Elle avait cette certaine fierté inavouée, non pas celle qui pouvait poser problème ou bien lui donner la grosse tête. De plus en plus de gens semblaient être intéressé par ses soirées Ouija, par curiosité de pour cette magie différente ou comprendre pourquoi elle était considérée comme interdite, noire. Des esprits libres et d’autre peut-être un peu plus malsain, mais tout ce qui importait à Naomi était la bonne entente. De voir que finalement, le mot interdit et magie noire n’était pas complètement banni pour certains sorciers de son âge. Car après tout, elle ne faisait rien de mal, n’est-ce-pas ?

Sa grand-mère lui avait toujours expliqué les risques encourus lors de ce rituel. Tout comme les bienfaits et l’utilité de pouvoir parler avec les morts. Connaître, s’éduquer. Avoir des avis d’êtres passés, une nécessité pour tous les Avery, plus encore pour celle qui avaient été élevé dans l’idée de finir matriarche. Bien que sa mère soit de nouveau sur pied, toute son éducation était restée, gravée en elle comme une évidence.

Et si les participants les plus courants semblaient y avoir pris goût, de cette découverte et de ce danger d’interdit. Les nouveaux se faisaient de plus en plus exceptionnel, mais rare étaient ceux qui disparaissaient à la suite du premier soir. Alors assis en tailleur autour de cette blanche de bois familiale, le rituel touchait bientôt à sa fin. Aujourd’hui, il avait réussi à discuter avec le grand-père d’un des membres du groupe, une demande qui avait été formulée depuis plusieurs mois pour laquelle Naomi avait beaucoup travaillé. Une demande qu’elle avait prise très à cœur, car elle savait que ce n’était pas normal, que ce n’était pas donné à tout le monde. Un héritage familial qu’elle partageait avec joie, tant que cela n’outre passait pas les règles des Avery.

Des pas alors, qui la surprenne. Plus encore lorsque sa voix s’élève. Naomi ne la connaissait pas plus que ça, des soirées partagées dont seuls les sorciers purs étaient conviés. Bien qu’elles avaient discuté deux-trois fois en toute cordialité, leur relation n’était pas très existante.

« Oh Lylia ! »

Un prénom qui n’était évidemment pas le sien, faisait hommage à son premier et second prénom, un surnom qu’elle avait confectionné pour elle. Quand bien même Naomi ne lui avait jamais demandé son avis.

« On vient de finir un ouija ! »

Qu’elle répond avec droiture et simplicité, n’ignore pourtant pas que cela pouvait lui valoir une punition de l’administration.

« Tu n’en as jamais entendu parler ? »

Tristesse alors qui s’exprime lorsque son menton s’abaisse légèrement. Naomi aurait adoré pouvoir partager cette magie ancestrale avec d’autres personnes censée lui être semblable.

« Joins-toi à nous si tu veux ! Je pense que ça n’embêtera personne si on refait un rituel ! »

Tapote alors l’espace qui se créait à ses côtés, pour lui signifier qu’elle pouvait s’asseoir.

Si certains membres du groupe semblaient être refroidis par l’arrivée de Darya, la majorité d’entre eux restèrent pour faire plaisir à Naomi. L’Irlandaise ne fit aucune remarque quant aux quelques départs, après tous l’heure était l’heure. Tant qu’il restait quelques participants, un nouveau rituel pouvait être lancé.

Un sourire éclatant sur le visage, en sa direction. Devoir expliquer le principe du ouija ne la dérangeait aucunement, bien que l’habitude de l’explication s’était effacée. Auparavant, lorsque chaque soir des nouveaux venus venait par simple curiosité, c’était pourtant monnaie courante. Mais maintenant que les soirées étaient gage d’habituer, elle avait cette sensation que cela faisait bien longtemps.

« Je ne peux pas dire qu’on essayera de faire au plus vite, car comme tout rituel ça peut parfois être un peu long ! Surtout qu’il faut éviter de forcer les choses, de forcer ou bien d’arrêter en plein milieu ! »

Elle préférait la prévenir, car si elle ne disposait que d’une dizaine de minutes à accorder au groupe, cela pouvait être un peu délicat.

« Le ouija sert à communiquer avec les morts ! On cherche à invoquer quelqu'un de spécifique, ou non, pour pouvoir discuter avec, lui poser des questions ou pleins d’autres choses super intéressante ! »

Comme si elle avait besoin d’une validation de ses propres, elle acquiesce à ses propres paroles.

« Mais lors de mes rituels, je cherche toujours à discuter avec quelqu’un de spécifique, pour éviter les complications. »

Car si certains professeurs semblaient être au courant de ses gestes, elle savait tout autant que personne ne lui avait jamais rien dit, car les ouija était toujours sous son contrôle. Naomi ne voulait pas risquer la beauté de sa magie pour des idioties incontrôlées.

