▌Le magasin de meubles et de déco, c'est à la fois le rêve et le cauchemar de tout adulte qui prend son envol. Un rêve de pouvoir avoir son chez-soi, de le décorer à son goût, d'avoir son canapé et que si tu ne veux pas enlever tes chaussures avant de te coucher dessus tu peux; tu ne le ferais pas, mais tu peux. Ensuite on voit les prix, et c'est là que le cauchemar commence. Au début, on se dit qu'on n'est pas dans le bon rayon, ça a l'air fancy, ça doit pas être l'entrée de gamme; mais si. Si, Argus. Ton porte-monnaie hurle. Tu savais que les choses seraient compliquées au départ, mais tu pensais avoir fait le plus difficile en signant le bail. Tu n'avais pas prévu de galérer autant pour un canapé, une table et trois lampes de salon en plastique.

Ce n'est pas pour autant que tu te laisses démonter. Il faut dire que poser ses fesses sur tous les canapés du magasin a quelque chose de relaxant. Un peu comme Beckett et sa plante en pot. Tu ouvres la marche tandis que ce dernier ouvre tous les tiroirs, faisant obstacles aux clients suivants. Du coup, y'a moins de monde derrière vous... la visite est tranquille.

En personne organisée, tu avais fait une liste des fournitures à acquérir, de la plus utile à la plus superficielle. Tu avais commencé par les choses essentielles à la vie de tous les jours et tu avais fini par la déco. Techniquement, la plante que trimballait Beckett en faisait partie, mais tu n'avais pas le cœur de lui dire non. Après tout, tu avais bien un ficus. Et Beck avait raison, c'était bien les plantes. Très apaisant. Limite feng-shui, dans votre appartement aux murs blancs presque vide. Tu vas certainement devoir revoir cette liste, ou juste le fournisseur, parce que tout est beaucoup trop cher ici, mais ça va aller. Commençons par les priorités. Tu te lèves du canapé que tu squattais de ton côté, avec des coussins fluffy trop chers, et tu sors ta liste et un petit crayon en papier qu'ils donnent gratuitement à tous les coins du magasin.

J'ai noté quelques trucs. Il nous faut deux lits, et aussi un canapé, mais vu le prix, je propose qu'on regarde ça à la fin. Peut-être un miroir, des rideaux, et des lampes pour habiller les ampoules, mais on peut prendre des suspensions pas chères en papier...

Tu corriges la liste à mesure que tu la parcours des yeux. Les armoires? Trop chères, on se contentera des sacs pour le moment. Une bibliothèque? Des piles de livres suffiront. Une table de salon? Un grand carton fait très bien l'affaire. La cuisine? Vous avez la chance que le précédent propriétaire ait laissé une cuisinière avec un four, et un vieux réfrigérateur. Il faudra certainement le changer plus tard, mais pas maintenant. L'électroménager est ce qui coûte le plus cher. Il y a juste une chose qui te semble essentielle:

Ce serait bien d'avoir au moins un micro-ondes. Et euh... tu veux un espèce d'arbre à chats ou quelque chose pour ton furet, là?

On pourrait croire que ça te coûte de dire ça, mais tu te dis que s'il a son espace il grimpera pas sur tous les meubles. Peut-être que tu rêves un peu... En parlant de ça:

Je propose qu'on aille tester tous les lits maintenant.

Tu souris. Ça, c'est la partie la plus agréable de la visite.

▌Spoutnik, oui.

Tu souris, conscient d'avoir été un peu brusque. C'est pas que tu n'aimes pas son furet. C'est juste que c'est un animal. Si c'était une plante, tu la trouverais géniale. À vrai dire, tu ne sais pas s'ils vendent des accessoires pour animaux, mais le magasin semble tellement grand et vous n'avez pas vu la moitié... c'est possible. Par contre quand Beckett donne quelques exemples tu l'arrêtes tout de suite. On va peut-être éviter d'investir dans une piscine...

Oui alors un tube, okay. Y'en a pour les enfants, non?

Ce qui doit pouvoir se trouver au rayon chambre d'enfants. Comment ça, c'est pas la même chose? Toi, tu vois beaucoup de similarités entre un furet et un gosse de 2 ans qui n'a pas eu sa sieste. Mais tu n'as pas le temps de réfléchir plus longtemps au fur... à Spoutnik, parce que l'endroit tant attendu s'ouvre devant vos yeux, la zone des lits. Oui. Tu as envie de tous les essayer. Tu ne sais même pas s'il y en a un qui rentre dans ton budget. Peut-être que tu vas devoir faire l'impasse sur la tête de lit pour économiser. Juste un sommier, des lattes... mais surtout un bon matelas. C'est le plus important.

