ose pas relever les yeux sur lui - elle sait très bien qu'elle a l'air d'une enfant perdue. Elle ne sait plus trop ce qu'elle doit croire et qui elle doit écouter. Elle est pourtant sincère dans sa réponse.

▬ J'ai pas envie de me coucher, j'ai envie de passer du temps avec toi...

Pourtant elle est épuisée.
L'adrénaline et l'énergie que l'alcool a pu lui fournir s'épuise doucement et elle sent son corps qui commence à lui peser une tonne et ses paupières qui battent de plus en plus souvent pour la tenir éveillée. Elle ne fronce pas les sourcils à sa question. A la place elle réfléchit une seconde. Avec les connaissances qu'elle avait à l'époque, son arsenal était bien plus limité. Elle porte un doigt à ses lèvres. Et c'est une étonnante candeur qui fait place dans sa voix quand elle répond comme si c'était naturel;

▬ Non... Peut-être une goutte désopilante. Pas à forte dose - saupoudrée ici et là. Vu qu'on peut utiliser les vapeurs, c'est encore plus facile à déguiser malgré la couleur. Juste assez pour déclarer les symptômes sans que le niveau soit pathologique et pour dérégler le quotidien. A montrer des signes hystériques sans jamais perdre entièrement contact avec la réalité, le cerveau a du mal à combler les trous et on se demande si on devient fou sans jamais vraiment pouvoir prouver que oui ou non. Et les effets sur la mémoire...

Un petit sourire prend place sur son visage doucereux.

▬ On blâme tellement de choses avant de penser à ce qu'on ait pu nous faire du mal. Surtout à l'adolescence. Le stress. La fatigue. Les cours. Les relations interpersonnelles. Peut-être qu'on est malade. Peut-être que ce sont les hormones. Peut-être que je suis simplement comme ça. Sûrement que ça va passer.

Un bâillement vient finir sa tirade alors qu'elle apprécie les caresses sur sa tête en fermant les yeux. Oh, son énergie est définitivement en train de s'évaporer.

▬ Pourquoi ? J'y dors plus souvent que dans mon lit honnêtement.

Son lit est trop grand pour elle.
Et puis il fait si sombre dans sa chambre... Ah.

▬ D'ailleurs, j'sais pas dormir sans lumière. Désolée d'avance.

Pas une lumière agressive, il lui en fallait peu avec sa photosensibilité de toute façon. Mais dormir sans était impossible pour elle. Ca faisait longtemps que c'était le cas, maintenant et elle avait pris l'habitude que Fallen y soit habituée. Heureusement qu'elle pense à le mentionner. Elle se blottie contre lui quand il la secoue, riant doucement.

▬ Eeeeeeh tu peux pas me dire de me lever alors que tu m'entoures de ton bras c'est pas juste !

Elle rit un peu plus, finissant finalement par se relever. Elle bâille à nouveau, frotte ses yeux. Ce qu'elle était claquée. C'est sans bruit qu'elle marche jusqu'à la cuisine - une habitude que ses collègues détestent. Marcher sans le moindre bruit. Le nombre de sursauts qu'elle cause au quotidien à cause de ça. Elle se serre son verre d'eau qu'elle sirote en fixant le vide, l'esprit un peu ailleurs, bien qu'elle se dépêche. Dès qu'il est posé dans l'évier, elle rejoint Eamon et manque de se laisser tomber contre lui. Elle finit définitivement étalée contre lui, en tous cas.

▬ J'ai plus la force de me lever, mon bon seigneur.

Capricieuse et égoïste.
Pourrie gâtée, avec lui même.
Elle vient passer ses bras à son cou, l'air déjà à moitié endormie alors qu'elle se fait petite princesse. C'est que ça n'arrive pas souvent qu'elle soit celle qui reçoive de l'attention, comme ça. Alors elle en profite autant qu'elle peut.

▬ S'il-te-plaît ?

C'est si gentiment demandé.