« Il suffit de mettre son doigt sur la pièce en bois, tous les participants font de même ! Après on pose des questions et l’esprit nous répondra. C’est plus simple de formuler des questions qui sont répondable par oui ou par non, car autrement, si l’invoquer tente d’épeler une phrase entière ça peut prendre toute une nuit. »

Expose de rire, bien qu’elle en avait des mauvais souvenirs. Tout le monde se faisait avoir la première fois, mais si Darya n’avait pas beaucoup de temps, Naomi préférait la prévenir en amont.

« Ça peut paraître simple comme ça, mais en vérité, j’ai tout un accord à passer ! »

Clin d’œil en sa direction, elle n’en dirait pas plus. Le principe des Lwas et de leur fonctionnement était bien trop compliqué et surtout, personnel au vaudouisme. Si Naomi acceptait de partager le résultat de certains de ses rituels, le principe de sa magie restait silencieux malgré la curiosité d’un grand nombre.

« Comme je préfère préparer la personne qu’on cherche à contacter, je ne peux malheureusement pas te demander si tu veux discuter avec quelqu’un. Mais si tu as une idée, je peux tenter de préparer pour une prochaine session ! »

Une façon de lui dire qu’elle était la bienvenue si elle souhaitait revenir un autre jour.

« Bon et bien, commençons ! Je te laisse l’honneur d’être la première personne en contact sur la goutte, tu peux mettre un ou deux doigts dessus, prend la main avec laquel tu es la plus à l'aise. Car tu ne devras l'enlever sous aucun prétexte ! On va tenter de voir si mon grand-père est disponible. »

Attend quelques instants, cherche à se vider l’esprit pour commencer sur de nouvelles bases. Elle avait beau être excitée par la venue et la participation de Darya, Naomi devait s'apaiser avant de tenter quoique ce soit.

« C’est souvent ce qu’on me répond lorsque je propose une invocation spécifique, si aucune connaissance est décédée, on a l’impression que parler à un inconnu est inutile. »

Qu’elle acquiesce aux propos de Darya. Car outre les participants habituels, elle avait autrefois été dans ce cas lorsque sa grand-mère lui avait parlé du rituel. A quoi bon discuter avec un parfait inconnu, s’il était toujours nécessaire d’entamer un tel rite pour converser avec ? Mais le sens de cette possibilité, était bien plus profonde.

« Mais ça peut être essentiel lorsqu’on a besoin d’une réponse. Une question qui nous parasite les pensées parce qu’on sait que personne de vivant ne la comprendrait, ou serait capable de nous répondre sincèrement. »

Si ses mots semblaient être bateaux, semblable à toutes les réponses qu’elle offrait aux autres. Son regard, posé sur Darya, était rempli d’un tout autre sens. Une vérité silencieuse, pour laquelle Naomi était convaincue que l’enfant des Black comprendrait. La famille Avery était connue pour son ouverture d’esprit, envers le monde et les siens, mais tout cela était bien différents pour les autres familles de sang-purs. Un monde autrefois étranger, qu’elle avait fini par comprendre à la suite des diverses soirées. Et si Naomi s’était parfois retrouvée dans cette délicate situation, celle de vouloir savoir, d’avoir une réponse qui ne causerait de tort à personne. Il ne lui faisait aucun doute que Darya était dans la même situation, comme beaucoup d’autres enfants avec leur éducation.

Bruit de claquement soudain, lorsqu’elle vient éclater ses mains en parfaite harmonie sur ses deux joues. Une manière radicale, mais bien souvent efficace pour être capable de se concentrer sur l’essentiel.

« Il n’y a pas de soucis, ça fait toujours plaisir d’avoir de nouvelle tête. Généralement une fois par mois je dirais, mais ça dépend de mon envie et des quelques demandes des participants. »

Respiration forte, qu’elle inspire de tout son être pour expirer avec tout autant de force.

« Bon et bien, c’est parti ! »

Regard en direction de Darya, puis de tous les autres participants pour attendre leur accord. Naomi place finalement l’index et le majeur droit sur ceux de ses compagnes d’aventure. Yeux clos qu’elle cherche à se concentrer, pour finalement oublier le plus important. Quand bien même une offrande avait eu lieu pour le premier rituel, Naomi préférait mettre toutes ses chances de son côté en étant en bons termes avec Papa Legba pour ce second rituel surpris. Ses doits toujours présents dans la montagne au-dessus de la goutte de bois, elle cherche dans ses affaires d'ouija une pipe qu’elle vient poser entre la planche d'ouija et ses jambes pliées.