Tu suis Beckett entre les lits et ton regard ne peut s'empêcher de déchiffrer les étiquettes des prix. N'y pense pas, Gus. Songe à ton sommeil. À la base, c'est pour lui que tu es là. Pour ton dos aussi. Beckett tapote le matelas sur lequel il s'est allongé ou plutôt étalé, et tu baisses les yeux avec un petit sourire amusé. Tu prends ton rôle de pro de la sieste très au sérieux, Gus.

Le sommier et le matelas. Le sommier doit être de bonne qualité, quitte à payer un peu plus, sinon tu vas perdre des lattes et c'est foutu. Le matelas, ça dépend de tes goûts.

Tu t'asseyes au bord de celui-ci pour tester.

S'il est trop mou tu vas avoir mal au dos. S'il est trop dur... tu vas avoir mal au dos. Faut trouver le juste milieu, mais dans le doute, si tu dois choisir entre les deux, je te conseillerais de prendre le moins mou possible.

Tu pousses un peu Beckett pour te coucher à ton tour sur le lit. Cette fois, tu souris très franchement. Aah...

Évidemment on part sur du deux places, sinon je vois pas l'intérêt.

Faire l'étoile, rouler de tous les côtés, ne pas avoir peur de tomber du lit à chaque fois que tu fais un cauchemar... ouais. Un lit double, c'est pour ça que t'es là. Ce sera peut-être pas un Queen Size, mais tu es prêt à y mettre le prix pour que la qualité de ton sommeil fasse un level up. En même temps, elle peut pas tomber plus bas que ce qui est actuellement le cas.

Tu roules de l'autre côté et tu profites que vous êtes encore seuls dans cette partie du magasin, merci les tiroirs, pour te laisser tomber à plat ventre sur le lit le plus proche. Ouch. Trop dur, finalement, c'est pas bon non plus. Tu tournes la tête pour voir le prix. Ah, mais c'est un machin à mémoire de forme, là? Intéressant... Vraiment pas dans ton budget, mais le concept est pas mal. Le matelas a sûrement été enveloppé de plusieurs sortilèges... Attends, c'est l'heure d'étaler ta science.

Tu savais que les matelas magiques recevaient les mêmes sortilèges que les balais? Le coussinage, par exemple, pour que ce soit plus confortable. Contrôle des vibrations aussi. Y'a même des lits avec des sortilèges de catapultage...

Même si t'es pas bien sûr de savoir à quoi ils servent, ceux-là.

▌C'est vrai que parfois, on a l'impression que la magie, c'est juste la deuxième couche de chantilly sur le gâteau. Le gâteau est déjà bon, mais est-ce qu'on dirait non à une seconde couche? Non. C'est pour ça que les matelas pour sorciers sont plus confortables que les moldus. Par contre, quand tu vois le budget qu'il faut pour se payer un de ceux avec toutes les options, là, tu te dis que peut-être un matelas moldu serait moins cher. Tu vas pas faire ta diva. Tu réponds à ton camarade, la voix à moitié étouffée dans le matelas:

Bien sûr que ça existe, les sorciers se servent de la magie pour tout et n'importe quoi. C'est la loi du moindre effort!

Tu serais donc un excellent sorcier, Argus. La preuve, quand tu as appris la magie sans baguette, tu t'en es servi pour lancer des Wingardium Leviosa et des Accio à tout va. Même plus besoin de lever le bras. Le rêve. Beckett essaye à son tour un matelas magique et tu sens tout le confort que cela lui inspire. Tu relèves légèrement la tête, juste pour voir sa réaction. Elle te fait rire.

Ils doivent l'apprendre en DEMA d'artisanat magique. Tu as raté ta vocation, non?

Tu te relèves à contre-coeur alors que ton colocataire s'enfonce davantage dans le lit. Ce n'est pas que vous êtes pressés, techniquement vous pourriez bien faire une petite sieste, mais t'as pas envie d'hériter de Spoutnik si tu laisses Beckett en arrière. Tu es presque sûr que tu ne le retrouveras plus si ça arrive. Si ce n'est pas le dédale des couloirs magiques qui l'avale, c'est lui qui oubliera de se réveiller. Tu tournes autour de son lit en faisant semblant de chercher quelque chose.

Attends que je trouve l'interrupteur pour t'éjecter...