Boire plus tôt ? Voilà une bonne idée.
Pas sûr que ça en soit réellement une, mais elle aurait l'âme à se laisser boire toute l'après-midi. Elle sait que le point est qu'en buvant plus tôt il viendrait la chercher plus tôt, mais son cerveau se dit surtout que le weekend prochain, elle pourrait se mettre la misère à la maison sans faire attention à l'heure qui passe.
Et ça ne sonne pas si mal.
Peut-être qu'elle fera ça. Et puis, si elle boit chez elle, il n'a pas besoin de venir la chercher. Donc elle n'a pas forcément besoin de le prévenir... Vraiment, toujours un génie cette Persephone.

Pire que lui ? Ca part contre elle n'est pas sûre.
Sûrement que son plan n'était pas si machiavélique que ça... A ses yeux, ça ne semblait pas si cher payé pour avoir osé s'en prendre à Eamon. Peut-être même une certaine grâce à leur égard. Après tout, ils n'en mourraient pas... C'était le principal, non ?

Le claquement de langue la fait sourire.
Oui, elle dort là. Des fois elle est tellement fatiguée quand elle rentre, il faut avouer que c'est un miracle même qu'elle arrive jusqu'au canapé avant de s'effondrer. Parfois elle s'endort dans son bain, ou juste dans sa baignoire. Mais presque toujours loin de son lit. Peut-être parce qu'elle l'associe à des cauchemars inévitables, à des crises qui sont toujours violentes et à ses échecs perpétuels d'avancer et de se remettre. Le canapé semble plus neutre. Pourtant, au fond, ça n'est qu'un effet placebo. Elle y fait tout autant de mauvais rêves. Rien n'y change. Rien n'y fait.

Observer Eamon peser le pour et le contre l'amuse un peu, elle doit bien avouer. Les caresses sur son bras sont rassurantes et n'aident en rien au sommeil qui menace de la happer sous peu. Elle se sent bien, là. Vraiment. La pensée ne la traverse même pas forcément, c'est juste une sensation de quiétude. D'apaisement. L'impression d'avoir trouvé une sorte de réconfort qu'on lui a longtemps refusé. Après un bref grognement, elle se sent décoller et si normalement ça l'aurait mise profondément mal à l'aise (pour ne pas dire qu'elle serait sûrement terrifiée) c'est un rire qui lui échappe, sincère, du fond de ses poumons.

Il la gâte.
Vraiment.
Il faut qu'il mette des limites, ou elle continuera ses caprices. Elle se demande s'il en a conscience ? En tous cas, elle profite du voyage, comme la princesse qu'elle est. Sourire aux lèvres. Une couverture ? Elle lui donnera ce point, elle aussi adore les couvertures. Et elle en a toute une collection, partiellement à force d'en faire dans son temps libre... Mais rien de plus satisfaisant que de créer une couverture qui pèse juste ce qu'il faut, qui est terriblement douce et qui tient chaud, avouons le.

▬ Je suis sûre que tu vas adorer la mienne.

Et puis, eh, si ça le motive à dormir dans son lit plus souvent... Elle trouvera toutes les couvertures du monde pour trouver sa préférée. Elle est étonnée qu'il trouve sa chambre du premier coup - une chance sur trois, après tout. Il n'y a rien de bien intéressant dedans non plus. Un bureau organisé, un miroir dans un coin au mur couvert par un tissu qu'elle n'a pas enlevé depuis des années. Des livres. Toujours plus de livres. Son matériel à tricot et crochet dépasse d'une corbeille, avec ses confections en cours. Un placard pas si grand que ça qui contient ses vêtements qu'elle n'amasse pas vraiment. Et quand le confort du matelas enrobe son dos elle laisse un soupir s'échapper. C'est vrai qu'il est confortable son lit, elle a tendance à l'oublier.

Elle aussi, elle se perd un peu.
Mais elle ne pense pas une seconde à le laisser partir. Elle trouve ça tellement naturel de l'avoir là, l'idée ne l'a même pas effleurée.

▬ Eh oui. Et pourtant tu es là, en toute connaissance de cause.