Quelques secondes de silence, qu’elle offre à Papa Legba l’offrande en échange d’une nouvelle ouverture entre les deux mondes. N’exige rien, mais interroge sur la possibilité de joindre son grand-père Anani.

Si un léger vent glacial semble s’élever dans la salle, autour des élèves regroupés, la goutte commence à trembler très légère. Mais assez pour que Naomi, en haut de la pile, ressente cette sensation.

« Anani, es-tu là ? »

Aucun réponse, aucun mouvement. Ne serait-ce que ses paroles qui font écho au silence.

« Anani, es-tu là ? »

Qu’elle soulève une second fois. Et d’un accord commun, l’ensemble des doigts sont tirés par la goutte jusqu’au mot « Oui » gravé dans la planche de bois.

« Si mon grand-père t’accepte, tu devrais pouvoir lui poser une question. »

Que Naomi vient susurrer à sa nouvelle voisine.

C’était une habitude pour Naomi, comme une extension de son quotidien. Alors lorsque Darya l’interroge, ses yeux s’ouvrent grands. Non pas d’incompréhension ou de jugement, car il pouvait être facile de trouver comment formuler une question, mais généralement les nouveaux se battaient presque pour poser la première question. Parfois ridicule, mais souvent semblable. L’idée d’avoir la mort à ses côtés et donc, de pouvoir la questionner.

« Dans ce cas d’autre poserons une question jusqu’à ce que tu trouves quoi dire. »

Qu’elle répond pourtant avec naturel, tandis que son regard se jette sur le reste du groupe. Si Naomi était la raison de ce rassemblement, elle permettait à chacun de participer si l’envie leur prenait. Alors parmi eux, l’un semble prendre les devants.

« Est-ce que vous allez bien ? »

Une question simple, mais bien souvent nécessaire pour ne pas froisser la personne que l’on vient de contacter. Ridicule peut-être aux yeux de certains, de savoir comment un mort pouvait aller. Et pourtant, la goutte tremble de nouveau, semble partir du Oui pour y retourner jusqu’à même tourner autour de ces trois lettres. D’autres questions fussent alors, car beaucoup d’entre eux semblaient intéressés à l’idée de pouvoir de nouveau parler avec le grand-père de Naomi. Ils racontent certaines de leur aventure et évolution quant aux conseils que le mort leur avait donnés, il y a de cela quelques mois déjà.

« Grand-père n’est pas très difficile, donc il n’y aura pas de problème. Mais s’il n’est pas d’accord, car il ne t’apprécie pas ou parce qu’il considère ta question comme déplacée, alors la goutte ne bougera pas. »

Toujours dans un murmure qu’elle prend la peine d’expliquer à Darya. Les habitués étaient assez responsables pour ne pas tenter l’infamie et rester courtois envers l’ancien vivant.

« Si tu as fait quelques choses récemment, et que tu n’es pas certaine que c’était le bon choix, tu peux lui demander. Certains nous disent qu’ils observent le monde des vivants, je n’ai aucune idée de si c’est vrai cependant. »

Parce qu’elle savait que l’humour existait encore après la vie, mais il était parfois dur de mettre la main sur la vérité. Même au travers de ses ancêtres toujours vivants.

Elle a cette douceur qu’est le sourire délicat, cette gentillesse et cet air qui cherche à mettre en confiance, à rassurer. Ce n’était pas très grave si elle n’arrivait pas à formuler des questions, ce n’était pas très grave si elle ne faisait qu’une participation silencieuse. Aux yeux de Naomi, rien n’était très grave car ce n’était qu’un échange, une découverte. Une première fois qui pouvait être délicate du a un manque de connaissance. La surprise existait bel et bien, mais ça ne changerait pas grand-chose. L’important ce soir, était le plaisir de partager un héritage familial avec une autre sorcière de sang-pur avec lequel elle n’avait jamais vraiment converser. Plus que d’ennuyantes banalités, sa participation et son intérêt malgré l’inconnu que représentait ce rituel, rendait vraiment Naomi heureuse.

Alors lorsque sa voix s’élève finalement, non pas comme un chuchotement mais bien le début d’aventure dans cette épreuve. C’est le regard plein d’étoile et l’excitation d’une adolescente joyeuse. La question pourtant, vient à lui faire plisser les yeux quelques secondes. La tête qui s’incline sur le côté, si l’interrogation de Darya pouvait être intéressante, la compréhension du sens pouvait être un peu plus profond.