Tu te penches pour examiner les lattes, juste au cas où. Il y a d'autres lits en face, au pire, c'est là que Beckett atterrirait... Mais son idée te fait relever la tête et tu examines ton camarade avec ta poker face. C'est machiavélique. La question, c'est: est-ce que ça vaut le coup de saboter les lits alors que vous n'avez pas encore ce pour quoi vous êtes venus? Les priorités... C'est dur d'être adulte. Tu réponds très sérieusement:

On pourrait échanger les pancartes.

Elles sont posées sur les têtes de lit, avec le prix, les caractéristiques et tout. Très facile. Trop facile?

Laisse-moi trouver le mien en premier, ensuite tu peux faire ce que tu veux, je me dédouane de toute responsabilité.

Tu souris. Aaah... être adulte.

Tu examines les lits les moins chers. Il y en a bien un qui pourrait convenir à tes critères, si tu fais l'impasse sur quelques options. Pas besoin de sorts, le matelas doit juste être confortable et les lattes solides.

Je vais prendre celui-là.

Tu désignes un lit tout simple, en bois clair. La plus petite taille des lits deux places. Une place et demie, même. L'important, c'est que tu peux faire l'étoile sans déborder. L'avantage d'être petit. Tu ravales un soupir.

Pour le reste... je crois que je vais aller voir ailleurs.

Vous êtes peut-être adultes, mais il faut un certain niveau d'adulterie pour se payer la moitié des fournitures ici, et vous ne l'avez clairement pas atteint. Tu prends note des références de ton lit sur ton petit calepin et tu t'assieds au bord du matelas, confortable. Un peu dépité. Où trouver tout ce dont vous avez besoin? Est-ce que les magasins du Londres moldus seraient moins cher? Peut-être que tu vas devoir faire l'impasse sur les rideaux et les lampes en papier, finalement... Un à un, tu traces les éléments les moins importants de ta liste. Tu grommelles dans ta barbe. Il ne reste rien.

▌À combien de Gus est-ce qu'on peut entrer dans ce lit? c'est une bonne question. Tu peux tenir tout seul en faisant l'étoile, et donc en dormant de façon confortable. Mais si tu gardes les bras le long du corps... deux Gus? Deux et demie? C'est vrai que le lit n'est pas très grand mais...

C'est considéré comme un deux places euh...

Le deux places du pauvre, ouais... Tu défends ton choix comme tu peux. Beckett a de bons arguments, c'est vrai. Tu pensais avant tout à ton confort personnel, mais il fallait que le lit soit confortable dans n'importe quelle situation. Tu prends un air pensif alors que tu calcules au visuel la surface disponible en cas de nuit accompagnée. Peut-être que t'es biaisé parce que c'est pas ta priorité en ce moment.

C'est pas grave. De toute façon j'invite pas des gens à qui j'ai pas envie de euh... me coller dans mon lit.

L'idée était plus claire dans ta tête. La réflexion en amène une autre:

Maintenant que t'en parles, est-ce qu'on devrait avoir une règle pour ça? Tu sais... les gens qu'on ramène à la coloc.

Tu seras probablement obligé de tester ton lit pour en avoir le coeur net, pour la science et tout ça bien sûr... mais c'est pas demain la veille, et en attendant tes lombaires souffrent, alors tu vas partir sur ce modèle-ci. Tu prends bonne note de celui que Beckett a choisi. Très bon choix, au passage. Il a l'air compact, modulable et pas cher, tu regretterais presque ta décision. Mais perdre plus de temps dans un magasin beaucoup trop cher te déprime, tu préfères passer à autre chose. Tu te penches sur l'idée de ton colocataire.

Une déchetterie? Ah!

Tu comprends où il veut en venir.

Un vide-grenier! Oui, il doit y en avoir de temps en temps dans le quartier. On devrait se renseigner. On peut regarder si on voit quelque chose sur le chemin du retour...

Faire le tour du quartier, prospecter auprès des voisins, chercher les arrières-cours de tous les immeubles du coin pour voir si les gens s'étaient débarassés de leurs affaires récemment... ça ne coûte rien. Pas comme vos deux lits et la plante, mais la plante au moins, elle te remonte le moral. Sa simple vue te redonne de l'espoir. Tu jettes un dernier regard au rayon des lits et des matelas et tu lâches un soupir un peu exagéré. Adieu, je vous aimais. Un jour, j'aurai des gallions, et je reviendrai.