Comme quoi, être épuisante ne semblait pas être rédhibitoire à ses yeux. Surtout pas s'il sourit en le disant. Un Tshirt. Oh. C'est vrai qu'elle aussi devrait se changer. Elle l'avait fait en rentrant du travail, déjà, mais un pyjama c'était plus confortable quand même. A regret, elle se redresse sur le lit à son tour.

▬ Dans le placard. Y'a un niveau avec quelques Tshirts pour homme, tu devrais trouver facilement. La salle de bain est sur ta gauche en sortant si besoin.

Elle se doute qu'il ne va pas le faire là. Enfin, probablement. Ca semblait le plus logique. Elle, par contre, hors de question qu'elle bouge de la chambre. Elle se retourne à moitié, d'ailleurs, pour tirer de sous son oreiller un Tshirt fraîchement lavé et un short. Son attirail préféré pour dormir. Elle relève les yeux vers Eamon à la question.
Un peu de surprise dans ses yeux.
Puis un sourire tendre.

▬ On ne peut plus sûre, si c'est avec toi.

Oh, vraiment Persy, tu dis de ces choses des fois.
Elle s'approche un peu, vient à nouveau poser son visage sur son épaule, l'une de ses mains venant machinalement jouer avec la tresse qui coule dans son dos. Elle l'observe une seconde. Baigne dans cette satiété qui vient la nourrir dès qu'elle se laisse aller contre lui. Cette bulle emplie d'oxygène qui semble alléger ses poumons. Elle n'est pas sûre, peut-être que c'est une impression et que ça ne changera rien, mais elle se laisse aller à espérer. Elle blâmera l'alcool si elle se rend compte qu'elle s'est trompée.

▬ J'ai l'impression que si t'es là je pourrai dormir.

Car il n'y a pas que le travail qui la tienne éveillée.
Encore une énième vérité saupoudrée au milieu des verres, alors qu'elle finit par se redresser - une petite tape sur l'épaule en guise de conclusion alors qu'elle rit.

▬ Enfin, après, c'est comme tu veux. Si tu préfères dormir seul dans la chambre d'ami, vas-y. Je veux pas te forcer non plus.

Peut-être qu'il préfère dormir seul.
Peut-être qu'il n'a pas envie de dormir avec elle, en particulier. Peut-être plein de trucs. Elle est trop fatiguée à ce stade pour avoir l'énergie même de cogiter encore et encore. A la place elle se contente de bâiller, attendant qu'il sorte pour pouvoir se changer bien qu'elle en profite déjà pour retirer ses boucles d'oreille.

▬ Aller, zou, filez sir Ainsley avant que je m'endorme sans me changer aussi.

Parce qu'elle en est vraiment pas loin.

Sûrement qu'elle devrait faire attention.
Elle n'est pas vraiment en état, pourtant. Quand elle est sobre, là c'est l'inverse. La garde trop haute. La distance trop grande. Comme si elle ne savait naviguer qu'entre les extrêmes (c'est le cas) trop chaud trop froid. Il ne faut pas s'en faire, demain la toundra reviendra. Elle sera de nouveau ce sourire content et ces paroles réfléchies, douces mais pas étouffantes. Au fond, qu'est-ce qu'il trouve le plus frustrant ?

Elle l'observe retirer ses bagues.
Avec attention, même. La manière dont elles glissent hors de ses phalanges, l'envie de venir tracer la peau qui était recouverte et de jouer avec les anneaux. Mais elle se contente de remonter ses yeux sur lui. De sourire à ce sacrifice si grand pour son bien-être. Ce ne serait pas une nuit de plus sans sommeil qui suffirait à l'achever. Elle est résistante. Etonnamment, même. Endurante. Et surtout, elle sait qu'il ment.
Juste ce soir.
On y croit.

Elle le laisse partir.
Il faut bien ! Hélas. Le laisse se servir dans son armoire et quitter la pièce, attendant d'entendre la porte de la salle de bain se fermer pour s'étirer longuement. Elle aussi, se change. Prend malgré tout le temps de plier les vêtements et de les poser sur le bureau dans une pile aussi soignée peut-elle être en l'état des choses. Rituel. Normalement ça finirait directement dans la salle de bain... Mais bon. Elle baisse les yeux, observe ses bras et ses jambes pour une fois dénudés.
Abîmés.