Un silence qui englobe tous les participants, déglutination car si beaucoup auraient aimé avoir des avis sur l’après-mort, personne jusqu’à aujourd’hui n’avait eu le courage d’en faire la demande. Car après tout, hormis pour les pratiquants vaudouisme, Naomi avait compris que la mort était plus semblable à un tabou. L’inconnu qui n’est jamais évoqué et bien souvent craint.

Et si la goutte semble trembler, tourner légèrement en rond. La réponse reste incertaine. Les doigts guidés vers le « Oui » puis vers le « Non », s’échappe quelques fois vers diverses lettres qui ne veulent rien dire. L’incertitude et la réponse fuyarde.

« Il ne faut pas prendre ça comme un refus. »

Qu’elle vient finalement briser le silence, pour rassurer chacun des participants. Les habitués savaient qu’Anani n’avait jamais refuser la moindre question et assister à une telle première pouvait être étonnante.

« J’imagine que c’est une question un peu difficile, car la réponse est un entre deux. »

Qui explique pourquoi la goutte allait sur de nombreuses réponses possibles sans jamais s’y arrêter véritablement.

« Tout comme il est possible que notre intermédiaire filtre la réponse en la bloquant, comme quand on essaye d’interroger un esprit sur la Mort. »

Car si chez eux, le concept du paradis et de l’enfer n’existait pas. Passer par l’intermédiaire du messager qu’était Papa Legba était quelques choses qui avaient toujours fonctionné car le principe de la fin ne l’avait jamais questionné. Mais peut-être que pour ce genre de cas, le Baron Samedi aurait été plus adéquat. Appeler La Mort en elle-même, une tentative pour laquelle Naomi ne s’y risquerait pas.

« Mais c’est une bonne question ! Ça serait peut-être moins parlant mais… »

Qu’elle lui glisse avec une grande sincérité.

« Est-ce qu’on te manque ? »

Qu’elle questionne alors, bien que Naomi avait déjà abordé le sujet la première fois qu’elle avait tenté de lui parler, après son décès. La goutte qui glisse vers le Oui sans jamais s’en détourner. Anani ne pouvait pas déterminer si oui ou non la mort l’avait libéré, car c’était quelque chose qui devait, en quelque sorte, brouiller sa perception. Alors à défaut d’avoir une réponse claire, elle pouvait relever ce qui lui manquait depuis qu’il était parti.

Elle n’a pas besoin de grand-chose Naomi, pour comprendre que l’absence de réponse est difficile pour Darya. Tout comme elle sait aussi que le silence des autres participants ne devait pas vraiment l’aider dans cette nouvelle expérience. Mais malheureusement, était ainsi la vie, le jugement d’autrui. Bien que Naomi n’appréciait pas ce genre de réaction, elle ne pouvait simplement pas les recadrer pour une unique question au sens presque sombre.

Pourtant la discussion poursuit son chemin, eux qui étaient emplis de jugement semblent très avoir très rapidement tourné la page. Profite de leur tour pour poser des questions toutes plus intéressantes que basique, échanges de banalité et d’interrogation. Il n’y a rien au sujet de la mort, sujet tabou pour chacun d’eux.

Et lorsque Naomi remarque que Darya ne reprend pas la parole, c’est une certaine tristesse qui se dégage. Le premier refus était toujours dur accepter, on s’imaginer malgré les dires de la vaudouiste que ce n’est pas sa faute, mais le jugement et l’absence de réponse sont toujours bien dur à assimiler. Heureusement tout fini par s’enchaîner, il n’y a pas de silence d’attente avec l’espoir que Darya puisse s’exprimer. Le temps pouvait sembler long, mais la fin se fait finalement ressentir.

Alors Naomi en vient à remercier son grand-père de s’être présenté, d’avoir répondu présent à son invocation et pour les diverses réponses qu’il avait apportée avant de le libérer. Quelques secondes d’attentes alors, qu’elle clame finalement.

« Vous pouvez enlever vos doigts ! »

Aucun mort ne semblait avoir tenté de se faufiler dans l’ouverture que son rituel avait créée. Et quand bien même son sourire est grand, ce sont ses yeux qui exposent cette tristesse lorsque Darya la remercie.

« C’était un plaisir de t’avoir avec nous. N’hésite pas à revenir si jamais tu en as envie… »

Elle disait sa par mondanité, car Naomi ressentait bien qu’elle ne reviendrait pas. Et ce, bien qu’elle fût sincère. Après tout, elles étaient tout autant semblable que différente.

« Bonne soirée à vous tous ! »

Et si certains participants s’enfuient comme la peste car la séance se faisait tardive suite à ce second appel soudain. Naomi reste là un temps à ranger ses affaires de ouija, avant de rejoindre à son tour son dortoir.