La sortie du magasin n'est pas facile à trouver. En théorie, il suffit de suivre le parcours fléché entre les différentes installations. En théorie. En pratique, vous êtes forcés de traverser tous les rayons des fausses cuisines et des fausses salles de bains, et ça prend des plombes avant d'atteindre enfin les caisses. Tu lâches un petit juron agacé, avec dans tes bras un micro-ondes. Finalement tu as craqué. C'était en soldes. Tu prends un grand sac bleu à la caisse, il est sans fond, magique, c'est bien pratique pour tout ramener. Puis tu ressors les références des deux lits pour que vous puissiez les réserver, les faire livrer... et les payer. Alors en théorie, tu ne devrais pas ressortir le porte-monnaie après ça, mais...

J'ai faim.

Tout cet argent durement gagné, si vite envolé alors qu'il venait d'atterrir sur ton compte en banque, ça te déprime. Tu cherches de quoi te remonter le moral avant de poursuivre vos recherches.

▌Pâtisserie? Ton attention, un peu mise à mal par la fatigue du shopping, se concentre instantanément sur les souvenirs les plus récents. Tu refais dans ta tête le chemin parcouru, remonte mentalement les devantures floues de tes souvenirs. Oui, tu revois vaguement une enseigne de boulangerie-pâtisserie. Ton regard éteint par la perte de ton argent durement gagné s'allume à nouveau:

Oui.

Très intense, ce oui. Tu développes:

Une recharge de sucre... c'est une très bonne idée. On a besoin d'énergie pour continuer.

Tu suis Beckett, qui se rappelle mieux que toi le chemin, ton sac magikéa sur l'épaule. Oh, la belle vitrine! On a beau dire, gnagnagna la cuisine britannique, les pâtisseries magiques d'ici sont aussi bonnes que celles que font les moldus! Tu as envie de tout manger. C'est mal, Argus. Contrôle-toi. Comme tu es un adulte mature, tu ne te colles pas contre la vitrine et tu ne baves pas, mais tu tâtes tes poches à la recherche de ton porte-monnaie en fixant les différents desserts.

Oh yes, une tarte flambée! Tu voudrais quoi? C'est ma tournée.

C'est vrai que vous n'avez pas inscrits pâtisseries sur le budget, et c'est vrai aussi que le mot n'a pas sa place sur la liste des choses indispensables, mais parfois, il faut savoir se faire plaisir. Sinon la vie est triste. C'est pas très poussé comme réflexion, mais t'es fatigué. T'as besoin de sucre.

Choisis ce que tu veux!

Tu entres, accompagné d'une clochette lorsque vous poussez la porte. La bonne odeur de pain frais, aah... ça te rappelle Poudlard. Quand tu sortais de la salle commune assez tôt le matin pour sentir les odeurs du petit-déjeuner émaner des cuisines toutes proches... Concentre-toi, Argus. Tu es tellement focalisé sur ton choix (pain au chocolat? éclair au chocolat? tartelette au citron? tellement de possibilités) que la question de ton ami te prend au dépourvu. Tu te retournes, l'air perdu, avant de remonter le fil de la conversation. Ah! Il parlait de ça. Conscient d'avoir eu quelques secondes de blanc, tu t'excuses:

Désolé, j'étais fixé sur les desserts. Oui? Enfin... non, j'ai pas prévu de le faire là précisément, mais ça pourrait arriver un jour. Non?

Ce non? un peu hésitant, il est pour Beckett, parce que tu réalises que c'est un sujet un peu obscur pour toi. C'est-à-dire que tu ne te demandes pas sur une base régulière ce que tes amis font de leur vie privée. La seule chose que tu sais concernant Beckett, c'est qu'il était sorti avec Bertram à Poudlard, mais comme t'es un gars courageux (non) t'as plus jamais abordé le sujet suite à leur séparation. Tu sais même pas, si ça se trouve, Beck voit quelqu'un en ce moment, t'as même pas pensé à lui demander. D'où l'utilité de la question en fait. C'est un peu délicat d'établir des règles comme ça, mais c'est pas le pire sujet à aborder. On pourrait aussi parler des tâches ménagères. On ne va pas le faire.

Beckett a le sens des priorités et tu ne peux qu'approuver. Demander aux autres de vous amener de la bouffe ou des boissons en offrande? Il fallait y penser.

T'es un génie.

C'est dit sobrement mais avec un petit hochement de la tête appréciateur.

J'accepte cette règle et tous les gens que tu ramèneras avec des offrandes.

Est-ce que ça ne va pas refroidir certaines personnes, ça? Bah... ça fera du tri. T'as pas besoin de gens radins dans ta vie. Tu hoches la tête, en réponse à toi-même.