Ici et là, ils sont eux aussi parcourus par des traces blanches plus ou moins laides, plus ou moins déchirées. Tout comme sur le reste de son corps, éparpillées ici et là - dos, flancs. Petites ou grandes. Elle hésite une seconde, regardant son armoire. Finit par s'en approcher et en sortir un sweatshirt légèrement trop grand pour se couvrir avant de le refermer. Elle s'asseoit sur le lit, patiente jusqu'à ce qu'il revienne en ponctuant l'ouverture de la porte d'un bâillement caché derrière sa manche.

Et ça fait un peu bizarre de le voir comme ça.
Mais c'est pas désagréable. Elle en esquisse même un sourire. Elle s'y ferait, si elle ose s'avancer. Elle le laisse admirer sa collection en haussant un sourcil.

▬ Y'a rien d'intéressant dedans, tu sais.

Ses hobbies sont ennuyeux, après tout.
Mais relaxants, alors elle s'autorise à s'y adonner. Parfois. Quand elle trouve le temps. Ca fait un moment qu'elle n'y a pas touché en toute sincérité. Les bagues disparaissent et puis il se retrouve sous les draps et elle observe le décor. Juste une seconde. Eamon dans ses draps. Uh. Elle se penche sur sa table de nuit.

▬ J'ai un semblant de pitié.

Et surtout de la préparation, en plus des années d'habitude. Elle éteint la lumière seulement pour rapidement allumer sa lampe de chevet - diffuse, pas très agressive. Un violet qui permet une lumière tamisée suffisante pour deviner tout ce qu'il y a dans la chambre, les mouvements, mais pas assez pour aveugler. Ce n'est pas le noir dont les gens ont l'habitude, mais c'est ce qu'elle a de mieux à offrir.

Finalement elle se glisse sous les draps à son tour. Ca fait bizarre, vraiment. Tête sur son oreiller, à une distance respectable mais toujours empreinte d'intimité, elle aussi le regarde. Mains remontées à son visage, couvertes par les manches. Un sourire. Puis un gloussement retenu. Enfin, un semblant de rire.

▬ On a l'air fins, comme ça.

Deux grands enfants qui se retrouvent au lit parce qu'elle fait un caprice et qu'il est incapable de refuser ou de ne pas aller dans le sens qui lui plaît, même s'il s'appliquerait sûrement à dénier. Un sourire heureux vient orner ses lèvres, bien qu'empreint d'une certaine fatigue qu'elle a de plus en plus de mal à ignorer.

▬ Ta main ?

Alors qu'elle avance la sienne, histoire de pouvoir somnoler en la tenant. Elle a beau faire l'effort de respecter un semblant de distance, elle se connaît. Elle finira collée à lui dans son sommeil, sans en douter. Mais pour le moment, elle est sage. Un bâillement, encore, derrière sa manche alors qu'elle cligne des yeux - les frotte, doucement.

▬ Merci pour ce soir. Enfin, pas que ce soir. Pour tout.

Elle a beaucoup de mal à trouver les mots.
Elle sent déjà son esprit s'enbrûmer. Mais elle persiste, encore un peu, la voix semblable à un murmure presque.

▬ Je le dis pas trop quand je viens au salon mais... Je suis vraiment, vraiment contente quand je peux venir te voir. Je suis tellement contente de t'avoir retrouvé.

Plus aucune envie de le laisser repartir.
Elle tente d'entâmer une nouvelle phrase... Sans succès. Les paupières trop lourdes, les mots qui s'emmêlent en sortant de ses lèvres, elle finit enfin par s'éteindre. Par se laisser aller au repos qui viendra en partie effacer les cernes qui ornent ses yeux.
Et pour une fois, elle dormira bien.
Sans cauchemar, sans sursaut.
En sécurité et au chaud.
Juste comme il faut.