Bon... en soi, je m'en fiche, j'ai un casque anti-bruit et c'est trop bien pour écouter de la musique. Mais on pourrait peut-être ajouter une condition? Du type... prévenir l'autre avant, quand c'est possible? On pourrait inventer un code, on n'aurait qu'à l'envoyer par sms. Un emoji, même... mais genre, un emoji subtil.

Rangez tout de suite vos fruits et vos légumes. Dans un timing tellement parfait qu'il semblerait calculé, tu te retournes en souriant poliment:

Bonjour madame, une tartelette aux pêches s'il vous plaît.

▌Gus est un héros. C'est complètement débile mais c'est typiquement le genre de compliment pas sérieux qui te rendent tout joyeux. Alors tu souris Gus, tel un Superman en carton, et en entrant dans la boutique tu te sens plus confiant qu'avant. Le choix incroyable de pâtisseries t'accapare un instant, avant que la conversation ne revienne sur le sujet des invités potentiels. A priori ça ne va pas se bousculer au portillon, c'est pas plus mal, tu tiens à ta tranquillité. Le critère de sélection de Beckett te fait doucement rire, tant pis pour la vendeuse. C'est très terre-à-terre mais empreint de logique. Le romantisme, c'est pour les riches.

C'est malin... Alors si je rencontre quelqu'un de riche, je te le présente. Sauf si je lui mets le grapin dessus le premier!

Non parce qu'il a entièrement raison en fait. Se faire entretenir c'est un concept intéressant. On a toujours besoin d'argent. Et puis, le modèle patriarcal de l'homme qui travaille pour subvenir aux besoins de toute sa famille, c'est éculé. Sauf si tu viens d'une très vieille famille de sang-purs, peut-être, mais c'est pas ton cas.

Les gallions ne font pas le bonheur, mais comme on dit par chez nous, ça fait moins mal au cul de pleurer sur un Vif Éclat à 90 gallions que sur un vieux Comète...

Les sorciers sont de grands poètes.

Beckett a la bonne idée de se renseigner auprès de la vendeuse pour trouver ce que vous cherchez. C'est donc un merveilleux et une tartelette sous le bras que vous repartez vers votre objectif. Y'a pas à dire, c'est tout de suite plus motivant d'écumer les brocantes avec la perspective d'un estomac bien rempli! La vendeuse sait ce qu'elle fait, elle a mis deux couverts. Tu goûtes volontiers le gâteau de ton colocataire, avant de lui tendre une part de tarte, s'il veut. En marchant, tu réfléchis au code. Aux codes, au pluriel.

Un emoji bière par exemple? Et quand je rentre avec de la bouffe, je peux envoyer un emoji pizza! Figures-toi que j'aime bien faire une partie du chemin depuis ste-mangouste à pied, en partie parce que je passe devant ce kebab, il paye pas de mine mais il a l'air incroyable, c'est toujours bondé, en plus il ouvre tard... je me suis encore jamais arrêté, mais un jour...

Un jour... Tu rêvasses un peu en mangeant ta tartelette, alors que vous vous rendez à la brocante du quartier. Dans un petit square à l'écart des rues principales, des bancs, quelques arbres, et les habitants qui ont installé leurs petits stands, parfois simplement des nappes à même le sol. Il y a de tout, du gros meuble en bois ancien à la vaisselle en porcelaine fleurie bien kitsch, en passant par les livres et les jouets pour sorciers. Ce n'est pas si différent d'une brocante moldue, probablement... si on excepte quelques menus détails. Comme ce livre d'image qui tourne ses pages tout seul, ou ce mobile pour bébé qui flotte dans les airs. Tu passes devant une dame qui vend de vieux meubles, intéressé. Il y a du mobilier de salon, dont un vieux canapé. Il a l'air en bon état. En très bon état, même. Tu te demandes pourquoi il est là. La propriétaire vous repère tout de suite, bien sûr. Deux jeunes à l'air étudiant, fauchés, la cible idéale, quoi.

Celui-là est à moitié prix.

Encore plus louche. Tu souris, amusé:

C'est quoi le piège?

Tu dis ça pour plaisanter, mais la dame te regarde très sérieusement avant de répondre, lugubre:

Il est hanté.

Ah. Ah. Oui vraiment ce n'est pas le genre de meubles qu'on trouve dans les brocantes moldues...

Je vous le fais 15 mornilles. Avec ce miroir en prime.

Ledit miroir est recouvert d'une vieille nappe. Il a l'air vieux, poussiéreux. Gratuit? C'est probablement hanté aussi. Tu te tournes vers Beckett, dubitatif. T'es presque tenté d'accepter, pour la science. Mais on n'embarque pas des meubles hantés sans savoir dans quoi on met les pieds.

Quand vous dites hanté...?

Il va falloir qu'elle soit un peu plus explicite, cette dame. Tu croises les bras avec un air sérieux. Pas question de passer pour des pigeons.
15 mornilles, quand même...
À ce prix-là, c'est donné.

▌Tu savais déjà qu'une coloc avec Beckett serait une bonne chose avant d'accepter, mais maintenant que vous en êtes à parler de l'organisation et du quotidien, tu en es absolument convaincu. C'est une des meilleures décisions de ta vie. C'est pas uniquement parce que vous parlez de bouffe, non, mais t'es quand même très enthousiaste sur ce sujet:

Ouais! J'aime tout ce qui est épicé...

Tu aimes à peu près tout ce qui se mange en fait. Du take away... le rêve de tout flemmard. Oui, décidément, tu as pris une bonne décision en emménageant avec ton ami Beckett.

Choisir ses meubles devient tout de suite plus épique quand ils sont hantés. Tu as beau avoir grandi dans le monde magique, ce n'est pas une possibilité qui t'avait traversé l'esprit. Ce n'était pas ce à quoi tu t'attendais en partant en quête de meubles ce jour-là, mais... well. Pourquoi pas? Ce canapé est tellement peu cher que rien n'empêche de le prendre en attendant d'avoir un peu plus de moyens. Si ça se trouve, ça va bien se passer. L'engloutissement de petits-enfants n'est pas au programme.  Tu te demandes vaguement s'il s'attaquerait aux animaux aussi. C'est que vous avez une demie colocataire supplémentaire: Spoutnik. Peut-être que ça fonctionnerait avec les animaux puisqu'ils ne peuvent pas se montrer impoli avec le canapé. Pas comme des enfants. Sauf s'ils font pipi dessus... Enfin, Spoutnik, c'est la responsabilité de Beckett, et puisqu'il ne soulève pas le problème... Tu gardes tes réflexions pour toi. Tu es très intrigué de savoir quel genre de critiques pourraient amener un canapé hanté à avaler ses occupants. Peut-être qu'il y a des sujets sensibles? Ce serait intéressant de le découvrir.

Pour la science?

Tu reviens vers le canapé alors que Beckett s'entretient avec la dame au sujet du miroir gratuit. Tu tends le bras, incertain, avant de poser ta main sur l'un des accoudoirs.

Joli canapé.

Gentil canapé. Pas manger Gus. Bien évidemment, rien ne se passe (t'es pas assis dessus) et ton colocataire se sort de tes pensées. Tu t'approches du miroir, intrigué. Ton reflet te renvoie ton regard et tu fixes Beckett à tes côtés, perplexe, avant de capter qu'il y a une autre silhouette derrière vous. Dans le miroir, pas dans la réalité. Une voix désincarnée, un peu hautaine, s'exclame alors:

Qu'est-ce que c'est que ce manteau tout miteux?

Tu baisses le nez sur ta tenue, puis tu fixes le reflet derrière vous.

Bien sûr que le miroir serait maudit lui aussi, à quoi tu t'attendais?

Tu te tournes brièvement vers la vendeuse, pour voir sa réaction. Elle a presque l'air dépité. Pas toi. On pourrait penser qu'un miroir aussi critique vis-à-vis du physique de ses propriétaires te rebuterait, mais ton ego est habitué. Il ne prend pas en compte ce genre de choses. Enfin, presque. Tu te demandes quel genre d'esprit a pu se retrouver enfermé dans un tel objet. Un critique d'art peut-être? De mode? Tu te penches vers Beckett pour lui parler sans que la vendeuse entende:

On est d'accord qu'on va l'adopter?

Avec le canapé, évidemment. Non seulement ce sont des meubles dont vous avez besoin, mais en plus, ce sera très intéressant à observer au quotidien. Et puis ils ne sont pas dangereux. Sauf le canapé, mais tu es décidé à l'apprivoiser. Pour la science. Ça ne fera toujours que deux colocataires et demie de plus... et ça animera vos journées.

Ils ont un nom?
Euh... ce sont des meubles...
On peut leur donner des noms alors?

La vendeuse ne semble pas saisir l'intérêt. En fait, elle ne semble pas voir toutes les possibilités que la possession de meubles hantés implique. Vite, il faut vous décider avant qu'elle ne réalise qu'elle est passée à côté d'une grosse opportunité! Elle risquerait d'augmenter le prix. Tu sors ton porte-monnaie.

Tu as vu d'autres choses, Beck? Pas forcément hantées...

Tu as remarqué qu'il traînait un peu derrière toi tout à l'heure, peut-être qu'il a repéré d'autres objets intéressants. La journée est soudain devenue très productive, autant continuer sur cette lancée.

▌Finalement le fait que le canapé de la dame essaye de manger ses petits-enfants ne t'étonne plus du tout. Même s'il n'était pas hanté, il mériterait un minimum de respect. D'accord, tu ne donnes pas de nom à ton lit, mais tu l'aimes comme si c'était un véritable ami! Tout le monde n'a pas la même vision des choses, malheureusement... Mais tu sens, dans le regard et le ton de Beckett, que c'est son cas aussi. C'est pas pour rien que c'est ton coloc! Tu te tournes vers le miroir pour lui demander son avis, en parlant un peu fort, comme si c'était un vieux monsieur dur de la feuille:

Bonjour monsieur, comment vous vous appelez?
Mêlez-vous de vos affaires !
Mmh, ça doit vouloir dire qu'on peut choisir...

Tu souris à ton ami, malicieux. Tu n'as pas d'idée là, tout de suite, mais tu es sûr que Beckett sera très inspiré. Ce dernier parcourt du regard le reste de la brocante et tu te demandes ce qui a attiré son attention plus tôt. Finalement, c'est... incroyable, oui... c'est son côté raisonnable qui parle. Tu ne savais même pas qu'il en avait un.
Bon, t'es mauvaise langue.
Bien sûr que Beckett est raisonnable.
Des fois.
Tu as presque envie d'embarquer la table qu'il regarde, rien que pour lui faire plaisir, mais c'est vrai qu'elle est un peu chère.

Des palettes, c'est très bien. Ça donnera un petit style industriel à notre appart... mais version pauvre!

Tu hausses les épaules:

Et t'en fais pas pour ça, ça presse pas. Quand tu seras riche et célèbre... ou marié à quelqu'un de riche et célèbre... D'ailleurs, tu as un petit job en ce moment?

Tu te retournes pour payer la dame, avec un petit sourire. En vérité, tu ne doutes pas que Beckett Campbell puisse devenir riche et célèbre par ses propres moyens, puisqu'il est déjà cool et génial... dans le genre génie incompris. Il faudrait juste que le reste du monde soit au courant, et ces choses-là peuvent prendre du temps.

Il prend le miroir et tu te tournes naturellement vers le canapé, soudain perplexe. Tu visualises votre immeuble, ses couloirs étroits entre chaque palier. Et pas d'ascenseur, évidemment, sinon où est le fun? Vous habitez tout en haut. Heureusement qu'il n'y a que trois étages. Quand on est aussi peu sportif que toi, c'est déjà trop. Ça va te muscler les jambes de vivre là, tiens...

Avec un Reducto, peut-être...?

Question muette: rassure-moi Beckett tu sais lancer un sort de rétrécissement? parce que j'ai pas appris ça en cours de magie sans baguette. Tu remarques son regard sur le sac magikéa, et tu te rappelles alors qu'il est sans fond. Tu le poses au sol, ouvert. Oui, ça devrait le faire. Tu vas peut-être juste retirer le micro-ondes d'abord. Et la plante. Tu prends le sac par les sangles et tu l'ouvres sur le canapé maudit.

Désolé, ça risque de secouer un peu... on vous emmène avec nous.

Tu ne sais pas pourquoi mais tu as décidé de le vouvoyer. C'est plus poli. Est-ce que le sac va manger le canapé, ou le canapé va-t-il manger le sac? Dans le doute, tu essayes quand même de lancer des Reducto en tirant dessus pour le faire entrer:

Reducto! Reducto! Redu... cto?

T'as l'air complètement ridicule en partie perché sur le canapé, mais c'est pas la dame qui va te juger, elle vient enfin de se débarrasser des meubles hantés. Soudain, tu sens ton pied s'enfoncer entre deux coussins. Ah, mais! T'es débile en fait? Tu retires le pied, et dans un horrible bruit de succion ta basket disparaît.

Ma Converse!

Finalement, c'est le seul scénario que tu n'avais pas prévu qui est arrivé: le canapé a goûté à ta vieille basket tout élimée, et il l'a mangée. Un petit grondement s'ensuit. Il a l'air d'avoir aimé ça, en plus! Tu sautes au bas du meuble pour ne pas te faire manger en entier et tu te baisses.

S'il vous plaît, rendez-moi ma basket...

Traîner un énorme canapé sur trois étages dans des escaliers étriqués, tu pourrais le faire avec beaucoup de volonté... mais pas en chaussettes, Merlindammit!

▌Beckett comme prévu est un génie: Jérémy. Jérémy le miroir. Tu ne peux qu'approuver, en silence, la qualité de ce nouveau nom. Tu ne sais pas si l'esprit dans le miroir est d'accord avec vous, mais il n'avait qu'à être plus poli. Maintenant et pour toujours, il s'appellera Jérémy.

Il y a comme un léger malaise quand tu mentionnes le travail et tu le regrettes aussitôt. Tu sais que ton colocataire a fait plusieurs petits boulots, et que ça ne s'est pas toujours bien terminé, puisqu'il change à chaque fois... Ces temps il est souvent à la maison, rien que tu ne lui reproches, d'ailleurs. Quand tu rentres le soir, le ménage est fait et parfois même il a fait des pâtes! Tu ne voulais pas insinuer quoi que ce soit de négatif dans ta question. Tu espères juste qu'il trouvera quelque chose qui lui convient au final. Tu balayes sa promesse d'un petit mouvement de la tête:

Désolé, je voulais pas te mettre la pression. T'inquiète pas pour ça, je te fais confiance!

Tu es persuadé qu'il tiendra parole quand il aura enfin trouvé chaussure à son pied. En parlant de chaussure... Beckett est le courage incarné. Il plonge le bras dans le canapé, un risque que tu n'aurais même pas songé à prendre. Ça, c'est la différence entre lui et toi. Quel homme. Quel sorcier. Quel légende! Tu es tellement soufflé par sa bravoure que tu oublies qu'il vient de se moquer de toi... Franchement s'il récupère ta basket, tout est pardonné, Beckett. Même les paquets de clopes qu'il te chourrait à Poudlard.

Tu aimerais l'encourager mais tu ne peux que serrer les poings et grimacer de dégoût en espérant que ton colocataire ne va pas perdre un bras. Au-delà du fait que ce ne serait pas pratique pour ramener le canapé, t'as pas ta trousse de secours de médicomagie sous la main. Note à toi-même: rajouter une trousse de médicomagie dans le placard de la salle de bains.

À quel point le canapé est-il profond? Y'a-t-il tout un écosystème qui vit là-dessous? Existe-t-il un portail vers une autre dimension? Tant de questions, si peu de réponses, quand finalement: une chaussure réapparaît! Et le bras cra-cra de Beckett avec. C'est... la même couleur que ta converse. Juste plus sale et moins confortable, tu supposes. Tu la prends du bout des doigts. Pour la forme, t'essayes de la mettre, mais c'est vraiment par respect pour l'héroïsme et le sacrifice de Beckett. Toi aussi tu l'aimes, mais tu vas pas attraper le tétanos pour autant.

Merci. Je... je vais garder ma chaussette.

RIP chaussette. Tu mets quand même la ballerine dans le grand sac, au cas où t'as finalement trop mal aux pieds sur le chemin du retour. Peut-être que vous retrouverez la Converse plus tard. En attendant, il paraît évident que ce canapé a besoin d'un grand nettoyage en profondeur. Tu connais des tas de sorts pour ça. Il n'est pas prêt à ce qui l'attend, ce petit malotrus en tweed. Il est minuscule maintenant, au fond du sac, et y'a plus qu'à ranger le micro-ondes et repartir. Tu n'oses même pas remercier la dame, c'est Beckett qui a fait tout le taff.

Attends, tends ton bras.

C'est un peu ce qu'il fait déjà. Pour le coup, tu connais un sort sans baguette pour désinfecter tout ça. Les sorts d'attraction et de soin c'est un peu la première chose que tu as apprise. Être un flemmard, mais un flemmard qui connaît son job: le bon compromis.

Normalement ça pique pas.

C'est un sort pour désinfecter les surfaces, en fait, mais lancé sans baguette, c'est moins puissant. Ça devrait le faire. Tu examines l'état de son bras, un peu trop brillant peut-être... mais propre. Ultrapropre.

Bon, ça fait assez d'aventures pour une journée, là... Rentrons installer tout ça et... baptiser le canapé maléfique. Je propose Olga.

Jeremy Roir et Olga Napé. Yes. Deux génies et deux meubles hantés.